Pourquoi Oxymore suivait-il cet insignifiant loup vert depuis quelques jours déjà ? Mais parce qu'il voulait retrouver Willy bien évidemment. Il n'en avait pas parlé à sa belle parce qu'il savait à quel point elle tenait à cette espèce de chiffe molle ailée, mais il comptait bien lui faire la peau. A quoi est-ce que ça rimait de partir ainsi ?! Pour le Prince des Ténèbres c'était une trahison et l'une des pires. Ce loup avait un rang important et son départ avait fait souffrir Moune. C'était surtout cela qu'il ne lui pardonnait pas. Une seule personne avait le droit de faire du mal à sa belle. Et cette personne n'était autre que lui même. Il avait droit de vie et de mort sur elle mais les autres n'avaient pas le droit ne serait-ce que de gronder après elle. Il était possessif. Violemment possessif. Bref, tout cela pour dire qu'il suivait Haru comme son ombre. Parfois le printanier semblait inquiet, comme s'il savait que le grand loup noir le suivait de près. Mais, au final, il n'avait toujours pas vraiment été repéré. Un sourire carnassier étirait en quasi permanence ses babines. Il aimait la traque. Il aimait sentir le moindre de ses muscles se tendre et se détendre à chaque sollicitation. Il sentait l'adrénaline courir dans ses veines lorsqu'il se pensait vu. Vraiment, il n'y avait rien de mieux que la chasse au loup pour pimenter un peu sa vie qu'il trouvait plus ou moins monotone depuis qu'il avait accédé au rang d'Alpha printanier par l'intermédiaire de Moune. Même le Monstre s'ennuyait, n'apparaissant que plus rarement. Plus rarement ne voulant pas dire jamais cette petite traque l'avait éveillé. Oxymore sentait de nouveau ses griffes invisibles racler le fond de sa boite crânienne. Il susurrait des mots de morts et des idées de torture à l'oreille du loup noir. Il lui communiquait ses envies de sang. La traque avait repris.
Cette journée avait commencé comme les précédentes depuis qu'il filait Haru. Ce dernier menait une vie des plus ternes. Oxymore se demandait bien comment il faisait pour ne pas avoir envie de sauter du haut d'une falaise. Il avait donc décidé que ce serait le dernier jour de traque pour lui. Le jeu commençait à le lasser et, force était de constater, que Willy avait disparu du clan et de la vie de Haru dans le même temps. La frustration habitait donc maintenant le loup sombre. Il n'aurait ni sa vengeance, ni sa dose de sang. Heureusement que personne n'était avec lui sinon tous auraient dû supporter son humeur massacrante. Le loup vert l'avait mené jusqu'au saule pleureur, en terres neutres. Bien des loups lui avaient dit que le paysage était magnifique. Mais cela n'atteignait pas le Prince des Ténèbres. Tout ce qui l'intéressait c'était l'attitude de sa petite proie. Cette dernière semblait attendre quelque chose. Quelque chose ou quelqu'un. Cela raviva l'intérêt de l'Alpha pour la personne du jeune Haru. Ils restèrent longtemps sur place sans qu'il ne se passât quoique ce soit. Oxymore était presque en train de perdre patience lorsqu'un grand cri manqua le faire sursauter. Il fusilla du regard le loup rouge qui avait ainsi manqué briser son si précieux self-control. Loup rouge ? Depuis quand un canin arborait-il ce coloris au Printemps ? Il fronça les sourcils et plissa les yeux, observant avec attention la scène qui se déroulait sous ses yeux. Il était trop loin pour entendre ce que se disaient les deux loups mais il était évident qu'ils n'entretenaient pas qu'une relation purement amicale. Il regarda le loup écarlate embrasser Haru qui répondit au baiser avec un plaisir apparent. Une expression dégoût mêlée de haine apparue sur le visage du grand loup noir. Le Monstre s'était de nouveau réveillé. Tuer. Tuer. Tuer les deux loups. Des traitres à leur espèce. Ils étaient répugnants. Ils les détestaient dores et déjà, alors même qu'il ne connaissait pas encore l'origine de ce loup étranger. Il ne pouvait qu'être de la pire espèce de vermine pour aimer un individu du même sexe que lui. Ils le révulsaient. Haru qu'il ne tenait pas en haute estime venait de passer dans la case des loups à abattre. Il ne pouvait laisser une telle ignominie fouler les terres du printemps. Un sourire satisfait étira ses babines. Finalement il n'aurait pas Willy mais il obtiendrait tout de même son content de sang. Deux pour le prix d'un, que demander de plus ? Le Monstre hurlait de joie dans son esprit détraqué. Ils allaient de nouveau pouvoir former la plus magnifique, la plus mortelle, des équipes.
