Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Situation impromptue

Je laissais mes pattes me guider sur les falaises glacées. De la poudreuse virevoltait par ci par là, suivant le rythme lent de mon pas. Le ciel était couvert, menaçant de relâcher ses larmes cristallisées sur nos terres. J'avais beau avoir l'habitude j'attendais toujours, tel un gamin, de voir la neige se déverser sur nous. Après tout, ne faut-il pas savoir se contenter de peu ? Je laissais mon esprit divaguer sur l'origine d'un tel émerveillement face à un phénomène naturel et quasi quotidien, tandis que mon corps avançait paisiblement au bord du vide.
Pour une fois depuis longtemps, je me sentais posé. Pas simple pour un empathe de se sentir serein à vrai dire. Mais ce silence, ces étendues blanches aux reflets givrés et le fait de se sentir en sécurité me permettaient de relâcher un peu la pression des derniers temps. Quelques bobos chez les bambins, forts de témérité et d'envies de découvertes, mais rien de bien grave de ce côté là. En réalité même parmi les adultes, je n'avais pas eu à m'occuper de cas graves depuis quelques temps, simplement l'inquiétude était toujours présente en cette période. Venir en ce lieu, me retrouver et souffler. Voilà une pause nécessaire dans la vie de tout un chacun, si vous voulez mon avis.

Je levais la truffe vers le ciel et marquais une pause, apercevant au loin l'ombre d'un oiseau. Je ne pus m'empêcher de l'envier l'espace d'un instant. Imaginer les sensations en vol, en découvrant ces terres vues du ciel. D'un autre côté, en y réfléchissant bien, je ne pense pas que l'oiseau profite de la vue. L'instinct de survis prime partout n'est-ce pas ? Je repris ma route, l'esprit enjoué pour une raison plus ou moins inconnue. L'enfant en moi s'éveillait doucement, l'envie de jouer avec le paysage environnant me titillant l'esprit. Je jetais un coup d’œil autour de moi et, profitant de ne voir personne, je me mis à avancer en faisant des petits sauts de cabris. Ce jeu amusait beaucoup les louveteaux d'Hiver qui tentaient à leur tour de m'imiter. Et j'avais appris apprécier cette petite activité, loin d'être mature ou productive intellectuellement cependant, avouons-le.
Un sourire innocent retroussant mes babines, je fis une saut de plus... Avant de me retrouver enfoncé dans la neige jusqu'en haut des pattes. Parfois, je crois que la nature essaye de se jouer de moi, ou en tout cas c'est l'impression qu'elle donne. Dans tous les cas, j'avais l'air malin. Je tentais de me ressortir de ce creux d'une manière fort peu élégante. Je gigotais, me secouais, et mangeais un peu de neige au passage. J'étais encore à moitié bloqué, lorsque je remarquais une présence. Ok. Bon. Cette fois ci je pense que mon image de personne sérieuse et intellectuelle allait en prendre un sérieux coup. Je toussotais en tournant la tête pour regarder le nouveau venu, et tentais de prendre un air détendu, malgré cette position fort peu glorieuse.

Situation impromptue

Les falaises de glace et de neiges se dressaient non loin du canin au pelage tricolore. Il aimait ce lieu, y venant après chaque chasse. Revenu au clan avec un jeune chevreuil, il s'en était vite dérobé, cherchant le calme que seul le canyon avait le don de lui imposer. D'un pas tantôt rapide, tantôt lent, Lu Shan arpentait le bord. Il n'avait peur de chuter. Certains l'auraient pris pour un fou. Il n'était guère suicidaire, ni amateur de sensations fortes. L'atout de ce lieu était son fossé qui offrait une vue magnifique depuis le haut où se trouvait le canin. De petits coups furtifs, et le territoire sur lequel il chassait se dévoilait dans son manteau de neige. L'été était la saison reine à ce moment, mais elle n'était capable d'effacer les neiges hivernales qui s'accumulaient au fil des ans. C'était une chance pour le peuple de glace, il ne souffrait donc que trop peu de fortes chaleurs. Mais Lu Shan n'était pas dupe. Un jour ou l'autre, il savait que la poudreuse s'en irait. Rien n'était éternelle indéfiniment. Les bons moments, l'existence, les rires et les joies, les chagrins. Le Temps finissait par tout effacer ou à pousser les êtres dans le présent. Un soupire s'échappa de la gueule du mâle, s'envolant dans une fine trace blanche vers le ciel.

Un petit couinement de sa part le rappela à la réalité, loin de ses pensées philosophiquement déprimantes d'une fin de l'ère hivernale. Lu Shan baissa la tête et lança un regard des plus noirs à la poule javanaise. C'était sa compagne de voyage. Gong Ji avait un caractère bien trempé et elle n'hésitait pas à s'en prendre aux canins s'ils l'embêtaient de trop. Elle était réellement folle, se dressant de sa petite taille face à des prédateurs. Mais, elle savait que le loup tricolore viendrait à chaque fois à son secours. Il était son chevalier servant après tout.
Le canin la fixait durement. La poule venait de lui pincer de la fine peau de ses pattes, un endroit très douloureux. Il savait qu'elle avait fait ça pour le sortir de ses songes mais il aurait préféré un autre moyen que par la douleur.

- Continues comme ça, et je te déplume.

Cette menace n'impressionna nullement le volatile, qui avec aisance reprit sa drôle de démarche sur la poudreuse. Elle ne s'enfonçait que très peu dedans. Son poids était sans doute pour beaucoup dans ce phénomène. Grognon, Lu Shan la suivit, en imitant ses piaillements comme le ferait un enfant vexé. Il n'y avait que peu de canins qui le voyaient ainsi ... Seule Gong Ji le voyait souvent comme ça, mais, elle n'était pas une louve.

Ils avancèrent un moment, le mâle se stoppant de temps en temps pour regarder en contre-bas. Soudain, il entendit les craquèlements de neige fortement agitée. Ses oreilles se dressèrent et dans un silence, il rampa sur la poudreuse. La poule le suivait en essayant de faire le moins de bruits possible. Ils se rapprochèrent de la provenance du bruit. Le vent était tombé et le chasseur ne pouvait savoir si une proie ou un loup était au piège de la neige. Ce ne fut qu'en étant relativement près qu'il se redressa. Un de ses sourcils se leva. Ishinn. Le mâle bloqué dans la neige n'était autre qu'Ishinn, un guérisseur du clan. Lu Shan ne lui avait jamais parlé, il avait juste constaté son bon boulot à soigner ainsi qu'à distraire les enfants. Mais là, nul enfant à l'horizon. Il n' avait que lui qui se trouvait dans une position ... Des plus étranges ?

- Bonjour, je ne pensais nullement tombé sur un autre hivernal ... Etes-vous bloqué ou en train de vous détendre ?

Lu Shan ne porta aucun jugement, il était simplement surpris de trouver un guérisseur dans une telle posture des moins élégantes. Le chasseur priait pour n'avoir pas offenser le canin gris de sa présence.