Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Toboe ne savait où donner de la tête. Tout lui semblait n'être qu'un rêve et pourtant, Haru lui semblait parfaitement réel. Ce manque de concentration associé à sa maladresse naturelle et à sa fatigue rendait le chemin assez périlleux. Il manqua de s'assommer dans des branches basses, de tomber truffe dans la terre ou de s'emmêler les pattes plus d'une fois. A chaque fois il râlait, lançait des imprécations contre lui même mais le manège de son inattention reprenait invariablement. Il avait hâte d'arriver sur les terres neutres. Ou n'importe où pour peu qu'il puisse cesser de marcher. Il devait remettre un peu d'ordre dans ses idées, ses pattes fonctionneraient mieux après il n'en doutait pas ! Ils hâtaient le pas, les craintes du printanier n'étant pas apaisées. Le territoire printanier n'était pas très éloigné des terres neutres le voyage ne fut pas si long. Ou peut-être que si. L'estival n'en savait rien. Le temps semblait s'étioler, ne plus avoir la même signification et le même écoulement que d'habitude. Cette journée était vraiment des plus étranges.
Ils finirent par arriver à la plaine de Miluel. Ils seraient bien ici. Entre les herbes hautes et le ruisseau ils ne pouvaient rêver mieux. D'un commun accord ils décidèrent de rester ici. L'arrangement fut conclu en quelques mots. Ils n'avaient pas vraiment besoin de se mettre d'accord. Tous deux étaient fatigués et cet endroit était le premier qu'ils croisaient. Il n'était pas le moment de faire les fines bouches. Toboe s'approcha du ruisseau pour laper un peu d'eau claire. L'eau fraîche lui fit un bien fou. C'était l'été sur les terres neutres et la chaleur lui convenait parfaitement. Il se serait presque cru en terres estivales. Mais il n'en était rien. Il savait qu'il ne pouvait réellement y aller tant qu'il serait en compagnie de Haru. Il commençait à prendre conscience que tout ne serait peut-être pas aussi simple qu'il l'aurait voulu. Il finit par s'étendre à l'ombre d'un buisson, son aimé non loin de lui.

- Dis, est-ce que Midnight t'a répondu quand tu lui as parlé ?

Oui bon, d'accord, là n'était pas vraiment la question du jour. Mais le loup écarlate ne pouvait se résoudre à aborder à brule pourpoint le sujet vraiment important. Il aurait pu. Oh oui, il aurait très bien pu. Mais il préférait continuer d'être lâche encore quelques temps, de profiter encore de ce bonheur qui lui était enfin offert. Il prenait doucement conscience que tout cela n'était pas que le fruit de son imagination débordante. Il aimait et été aimé en retour. La vie était belle. Tout aurait même été au mieux s'il n'y avait eu cette différence. Cette différence de taille pourtant. Leurs clans. Un estival et un printanier. Ça allait jaser. Ça n'allait pas plaire. Déjà deux loups … Mais alors deux loups de deux clans opposés ? La pilule allait être dure à avaler pour les Alphas. Toutes ces pensées l'embêtait il se releva et franchit d'un pas le petit mètre qui le séparait de Haru. Il se coucha à ses côtés, enfouissant son museau dans son cou. Il faisait peut-être un peu chaud pour qu'ils se tiennent aussi près l'un de l'autre mais qu'importe. Il voulait être avec lui. Pouvoir le toucher pour être bien certain de sa réalité.

- Mais c'est pas vraiment important hein ? Si elle t'a répondu …

Le silence plana entre eux, vaguement pesant. Chacun savait que l'autre pensait à la même chose que lui. A une chose bien déplaisante. Toboe ne voulait pas quitter sa famille et son clan. Il ne pouvait pas. Il y avait des choses qu'il considérait presque comme sacrées et la famille en faisait partie. Il ne savait pas s'il pourrait se résigner à la quitter. Même pour Haru … Même pour celui qui faisait battre ce cœur qu'il avait si longtemps cru totalement déréglé.

- Je t'aime Haru, brève coupure. S'il ne reprenait pas immédiatement il n'aurait pas le courage de continuer, il le savait. Je t'aime mais je sais pas ce qu'on va bien pouvoir faire. Moune, Mephisto et Bebop vont pas être ravis-ravis je pense.

