Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

       Arrivée sur la rive rocailleuse, face au chemin immergé conduisant à la deuxième île, Natsu avait hésité ; les derniers rayons du soleil irisaient les crêtes des vagues, soulevées par les vents qui ne faiblissaient pas. Bientôt, il n'y aurait plus de lumière, et il doutait parvenir jusqu'à la deuxième île avant que le nuit s'installe. Bien qu'il soit contrarié de ce fâcheux contre-temps, le bourreau se résolut à jouer la carte de la prudence. Qui sait quels courants pouvaient l'emporter au milieu des flots, rendant ce raccourci plus dangereux qu'une traversée à la nage ? Installé au creux de la falaise, l'esprit guère au repos, le rouquin tâcha de s'endormir pour glaner quelques heures calmes avant de commencer un nouveau chapitre de la conquête estivale.

Le soleil ne paraissait même pas encore à l'horizon qu'il avait déjà ouvert les yeux ; la nuit avait été brève et assez peu confortable, mais la perspective de poursuivre sa quête donnait des ailes au bourreau. Profitant le plus tôt possible de la pâle lueur du ciel, le rouquin s'élança sur la voie immergée, goûtant avec un frisson ravi la fraîcheur de l'eau et la force des vagues contre ses pattes et son poitrail.

Il se félicita d'avoir attendu le matin pour traverser en réalisant le temps que lui prit la manœuvre. Partir la veille aurait certainement signé sa fin, le trajet étant long et contraignant, et malgré son allure soutenue, la deuxième île lui sembla pendant longtemps hors de portée. Oublieux de la fatigue dans ses muscles et de la sueur qui coulait sur sa nuque, se mêlant aux embruns salés, Natsu avançait vaille que vaille, bien décidé à poser les pattes sur les roches oranges qui l'attendaient au loin.

Et sentir la terre ferme - ou du moins la caillasse - sous ses coussinets fut un réel soulagement, une fois qu'il se fut extirpé des flots. Nager était fatiguant à la longue, bien que le poids du corps soit partagé par l'eau, mais marcher à moitié immergé l'était peut-être encore plus. Il devait à la fois porter son poids et lutter contre la force de l'eau, aussi lorsque le blond estival arriva sur la rive, il s'octroya quelques minutes de repos, pantelant.

Ici, plus de zéphyrs déchaînés, seulement une petite brise bienvenue pour rafraîchir son front, où se collaient des mèches de cheveux. Outre ce détail, l'île ressemblait furieusement à celle qu'il venait de quitter, au grand désarroi de l'explorateur fatigué. Encore de l'escalade... Une perspective qui ne l'enchantait guère, mais qui ne le ferait pas reculer pour autant. Pas question de flancher.

Tandis qu'il se relevait et laissait son regard azuré se perdre dans les reliefs du rivage, Natsu se prit à penser à Hinano, à ceux de son clan laissés en arrière, et une once de remords chagrina un moment sa belle motivation. Tout au long de son trajet, il avait tâché d'oublier ce choix, se persuadant au contraire qu'il était le bon. Il faisait ça pour les siens, pour la reconnaissance de l'été - et certes, un peu aussi parce qu'il crevait d'envie de vivre une aventure, une vraie. Il ne renoncerait pas maintenant, aussi égoïste et tête-brûlée pouvait-il paraître.

Après tout, ça lui plaisait de foncer dans le tas ; et le sourire qui ne tarda pas à soulever ses babines ne faisait que confirmer que le bourreau estival ne quitterait pas la course de sitôt.
   

       Une fois ses forces récupérées, le jeune rouquin reprit sa quête, posant un regard curieux et avisé sur la paroi orange qui lui faisait face. Vue la topographie générale de l'île, cette ceinture rocheuse devait empêcher un accès facile sur tout le pourtour du rivage, aussi il était sûrement vain de partir en quête d'un endroit plus facile à escalader. Sans doute le problème serait le même où qu'il aille, et Natsu n'avait pas de temps à perdre avec ça.

