Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Bloody Cherry arpentait la cascade de Nienor depuis l’aube, le cœur battant à tour rompre à force d’inquiétude. Eonora n’était pas rentré hier soir et la louve rose craignait pour sa vie. Elle savait que son maitre, son ami, bien que grand et fort faisait preuve d’une grande fragilité des derniers jours. Rien ne s’arrangeait pour lui, malgré tous les soins de son assistante, elle le savait fatiguer, tracasser par l’avenir et sa mort prochaine, dont il lui avait confié l’arrivée prochaine. Cherry jugeait qu’il était encore trop tôt, Eonora ne devait pas partir maintenant car le clan avait encore besoin de lui, elle avait besoin de lui et de sa présence rassurante. Les deux loups c’étaient rencontré bien avant la guerre, et bien que la rose n’ait jamais été très attirée par les faits de guérisseurs, elle c’était prise d’affection pour le géant et son ardeur à la tâche, ce besoin de prendre soin de son prochain, notamment pendant cette dernière. Depuis lors, elle n’avait cessé de le suivre et de l’aider dans sa tâche, le couvant de tout son amour quel qu’en soit la source primaire. Maternelle, fraternel ou même amoureux, Bloody Cherry lui avait absolument tout donné.

Alors, quand au détour d’un chemin, qu’elle parcourrait à vive allure pour aller quérir l’alpha estival, elle trouva le corps sans vie du guérisseur, allongé, le visage apaisé, son cœur se brisa avec une telle violence que tout le clan estival d’où entendre le son du verre qui se brisait. Elle ne put retenir ses larmes et ses cris de désespoir, plongeant son museau dans le poil du géant endormit. La louve rose, dont le sombre pouvoir lui permettait de voir les derniers instants d’un être vivant, put le voir une dernière fois en vis et ce qu’elle découvrit froissa d’avantage son cœur lacéré.

En rentrant de sa dernière visite, quelques jours après avoir cédé son bijou le plus précieux à Akisa, Eonora respirait lentement en humant les tendres saveurs qui accompagnaient le retour du printemps, mêlé aux odeurs sucré du territoire qui l’avait vu naitre. La brise du crépuscule faisait osciller les jeunes feuilles des arbres, qui se mirent à chanter une douce mélodie comparable à une berceuse. Rien ne viendrait pour perturbé ce bout de forêt enchanteur, il le sentait et il le savait, il aurait bien eut envie de se coucher dans l’herbe, entre deux arbres à peine éveillé et s’y reposé quelques temps, mais il renonça à cette idée en songeant à sa chère petite assistante qui l’attendait dans sa tanière.

Son cœur cependant, grand et fort de sa puissance, s’arrêta sans aucune raison apparaitre. Le géant était impressionnant, d’une taille disproportionné, ses organes énormes taillé pour alimenter ce corps gigantesque aurait fait pâlir de stupeur celui qui l’aurait éventré, mais personne n’avait jamais osé s’en prendre à cette puissance calme à qui on vouait un respect sans fin. Cependant, cet héritage de Goliath ressemblait d’avantage à une épée à double trancha qu’à une bénédiction. Tout étant trop gros, tout étant trop puissant, le corps du géant s’épuisait alors. Privé de la force de volé, ses ailes se déplumait depuis longtemps et son cœur, aussi vaillant soit-il, fut pris de fatigue depuis le retour du champ de bataille. Et en cette fin de journée, il décida de s’arrête pour s’endormir et se reposer un peu, rien qu’un petit peu.
Les pattes du géant cédèrent sous son poids et il tomba au sol, sans force. Il ne pouvait plus bouger, il était sonné, mais il comprenait parfaitement ce qu’il lui arrivait. Il était l’heure, juste l’heure de se reposer comme lui avait souvent répété Bloody Cherry, de laisser de côté ses inquiétudes et tous ses tourments pour fermer les yeux et respiré lentement, une dernière fois. Eonora sourit, il était temps.

