Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Je saute lourdement sur le sol, non sans quelques craquements produits par mes articulations tendues. La nuit a été difficile, il a fait particulièrement frais, et la légère rosée du matin n'en a été que plus désagréable. Je m'ébroue de l'échine au bout des pattes, mais mon poil est encore humide. Je lève la tête au ciel, aujourd'hui est un temps gris et maussade, et l'air est chargé d'humidité, aucune chance que mon poil sèche avant des heures si ne fais rien. Je me dirige à l'entrée de la forêt et me frotte aux buissons. Rapidement, les feuilles se retrouvent mouillées à l'inverse de ma fourrure, qui dégage quant à elle une douce odeur, provenant probablement des jolies fleurs blanches éclosent sur l'arbuste.

J'inspire, puis soupire. Je n'ai aucune idée de comment va se dérouler cette nouvelle journée, et je suis fatiguée de vivre dans le floue. J'aimerai pouvoir dire que demain est un jour meilleur, mais c'est faux. Voilà quelques jours que nous avons rapporté au foyer lapin et oiseau, mais depuis aucune autre bonne nouvelle. Des chasseurs se sont rendus là où nous avions indiqué, Artémis et moi, l'emplacement du terrier, et d'autres ont été découverts dans le même périmètre. Cependant aucun lapin débusqué. Pourtant l'odeur de rongeur est très clairement identifiable dans ces trous, des excréments ont également été trouvés... C'est incompréhensible et ça me rend folle...  

Aujourd'hui, je pense que je vais me laisser porter par le vent. Continuer vers le Nord, mais peut être davantage vers l'Ouest. Tout d'abord parce que je n'ai pas encore été dans cette direction, et ensuite parce que la jungle semble être moins dense de ce côté. Peut être trouverai-je la mer plus tôt que si je fonce tout droit au Nord. Je tiens absolument à accéder à la plage. Pour beaucoup de raisons, mais plus le temps passe, et plus une sort du lot : Les îles que je pense avoir aperçu depuis le roc de la clairière fleurie, il y a sûrement un moyen d'y accéder. Peut-être trouverons nous des ressources plus intéressantes sur ces îles, peut être l'environnement sera-t'il plus accueillant et prospère ?

Un gargouillis m'extirpe de mes réflexions. Cette fois, hors de question de quitter le campement sans avoir mangé. Je n'ai aucune idée de si je trouverai ou non de quoi me nourrir sur le chemin, mais mieux vaut ne pas prendre de risques lorsqu'on part vers l'inconnu.

Je me dirige vers le garde manger, saluant quelques compagnons sur ma route, je n'en reconnais que très peu. Certains que je ne connais pas du tout, et d'autres qui changent tellement jours après jours qu'ils en deviennent méconnaissables. Je serais curieuse de voir mon avant et mon après, mais certainement que ça ferait peur...
Un large tronc creux fait office de réserve pour la nourriture, il est à moitié rempli, ou à moitié vide selon l'état d'esprit... Une chienne s'occupe de la distribution des vivres. Elle est maigrelette et a le teint très pâle, en plus de ses yeux cernés. Pas certaine qu'elle serait en mesure de défendre la réserve si un loup affamé et énervé venait réclamer plus que ce à quoi il a le droit. Pourtant, lorsqu'elle m'adresse la parole, elle a un ton affirmé et dur, surprenant en comparaison à sa fine silhouette. Elle me donne ma part, quelques baies, une pomme à peine mûre et un genre de pâton fabriqué probablement avec des tubercules. Première fois qu'on me sert ça, mais pourquoi pas. Je la remercie et prends mon paquet avec moi. Je vais aller manger un peu plus loin, le campement se réveille petit à petit, et déjà un brouhaha général s'élève.

Je m'enfonce dans la forêt et trouve un peu plus loin un rocher recouvert de mousse. L'endroit sera parfait pour savourer ce qui sera probablement mon seul repas de la journée. Je soupire une fois de plus, espérant que la journée sera prometteuse ou tout du moins pas mauvaise.

