Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

La tête posée sur le rebord d'une des fenêtres du phare, je regardais l'infini qui déroulait son manteau immense devant mes yeux. Le bleu du ciel et celui de la mer ne semblait faire qu'un au loin, là où mon regard n'arrivait plus à discerner les vagues. Vagues qui venaient s'échouer sur la plage, dessinant des formes floues une fraction de seconde avant de se retirer laissant la plage vierge de nouveau. Seul l'humidité trahissait leur passage silencieux. La brise m'apportait les nouvelles du large et une agréable odeur salée reconnaissable entre tous. J'inspirais profondément, fermant les yeux pour mieux apprécier le moment. Les images du large défilaient dans ma tête, j'imaginais voler tel un oiseau marin, survolant l'immensité de l'océan et me laissant planer sur les vents de l'est. Ça serait surement une sensation incroyable que de pouvoir voler, mais ma famille n'avait hérité de ce don alors je restais les pattes bien sur terre. Je me redressais en étirant mes muscles engourdis par le froid sol de pierre du phare. Mon regard fut attirer par l'escalier qui menait tout en haut du phare, je n'étais encore jamais monté tout en haut. La vue devait être encore plus incroyable. Mais je n'avais pas le courage de monter en haut seule, une étrange impression de vertige s'emparait de moi à chaque fois que j'étais rendu au milieu de l'escalier, à l'instant où je regardais par une fenêtre. Aujourd'hui peut-être trouverais-je assez de force en moi pour monter tout en haut admirer la vue.

J'avais à peine mis une patte sur la première marche quand un bruit venu d'en bas attira mon attention. Quelqu'un venait d'entrer dans le fort. Un estival selon son odeur de fruits tropicaux, je ne risquais rien. Je reculais d'un pas, abandonnant l'escalier et ma volonté de monter par le fait même. J'attendais de voir qui se trouvait là en même temps que moi. Il faut dire qu'il était rare que je sois complètement seule, toujours sous surveillance à la demande de ma mère qui s'en faisait mine de rien un peu trop pour moi, mais j'aimais bien savoir qui accompagnait mes pas quand cela était possible.

Je me redressais, les bruits de pas se faisant de plus en plus net au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient de moi. Je pouvais entendre les griffes du visiteur qui cliqueter sur le sol de pierre à un rythme régulier. J'inspirai lentement, curieuse de voir si j'arrivais à découvrir l'identité du visiteur avant qu'il n’apparaisse dans mon champ de vision. Tout ce que je pouvais déterminer c'est qu'il s'agissait d'une femelle estivale. Je faisais une bien piètre détective. Heureusement que je ne comptais pas devenir espionne, on m'aurait renvoyé sur le champ. Quand la visiteuse tomba dans mon champ de vision, je n'en menais pas plus large dans mon enquête sur son identité. Je me souviens l'avoir déjà vu auparavant, mais il faut dire que j'avais rencontrer tous les estivaux lors notre présentation officielle à Darwin et moi. Elle s'assit près de moi me souriant avant de prendre la parole.

-Bonjour, Tu es bien Sahondra, non? Tu me reconnais? Je suis Kileen, de ton Clan.

Non, je ne la reconnaissais pas vraiment, mais son nom me disait quelque chose. Ça sonnait doux à mes oreilles. Je lui souris avant de m'asseoir presque face à elle. J'avais l'air petite ainsi assise, mon âge étant l'explication. Étonnamment je n'avais rien à lui dire. Il faut dire que j'étais plongée dans mes pensées quelques instants auparavant et sa visite me prenait au dépourvu.

- Oui, je suis bien Sahondra. Pardonnez-moi, mais je n'arrive pas à bien me souvenir de vous.

J'ignorai pourquoi je m'étais mise à la vouvoyer. Bien qu'elle soit plus vieille que moi une telle preuve de respect de l'autorité sonnait bizarre dans mes oreilles. Mon visage s'illumina d'un grand sourire pour la louve, elle m'avait l'air tout à fait sympathique.

- C'est ma mère qui vous envoie me surveiller?

La question était légitime, après tout ma mère adorait me surveiller. Mon père était un peu plus laxiste sur le sujet, nous laissant vagabonder Darwin et moi tant que nous restions sur le territoire estival. Il disait qu'il y avait bien assez de valeureux estivaux sur le territoire pur nous venir en aide si le besoin se faisait sentir.

Kileen me renvoya mon sourire, le sien étant radieux il mettait en valeur ses grands yeux verts. Je fus soulagé quand elle répondit à ma question.

-Ne t'en fais pas, je n'ai pas tellement l'occasion de la voir, tu sais. Sauf quand il s'agit de m'envoyer sur un autre territoire pour tuer quelqu'un, mais sinon... Je me promenais juste par ici, c'est chouette comme coin pour les balades.

Pour tuer quelqu'un? Mais que donc pouvait faire Kileen dans la vie! Tout cela me donnait quelque peu la chair de poule, mais elle me semblait si amicale que sa bonne humeur en était contagieuse. Elle sautillait autour de moi, faisait voleter ses longues mèches.

- Tu voudrais jouer à un jeu ? Tu devais te sentir triste, toute seule ici...

Un éclat de malice se glissa dans mon regard, un jeu? Bien sûr! Que pouvions-nous faire de mieux en cette radieuse journée? La louve s'éloigna pour commencer à descendre les marches, elle se retourna vers moi avant de mettre la patte sur la première marche.