Les deux amoureux ne restèrent pas longtemps au saule, se hâtant de partir, prenant une direction apparemment très précise. Oxymore fronça une nouvelle fois les sourcils. Mais où allaient-ils comme ça ? Il jura. Finalement il aurait peut-être dû écouter Moune qui lui disait d'apprendre à se repérer parfaitement sur leurs terres. Il n'en avait, comme toujours, fait qu'à sa tête et s'en mordait maintenant les pattes. Même si jamais il ne l'avouerait. Bien, il n'avait plus qu'à les suivre en maudissant le vent qui ne daignait pas souffler dans le bon sens pour qu'il puisse savoir d'où provenait cette satanée bestiole couleur sang. Des rictus de répugnance passaient sur ses babines lorsque les deux loups se frôlaient, faisant tout pour se toucher. Un vrai couple d'amoureux. Mais des amoureux maudits songea-t-il avec cynisme. Il les tuerait. Il rayerait leur horreur de cette terre. De telles relations ne devraient pas être tolérées et les auteurs tous mis à mort. Horrible, dégradant, ils devraient avoir honte d'eux, honte de s'afficher ainsi aux côtés d'un autre. Ils auraient mieux fait de se trouver une douce compagne.
Le vent tourna enfin, apportant une affreuse odeur de fruits et de sucre à la truffe du printanier. Homosexuel et en couple avec un estival ?! La colère monta encore d'un cran. Se muant en une rage noire qui n'avait pas habitée Oxymore depuis bien longtemps. Le Monstre dominait. Le Monstre rageait. Mais le Monstre était encore plus sournois qu'il était violent. Il se faufila dans les fourrés autour des deux loups. Il passa au devant des deux traitres. Ils allaient comprendre pourquoi on le craignait. Ils allaient comprendre pourquoi est-ce que tous se pliaient à sa volonté sans chercher à passer outre ses volontés. Alors qu'ils allaient passer la frontière entre les terres printanières et estivales Oxymore surgit, un sourire plein de crocs. Un sourire funeste qui annonçait que c'était dores et déjà la fin pour eux. Qu'ils allaient y rester. Nulle autre issue que la mort.
- Vous devriez avoir honte de ce que vous êtes. Des êtres aussi repoussants n'ont pas le droit de fouler quelque terre que ce soit alors mes terres ? Une telle offense ne peut se payer que dans le sang.Il bondit, prenant au dépourvu les deux loups. Malgré tout ils eurent le temps de s'écarter. Ils étaient maintenant séparés l'un de l'autre par le corps musculeux de l'Alpha. Ce dernier sentait leur peur qui empestait l'air. Il se délectait de cette impression, de cette odeur. Rien n'était aussi bon que de se sentir craint et respecté. Il allait les tuer. Ils allaient mourir, dans d'atroces souffrances. Mais il avait envie de jouer un peu avec eux avant. Tuer des couples l'avait toujours beaucoup amusé. Habituellement il en laissait filer un sur deux, certain d'avoir réduit ses espoirs et sa vie à néant. Il semait le chaos et était si heureux de le faire. Mais aujourd'hui c'était différent, il ne pouvait pas en laisser un en vie. Ils étaient une insulte faite à la nature. Ils allaient mourir. Et puis, le Monstre avait tant envie de ce sang offert. Il ne pouvait le lui refuser. Il n'avait pas envie de le lui refuser. Il voulait sentir le liquide carmin qui coulerait dans sa gorge encore chaud. Un frisson de plaisir anticipé couru le long de son échine.
- Je vous invite à dîner mes petits, son sourire se fit plus sadique encore.
Vous serez au menu bien évidemment.Si son jeu de mot le faisait rire il se doutait que ce n'était pas le cas de ses deux adversaires qu'il trouvait si pitoyables. Ils se cherchaient des yeux, quêtant certainement un soutient mutuel qu'ils ne trouveraient sûrement pas. Oxymore n'avait jamais compris ce réflexe idiot. En quoi regarder dans les yeux de quelqu'un pouvait-il nous aider ? Il fixa les yeux de sang du loup écarlate. Ce dernier le détaillait avec une mine effarée. Il puait la peur à plusieurs kilomètres à la ronde. Oxymore s'approcha de lui à pas coulants. L'estival se mit à trembler de tous ses membres, ne parvenant pas même à reculer. Ses yeux s'agrandissaient juste d'horreur à mesure qu'il s'approchait de lui. Il allait être si simple à tuer, ce serait jouissif. Malheureusement Haru ne semblait pas enclin à le laisser déguster aussi simplement. Le grand loup noir sentit une liane s'enrouler autour de ses pattes. Il fit volte-face tandis que le printanier hurlait quelques mots au loup écarlate. Toboe s'il en croyait les mots de ce traitre.