En fermant les yeux, il se rappela la vie qu’il avait passé à servir les terres estivales. Minuscule louveteau qui avait hérité du nom de son défunt père, qui grandit sans heurt et rentra même parmi l’ordre des soldats estivaux pour servir Bibop. Il y eut des drames, comme le meurtre de sa mère et de sa sœur, Evanora, et le suicide de Théodora, mais il c’était toujours relever pour continuer à servir du mieux possible, laissant la lamentation aux autres, plus faible. Il devint guérisseur pour aider son prochain, c’était pour lui comme une évidence et il fit du mieux pour accomplir au mieux son travail. Il avait sauvé beaucoup de loup, vu naitre un nombre incalculable de louveteaux et mourir tout autant de loups. Pourtant, il était heureux avoir été ce qu’il avait été. Heureux d’avoir veillé sur sa jeune alpha et de lui avoir offert le collier de sa sœur pour la protéger des malédictions de la vie, espérerait-il seulement que l’esprit de cette dernière entour encore le précieux bijou. Puis, il avait fait la guerre et avait veillé au mieux possible à la survie des siens, en revenant, bien que fatiguer par le massacre qu’il avait vu, il pris des apprentis qu’il chérissait encore à ce moment même, Niagara et Atsu, dont il espérait un avenir des plus radieux.

Il ne regrettait rien, si ce n’était de laisser sa petite Bloody Cherry toute seule dans sa tanière, à gérées tous les apprentis, et peut-être aussi de ne pas voir le jeune Ouranos grandir. Il ne savait pourquoi, mais le fils de Lucian qu’il avait fait naitre lui avait créé un lien étrange avec ce dernier, et le voir grandir, comme un fils adoptif qu’il aurait pu devenir, aurait fait des plus plaisir au géant ailé. Tels furent ses seuls regrets, qui finirent par disparaitre sous un larme sourire sur le visage endormi du géant.

Bloody Cherry n’arrivant pas à sécher ses larmes, masqua sa mine ravagé par la peine sous les ailes déplumé de son amour, à qui elle n’avait jamais osé avouer ses sentiments. Elle lui promit, muettement, de veillé sur sa grande tanière et surtout les jeunes guérisseurs qui s’y rendrait, qu’elle veillerait sur Akisa puis qu’il l’aimait et sur ses enfants qui allait grandir. Elle jura de les aimé autant qu’Eonora lui-même ne les avait aimé. Elle lui murmura des mots d’amour à peine audible pour les loups qui c’étaient attrouper suite à ses cris de peines, peinant encore à réaliser qu’à l’aube de cette sombre journée : Le Nymphilin estival c’était endormi.

Des hurlements avaient déchirés l'air à l'aube d'un jour nouveau. La belle Hana venait de se réveiller en sursaut et son coeur battait à toute allure. Que ce passait-il pour qu'un loup hurle ainsi au lever du soleil ? Des frissons parcoururent l'échine entière de la jeune louve et elle se leva d'un bond. Ses enfants, encore endormis, gémirent lentement puis se roulèrent en boule. Elle n'avait pas le temps de les confier à une nourrice. Elle avait un mauvais pressentiment. Elle sortit de sa grotte en vitesse. Devait-elle aller chercher Akisa ou se rendre sur place immédiatement ? Et si il s'agissait d'un blesser ? Devait-elle aussi aller prévenir Eonora ? Malgré que le guérisseur lui ai sembler plus faible ces derniers temps, Hana était persuadée qu'il pourrait encore aider un blesser.

La jeune louve sable se dirigea donc au pas de course vers la tanière du géant. Et en même temps qu'elle se rapprochait de la cascade et de la tanière, les hurlements se faisaient plus proche. Ses pattes se raidirent d'un coup et elle manqua de tomber à la renverse. Son coeur se mit à battre plus fort et elle sentit sa gorge devenir sèche. Et si il s'agissait du loup qu'elle allait chercher ? Mon Dieu, faites que non, pensa-t-elle. Faites que ce ne soit pas lui, par pitié.

Arrivée prêt de la cascade de Nienor, Hana pilla brusquement. Un attroupement s'était fait autour d'un corps. Un corps immense. Merde. Merde, merde, merde, pensa-t-elle. La louve sable tourna la tête de tout les côtés, espérant voir le loup ailé, le guérisseur, mais aucune trace de lui. Sa respiration se mise à accélérer et ses pattes tremblèrent. Elle ne pouvait pas avancer. Elle savait. Elle le savait déjà. Elle chercha sa soeur du regard, mais aucune trace d'elle. Alors la louve décida de s'avancer lentement. Le coeur battant à toute allure, elle se fit une place parmi
tout les loups réunis. Destiny, la deuxième guérisseuse, était déjà sur place et récitait une chose
incompréhensible aux oreilles de Hana. Il y avait aussi Bloody Merry, l'assistante du géant. Elle avait plongée sa tête dans les ailes du défunt et pleurait à chaude larmes.

