Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

“Pride is all I have.”

V'hallys x Nachtgewalt

L’étonnant corbeau sembla surpris de l’identité du printanier déchu – et plus en bien qu’en mal. V’hallys s’attendait à ce que son nom et son ascendance fasse réagir son vis-à-vis, néanmoins il n’aurait pas misé sur ce type de réaction. En fait, il s’était même plutôt préparé à une diatribe défendant son honneur et son nom, mais cela ne serait visiblement pas nécessaire. Il était flatté de voir que le souvenir de sa mère avait laissé autre chose que de l’amertume dans certains cœurs. Mais le sourire carnassier du loup le laissait légèrement suspicieux quant à ses intentions, même s’il sentait son cœur chavirer à l’évocation du trône printanier.

« Je suis Mealladh. Mais tu peux m'appeler Ladh. »

V’hallys haussa les sourcils ; c’était un nom peu courant, mais après tout lui non plus n’avait pas un nom classique. Ladh ce serait, donc ; il se demanda si une signification particulière se cachait derrière ces syllabes aux consonances aspirées. Avant de pouvoir pousser davantage ses réflexions sur le sujet, V’hallys se sentit glisser légèrement. Ils avaient en effet atteint le cœur du chemin de glace, là où plus aucune aspérité rocheuse ne pourrait les rattraper en cas de chute incontrôlée. Après quelques mètres, ou quelques centaines de mètre – il n’aurait vraiment pas su le dire, tout concentré qu’il était sur sa marche, tentant de garder aussi bien l’équilibre qu’un minimum de dignité dans sa progression – ils posèrent patte sur les rochers de leur découverte insulaire.

Le cœur battant la chamade, V’hallys se sentit envahi d’un sentiment de béatitude totale. L’adrénaline se mit à faire vibrer son corps ; jamais il n’avait vécu pareille expérience, celle d’être le premier à marcher sur une terre vierge. Aucun loup vivant à l’heure actuelle ne pouvait probablement se targuer d’en avoir fait de même, du moins sur les terres de Four Seasons ; il ne réalisait pas l’ampleur de ce qui se passait. Au loin, des silhouettes progressaient également ; le sang pulsant à ses oreilles, un sourire jusqu’aux oreilles, V’hallys se tourna vers son compagnon de route. Ils étaient les premiers ! Songeant aux Printaniers qui fouleraient cette terre en seconds, au mieux, les pensées de V’hallys vagabondèrent vers sa mère. Oh, comme elle aurait aimé être ici, être de ceux qui auraient eu l’indicible joie et honneur de découvrir ces nouveaux horizons ! C’est l’île des myosotis, songea-t-il : c’était comme une évidence, le moindre des cadeaux qu’il pouvait faire à celle qui lui avait tout appris. Se tournant vers son camarade de voyage, il s’exclama :

« Sens-tu toi aussi cette joie dévorante qui brûle tes veines ? Ma mère aurait adoré partir à la conquête de ces terres, j’en suis certain. Que dis-tu d’offrir son nom à cette île ? »

Il se sentait revigoré, animé d’une force nouvelle, comme si le fait d’avoir foulé un sol vierge lui avait enfin, après toutes ces années d’errance, donné un but. L’exploration, la découverte, la conquête : voilà ce qui animait maintenant son jeune cœur naïf.

“Pride is all I have.”

V'hallys x Nachtgewalt

Il était conciliant, ce Ladh : il avait accepté sans broncher qu’on nomme cette si jolie découverte après Myosotis. Cela dit, il ne semblait pas particulièrement porter Seira dans son cœur, comme bien des loups sur Four Seasons au final : peut-être même certains Printaniers remettaient-ils son règne en cause, après tout ? V’hallys avait entendu que c’était par l’action de printaniers que la guerre avait été évitée, malgré le bellicisme de l’Alpha ; il y avait donc des divergences au sein même du clan. Cela vaudrait la peine de vérifier le jour où il serait bienvenu en terres printanières.

