Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Les flèches gelées de ses prunelles se dardèrent sur la valse de quelques légers flocons. Ils tourbillonnèrent un instant dans l'air glacial, avant de se briser en un multitude de cristaux d'argent.
Le loup azuré laissa son regard vagabonder, un instant, sur le paysage l'entourant. Les étendues glaciales de neige et de givre se dressaient, à nouveau, affrontant son regard gelé. Quelques violentes bourrasques ébranlèrent sa toison. Au sein du Royaume Hivernal se tenait le repaire de ces guerriers du froid. Un Repaire qu'il avait connu, et qu'il s'était décidé, en ce jour, à retrouver. Si sa condition de solitaire l'avait, durant quelques années qui lui avaient semblé des siècles, tenu à l'écart des Clans, la nouvelle de cette surprenante Fête Hivernale lui était parvenue. Longuement, le neutre indigo avait hésité, sachant pertinemment qu'il s'y rendrait. Mais un doute, qu'il avait craint depuis son départ du Fjord, écrasait son courage. Parmi ces hivernaux, au sein de cette tribu du gel, subsistait un être qu'il connaissait sans l'avoir jamais entendu. Sans jamais lui avoir parlé, peut-être même sans jamais l'avoir vu. Son nom, cependant, vibrait dans le coeur angoissé du solitaire.
Araklann.
Ce frère qui ne l'était plus. Ce frère, le fort, le brave, le puissant. Ce frère qui l'avait laissé seul, lui et sa mère, dans la tourmente de l'hiver. Malgré la sécurité qu'avaient assuré Layla, l'Alpha hivernale, pour chaque individu étranger à leurs rangs, Akasan ne pouvait connaître, alors, une parfaite sérénité. Il le savait, cet être rattaché à sa personne par le simple lien du sang, ne souhaitait que sa mort. Une certitude ardente rongeait son esprit, le persuadant de cette affirmation. Mais l'envie, le souhait de vaincre cette peur qui le dévorait, l'avait poussé à quitter son domaine. Et il ne reculerait plus.
Ses pattes immaculées caressèrent la surface glaciale de la poudreuse. Il avançait, ombre parmi les ombres, sans se soucier des assauts répétés de quelques flocons incertains. Il défiait, à nouveau, ce Clan qui l'avait autrefois exilé sans raison apparente, de le chasser encore.
La valse de divers parfums le renseigna sur la population lupine déjà présente. Si une majorité d'hivernaux était identifiable, Akasan perçut les senteurs légères d'un printanier ainsi que celles d'une automnale. Tentant d'associer chaque odeur à une potentielle connaissance, le solitaire osa enfin s'aventurer vers le groupe de loups. Ses yeux vagabondèrent, avant même qu'il n'ait atteint ses comparses, en quête d'une ombre qu'il chérissait. La silhouette sombre de son Ange ne lui apparut cependant pas et, laissant ses membres le mener jusqu'au point de rendez vous, le doute qui l'avait assailli resurgit alors. S'arrêtant à nouveau, Akasan tenta, étudiant chaque senteur, de repérer l'imposant hivernal qui avait juré sa perte. Un frisson de satisfaction le parcourut lorsqu'il réalisa que son frère ne se tenait pas parmi la troupe de lupins. Le solitaire reprit sa marche, tentant de dissiper le malaise qui l'étouffait. Il se tenait auprès de sa Tribu. Il était l'un des leurs. Il était né parmi eux, il les connaissait, inconsciemment. Mais celui qui l'avait vu, celui qui l'avait jugé trop faible pour un Clan si fort, n'avait pas daigné lui autoriser l'espoir de laisser son coeur battre à l'unisson, au rythme de ceux des guerriers du givre. Il ne méritait pas leur respect.
Alors qu'il jetait à la foule un regard incertain, une silhouette écarlate le frôla. Se retournant, pour tenter de la suivre des yeux, Akasan repéra le printanier. Un puissant loup, doté d'une monstrueuse toison. Les teintes chaudes de ses poils tranchaient avec la clarté de la poudreuse.
-...Y'a bien un jour où j'vais te voir sur tes quatre pattes, non?