Le coeur de la petite estivale se froissa. C'était donc bien ce qu'elle craignait. Eonora avait succombé. Il fut impossible pour Hana de pleurer. Toujours sous le choque, elle regarda autours d'elle, cherchant un regard réconfortant, ou un mot pour l'aider. Mais tout le monde pleuraient sur la mort du loup. Elle se sentit tellement seule, tout d'un coup. Tellement anéantit. Elle se recula, le regard dans le vide. Alors... C'était comme-ça que ça devait finir. Comme-ça que ça se terminait. Hana avait peine à le croire. Elle s'allongea sous un arbre fruitier et fourra sa tête dans ses pattes. Elle ferma les yeux et laissa échapper un long sanglot douloureux.

C'était ainsi qu'Eonora avait quitté les terres de Fours Seasons, laissant une douleur sans nom dans le coeur des loups Estivaux.

Akisa ouvrit les yeux. Elle ne savait ce qui l'avait tirée du sommeil, ne se rappelant pas avoir rêvé, ne se sentant même pas agitée. Pourtant, elle ressentit comme une profonde tristesse emplir son coeur, et réalisa que ses joues étaient baignées de larmes. Inquiète de son état, elle le fut bientôt encore plus du sombre présage que cela annonçait. Il ne lui arrivait rien de grave. Alors qui ?

Immédiatement, son cœur se serra, et les noms de ceux qu'elle aimait défilèrent dans sa tête. Sa gorge fut prise dans un étau et elle crut ne plus jamais pouvoir respirer. Puis elle se leva. Grande, digne, tourmentée, arborant pourtant un masque relativement calme, quoi qu'empreint de douleur. Comme dans un songe, elle sortit de sa grotte personnelle, croyant se diriger au hasard, mais sachant pertinemment au fond d'elle même que ses pas la menaient là où elle devait se trouver. A la cascade de Nienor.

L'Alpha s'arrêta un peu à l'écart, afin de se préparer au choc qui ne manquerait pas de la saisir, bien qu'elle fut au courant de l'inévitable depuis déjà un moment. Inspiration, expiration. C'est lui qui lui avait appris à faire le vide et respirer pour reprendre le contrôle sur soi, sur ses émotions, et ne pas perdre son sang-froid. Les dieux savaient si elle avait eu besoin de tous les conseils qu'il lui avait donné, et un douloureux manque commençait à palpiter dans son cœur à l'idée qu'elle ne pourrait plus en profiter. Plus de la même manière, en tout cas.

Avisant sa sœur prostrée sous un arbre, Akisa s'approcha. Elle ne trouvait pas encore les mots, et savait que le temps était plutôt aux pleurs pour l'heure. Elle craignait de toute façon que sa gorge ne puisse rien laisser échapper d'autre qu'une lamentation rauque si elle tâchait d'ouvrir la bouche. Elle se contenta pour lors de se pencher sur Hana et déposa un baiser sur son front, appuyant un instant son museau contre le sien pour témoigner de son soutien dans cette épreuve.

Puis, quand elle se sentit prête, la belle estivale s'avança.

Mais rien ne pouvait vraiment la préparer à cette vision. Elle ne put retenir une grimace désespérée lorsque ses iris verts tombèrent sur le corps sans vie de celui qui avait été son loyal guérisseur depuis si longtemps. Le cœur en feu, la gorge meurtrie de retenir ses sanglots, Akisa avait les yeux embués de larmes, mais se résolut à n'en laisser couler aucune. La perte, pour elle et pour son clan, était immense, comme l'avait été la générosité d'Eonora, comme l'était sa stature, comme l'était le vide qu'il laissait à présent. Il avait toujours rempli son devoir avec douceur, attention pour chacun, en particulier pour elle. Le collier qu'il lui avait donné brillait doucement à son cou, et l'Alpha y puisa un petit réconfort, sachant l'importance de ce don pour le grand loup ailé.

Debout à côté du corps et de Bloody Cherry, la Reine de l'Eté regardait une dernière fois celui qui avait été un confident, un ami, un soutien dans ses propres épreuves. Elle devait à présent faire en sorte que sa fin soit digne de tout ce qu'il avait accompli pour le clan. Reconnaissante à Destiny, autre guérisseuse des estivaux, de sa présence, ainsi que celle des autres membres du clan qui arrivaient et joignaient leur peine, leurs lamentations, leurs larmes à la réunion, Akisa se redressa, s'éclaircit la voix.