- Cours Toboe, ne t'en fais pas pour moi ! Je te rejoindrai plus tard !Grossière erreur. Tant d'assurance ne fit qu'élargir le sourire du Monstre. Haru mourait. C'était une certitude depuis longtemps déjà mais cette dernière se renforçait encore. Oxymore vit du coin de l’œil le loup écarlate faire un pas en arrière, toujours indécis. Il avait tout le temps de s'occuper du traitre avant que l'autre n'ait l'idée de prendre ses pattes à son cou. Ce loup était vraiment plus que stupide. Et il ne l'intéressait pas pour l'instant. Son attention était toute entière focalisée sur le printanier. Il allait faire la peau à ce traitre. Il allait planter ses crocs dans sa chaire et se repaitre de sa douleur. Le Monstre bondit et mordit au niveau de la carotide du loup vert. Il n'avait pas mis bien de force dans son attaque, il était certain qu'il atteindrait sa cible sans la moindre difficulté. Cependant, au lieu de sentir un chaud liquide s'écouler dans sa gorge il ressentit plutôt une étrange résistance au niveau de sa mâchoire. Un grondement sourd s'échappa de sa poitrine. La colère était à son summum et la frustration commençait à gagner du terrain. Comme cet avorton, cette demie portion, pouvait-elle lui tenir tête ?! Il voulut accentuer sa pression sur le cou qui n'avait plus rien de lupin mais n'en eut pas le temps. De longues branches aux pointes acérées sortirent du corps du printanier, obligeant Oxymore à battre en retraire, de nombreuses estafilades sanglantes courant maintenant sur son corps. Sa position était dorénavant ouvertement agressive et ses poils étaient hérissés, le faisant paraître encore plus imposant. Il avait presque complètement oublié l'estival. Rien ne comptait plus à ses yeux. Rien que la mort du traitre.
- Les traitres paient toujours. Et la seule rançon que tu peux m'offrir c'est ton corps sans vie.Ces mots avaient été grondés. La voix semblait venir des tréfonds d'une caverne. Sombre et terrifiante la caverne. Le grand loup noir voulut repartir à l'attaque, bien décidé à ne pas user de son précieux don contre cette moitié de loup, contre ce morceau de rien. Il n'aurait besoin que de ses crocs et de ses griffes. La force brute serait bien suffisante contre un loup pas même capable de se trouver une louve. Pitoyable. Haru n'était qu'une chiffe molle pitoyable. Alors que le Prince des Ténèbres se lançait de nouveau vers l'avant, toutes griffes dehors, des lianes l'interceptèrent en plein vol, le renvoyant bouler contre un arbre. Bien, il voulait jouer au plus malin avec lui ? Son corps n'était pas la seule chose qu'il pouvait atteindre.
Il chercha l'estival du regard. Le trouva. Son sourire sadique réapparu. Il lança un coup d’œil entendu au printanier avant de se ruer vers sa nouvelle victime. Nouveau cri de la part du traitre. Oxymore ne l'écoutait pas. Ses mots n'avaient nulle importance. Tout ce qui comptait c'était qu'il ne reste d'eux que des corps sans vie. Et c'était ce qu'il adviendrait. Le loup écarlate finit enfin par prendre la fuite, courant à toute allure. Oxymore allait se lancer sur ses talons lorsqu'une haute haie d'épineux se dressa devant lui. Il se tourna avec colère en vers le traitre. Il aboya de colère, ses puissantes mâchoire claquant de manière sinistre dans l'air que les trilles des oiseaux avaient déserté. Il se foutait vraiment de lui. Sa colère continuait de enfler, faisant de plus en plus taire ses pensées. Il ne songeait plus à monter des attaques réfléchies. Le Monstre était tout ce qu'il était maintenant. Il ne parlait plus, se contentant de gronder comme la bête qu'il était. Seul le sang du loup vert pourrait apaiser un tant soit peu sa colère. Il se jeta de nouveau en avant. Il fulminait de rage. Il rêvait de sentir les os de Haru craquer sous ses dents. Dans ses yeux ne brillait plus que la folie. Cette immense folie qu'il parvenait à cacher le plus souvent. Cette folie qu'il dissimulait si bien mais qui parfois prenait le contrôle. Cette folie qu'il nommait le Monstre en son secret intérieur. Les épines créées par le printanier écorchaient sa peau, créant de nombreuses blessures qui mettraient peut-être du temps à cicatriser. Il s'en fichait. La douleur ne parvenait pas à traverser le brouillard de sa folie. Il voyait à peine la silhouette de Haru à travers les méandres du labyrinthe qu'il créait de toute pièce au fur et à mesure qu'il tentait de s'approcher.
