Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Le territoire estival. Un lieu dans lequel Drakan s'était rarement rendu, simplement parce qu'il n'était pas de ceux qui allaient admirer le paysage. Il ne lui était jamais venu à l'esprit d'aller voir la cascade de Nienor et s'y reposer comme le faisaient de nombreux loups stupides qui n'avaient cure des frontières. Si le loup se rendait ailleurs qu'en territoire hivernal, c'était dans le cadre de son rang de tueur, ou bien pour trouver une âme solitaire pour troubler son ennui. Cette sortie là ne faisait pas partie de la seconde catégorie. Un membre de son clan avait demandé à Drakan de s'occuper d'un estival qui lui avait causé du tort par le passé. Une histoire de famille, d'une louve disparue à cause de lui et tout le tintouin. En théorie, Drakan n'était sensé obtenir des missions que de son alpha, mais contre une récompense il estimait pouvoir se charger de ce que d'autres lui demandaient. En toute discrétion. Il n'exécutait pas la vengeance des autres par simple bonté d'âme.

Le tueur s'était réveillé très tôt de nuit pour faire la route jusqu'aux terres ensoleillées. Il n'avait fait aucun bruit, bien qu'il n'avait rien à cacher. De toute façon, personne ne le suivait jamais, en général les membres de son clan ne s'occupaient pas de ses affaires et c'était très bien ainsi. Quoi qu'il en soit, le plus difficile avait certainement été d’éviter les patrouilles des soldats estivaux pour traverser la frontière. Toutefois, il semblait que sa proie du jour faisait justement partie de ces soldats. Drakan n'avait pas le temps de venir chaque jour pour mémoriser les patrouilles. Et puis peut-être étaient elles toujours différentes. Il comptait se poster à un endroit visité du territoire estival pour attendre l'éventuelle venue du soldat et lui tomber dessus à ce moment là. Il n'avait pas été stupide. Il avait fait en sorte de masquer son odeur hivernale d'une manière ou d'une autre. Se faire passer pour un simple solitaire mercenaire. Bien que cela ne le préoccupait pas tant que ça, il se doutait bien qu'un hivernal tentant de tuer un estival sur son propre territoire causerait quelques problèmes à son clan.

Le lieu choisi par le tueur pour son acte n'était autre que la Cascade de Nienor. Car de nombreux idiots y venaient pour y faire trempette, les patrouilles devaient donc être plus nombreuses. Ce n'était encore que l'aube et le soleil n'était pas encore tout à fait levé, mais avec un peu de chance l'autre viendrait soit pour jeter un œil environ, soit pour se désaltérer.  Il faisait toujours sombre, ce qui semblait être un moment idéal pour se dissimuler et attendre le moment propice. Drakan serait incapable de dire combien de temps il avait attendu. Il était resté parfaitement immobile, respirant calmement et les yeux balayant l'endroit lentement. Il avait choisi un emplacement discret entre deux buissons comme cachette et le vent n'était pas encore levé. Autrement dit de bonnes conditions pour tendre une embuscade. Lorsque la silhouette du loup apparut enfin, Drakan se tendit. Il avait plusieurs options pour le tuer, mais quoi qu'il se passe il ne devait pas utiliser son pouvoir hivernal pour ne pas se trahir. L'estival se désaltérait, ce qui sembla être pour Drakan le moment d'agir. Il s'avança en silence vers sa cible et lorsqu'il fut assez près, il bondit sur lui et le poussa, les deux pattes sur la tête, essayant de toutes ses forces de la maintenir sous l'eau. Cette méthode ne marcherait pas forcement mais il espérait qu'elle puisse durer assez longtemps pour qu'il soit épuisé ou même qu'il perde connaissance.

Drakan émit un grognement mécontent lorsque l'estival enflamma son échine. Il semblerait qu'il n'avait pas suffisamment paniqué pour oublier son pouvoir de saison. Le tueur se vit obligé de retirer vivement ses pattes, mais resta tout de même tendu, prêt à se jeter de nouveau sur sa proie. Celle-ci roula d'ailleurs sur le côté, et le loup au pelage sombre ne le lâcha pas des yeux une seule seconde. L'estival à peine remis de sa presque noyade s'adressa au tueur.

- Qui es-tu étranger ? J'espère pour toi que tu avais de bonnes raisons pour outrepasser les frontières du territoire estival et qui plus est, d'attaquer un de ses soldats ! De la manière la plus lâche qui soit en prime !

Drakan souffla avec mépris. Il n'avait pas la moindre intention de discuter avec l'imbécile. Il y en avait toujours qui essayaient de détourner son intention du funeste destin qu'il comptait leur donner. Par de la parlotte. Et devant le mutisme froid du loup, ils comprenaient que c'était inutile et se mettaient ensuite à le supplier de les laisser en vie. Parfois lui promettaient moult récompenses. Mais le loup restait toujours fixé sur son premier contrat. Son manque total d'empathie l'empêchait de ressentir de la pitié pour ces misérables. Drakan avait effectivement une raison de s'en prendre à lui. C'était son rôle. Quant aux frontières, elles avaient toujours été de vent pour le loup gris qui ne s'était jamais privé de les traverser comme si tout lui appartenait.