-Allez, tu viens jouer ?

Si je viens? Bien entendu! Je me relevais d'un bond, soulevant la poussière en même temps ce qui eut pour effet immédiat de me faire éternuer. À cause du mouvement de tête provoqué par mon éternuement, mes longues mèches bleues me retombèrent devant les yeux. Je me sentais un peu bête ainsi. Je secouais la tête pour retrouver la vision et entrepris de suivre Kileen. Ou plutôt de la dépasser en essayant de ne pas trop la bousculer dans les escaliers. Ça serait bête que l'on déboule jusqu'à bas. Ce qui faillit d'ailleurs m'arriver par mon manque d'attention, mais je repris mon équilibre à la dernière seconde. Les apparences étaient sauves!

- La dernière en bas est un escargot!

Je me sentais pleine de joie et d'excitation. J'adorai jouer, mais on ne me le proposais pas souvent. Il faut dire que les nourrices me couvaient comme une poule couve ses oeufs alors je ne pouvais pas souvent sortir seule m'amuser. Cela était néanmoins fort agréable de pouvoir partager des moments en compagnie d'une louve d'environ mon âge.

Les deux gamines couraient dans les escaliers comme des petites folles, se bousculant au passage. Sahondra fut la première en bas, suivit de près par Kileen. Cette dernière s'éloigna rapidement vers la mer laissant à Sahondra le plaisir de sentir les rayons du soleil sur son visage. Tout à son plaisir, la jeune louve avait fermé les yeux, se laissant imprégner par l'odeur du sel et des animaux marins. Elle rouvrit les yeux tandis que Kileen lui parlait.

- C'est moi l'escargot, mais toi tu es une limace, alors!

Un petit rire cristallin échappa à la fille d'Akisa, elle imaginait bien sa compagne de jeu en escargot. Et elle ne put s'empêcher de se faire la réflexion que le sable devait bien coller sur le ventre gluant d'une limace. Elle s'approcha tranquillement de l'eau, savourant la sensation du sable fin entre ses coussinets. Elle observa Kileen nager, elle nageait plutôt bien!

- Allez, viens! Je te promets qu'elle est chaude!

Sahondra retiens un rire, l'eau de la mer était rarement chaude en fait. Le courant froid du fond remontait toujours et vous gelait les orteils après un bon moment dans l'eau. Mais qu'importe, elle irait jouer avec son amie! Elle s'élança, tâchant de le faire avec le plus de grâce possible : échec. Elle s'échoua dans l'eau peu profonde comme une baleine. Elle se sentait soudainement réellement ridicule. Peu importe, elle se redressa et parti rejoindre Kileen à la nage. Les mouvements de ses pattes étaient désordonnés jusqu'à ce qu'elle trouve le rythme de la mer et qu'elle se mette à suivre adéquatement les vagues. Elle rejoint rapidement l'estivale et plongea sous l'eau pour aller lui chatouiller les orteils.

Elle ressorti de l'eau dans une gerbe d'éclaboussures, sa longue mèche bleue lui collait au corps si bien que la louve se secoua pour dégager les mèches tombées devant ses yeux pétillants de malice. Les vagues venaient s'échouer une à une sur les deux compagnes de jeu, les ballottant dans tous les sens. Sahondra se redressa et donnant un fort coup de pattes dans l'eau, juste devant le nez de Kileen pour l'arroser. Elle avait bien du plaisir et cela faisait longtemps qu'elle ne sentait pas si bien amusée!

- T'es un escargot arrosé! dit-elle en tirant la langue à Kileen juste avant d'avaler une grosse gorgée d'eau.

Leçon du jour : fermer la bouche quand la vague s'en vient l'eau de la mer s'est un peu trop salée au goût.

Kileen disparue sous la surface de l'eau. Sahondra la chercha une fraction de seconde avant de sentir des petites dents qui lui mordillaient les pattes. Elle fut prise de surprise et laissa échapper un rire franc, résultat : nouvelle gorgée d'eau. Kileen sorti la tête de l'eau en rigolant.

- Attention au piranha!

Piranha? Qu'est-ce que cela pouvait bien être? Sahondra n'en avait aucune idée. Elle se disait qu'il devait s'agir d'une créature marine qui croque les pattes puisque c'est ce que Kileen venait de faire, mais rien n'était moins sûr. Peu importe, elle s'amusait et c'était cela l'important, pas la signification d'un mot inconnu. Elle aurait amplement le temps de questionner sa mère à ce sujet plus tard. Elle arrosa généreusement la petite louve qui l'accompagnait avant de s'enfuir en nageant avec vigueur vers le large. Elle n'avait pas du tout peur de l'eau, son père lui avait appris à nager il y a longtemps. Ils les avaient amené ici Darwin et elle pour leur première leçon et Sahondra avait adoré. Juste un plus loin se trouvait une petite île de pierres de laquelle on pouvait s'amuser à plonger dans la mer. Elle voulait la montrer à Kileen.

- Viens! Je vais te montrer un endroit génial!

Elle atteignit rapidement les berges de la petite île et monta sur le bord en attendant Kileen. D'ici, on pouvait voir l'horizon bleu infini qui s'offrait au regard. Une immensité bleue qui ne semblait avoir nul fin, mais Sahondra savait qu'il devait y avoir une terre par delà. Les oiseaux venaient de quelque part au large.

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