Les deux combattants s'éloignaient de la frontière estivale sans que le Prince n'en prenne réellement conscience. Seule la mort du traitre occupait ses pensées ainsi que sa soif de sang. Il devait la satisfaire, cette soif inextinguible. Alors qu'il se demandait s'il n'allait pas user de son pouvoir il lui sembla que les pics étaient moins acérés et moins nombreux. Ils tiraient moins sur sa peau et la silhouette du printanier se faisait plus nette à travers les broussailles. Le petit printanier aurait-il usé toutes ses ressources ? Le sourire plein de crocs revint et Oxymore lacéra de nouveau les lianes. Il se retrouva enfin devant Haru. Le loup vert vacillait en souriant. Un sourire de vainqueur qui fit remonter la haine du Monstre. La joie de la victoire l'avait calmé mais, en apercevant ce sourire, il se rendit compte qu'ils n'étaient plus du tout à la frontière. Et que le loup au pelage de sang n'était plus du tout ici. Un long cri de frustration trancha l'air. Le Prince des Ténèbres bondit, plaquant au sol le loup qui n'avait plus sa protection d'écorce pour retrouver un pelage tout ce qu'il y avait de plus normal. Sous la patte qu'il avait posé en travers de sa gorge Oxymore sentait le pouls battre.
- Tu crois que tu l'as sauvé ? Ne rêve pas. Je le retrouverai et je tuerai cette horreur. Parce qu'il est comme toi. Une espèce d'infamie qui ne mérite pas de vivre.La réponse que lui souffla le printanier fit sauter ce qui restait de sa raison, pour peu qu'il en restât.
- Tant qu'il vit je suis vainqueur.Les crocs s'enfoncèrent profondément dans la carotide de Haru. Le sang jaillit dans sa gueule, envahissant sa gorge, l'empêchant presque de respirer. La sensation était unique, parfaite, jouissive. Des frissons de plaisir faisaient trembler les pattes du loup noir toujours penché au dessus du corps maintenant sans vie du traitre. Lorsque le flot carmin se fut tari il releva la tête et contempla avec mépris le corps sans vie. Il avait été un adversaire assez intéressant. C'était bien ce qui l'ennuyait venant d'une telle chose. Mais qu'importe. Le Monstre était repu et il pouvait s'en retourner. Il se pourlécha les babines, parfaitement ravi des saveurs qu'il y retrouvait. Le sang du printanier avait un petit goût sucré, un petit goût de sève. Le grand loup noir fit claquer sa langue sur son palais avant de s'en aller. Personne ne prendrait garde à la disparition de cet idiot. Et puis, personne ne se risquerait à venir lui demander des comptes. Il pouvait parfaitement laisser le corps ici. Une idée ne sortait cependant pas de son esprit. L'idée qu'un certain loup au pelage écarlate n'avait pas encore eut ce qu'il méritait. Un murmure dans la grande forêt qui menait au retour sur les terres printanières.
- Cours Toboe, cours mais ne crains rien, je te rattraperai et je te tuerai ...Le murmure était sinistre et avait des airs de promesse.
Si nous retournons sur les pas d'Oxymore il est possible de voir que tout a changé. Au sol ne gît pas un corps en sang. Nulle trace du cou tordu par les mâchoires d'acier du Prince des Ténèbres. Là où le vaillant printanier est tombé nous pouvons retrouver la forme de son corps. Une forme recouverte d'une couche d'écorce dure comme la pierre. Le corps d'Haru était maintenant semblable à ces arbres millénaires. A jamais il vivrait dans les terres de Four Seasons. Personne ne pourrait jamais oublier que, quoi qu'il arrive, l'amour pouvait toujours vaincre.
- Spoiler:
Tout le RP avec été fait en accord avec Neko puis a été lu et approuvé par elle avant que je ne poste. La fossilisation finale est aussi une idée à elle.
Tu nous manques ici Neko-chou