Pour l’instant, il était confronté à un autre type de terre, hostile pour des raisons différentes. Si personne ne s’opposait ici à sa venue, c’était la nature elle-même qui rendait ardue la conquête du territoire. Cette île n’était rien d’autre qu’un immense, énorme, imposant rocher posé au milieu de flots agités. Quelques plantes sèches poussaient le long de la roche, mais ce n’étaient pas le genre de plante auquel il est bon de se frotter : les épines aurait tôt fait d’arracher des lambeaux de peau à quiconque serait suffisamment sot pour tenter de passer outre la barrière naturelle qu’elles formaient.

Les poils de l’échine hérissés à cette idée peu appréciable, V’hallys chercha une autre solution. Il pourrait bien sûr user de son merveilleux don qui lui permettait de se transformer sa peau en armure, grâce à des écailles de reptiles. Mais il n’était pas certain que cela même serait suffisant pour traverser toute la végétation, et son compagnon de route ne possédait probablement pas de capacité similaire ; ils seraient donc contraints de se séparer, et même si V’hallys n’appréhendait pas l’idée de poursuivre seul sa route, il était curieux de ce que Ladh aurait à lui dire.

« Passons par ces rochers, là-bas ! Ce sera plus simple que de passer par ce labyrinthe de ronce. Du haut de l'île, nous devrions trouver notre prochaine destination. »

V’hallys hocha la tête : il était plus sage de tenter une ascension par les pans rocailleux, qui au moins, même s’ils semblaient assez instables, auraient le mérite de ne pas les faire saigner à mort. Lui-même étant en excellente forme physique, il ne s’inquiétait pas de réussir à sauter avec agilité de rocher en rocher. Il se demandait en revanche comment le vieux Ladh rabougri entendait y parvenir, tout flétri et raide qu’il semblait. V’hallys sauta agilement sur le premier rocher ; il n’était pas des plus stables, et il se pressa de bondir sur un autre, légèrement en hauteur, avant que celui-ci ne bascule. C’était un jeu d’équilibriste et de rapidité en même temps, auquel il était plutôt bon. Il atteint en quelques bonds supplémentaires une corniche implantée dans le rocher qui était ici si raide qu’on eût dit une falaise. En profitant pour reprendre son souffle, il cria dans le vent :

« Tu te débrouilles, Ladh ? Tu penses vraiment que l’on peut atteindre le sommet de l’île de la sorte ? »

Il n’était pas encore trop tard pour faire demi-tour et trouver un autre itinéraire s’il se sentait physiquement en difficulté. Même V’hallys doutait pouvoir atteindre le haut du plateau en jouant ainsi à saute-moutons avec les buissons d’ajoncs et les ronces ; mourir bêtement au milieu de ces rochers et de cette végétation ne faisait pas partie du programme initial de sa journée.

“Pride is all I have.”

V'hallys x Nachtgewalt

V’hallys avait à peine eu le temps d’être surpris que le loup aux yeux laiteux ait une alternative à offrir qu’il l’avait déjà agrippé par l’épaule ; le prince printanier eut un mouvement de recul immédiat, à la fois par réflexe et à cause du sentiment de danger qui avait refait immédiatement surface au contact de l’étrange Ladh. Alors qu’il s’apprêtait à se dégager sans ménagement de sa poigne de fer, il l’entendit murmurer des mots étonnants, aux consonances gutturales, et il se sentit basculer dans le vide. Son cœur s’emballait mais déjà il avait les pattes sur un sol ferme ; ses antérieurs trébuchèrent légèrement comme s’il s’était apprêté à chuter. V’hallys regarda autour de lui, troublé. Il aperçut la corniche où ils se trouvaient exactement quelques secondes auparavant. C’était de la belle magie que Ladh venait d’effectuer, indéniablement. V’hallys reporta son regard sur lui : il était partagé entre la gratitude pour la difficile escalade qu’il venait de leur épargner et le ressentiment d’avoir été ainsi transporté – et touché – sans qu’il ne le lui ait demandé. Serrant les dents, le solitaire grogna :

« La prochaine fois, demande-moi avant de refaire ça. »

Il détourna le regard. La méfiance que l’euphorie de la découverte avait dissipée était revenue au galop. Son instinct lui soufflait de rester sur ses gardes, d’autant que plus ils progressaient, plus le loup sombre avait des comportements subversifs. Il en vint à lui demander les raisons de cette aventure, et V’hallys prit son temps pour répondre, dissimulant toutefois sa réflexion derrière l’examen de la paroi à laquelle ils allaient ensuite devoir s’attaquer : comme s’il était absorbé par la vision de leur prochaine épreuve, il garda quelques instants précieux de réflexion.