- Nous déplorons aujourd'hui la perte d'un être cher ; d'un père, d'un frère, d'un amant, d'un ami, d'un soutien. Eonora a toujours été dévoué au bien-être du clan et je pense que nous pouvons tous lui être reconnaissant de notre santé ou de notre bonheur. A notre tour à présent de veiller sur le bon déroulement de son dernier voyage, pour s'assurer qu'il demeure en paix dans l'autre monde.

Les cérémonies mortuaires ne plaisaient pas à l'Alpha ; elles étaient très belles et très fortes en émotions, mais c'était toujours très dur, qu'on soit concerné de près ou de loin par la perte. Pour cette fois-ci, ce serait plus dur que jamais encore. Suffisamment d'estivaux étaient rassemblés pour transporter le corps, et Akisa se demanda où il faudrait l'enterrer. Un bref instant de réflexion lui indiqua que le pied du phare serait un bel endroit pour y laisser reposer son ami ; c'était un lieu magnifique et symbolique pour son Clan. Adressant des signes de tête silencieux à quelques soldats réunis dans l'assemblée, elle fit venir ceux-ci, qui s'approchèrent d'Eonora. Avec douceur, la belle se pencha vers Cherry, appuya sa tête contre la sienne, et la soutint lorsqu'elle se redressa. Il était temps de faire ses adieux.

La haute carrure du guérisseur fut soulevée dans les airs, et en tête du cortège, Akisa prit la route de la plage aux coquillages. Marchant la tête haute, ses beaux yeux secs mais voilés de tristesse, elle avançait d'un pas lent pour indiquer l'importance de la cérémonie, et pour que tous ceux qui suivaient puissent se recueillir. Une longue file réunissant les estivaux ne tarda pas à se former, et l'Alpha fut à la fois touchée et fière de la solidarité de son Clan face à l'épreuve. Sans que rien ne soit spécifiquement dit ou que le cortège ne s'interrompe, d'autres soldats ou tueurs, les loups les plus forts de l’Été, se relayaient pour faire accomplir à Eonora sa dernière balade estivale. Le géant devait peser bien lourd, mais aucun d'eux ne se plaignaient, et ils parvenaient à se remplacer les uns les autres avec une belle efficacité.

Tout en marchant, Akisa se perdit dans ses souvenirs d'avant-guerre, lorsqu'elle était si mal en point, et que le guérisseur avait veillé sur elle sans relâche. Elle sentait son collier s'agiter doucement à chacun de ses pas, en harmonie avec les battements de son cœur, et une fois de plus sa gorge se serra, et elle dût refouler ses larmes. Bien qu'elle ne manque pas de bonnes âmes et d'importants soutiens dans son entourage, l'absence d'Eonora se ferait cruellement ressentir. Son sourire, sa sérénité, son talent pour soulager les maux quels qu'ils soient, tout ce qui faisait de lui l'être exceptionnel qu'il était. Qu'il n'était plus. Mais qui continuerait à vivre dans leur cœur, dans le sien en particulier.

La route était longue de la cascade jusqu'à la plage, et bien qu'ils n'en montraient rien, l'Alpha savait que ceux qui portaient le géant commençaient à fatiguer. Un souffle de vent iodé accueillit leur arrivée sur les lieux, et bientôt le sable sous leurs pattes n'aida pas à cheminer jusqu'au Phare. Ils finirent par y parvenir, et le corps fut déposé sur un lit de feuilles, d'herbes et de fleurs qui avaient été cueillies par les nourrices et les plus petits sur la route. Des fruits accompagneraient aussi le guérisseur dans sa dernière demeure.

Un autre travail commença pour creuser un trou susceptible d'accueillir l'imposante taille du loup ailé. Symboliquement, Akisa fut la première à creuser, choisissant par là l'emplacement de la tombe, au pied de rochers décorés d'algues et de coquillages. D'autres estivaux la rejoignirent pour l'aider, et ils furent bientôt cinq ou six à s'acharner contre le sable pour ouvrir la terre assez profondément.