- Que me veux-tu ?

Un fin sourire fleurit sur le visage de Dakan. Puisque sa mort était proche, à quoi bon en demander les raisons ? N'était-il pas clair qu'il venait de tenter de le tuer ? Cette histoire de lâcheté... Le loup n'en avait cure. On lui avait toujours dit que le principal était la mort de la victime. Au diable les morts avec honneur sur le champ de bataille, ce n'était point là le mode d'action des tueurs. Discrétion, silence, vitesse, précision. Voilà qui était bien plus efficace et rapide qu'un combat en bonne et due forme. Drakan savait se battre, mieux valait ne pas le sous estimer. Il considérait simplement que plus c'était rapide, mieux c'était.

-Donc, si j'en crois ce que je vois, mon cher cousin envoie des larbins faire le sale boulot a sa place.

Le tueur resta de marbre face à l'appellation de "larbin". Qu'il le nomme comme il le souhaitait, pour le peu de temps qu'il lui restait. Visiblement, il n'était pas le premier à essayer d'attenter à la vie de l'estival. Il ne doutait pas une seule seconde à réussir là où les autres avaient échoué. Ils ne devaient être que de pauvres imbéciles incapables. Pas de véritables tueurs. Après les quelques phrases de son adversaire, Drakan se contenta d'un simple mot.

- Silence.

Il n'avait rien à dire à ce loup, on ne discute pas avec les proies. On les exécute. Sur cette pensée, il s'élança vivement sur le loup puis fit un bond agile sur le côté avant de plonger ses crocs dans sa cuisse. Puis il recula à distance prudente et sourit avec ironie en voyant la marque si familière apparaître à l'endroit de la blessure. Tout ce qu'il avait à faire maintenant, c'était essayer de le mordre plusieurs fois au même endroit. Soit. S'il ne pouvait pas le tuer en le noyant en toute simplicité, alors il allait se lancer dans la danse mortelle qu'il connaissait si bien.

L'estival ne semblait pas savoir ce qu'impliquait la morsure que lui avait infligée Drakan, peut-être même n'avait il même pas remarqué la présence de la marque. Et pourtant, c'était si simple. Il lui suffirait de plonger ses crocs au même endroit une deuxième fois pour qu'il commence à s'affaiblir. Et ainsi de suite. Il arrivait que les proies du tueur se rendent compte que leur fatigue croissante était due à la marque, et les choses devenaient alors plus compliquées. Mais n'était-ce pas plus excitant, justement, lorsque la chose n'était pas aisée ? Le soldat finirait probablement par se rendre compte que le loup sombre essayait toujours de viser le même endroit et se poserait des questions. Mais Drakan n'était pas stupide, il avait plus d'une idée en tête. La mise à mort était sa spécialité après tout. Le tueur observa avec attention l'estival se placer en position offensive et se mettre à lui tourner au tour, cherchant une ouverture. Il grognait de façon pathétique et un sourire narquois illumina le visage de Drakan. L'estival se propulsa alors vers lui, les membres antérieurs enflammés et le percuta avant de le plaquer au sol. Drakan n'afficha aucune expression de souffrance, ni ne se permit un cri. L'avait-on seulement déjà entendu crier de douleur ? L'imbécile, ses pattes enflammées contre l'épaule du tueur, continua son monologue.

- Veux-tu que je continue à brûler chaque parcelle de ta misérable peau? Ou peut-être préfères tu filer la queue entre les jambes, afin d'expliquer à ce chien qu'il n'aura pas ma peau comme ça ?

Drakan ricana. Il ne le connaissait pas. Bien qu'il sentait la brûlure, il ne frémirait pas. Il n'aura aucune réaction. Il se battra contre lui jusqu'à ce que son corps atteigne ses limites. Jusqu'à ce qu'il soit au bord de la mort. Mais jamais, jamais il ne le verra fuir la queue entre les pattes. Et si le tueur se retirait pour ne pas s'éteindre définitivement, jamais cette lutte ne se terminera. Il le poursuivrait, jusqu'à ce que son travail soit terminé.

- Le jour où je fuirai n'est pas encore arrivé. Il ajouta, narquois. Toi par contre, si tu le souhaitais, tu n'en auras pas l'occasion.

Et sur ces mots, le tueur banda ses muscles et roula sur le côté de toutes ses forces, pour déloger l'estival et échapper à ses pattes enflammées. Il se redressa en un bond et plongea cette fois ses crocs dans l'épaule de sa proie avant de reculer. Une deuxième marque apparut, mais comme l'autre, sans aucun effet pour l'instant. L'autre ne se rendra pas compte de ce qu'il se passait tant que Drakan n'aura pas mordu une deuxième fois à la première marque ou la seconde. Il se demandera simplement pourquoi elles étaient présentes. Le loup au pelage sombre choisit une position défensive sans faille, le regard verrouillé sur l'estival et le moindre de ses gestes. Il ne réussirait pas aussi simplement à l'attaquer cette fois-ci, et si cela arrivait malgré tout, Drakan contre-attaquera avec vitesse et efficacité.