A la pensée de Bebop, l'ex-guerrière tant attachée au clan, un frisson glacé parcouru son corps. Jamais elle ne lui pardonnerait d'avoir trouvé l'amour là où il était pourtant interdit. Il sentait qu'il ne devait pas regarder son compagnon dans les yeux sous peine de se mettre à pleurer comme un louveteau. Il était passé si vite du bonheur total à la tristesse. Il était bien étrangement fait finalement … Il inspira doucement l'odeur de fleur et d'herbe fraîchement coupée qui émanait du pelage dans lequel il avait plongé sa truffe. Il se sentait si bien à ses côtés. Il aurait voulu que cet instant dure toujours.

Toboe se leva, apparement ça allait.
Ils se mirent donc en route pour un endroit plus neutre où ils pourraient avoir l'esprit tranquille. Et ils avaient l'air d'une sacrée paire de pattes cassées. Empestant la transpiration, les pattes aussi faibles que celles de nouveaux nés, l'allure plus qu'incertaine et un air béat un peu idiot, sans doute.
Face aux protestations de son esprit devant la confusion de ses pensées, Haru mis la partie reflective de son cerveau en grêve, se laissant volontairement envahir par toutes sortes d'émotions, de sensations sans y opposer le cheminement de la pensée. Ainsi se mélangeaient joie et chagrin, bonheur et appréhensions, même un peu de colère. Ses sens lui envoyaient moulte informations sur son environnement, informations dont la plupart venaient curieusement du loup qui marchait à ses côtés.
Ce fut quand ils arrivèrent qu'il remit ses capacités de reflexions en branle. Après s'être vautré dans l'herbe, sur le bord de la rivière, l'eau accessible à quelques centimètres. Il profita de la fraiche douceur de quelques micro-éclaboussures sur sa gueule avant de l'ouvrir et de la plonger dans l'eau fraiche. Toboe buvait aussi, la même eau que lui. Maintenant qu'il y pensait, ils respiraient aussi le même air, habitaient la même terre ... enfin, pas tout à fait.

"Dis, est-ce que Midnight t'a répondu quand tu lui as parlé ?"

Midnight. Il avait eu tellement peur de la fuite de Toboe qu'il s'était encore montré impoli avec elle. Impoli ? Un véritable goujat, oui ! Il espérait très fort qu'elle comprenait.

"Mais c'est pas vraiment important hein ? Si elle t'a répondu …"

Peut-être quand même un peu. Même si elle était morte, surtout parce qu'elle était morte, il voulait qu'elle sache qu'il avait toujours de l'affection pour elle. Qu'elle ne le déteste pas. Haru avait pour hantise qu'on le déteste, en particulier ses proches.

Mais les morts ont l'éternité, les vivants seulement le temps que leur flamme résiste. Un grain de sable dans le grand sablier de l'éternité. Une écume de mer si fragile que la moindre vague peu l'effacer. Mais dans toute cette étendue, seulement l'instant présent. Ils laisseront leur place en temps voulu. Midnight n'a pas mérité cela, mais il est trop tard et il doit veiller sur Toboe maintenant.

Haru soupira ses reflexions métaphysiques pour retrouver un semblant de lucidité. Problème actuel : comment vivre avec celui qu'il a choisit ? Certe un choix bien malgré lui, mais qu'il ne regrettait pas et n'avait pas l'intention de regretter.

"Je t'aime Haru."

C'était si sincère que son coeur s'emballa comme s'il avait sursauté, mais en moins désagréable, en plus chaud.

"Je t'aime mais je sais pas ce qu'on va bien pouvoir faire. Moune, Mephisto et Bebop vont pas être ravis-ravis je pense."

Haru poussa un grognement mi-exaspéré, mi-rebelle. Ses Alphas ! Quelle source de tracas ! Ils ne pouvaient pas grandir un peu et apprécier autre chose que la fierté d'être au plus haut et l'adrénaline des conflits ? Certains avaient la jugeotte de tomber amoureux, bien leur en fasse, mais eux avaient le droit de prendre n'importe qui et les autres non ?