L'estival approcha la paroi, songeur. Ses pouvoirs ne lui seraient d'aucune aide ici, il ne pouvait compter que sur sa force - heureusement pour lui, il n'en manquait pas. Quoi qu'il devrait se hâter de trouver quelque chose à manger, car bientôt, son estomac revendiquerait de quoi se sustenter... Mais pour l'heure, la première chose à faire, c'était arriver en haut de ce foutu obstacle.

Ce ne serait pas facile, et il lui faudrait y parvenir en une fois s'il voulait économiser son énergie, mais rien ne faisait peur à l'intrépide bourreau ! Après quelques pas le long des rochers pour estimer une voie viable, il inspira profondément, et prit l'ascension à bras le corps.

Ce fut l'escalade la plus longue de toute sa vie, et pourtant, autant en été que dans ses quelques escapades solstiennes, il avait eu l'occasion de tâter du caillou ! La paroi était souvent à pic, les prises pas très larges pour ses grosses pattes, la pierre chaude et... et habitée. À vrai dire, il l'avait même échappé belle ; alors qu'il préparait un saut pour en finir avec une position en équilibre plutôt instable, il avait vu le reflet du soleil sur une carapace lisse... et n'avait pas cherché plus loin. Cette simple vision lui avait donné des ailes, et après quelques autres efforts, il arrivait enfin au sommet, pantelant et ruisselant de sueur. Non pas qu'il soit trouillard, mais avec ces satanées bestioles, mieux valait ne pas tenter le diable. Il ne pourrait souffrir le moindre retard !

Mais là, il allait quand même lui falloir une pause pour trouver de quoi manger. Recouvrant sa respiration en regardant autour de lui, Natsu tâcha de déterminer comment casser une petite graine avant de poursuivre, et afficha une mine contrariée. Peut-être aurait-il dû trouver à manger avant de grimper... mais bon, c'était trop tard maintenant. Il n'y avait plus qu'à avancer, il verrait bien pour la suite.

Chemin faisant, il repensa à son escapade dans la cale, aux différents loups qui s'y trouvaient ; quelque chose dans l'épisode de la boussole le chiffonnait, mais il ne parvenait pas à trouver quoi. Avait-il déjà vu le loup qui l'avait en sa possession ? Non, un tel pelage immaculé l'aurait marqué. Alors quoi ? Qu'avaient de spécial ces automnaux pour qu'ils lui restent en tête ainsi ? Mentalement le blond se rejoua la scène, mais ce qui lui sautait surtout aux yeux, c'était la boussole, et le mouvement hypnotique de la flèche, dont les réguliers balancements indiquaient cette voie sacrée dans laquelle il s'était ensuite engouffré. Il n'avait accordé que peu d'attention aux autres loups présents, et de toute façon, pourquoi se soucierait-il d'automnaux ?

C'est alors qu'il comprit, et sous le choc de sa découverte, Natsu s'arrêta, l'air hagard, perdu dans ses pensées au milieu de l'herbe qui lui chatouillait les pattes. Non, ce n'était pas que des automnaux ! Voilà ce qui titillait sa mémoire, il y avait avec eux une louve, une louve aux cheveux rouge ! Celle qu'il avait rencontré dans cet étrange lieu féérique, dont le souvenir était aussi brillant que dans un rêve... À tel point qu'il s'était longtemps demandé s'il avait rêvé cette entrevue ou non. Au moins, maintenant, il savait que non !

D'ailleurs, heureusement qu'il ne l'avait pas reconnue plus tôt, ça aurait risqué de mettre à mal sa mission... déjà, tandis qu'il reprenait sa route, le bel estival sentait son pouls s'agiter dans ses veines, et une sensation s'épanouir dans son ventre, qui n'avait rien à voir avec la faim. Secouant la tête, il recentra ses pensées sur son but, fronçant les sourcils : à manger, puis l'exploration de l'île. Il n'avait pas de temps à perdre avec le reste !

La réussite de l'été était comme un voile chaud sur ses épaules, et il comptait bien arborer fièrement son étendard jusqu'à la Chimère.
   