Les quelques bribes de conversation échangées entre les différents lupins le frappèrent. Il était seul, seul aux côtés d'êtres qui se connaissaient. Il n'avait personne.
Tentant, tant bien que mal, d'en apprendre plus sur les individus qui l'entourait, Akasan approcha la petite loupiote. Le parfum lacté de l'enfant lui parvint, et le loup indigo saisit, immédiatement, la délicate senteur piégée entre ses poils.
Glycenne. L'odeur de l'Ange charbon valsait autour de la petite hivernale. Une conclusion parvint, malgré les craintes du loup bleu, rapidement à son esprit affolé. L'hivernale d'ébène était nourrice. Cette enfant était-elle, donc, sous sa responsabilité ? Le solitaire se pencha vers elle.
- Bien le bonjour, jeune hivernale.
Il eut un léger sourire, tentant de se rassurer lui-même.
- J'ose espérer que tu ne t'es pas blessée. La glace est cruelle, et il serait dommage que, par sa faute, tu ne puisse participer à la Fête.
Il s'assit, guettant une potentielle réaction de la part de ses comparses.
- Si cela ne t'offusques pas, me permets tu de te poser une question ? Je perçois, autour de toi, l'odeur d'une hivernale... Glycenne. La connais-tu ? Je suis peut-être trop indiscret, pardonne m'en...
Il leva les yeux vers le printanier brun.
- Pardonnez mon insolence, il serait peut-être plus juste que je vous salue, vous aussi.
Il espérait, de tout coeur, que la fête se passerait bien. Il était libre, les affaires claniques ne le concernait pas. Mais s'il pouvait éviter une quelconque confrontation avec un autre, autant en profiter.



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- Bonjour, mon cher Akasan.
Ces simples syllabes vibrèrent en lui. Il connaissait cette voix. Cette voix, écrasant toutes ses préoccupations d’alors, cette voix, ravivant en lui une ardente flamme d’espoir. Avant même qu’elle ne s’affiche à lui, il perçut ses prunelles étincelantes. Ses prunelles de saphir, brûlantes de givre, tremblantes de glace.
Maelia.
La fervente servante de la Lune, la guerrière aux yeux de glace. Chevalière d’un futur incertain, elle avait lutté à ses cotés sous les insignes de l’astre nocturne. Elle avait été là où nul autre n’avait su être présent. Elle avait été là alors que l’aube s’éteignait, alors que la nuit dévorait les étoiles. Unis par les mêmes idéaux, par de folles utopies, leurs âmes déchirées s’étaient dévoilées au détour même de leurs tombes. Ils avaient affrontés les chimères cauchemardesques de leurs songes. Ils avaient combattu l’essence même de l’ombre, de ces ténèbres qui avaient si longtemps rongés leurs esprits. La source de toute vie, et celle de toute mort. L’angoisse incertaine d’une agonie prochaine, l’assurance d’un futur noyé par les sbires de la nuit. Peur. Etre d’ombre et de lumière, de braise et de givre, Il les avait traqué, menant à eux ses pions de poussières. Ces sbires, perverses figures d’êtres qu’ils avaient connu. Alors que leur mémoire fuyait cette histoire qui était leur, les ombres de leur passé avaient refait surface. Des yeux de braise d’Araklann à ceux d’une louve qu’Akasan n’avait su reconnaître, le Chevalier Déchu et la Guerrière Lunaire avaient lié leur sang et s’étaient unis pour un même avenir. Pour une même bataille, pour un même combat, ils avaient écrasé, sous la valse de leur propre agonie, l’être monstrueux qui les avait capturé. Ils avaient vaincu. Et, alors que s’élevaient dans le ciel les lanternes de la nuit, ils avaient promis l’utopie qu’ils nourrissaient secrètement. Devenus chevaliers d’une paix prochaine, ils étaient partis en quête d’étoiles mourantes, afin de les rallumer tant que le Temps leur permettait.
Elle se tenait à nouveau à ses côtés, et avançait avec lui vers une nouvelle épreuve : la sociabilité.