-Moune déteste tous les clans, elle est têtue et forte, rien ne la fera changer d'avis. De plus, j'ai entendu dire qu'elle a eu une aventure avec un estival qui a mal fini, ça ne joue pas en notre faveur. Et ces derniers temps, elle agit très bizarrement alors que des disparitions se succèdent. Des loups sont retrouvés ...

Regard en biais vers le loup rouge. Etait-ce une bonne idée de l'inquieter ? Moune était incapable de faire du mal à un loup de son clan, tant que celui ci n'était pas un traitre. Elle faisait des loups amoureux des ennemis, des reclus. Mais elle avait l'air d'avoir son idée sur la cause des disparitions et la connaissant, elle devait vouloir agir seule avec sa fierté démesurée.
Et puis ...

-Je ne connais pas les Alphas de ton clan, mais ... Tu as ta famille là bas, moi je suis orphelin. J'ai bien Willy, mais je pense qu'il comprendra et puis, partir n'est pas un adieu. Et si vraiment rien n'est possible et bien ... Il y a ici. Neutres, on ferait ce qu'on voudrait ou presque. Je veux tenter l'été. Vous avez beaucoup d'eau, de soleil, un arbre n'a besoin de rien d'autre et justement, j'en suis à moitié un. Je trouverais bien un moyen de me rendre utile.

De bien belles paroles, un bel espoir, mais ... Ce qu'il avait la trouille ! Quitter ses terres, c'était quelque chose. Mais en plus devoir s'adapter à un autre clan, avec d'autres loups qui ne l'acceuilleraient pas tous gentiment au vu de ses origines. Il se consolait en se disant qu'au pire, en cas de d'agression, il ne risquerait pas grand chose vu qu'il peut cicatriser aussi efficacement qu'un arbre. Toboe n'avait pas ce pouvoir.

-Qu'en penses-tu ? Demanda-t-il, un sourcil relevé par l'interrogation et l'inquiétude.

Dans tous les cas, il ne ferait rien sans le consentement de son loup.
[je finis après mangé]

-Moune déteste tous les clans, elle est têtue et forte, rien ne la fera changer d'avis. De plus, j'ai entendu dire qu'elle a eu une aventure avec un estival qui a mal fini, ça ne joue pas en notre faveur.

Toboe haussa un sourcil. Il n'avait rien entendu qui ait rapport avec l'Alpha printanière et un loup de son clan. Non, vraiment, il n'en savait rien. Mais bon, c'était pas comme s'il se tenait au courant de tous les potins qui pouvaient courir. Il était même relativement peu au courant de ce qu'il pouvait se dire. Il parait du principe que les histoires des autres ne le concernait pas.

- Et ces derniers temps, elle agit très bizarrement alors que des disparitions se succèdent. Des loups sont retrouvés ...

Toboe capta le regard inquiet que Haru lançait dans sa direction. Il se força à garder une attitude parfaitement neutre. Il ne voulait pas montrer que ces histoires de disparitions parvenait à l'inquiéter. Il fallait bien avouer qu'il avait pas vraiment envie de disparaitre. Ni de se retrouver face à Moune. Au portrait que lui brossais son ami on sentait qu'elle était loin d'être sympathique. Et qu'elle verrait très probablement d'un mauvais œil leur relation.

-Je ne connais pas les Alphas de ton clan, mais ... Tu as ta famille là bas, moi je suis orphelin. J'ai bien Willy, mais je pense qu'il comprendra et puis, partir n'est pas un adieu. Et si vraiment rien n'est possible et bien ... Il y a ici. Neutres, on ferait ce qu'on voudrait ou presque. Je veux tenter l'été. Vous avez beaucoup d'eau, de soleil, un arbre n'a besoin de rien d'autre et justement, j'en suis à moitié un. Je trouverais bien un moyen de me rendre utile. Qu'en penses-tu ?