Je sursaute légèrement lorsqu'une louve aux tons beige, rouge et noir atterrit à quelques mètres de moi. J'avale avec difficulté mes baies et manque de m'étouffer. Après avoir déglutie je toussote une fraction de secondes. Je lève la tête pour voir d'où la louve a bondi, la branche se situe à au moins deux ou trois fois ma taille plus haut, sacré rattrapage au sol... Enfin après tout, la beige est plutôt de grande taille - encore une, ça ne devait donc pas être bien difficile pour elle.

« Ah... Bon appétit! Jenn, c'est ça? »

Je termine rapidement mon repas, m'essuie la bouche et me relève en m'ébrouant sauvagement. Ses étranges yeux enflammés et plongés dans le noir me transpercent, mais son expression ne laisse rien paraitre. J'ai l'impression d'être complètement nue et cette sensation n'est que peu agréable.
Une fois de plus, il me semble avoir déjà aperçue cette louve dans le campement, ainsi que lors des réunions d'exploration, mais impossible de me souvenir de son nom... Quelque chose comme Donocla, ou Arvoclès... Il ne me semble pas et je me sens rougir par la gêne, étant donné qu'elle connait mon nom à moi...

Je secoue la tête afin de lui signifier qu'elle a raison.

« Tu explores aussi, aujourd'hui ? On pourrait faire route ensemble, si ça te dit. »

Effectivement j'avais bien prévu d'explorer aujourd'hui, décidément peut être bien que ses yeux sont capables de lire à travers mon esprit. Cela me rend encore davantage mal à l'aise, et je place ma queue vaporeuse le long de mon corps afin de - entre autre, me cacher. Je la fixe, espérant tant bien que mal de décrypter son expression, mais elle reste impassible.
A nouveau je secoue la tête afin acquiescer. Je ne sais pas si je serai ou non de bonne compagnie en cette grise journée, mais pour une fois que quelqu'un souhaite m'accompagner en exploration, je ne vais pas refuser. Le temps sera moins long, et peut être aurons nous besoin d'être deux pour trouver l'accès à la plage.

Ayant baissé les yeux durant ma réflexion, je remonte le regard en direction de la louve. Cette fois-ci, c'est tout mon corps qu'elle dévisage, mais je ne peux pas tellement lui en vouloir dans ce cas-ci. Il est vrai que mon physique peut sembler bien étrange pour certains, d'autant plus qu'elle ne possède pas de caractéristiques sortant de l'ordinaire - en dehors de ses yeux. Je me retourne brusquement et commence à avancer en direction du Nord-Ouest. La regardant du coin de l’œil, il m'est difficile de dire si elle est surprise ou non de mon mouvement, cependant elle me suit tranquillement, arrivant bientôt à ma hauteur.

« Heu... ça te fait pas mal les bouts de bois là ? Tu veux que je t'aide à les enlever ? »

Je tourne la tête sur la droite, là où la louve se trouve, à la fois étonnée de sa question et amusée. Il faut avouer que je ne m'attendais pas à ce que l'ont me demande cela un jour. Je soupire, un peu rassurée de savoir qu'elle ne pensait qu'à ce genre de chose, et me mets soudainement à rire.

- C'est bien la première fois qu'on me dit ça ! Mais ces petites branches font parties intégrantes de moi, et je n'en souffre nullement... Par contre ce n'est pas très poli de dévisager les gens comme ça...

Je me sens un peu plus détendue, finalement elle n'a pas l'air bien méchante, je me suis fais de fausses idées. Un peu plus à l'aise, mes muscles se décrispent et ma démarche est plus rebondie. Je luis souris légèrement, toujours un peu gênées néanmoins par là situation.

- Tu connais mon nom, à mon plus grand étonnement d'ailleurs car je me fais plutôt discrète en général, mais je ne connais pas le tien.

