Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

L'Aveugle allait rarement aux tanières communes. Ce n'était pas seulement dû au fait que sa présence soit mal vue du fait de son exclusion, mais l'estival était très peu social, et la présence d'autant de loups près de lui, même de son propre clan, le rendait nerveux.

Le lieu, en soi, n'était pas désagréable : la cascade chantait en fond, accompagnée par les soupirs de l'eau en contrebas. Les grottes dans la falaise étaient fraiches, ni trop sèches ni trop humides, et suffisamment propres pour le maniaque qu'était l'Aveugle. Mais l'odeur de loup était étouffante, et le museau du chien-loup était retroussé en une moue agacée, voire dégoûtée. Les oreilles rabattues sur le crâne, l'Aveugle se déplaçait furtivement, comme craignant d'être attaqué par un adversaire invisible. Déjà qu'il n'était pas d'apparence amicale, son allure décourageait désormais davantage quiconque de l'approcher. Et pourtant...C'était bien pour cela que l'estival était là.

Une odeur de sang se dégageait du chien-loup. En effet, ce dernier était malencontreusement tombé du haut du pic du soleil, et de longues lacérations ornaient à présent ses flancs. En les léchant quelques jours plus tôt, l'Aveugle les avaient senties profondes, et une odeur d'infection soulignait ces blessures.

"De nouvelles cicatrices pour décorer mon pelage..." avait-il songé, mi-figue mi-raisin.

Mais l'infection semblait aller de mal en pis malgré les coups de langues que l'Aveugle avait assené à ses plaies pour les nettoyer. L'estival avait de l'expérience en la matière, et il savait reconnaître une plaie dangereuse lorsqu'il en voyait une. Il avait donc jugé qu'il lui fallait peut-être mettre son amour propre de côté et aller voir un guérisseur.

La douleur était sourde tandis que l'Aveugle promenait son regard voilé sur les différentes niches ornant la caverne, cherchant de son fin odorat une odeur médicamenteuse. La plaie était brûlante et enflée, et le chien-loup devinait de belles ecchymoses tout autour des éraillures qui le gênait dans son déplacement. Il ne boitait pas vraiment, mais on devinait un malaise dans sa façon de se déplacer. De toute manière, il fallait être aveugle pour ne pas voir les plaies.

Cette pensée fit ricaner intérieurement l'estival.

Finalement, l'agacement vint guetter l'Aveugle tandis qu'il ne trouvait pas la tanière de la guérisseuse. Il était trop fier pour demander à quelqu'un, mais trop mal en point pour repartir. En plus, c'était de la faute du chien-loup s'il ne trouvait pas son chemin dans ces tanières : il venait trop peu souvent.

L'Aveugle gronda, puis d'une voix ennuyée il s'écria :

-N'y-a-t-il dont pas de guérisseur dans ce foutu clan ?

Sa propre mauvaise foi lui laissa un rictus aigri sur le coin de la gueule. Peut-être que certains estivaux seraient outrés par ses paroles, mais il s'en fichait : de toute manière, il était déjà reclus, il n'avait donc pas de vie sociale auprès des siens à entretenir. Il songea distraitement que dire à quelqu'un qu'il s'était fait mal en tombant risquait de lui attirer de la pitié ou de la moquerie. Rien que d'y penser, il s'en sentit furieux.

"Je dirais qu'un ours m'a fait ça. Après tout, j'ai déjà croisé un ours, et il m'a déjà laissé une belle cicatrice sur la cuisse, alors un de plus un de moins..."

S'asseyant, il attendit une réponse, battant de la queue avec lassitude.