Toboe se redressa à demi, surpris. Il regarda son loup dans les yeux ne sachant pas vraiment où il en était. Une multitude d'idées passaient dans son esprit. Il voulait vivre avec lui mais comment cela se passerait-il s'il venait sur son territoire ? Et cela allait les mener à rencontrer ses Alphas. Ne devient pas estival qui veut. Mais en même temps il était heureux. Oh combien heureux ! Haru était prêt à sacrifier son clan pour leur amour. Dame Bonne Conscience arriva alors sur ces entre faits et dicta les mots du loup écarlate. Il ne pouvait le laisser tirer un trait ainsi sur ce clan. Sur sa vie. Même s'il était orphelin cela ne changeait pas grand chose au final. Toute sa vie il l'avait passé au Printemps.

- Je ne peux pas te laisser rayer ton clan de ta vie comme ça. Tu as autant le droit que moi de rester chez toi. Je ... je ... je sais pas comment t'expliquer.

Il finit par se relever, mettant un peu de distance entre lui et Haru. Il ne parvenait pas à se concentrer alors qu'il sentait encore son odeur d'herbe fraîchement coupée. Il court-circuitait son cerveau déjà pas bien vaillant en cette éprouvante journée. Il se mit à faire les cent pas sous le museau de son loup. Il devait passer pour un parfait imbécile. Mais peu importait. Haru l'avait vu se ridiculiser plus d'une fois. Alors une de plus ou de moins qu'est-ce que cela pouvait bien faire ? Absolument rien en effet. Il reprit la parole sans oser vraiment regarder son loup. Il avait peur que ses paroles ne le heurte de quelque manière que ce soit même s'il n'avait nullement l'intention de lui faire du mal ou quoi que ce soit.

- Je ne veux pas que tu souffres par ma faute. Je ne veux pas que tu perdes tous ceux que tu connais ici juste pour moi. Je ne veux pas que tu prennes ça comme un sacrifice. Je t'aime trop pour te faire souffrir ! Moi c'est pas si grave. Mais toi tu dois être heureux.

Il se sentait un peu ridicule de dire de telles choses. Mais bon, il ne savait pas comment il aurait pu mieux exprimer ce qu'il ressentait. Sa dernière phrase il l'avait prononcée en planta ses yeux sanguins dans ceux de son loup. Non non et non. Il ne devait pas perdre quoique ce soit. Ils trouveraient une solution mais il ne le laisserait pas se couper des siens pour lui.

Sa déclaration surpris Toboe qui le regardait comme s'il avait commis un crime. Haru eu peur de l'avoir vexé.

"Je ne peux pas te laisser rayer ton clan de ta vie comme ça. Tu as autant le droit que moi de rester chez toi. Je ... je ... je sais pas comment t'expliquer."

Le printannier poussa un demi-soupir de soulagement. Il ne tenait pas vraiment à ce que son compagnon se rende compte de son inquiétude. Ce dernier avait l'air assez confus comme cela. L'idée d'être à l'origine de cette confusion le genait et le flattait à la fois. Il n'aimait pas être la cause du désaroi des autres, et en particulier de Toboe, mais en même temps, il ne pouvait ignorer que les inquiétudes du loup rouge avaient pour origines les plus doux des sentiments.

L'estival se mit à faire les cents pas. Le printannier l'observait, trop occupé à le devisager sous tous les angles avec une admiration distraite pour se concentrer sur les problèmes que leur relation leur donnait.

"Je ne veux pas que tu souffres par ma faute. Je ne veux pas que tu perdes tous ceux que tu connais ici juste pour moi. Je ne veux pas que tu prennes ça comme un sacrifice. Je t'aime trop pour te faire souffrir ! Moi c'est pas si grave. Mais toi tu dois être heureux."

Haru ne pu retenir un sourire. Il ressentait exactement la même chose.

-Ca ne veut pas dire que tu dois te sacrifier non plus, répliqua-t-il. Moi je veux que ce soit toi qui soit heureux. Donc, il faut qu'on le soit tous les deux. Et moi, tant que je suis avec toi, je suis heureux. Mon chez moi, c'est toi.

Le loup vert se leva à son tour et se planta face à Toboe, capturant son regard au passage.

- De toute façon, nous avons le temps. On est pas obligé de tout décider tout de suite, notre relation commence à peine. On a qu'à rester ici et rentrer de temps en temps chez nous chacun de notre côté pour préparer nos proches. Tu en penses quoi ?