« Comme beaucoup, j’ai envie de voir si les rumeurs disent vrai. Je n’ai pas encore décidé de ce que je ferais de la Chimère si je tombais dessus… »

Fondamentalement, c’était vrai : il aurait plusieurs options s’il atteignait le graal de leur quête. Il pourrait l’utiliser comme argument pour plaider sa cause auprès de Seira, ou au contraire en profiter pour la faire tomber. Il ne se sentait pas encore réellement prêt à demander la tête de l’Alpha printanière pour satisfaire son envie de réintégrer le clan, et un tel choix serait probablement prématuré et stratégiquement peu malin.

« Cela dit, quoique j’en fasse, elle me donnera un avantage certain. Je ne vais pas te cacher espérer réintégrer le Printemps et faire honneur à l’héritage de ma mère. »

Ladh interpréterait ces mots comme il le souhaiterait, ce n’était pas le problème de V’hallys. Le vieux loup noir se moquait d’ailleurs probablement de ces enjeux : il n’était sans doute qu’un solitaire usé par la vie de vagabond que les questions de trône dépassaient complètement. Reportant son attention sur le rocher, refusant de se laisser gagner par le désespoir face à cette ascension qui ne semblait jamais vouloir finir, il se demanda si son compagnon de route pourrait réitérer l’exploit de les emmener plus haut en un battement de cils. C’était plutôt souhaitable, d’autant que les épreuves à venir demanderaient probablement d’être en forme.

“Pride is all I have.”

V'hallys x Nachtgewalt

« Réintégrer le Printemps ? C'est petit : avec la Chimère, tu devrais être capable d'y régner. J'ignore ce qu'est la Chimère, et à supposer qu'elle existe, son fonctionnement m'est également inconnu. En revanche je sais une chose : si elle doit nous accorder la faveur de ses pouvoirs, je serai ravi que tu l'utilises pour tes desseins... Uniquement si ces derniers vont plus loin qu'une commune histoire de réintégration. »

V’hallys l’observa sans sourciller, même si c’était la tempête entre ses deux oreilles. Les paroles de Ladh faisaient évidemment grand écho en lui, mais il n’était pas assez sot pour se soumettre directement à la tentation. Bien sûr qu’il se voyait déjà régnant sur le printemps, et bien mieux que Seira ; mais sa courte expérience depuis son retour sur Four Seasons, ainsi que ce qu’il avait retenu de ses discussions avec sa mère lorsqu’il était encore adolescent, il fallait être fou pour partager ses rêves de grandeur avec quelqu’un – d’autant plus un inconnu sorti de la nuit, fusse-t-il un compagnon de voyage utile. Et comment se faisait-il que cet étrange inconnu cède si facilement l’usage de la Chimère à un loup qui était aussi un inconnu pour lui ?

« Je n’ai pas encore eu l’occasion de me confronter à Seira, mais j’espère qu’elle saura se montrer raisonnable face à mes arguments. Elle a monté un odieux coup d’état et sali le nom de ma mère, qui a pourtant redressé le clan après la barbarie d’Oxymore. Je refuse de m’abaisser à son niveau en ne lui laissant pas la possibilité de se battre. »

Ce n’était que pure vérité : il ne s’abaisserait pas à commanditer un assassinat à la Chimère. S’il devait challenger l’autorité de celle qui avait émergé après le départ de Myosotis, ce serait avec honneur. C’était en partie pour des raisons nobles et chevaleresques, mais son côté calculateur savait également que, s’il devait sortir gagnant de cet affrontement, il serait bien plus difficile d’être légitimé par le peuple printanier et par les autres clans s’il avait usé de méthodes déloyales.

Il reprit l’escalade aux côtés de Ladh. Au fur et à mesure qu’ils progressaient, une forme se dégageait en haut : ils distinguèrent bientôt un étrange pilier de bois battu par les vents insulaires. Il devint rapidement impossible de parler, tant le vent claquait dans leurs oreilles ; une fois arrivés au sommet, il serait plus aisé de reprendre leur discussion pour le moins… inattendue.