       Il existait quelques désagréables similitudes entre la première île et celle-ci ; les roches, le côté plutôt aride de la végétation, et surtout... l'absence de gibier satisfaisant. Natsu marchait d'un bon pas sur la lande, écrasé par un soleil de plomb, et pour le moment, il n'avait croisé que des insectes. Leur bruit stridulent, comme amplifié par la chaleur, commençait à taper sur le système de l'estival, qui avait pourtant grandi au milieu de chants de grillons et autres cigales. C'était comme si l'île elle-même se riait de lui, le narguait, et attendait de voir à quel moment il faiblirait.

Le blond grinça des dents, une mimique qui commençait à lui devenir familière ces derniers temps. Il maugréa d'abord dans sa barbe qu'il en faudrait plus pour le faire plier, puis réalisa qu'il devenait cinglé s'il s'imaginait qu'une entité supérieure se gaussait de son sort. Le soleil devait lui taper un peu trop sur la caboche... Pour autant, le rouquin ne s'arrêta pas. Il n'était certainement pas en tête, et ne désirait pas perdre davantage de temps.

Alors que son estomac poussait un énième grondement, Natsu s'immobilisa, sur le qui-vive. L'herbe devant lui avait été piétinée ; pas tout à fait récemment, hier, peut-être. Mais il y avait donc du passage. Comme il doutait que de grosses espèces puissent survivre en autarcie sur cette île décharnée, ça ne pouvait être que des rivaux... La grimace contrariée du bourreau s'accentua, barrant son front en sueur de quelques plis. Il était à la fois consterné et en proie à l'agitation de gagner du terrain.

Sa première impulsion fut d'accélérer le pas, foncer et achever de rattraper ces intrus, dussé-t-il transpirer les moindres gouttes d'eau de son corps... mais après deux pas, il s'arrêta, plissant les yeux dans un effort de réflexion. Il avait envie d'avancer, plus vite et plus loin, mais ce n'était pas une bonne idée. Il valait mieux garder ses forces pour trouver de quoi boire et manger, et ensuite seulement chercher des indices sur cette île ; la Chimère s'y trouverait-elle ? Ou n'était-ce que le début d'une grande chasse au trésor ?

Quelle que soit la réponse, voilà qu'il était motivé pour faire les choses bien ; et s'écartant de la piste toute tracée, il partit en quête d'un point d'eau et de victuailles, déterminé à tenter sa chance avec les meilleurs atouts possibles.
   

       Plus le temps passait, plus la frustration de Natsu grimpait, à l'instar de la température ambiante. Il avait couvert une bonne partie de la prairie herbeuse à présent, se trouvant le museau face à de nombreuses graminées et plantes inconnues - mais en soi ce n'était pas pour autant qu'elles devaient être rares, vu sa passion quasi inexistante pour les végétaux - mais rien d'animal, rien de mangeable à première vue, et pour toute boisson, la mer qui frappait les rochers en contrebas.

Il y avait de quoi enrager, et à plusieurs reprises, l'estival dut se faire violence pour ne pas éclater de colère. Une crise ne ferait que dépenser inutilement de l'énergie, et il en avait plus que besoin à présent... Avec le manque de nourriture qui commençait à le tarauder, la morsure de la chaleur se faisait plus obsédante, et tout était prétexte à lui porter sur les nerfs. Les herbes caressantes contre ses flancs, l'odeur de la terre chaude, le bruit des insectes... si seulement il pouvait en apercevoir un seul, il le croquerait volontiers !

Le blond s'arrêta et posa un regard agacé et résigné autour de lui ; la plaine n'était pas tout à fait plane, bosselée par endroits et s'élevant en pente douce vers... quoi ? Il ne le savait pas encore, des rochers lui bouchant l'horizon. Mais puisqu'il ne trouvait rien d'intéressant ici, il se résolut à continuer à avancer. Il ferait en sorte de trouver de quoi se sustenter plus loin...

Et reprenant sa route, il chassa les pensées noires qui s'évertuaient à poser les mauvaises questions au fond de sa tête ; et s'il n'y avait rien plus loin ? Et s'il n'arrivait pas plus loin ?