Il sourit. Il voulait profiter des frissons des premiers jours avec Toboe avant de se prendre la tête avec l'avenir.

Haru sourit. Pourquoi souriait-il ? Avait-il l'air aussi bête que ça ? Est-ce que c'était ce qu'il venait de dire qui l'amusait tant ? Le loup rouge n'aimait pas ça. Que les autres se moquent de lui passe encore, mais pas Haru. Il se renfrogna donc quelque peu avant que son aimé ne prenne la parole, coupant court à ses réflexions qui n'annonçaient rien de bon pour son humeur.

-Ca ne veut pas dire que tu dois te sacrifier non plus. Moi je veux que ce soit toi qui soit heureux. Donc, il faut qu'on le soit tous les deux. Et moi, tant que je suis avec toi, je suis heureux. Mon chez moi, c'est toi.

Le coeur de Toboe palpita doucement à ces mots. Il était si adorable ! Adorable et enfin à lui. Enfin à lui. Depuis le temps qu'il en rêvait. Il ne parvenait toujours pas à croire que ce put être possible. Toute morosité s'envola de manière définitive lorsque le printanier planta ses douces prunelles dans celles, sanguines de l'estival. D'un seul regard ils étaient capables de se dire bien des choses. L'air entre eux était comme crépitant. Crépitant d'un feu ardent qu'ils venaient d'allumer. Le feu d'un amour peu commun. Le feu d'un amour qui serait mal vu. Le feu de leur fol amour.

- De toute façon, nous avons le temps. On est pas obligé de tout décider tout de suite, notre relation commence à peine. On a qu'à rester ici et rentrer de temps en temps chez nous chacun de notre côté pour préparer nos proches. Tu en penses quoi ?

Nouveau sourire. Son cœur qui s'emballe une fois encore. Il franchit encore une fois la distance qui le sépare d'Haru et dépose un baiser sur ses lèvres. Un baiser papillon. Douceur et volupté. Il s'écarte ensuite pour simplement reprendre son chemin tout en frôlant le printanier. Il aimait le sentir près de lui. Il aimait le toucher sans cesse. S'assurer qu'il fut bel et bien à lui. Qu'il était bel et bien réel et non pas un énième rêve. Il avait envie d'un bain maintenant. Oui, des fois des pensées idiotes pouvaient traverser son esprit aussi biza... bon ok, vous vous en doutiez, passons donc.

- Oui, on a le temps. Dit, tu viens faire trempette avec moi ?

Il eut un sourire lumineux. Ce sourire enfantin qu'il délivre à tout le monde. Tout le monde mais aujourd'hui c'est plus particulier. Aujourd'hui c'est pour Haru. Aujourd'hui sa bonne humeur n'est pas feinte. Auprès de lui elle ne l'est jamais. Sans attendre sa réponse le loup écarlate cours en direction de la rivière. Il a l'impression d'avoir des ailes. Des ailes qui le poussent plus loin et plus haut, lui permettant de ne pas s'entraver pour une fois. D'un bond il se retrouve dans l'onde claire. Il est heureux. Heureux et détrempé. Il crie le nom d'Haru. Il veut qu'il le rejoigne. Il veut profiter de l'instant présent. Il veut être insouciant. Il veut faire comme si tout allait pour le mieux. Il veut faire comme s'il n'était qu'un enfant.

- Haru t'as raison. Voyons les choses du bon côté encore pour un moment ! Les soucis ça donne des poils blancs.

Il rit doucement même si sa plaisanterie ne le méritait pas vraiment. Toboe envoya quelques gouttes d'eau sur son loup tandis que celui-ci le rejoignait. La vie était parfois des plus douces.

Toboe picora le bout des lèvres du loup vert. Il pouvait autant qu'il le voulait, le printanier ne s'en lasserais jamais.

"Oui, on a le temps. Dit, tu viens faire trempette avec moi ?"

Et aussitôt, le loup rouge se glissa dans l'eau fraîche de la rivière. Haru n'avait plus le choix. L'eau ne devait pas être très chaude, mais il pouvait toujours tricher et se protéger derrière son écorce.

"Haru t'as raison. Voyons les choses du bon côté encore pour un moment ! Les soucis ça donne des poils blancs."