Plus on s'enfonce dans la forêt et plus l'air ambiant devient humide et chargé des odeurs de la nature. Au sol, la terre est boueuse, imbibée de l'eau tombée cette nuit. La texture argileuse de la terre lui permet de rester accrochée facilement à nos pattes. D'ici peu de temps nous serons dans l'obligation de retirer la couche accumulée, à moins de vouloir nous épuiser inutilement de par la charge supplémentaire.
Au loin, il me semble entendre des oiseaux chanter et s'envoler, mais je suppose qu'il ne s'agit que de mon imagination. Que l'île ne soit pas habitée par des mammifères c'est une chose, mais qu'il n'y ait pas d'oiseaux provenant même d'autres îles ou des anciennes terres de Four-seasons, ça c'est inexplicable et incompréhensible.

- Oh et pour répondre à ta question, en effet j'aimerais explorer le Nord-Ouest de l'île aujourd'hui, pour atteindre si possible la plage. Ne regardant pas devant moi à ce moment là, je marche dans une flaque profonde et manque de m'étaler sur le sol. Heureusement je me rattrape. Mais avec le temps de cette nuit, nous risquons d'être ralenties.

Une goutte tombe sur mon museau, puis deux. La pluie semble revenir. Heureusement sous les feuillage de la jungle, nous sommes plus ou moins à l'abri.

La louve inspecte rapidement ses pattes, retirant la couche de terre s'étant accumulée en l'espace de seulement un ou deux kilomètres. Décidément la journée s'annonce rude et fatigante, et plus que jamais je souhaiterais revenir quelques semaines en arrière lorsque tout était beaucoup plus simple.

« Ah ça... c'est comme si l'île toute entière voulait nous empêcher de nous installer. »

L'île ou autre chose. Peut être qu'une force dont nous n'avons pas connaissance repousse les proies hors de l'île. Dans tout les cas, quelque chose, appelons le peut être le destin, ne souhaite pas nous voir nous en sortir si facilement. Et plus le temps passe, plus notre dieu Outa-Ranos semble nous avoir abandonné.
Nous marchons encore dans la plus ou moins même direction choisie auparavant. La forêt semble un peu moins dense par ci, et on peut apercevoir par endroits le ciel couvert de gris. A ces endroits on peut mesurer l'intensité de la pluie qui tombe, et de grosses flaques comme celle précédemment se forment rapidement.

« Au fait, avant tout ça, tu faisais partie d'un- »

Damoclès, car tel est son nom, se stop net. Intriguée, je m'arrête également et la regarde. Elle semble avoir remarqué quelque chose d'inhabituel, et tous ses sens sont en alerte. A mon tour, je tourne le regard de la droite vers la gauche et inversement, sans pour autant voir quoi que ce soit. Mes oreilles sont tendues, mais pas de bruits. Enfin, je hume l'air et crois comprendre le comportement soudain de ma partenaire. Parmi les nombreuses odeurs présentes dans l'air - mousse, champignons, humidité, une fragrance se détache du reste et m'est inconnue.

« Je sens une présence... »  

Je hoche la tête pour lui signifier que comme elle, je sens quelqu'un ou quelque chose d'anormal. A l'instar du lapin du début de semaine, mon instinct m'indique d'être vigilante. Doucement, je m'accroupis et me fige à quelques centimètres du sol, prête à bondir au moindre mouvement ou bruit suspect.
Les conditions météorologiques combinées à la densité de la végétation empêchent la lumière de passer, et il est difficile de distinguer les formes et les couleurs au loin, et ce malgré mes capacités visuelles. Pour résumer, je ne vois rien de spécial et ma partenaire ne semble pas avoir trouvé grand chose non plus.

Inquiète, je tourne la tête vers elle afin de l'interroger sur la situation. A ce moment là, nous nous retournons à l'unisson, surprises par l'apparition d'un son étrange et peu banal.