Durant ses longues années de solitude, le loup d’azur avait oublié le goût de la communauté. Le souffle chaleureux d’un camarade pour le soutenir, lors d’une interminable soirée de veille à traquer une proie, les contes des aïeux, tandis que les étoiles berçaient les songes des louveteaux, la joie de partager un repas entre comparses. Akasan avait renié cette vie de groupe. Il s’était élancé dans les bras de la Liberté et n’avait su s’en détacher. Il était une colombe, et l’étreinte d’un Clan pour le retenir n’était plus qu’une énième prison. Il ne souhaitait plus briser, encore une fois, encore un instant, briser les barreaux qu’il s’était imposé. Alors que diverses divagations erraient en son esprit, ses yeux se portèrent sur l’Alpha hivernale. Majestueuse, dans sa robe d’ardoise, ses yeux de givre et de soleil vagabondaient d’un loup à l’autre. Layla ne semblait pas avoir hérité des idéaux de sa mère. Si le solitaire n’avait jamais osé se mêler aux Clans, il n’ignorait pas le règne des Alphas, et l’âge de Meneldil n’avait pas donné lieu aux réjouissances, tant les diverses tribus Four Seasonnienes s’étaient entre-déchirées. Peut-être était-il temps de laisser régner une paix, fragile, mais présente ? La perspective d’une entente entre les quatre saisons aurait pu être envisageable.
Le solitaire n’avait jamais été amené à s’intéresser aux guerres. Il était libre. Libre de fuir la guerre, d’échapper aux lois du sang et de la mort. Mais cette frêle stabilité qui régnait alors entre les Clans ne lui déplaisait pas. Serait-il possible, si ainsi s’éteignaient les braises des conflits, d’exposer les idéaux qu’ils nourrissaient, lui et Maelia, à ce monde qui s’offrait à eux ? Recueillir les étoiles tombantes pour leur accorder une nouvelle espérance, et raviver leur clarté, tant que cette Terre vivait encore ?
Akasan accorda à la louve crème un hochement de tête, ponctué d’un léger sourire. Reportant son attention sur l’enfant écarlate, il guetta une parole de sa part. Alors que la petite semblait ouvrir la gueule, pour lui répondre, un murmure léger dressa les oreilles ardoises du neutre.
- Bonjour, Akasan, si c'est cela votre nom, d'après ce que j'ai entendue dire, je crois que vous vous souvenez de moi.
Au chant cristallin de ces paroles, le collier du loup indigo s’hérissa, formant une frontière de pointes entre son visage et ses épaules. Il reconnaissait cet individu. Ce misérable être, cet insecte impudent, qu’il haïssait, au plus profond de lui même. Jamais, au fil de sa vie, Akasan n’avait ressenti pareil mépris. Ce loup, qui jouait avec les mots, sans en connaître vraiment le sens. Il l’avait défié. Il avait prononcé le nom de son Ange, sous ses yeux de givre, maudissant ce qu’il était. Le loup d’azur ignorait encore quel sauvage instinct l’avait alors poussé à fondre sur le jeune loup, et à payer le prix de son affront par son propre sang. Si sa rancoeur s’était depuis lors apaisée, une vague sensation de malaise le saisit brutalement.
Hyuri désigna, du bout de ses doigts d’ébène, une cicatrice que le solitaire lui avait infligé. A la vue de cette blessure, un puissant picotement parcourut les griffures de son poitrail, là où, il y a des années, l’ours l’avait frappé. Akasan réprima un soupir douloureux.
-Les souvenirs s’effacent, mais les faits demeurent. Votre nom figure toujours en ma mémoire, et les sentiments qui s’y sont associés ne vous profitent probablement pas. Mais je ne suis pas venu vous faire la guerre, ainsi donc, Salutations, Hyuri.
Il avait daigné murmurer ces mots sans mépris, et se détendait peu à peu.
-Akasan ? Glycenne est ma nourrice, elle s'occupe de moi et Blue. D'ailleurs on la voit assez peu...
La voix de l’enfant orienta à nouveau ses sens vers elle. Ainsi donc, il avait vu juste. Souriant à la loupiote, il murmura à son tour.