Le rire de Toboe avait quelque chose d'innocent, d'enfantin qui attendrit le loup vert. Lui même était un peu loupiot sur les bords, ils formaient vraiment un couple décalé.
Et en parlant d'enfant ... Haru prit son élan et plongea en faisant le plus d'éclaboussure possible. Le choc thermique le secoua un peu et il s'ébroua en sortant la tête de l'eau. A présent, ils étaient tous les deux trempés de la tête aux coussinets. Et s'ils voulaient rester discrets, c'était raté. Mais après tout, rien ne leur interdisait de s'amuser ici.

Le printanier se mit alors en tête d'attraper un poisson. Se trouvant tout deux dans un état de fatigue assez avancé, manger leur redonnerait des forces.

-Essaie de ne pas trop bouger, je vais essayer d'attraper un poisson.

Après réflexion, Haru pouvait prendre l'écorce de n'importe quel type d'arbre alors pourquoi pas des algues ? Il enfonça ses pattes dans la vase et tenta l’expérience. Mais son pelage se changea en écorce banale, le seul changement vu dans les petites feuilles d'algues qui poussèrent dessus. Il aurait l'air d'un bout de bois tombé dans la rivière et mangé par les algues, au moins les poissons se méfieraient moins. Restait à attendre le bon moment.

Il ne fallut pas longtemps pour que plusieurs poissons viennent grignoter ses feuilles.
Haru lança un regard à Toboe. S'il en attrapait un, il faudrait du temps pour qu'ils reviennent, à moins que ces animaux soient complètement stupides, si l'estival pouvait en profiter pour attraper le sien, cela simplifierait les choses, mais le loup vert ne voulait pas parler au risque de les faire fuir. Il espéra que Toboe avait compris son message, prit une profonde inspiration et plongea sa tête dans l'eau le plus vite possible.
Ses crocs se refermèrent sur une proie et il releva la tête aussitôt pour jeter sa proie sur le rivage.

Toboe était le plus heureux des loups lorsqu'il vit son aimé le rejoindre. Ils avaient des points communs avec Haru, c'était indéniable. Le printanier savait s'amuser, ne pas se prendre au sérieux. Se comporter comme le dernier des louveteaux. C'était une qualité pour le loup écarlate. Là où certains auraient vu un manque flagrant de sérieux lui voyait simplement une âme d'enfant qui avait besoin de s'épanouir. Ils étaient donc tous deux trempés jusqu'aux os, profitait des derniers jours d'été en barbotant dans la rivière. Cependant, Haru semblait avoir d'autres projets que ceux de s'amuser. Le loup écarlate allait se jeter sur lui pour qu'ils se retrouvent totalement immergés lorsqu'il le vit s'immobiliser. Ne comprenant pas ce qu'il se passait il s'immobilisa, la tête penchée sur le côté, quémandant une explication. Explication qui ne tarda pas à venir, associé d'un petit coup d'oeil qui fit frissonner l'estival. Ce regard marron lui plaisait tant.

-Essaie de ne pas trop bouger, je vais essayer d'attraper un poisson.

Obéissant, Toboe ne bougea pas un muscle tandis qu'il voyait le corps de Haru changer une fois de plus. Ses pattes se recouvrirent lentement d'algues qui semblaient être le pêché mignon de ces choses écailleuses puisqu'elles vinrent presque immédiatement picorer les pattes de son compagnon. Compagnon ... Qu'il était doux d'associer ce mot au nom de Haru ! Perdant la concentration qu'il avait miraculeusement acquise le loup écarlate plongea la tête dans l'onde mais un peu tard. Il ressortit la tête de l'eau en toussant. Il n'avait réussi qu'à boire la tasse. Ce n'était pas la première fois qu'il pêchait pourtant. Loin de là même. Les poissons étaient une denrée commune en été.

- Haru ta présence me déconcentre. J'ai rien à manger du coup.