Lorsqu'enfin tout fut prêt, le soleil avait depuis longtemps commencé à décliner, et le ciel se teintait tout juste de lueurs orangées. Le moment était idéal. Se postant sur les rochers à la tête de la tombe, l'Alpha ordonna la mise en terre. Le trou fut rempli d'herbes, de fleurs, de feuilles, de quelques plantes médicinales, et Eonora déposé dessus. En le regardant une dernière fois, son visage apaisé, repliés entre ses ailes décharnés, comme endormi, la belle esquissa un sourire, et en dépit de toute sa volonté, une larme roula sur sa joue. Elle laissa le temps à chacun qui le souhaitait de venir faire ses adieux devant le guérisseur, déposant au passage des offrandes et cadeaux pour l'autre monde : fruits, bijoux, coquillages, plumes colorées... Il fut au final entouré de nombreux objets, et le cœur de son Alpha en fut quelque peu réchauffé. Il les quittait aimé, adoré, et tous savaient que là où il serait, il veillerait encore sur eux.

Puis on le recouvrit, et bientôt sa silhouette massive fut dissimulée sous le sable, avant de s'estomper entièrement. Des louves du clans dessinèrent des motifs de vague sur le sable retourné, des furent coquillages disposés alentours. Maintenant que le corps du guérisseur était en bonne place, il fallait saluer le départ de son esprit dans une autre cérémonie ; aussi, Akisa se redressa, et suivie de son clan, entreprit de retourner à la cascade de Nienor.

* * *

La nuit était tombée ; une nuit douce pour ce début de Printemps, et parfumée. Le ciel était clair et la lune brillait au milieu d'une superbe voûte céleste, décorée d'une multitude d'étoiles. On aurait dit que l'univers pressentait l'importance de la perte que connaissait le Clan de l’Été, et mettait un point d'honneur à ce que tout soit fait dans les règles et avec toute la beauté que méritait le guérisseur pour un dernier au revoir.

Akisa vint s'assoir sur une des pierres plates sur le haut de la cascade, posant ses prunelles vertes étincelantes sur les estivaux regroupés en contre-bas. Au pied de chacun d'eux se trouvait cette fleur particulière, qui poussait en toute saison dans l'humidité des grottes du Pic du Soleil, et que les Anciens avaient élue depuis des temps immémoriaux pour célébrer leurs deuils. A la clarté de la lune, c'est comme si cette myriade de fleurs scintillait doucement d'une lueur rosée, et le résultat serait certainement magnifique. Il était temps que la cérémonie commence...

- Peuple estival. Nous sommes rassemblés en cette belle nuit pour faire nos adieux à celui qui fut bien plus que notre guérisseur, Eonora. Puisse son esprit trouver la paix dans l'Autre monde, et les dieux lui accorder le repos qu'il mérite.

Se saisissant délicatement de sa propre fleur, Akisa la posa doucement sur le courant, qui l'entraîna vers la cascade. Elle s'assit pour la regarder disparaître, puis refaire surface au pied de la chute d'eau, glissant gracieusement sur les flots comme si elle volait. Elle fut suivie de ses sœurs, déposées une à une par les loups du Clan, et elles formèrent bientôt tout un cortège sur la rivière. Tous restèrent là un moment à les regarder, le silence n'étant brisé que par les remous tumultueux de la cascade. Puis, seuls ou par petits groupes, les membres de l'assemblée se dispersèrent.

L'Alpha n'avait aucune envie de bouger de son piédestal. Les yeux fixés sur les reflets de la lune qui jouaient avec le courant, elle sentait un vide immense en elle, et une tristesse sans fin. Autant pour elle que pour tous ceux qui souffraient de l'absence du guérisseur, et elle savait qu'ils étaient nombreux. Mais elle savait aussi qu'il ne voudrait pas qu'on se lamente sur sa mort. Alors, comme Toboe l'avait aidée à le faire une première fois, elle sècherait ses larmes et relèverait la tête pour affronter le futur, forte de tous les conseils qu'Eonora lui avait donné. En son honneur, elle se montrerait invincible, soucieuse des besoins de son clan.

Inspirant profondément, l'Alpha se remit debout, et regarda la lune. Un fin sourire se dessina sur ses babines. Elle sentait la présence du loup ailé qui veillait sur eux, maintenant qu'il avait retrouvé les êtres chers jadis perdus. Il était heureux là où il était. Alors elle serait heureuse ici, pour lui, pour le Clan.

C'est avec un sourire plus affermi et le cœur plus léger qu'elle s'en retourna au petit matin à sa grotte, après une nuit de veille. La vie reprenait son cours avec le lever du soleil, et elle devait s'acquitter de son rôle pour diriger convenablement sa meute. Malgré une certaine once de tristesse, elle remarqua, en se glissant dans le couloir illuminé de cristaux, qu'elle ne s'était pas sentie aussi sereine depuis longtemps, et remercia l'esprit d'Eonora pour son indéfectible soutien.