-Merci. Je ne doute pas de cette absence et de sa cause… Mais ne t’en fais, elle ne tardera pas, j’en suis certain.
Ses pensées dérivèrent vers son Ange et, alors que nombre de lupins qui lui étaient étrangers se mêlaient aux hivernaux, il songea à sa future progéniture. L’angoisse qui l’avait saisi, il y a peu, à l’idée de n’être, à nouveau, pas à la hauteur, l’étouffait peu à peu. Ce fut l’arrivée d’un fauve automnal qui bouleversa ses idées. Majestueux, plus encore que l’Alpha hivernale, ses pas semblaient ceux même d’un lion. Plus par déduction que par connaissance, Akasan reconnut là le Roi Automnal. La troupe qui lui succédait n’était constituée, du moins, tel que lui en apprenait ses yeux, que d’automnaux uniquement. Le loup bleu salua le cortège du Lion d’un signe respectueux de la tête, avant de se tourner à nouveau vers Maelia.
Alors qu’il s’apprêtait à la questionner sur son état, un bref frisson dansa sur son échine. Ses oreilles d’acier se dressèrent, et, alors que les autres loups ne semblaient pas s’en soucier, un instinct primitif le saisit. La Terre s’était éveillée.
Avant même que le sol ne dévoile ses crocs, le solitaire se campa solidement sur ses membres et dressa sa toison. Ses prunelles de glace oscillèrent un instant avant que ne tremble leur monde. Serrant les mâchoires, Akasan tenta tant bien que mal de se cramponner à cette terre qu’il chérissait tant. Des gerbes de neige, délogées de leurs repaire par les secousses, volaient autour de lui. Les flocons de l’hiver semblèrent se briser dans l’air, tandis que le grondement féroce des entrailles terrestre assaillait le royaume Four Seasonnien. Il l’avait senti, il l’avait entendu, comme il percevait l’appel du vent. Avant d’être un solitaire, avant d’être Akasan, il était un être de chair et de sang. Un être dévoré par ses instincts primitifs, par ses origines sauvages. Il faisait partie de la Terre, il était né, par nature, de la Terre. Il avait été poussière, et il avait entendu le hurlement du monde.
La Terre s’était éveillée.
Reculant, avec précaution, jusqu’à Maelia, il se tint à ses côtés, prêt à encaisser davantage. Les cris du Lion Automnal lui parvinrent, tandis que l’enfant écarlate se réfugiait entre les pattes du printanier. Meneldil, arrivée, de ce qu’il en savait, il y a peu, s’était déjà approchée de sa fille. La plupart des hôtes de l’Alpha hivernale semblaient en sécurité. La voix perçante d’un autre fendit l’air, parvenant jusqu’à lui.
- Quelqu'un sait si un volcan se trouve là-bas ?
A travers la ténacité dont il faisait preuve, le loup azuré parvint à laisser s’échapper quelques mots de la prison de ses crocs.
-Il se pourrait… En Terres Estivales se tient le Volcan de Nestariel. Mais je ne sais s’il peut véritablement influencer les Terres hivernales. A cette distance, j’en serais… surpris.
Portant à nouveau son attention sur son environnement, le solitaire chercha du regard une potentielle silhouette familière. Alors que s’effaçait de son esprit le moindre espoir, un sursaut d’angoisse transperça son être. Une fragile pensée, qu’il avait jusque lors négligé. Il ne l’avait pas cherchée, et, désormais, il le regrettait.
Glycenne.
Tentant de se maintenir debout, Akasan parcourut une nouvelle fois du regard l’assemblée. Il ne pouvait bouger. Il n’avait aucun pouvoir. Se tournant vers Maelia, il jeta quelques mots à son intention.
-Crois-tu… Que ce tremblement puisse avoir un quelconque impact sur cet environnement ? Le volcan est-il en mesure de libérer une puissance aussi importante ?
La peur qui l’avait assailli depuis quelques nuits resurgissait en lui. Il était un incapable. Il n’avait plus aucun pouvoir. Il était faible.



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Un fête qui tourne au désastre?