Je bondis avec difficulté, mes pattes s'étant enfoncées dans la boue, et je manque une fois de plus de m'étaler sur le sol. Atterrissant lourdement derrière un buisson, je suis étonnée ne n'y voir personne. J'appelle Damoclès, qui suspicieuse regarde dans la direction opposée.

- Il n'y a personne ici, tu as vu quelque chose ?

Cependant en fouillant les buissons, le drôle de bruit survient à nouveau. Je sors la tête des feuilles brusquement cherchant l'origine des cliquetis. Damoclès, m'ayant rejoint entre temps me montre le buisson du museau. J'écarte les branches et extirpe de la végétation un objet bien étrange. Un amas de ficelles, de bouts de bois et de coquilles vides. J'approche l'agglomérat de breloques de mon nez, l'odeur, en plus de celles propres aux objets, correspond bien à celle humée quelques minutes auparavant.

- Quelle est cette chose à ton avis ? Et d'où vient-elle ? Elle n'a pas pu tomber du ciel... ?

Tombée du ciel... Ou tombée d'un arbre. Je lève la tête rapidement, prête à trouver là haut le propriétaire de l'objet... Mais rien.

Un peu déçue mais à la fois rassurée, je redirige mon regard vers Damoclès, attendant sa réaction.

Quelques secondes s'écoulent sans qu'aucune de nous deux ne prononcent un mot. Curieuses certainement, et peut être un peu effrayées -pour ma part en tout cas, par ce que cette découverte pourrait sous entendre, même si j'ai du mal à imaginer une bête féroce se promenant avec un objet pareil.

Là haut dans le ciel, le temps ne semble pas s'améliorer, c'est même de pire en pire. Je ne serais pas étonnée de voir tomber de la grêle vu la couleur de ces gros nuages.
Jusqu'à présent, je n'avais pas fait réellement attention à ma condition, mais maintenant que nous sommes là toutes les deux sans bouger ni dire un mot, je me rends compte à quel point je suis trempée, d'autant que mon poil n'est pas très épais... Mieux vaut rentrer à présent, avant d'attraper la crève.

« Je crois qu'il va falloir remettre à plus tard l'exploration du nord-ouest... on ferait mieux de ramener ça aux bêtas rapidement. »

Un peu déçue de ne pouvoir -une fois de plus, trouver la plage, je me retourne bredouille et hoche la tête pour signifier mon accord. Au final la journée aura quand même été riche en émotions et également en découverte.

J'accroche la breloque à une de mes excroissances, et je constate avec un peu d'amusement sa possible utilité. A chacun de mes mouvements elle émet un concert de cliquetis. D'un pas rapide, du moins aussi rapide que l'état du sol nous l'autorise, nous regagnons le campement. L'après-midi est à moitié entamée et malgré le temps, peu de monde est encore présent ici. Je cherche du regard l'un des trois loups blancs bétas. Jusqu'à présent je n'ai eu l'occasion que d'échanger avec Viehrs, mais je suis certaine que les autres se sentirons tout aussi concernés par la nouvelle.

Plusieurs kilomètres plus tard, à patiner dans la boue et le poil complètement trempé, nous arrivons au campement. L’après-midi arrive quasiment à son terme, mais la luminosité est encore suffisante pour pouvoir distinguer qui est qui. Du regard, je cherche un bêta à qui montrer notre trouvaille et expliquer notre étrange situation de la journée. Après avoir réalisé un petit tour rapide du camp avec Damoclès, nous tombons sur Viehrs. Malgré le temps, son poil est pratiquement toujours aussi éclatant de blancheur, et même si sa fourrure est mouillée comme la notre, cela n’enlève rien à sa splendeur.

- Viehrs ! Nous avons quelque chose d’important à te dire. Tu as un instant ?

Je lève la tête afin de pouvoir confronter son regard au mien. C’est la deuxième fois que je m’adresse à ce personnage, mais il m'apparait toujours aussi intimidant.