Sourire en coin et oeil pétillant. Il plaisantait, pas de doute là dessus. Des fois qu'ils puissent partager ce que le printanier venait d'attraper. Sinon tant pis, il retenterait même si ce serait probablement plus long sans l'appât parfait que constituaient les pattes du printanier.
En attendant de pouvoir se remplir l'estomac le loup écarlate avait une idée qui lui trottait toujours dans la tête. Idée qu'il comptait bien mettre en oeuvre. Se ramassant sur lui même comme s'il voulait simplement s'allonger dans l'eau pour profiter de la fraîcheur, il se détendit soudain heurtant Haru de plein fouet. Les deux loups roulèrent dans l'eau en direction de la rive. Ici l'eau était peu profonde et l'estival, perché au dessus de son compagnon, en profita pour lui voler un baiser de plus.

"Haru ta présence me déconcentre. J'ai rien à manger du coup."

Visiblement, l'estival avait manqué une prise. Ce n'était pas bien grave, les poissons revenaient déjà picorer le printanier, lui laissant une impression de chatouillis. Le loup vert décocha un sourire, Toboe chouinait comme un louveteau vexé d'avoir manqué sa première proie.
L'humour innocent dont le loup rouge faisait preuve confortait Haru dans l'idée qu'avec lui, tout serait plus simple. Aucun des deux loups ne se prenait trop au sérieux, la vie entre leurs pattes était légère, insouciante, dénuée de prises de têtes et de conflits. Ils simplifiaient chaque évènement, s'exprimaient à coeur ouvert et se libéraient des contraintes. Peut-être était-ce lâche de fuir ainsi les problèmes, de remettre à demain ce qui pouvait les préoccuper aujourd'hui, mais ça leur convenait et adviendrait ce qui adviendrait, ils s'adapteraient ... ensemble.

Le printanier se replongea dans la concentration pour saisir une seconde prise alors que la première s'étouffait sur le rivage. Mais avant qu'il n'ai pu esquisser le moindre mouvement, Toboe se jeta littéralement sur lui et ils roulèrent jusque sur la rive ou le loup rouge s'arrangea pour le coincer et lui voler malicieusement un baiser.

Haru fronça un sourcil avec un air faussement outré, sans parvenir à effacer un sourire de ses babines :

-Dis-donc, tu veux que je meure de faim ? Ton poisson t'attend, mais je n'ai pas encore le mien.

Le loup vert se redressa à demi pour mordiller l'oreille de son compagnon :

-A moins que je ne te mange.

Il profita d'avoir déstabilisé Toboe pour rouler à son tour sur lui. A présent, ils étaient tout deux trempés et couverts de vase.

-Tu m'as l'air moins appétissant maintenant que tu es tout sale, bouda le printanier. Ce sera pour une autre fois.

Fier de sa blague, mais néanmoins déstabilisé par un tout nouveau sentiment possessif accompagné d'une chaleur bien plus déstabilisante au creux de son ventre, Haru s'en retourna à ses poissons.
Mais impossible de se re-concentrer après cela. Et s'il était allé trop loin ? Il craignait après coup d'avoir effrayé son amant.
Incapable de regarder Toboe, Haru, devenu rouge pivoine, manqua à son tour sa cible. Il avait beau tâcher de se maintenir une contenance, il n'arrivait plus à rien.

-Dis-donc, tu veux que je meure de faim ? Ton poisson t'attend, mais je n'ai pas encore le mien. A moins que je ne te mange.

L'air faussement outré de Haru et les petits coups de crocs qu'il plantait dans son oreille informait Toboe que son aimé ne lui en voulait pas pour cette petite roulade dans l'eau. C'était nettement plus amusant que de guetter bêtement du poisson. Il n'aurait qu'à s'attraper un rongeur s'ils avaient encore faim plus tard. Ils verraient bien. Ils avaient tout l'après midi et voir même plus encore pour s'occuper de ce genre de choses. Le loup écarlate sentit que le printanier le poussait et ce fut son tour de se retrouver à plat dos dans la vase. Le contact était froid et visqueux mais il s'en contre fichait. Toute son attention était fixée sur Haru. Ou, tout du moins, du le corps de ce dernier.

-Tu m'as l'air moins appétissant maintenant que tu es tout sale. Ce sera pour une autre fois.

Toboe se sentit rougir bien que Haru ne puisse le voir. Il avait envie de certaines choses. Des images qui l'avait fait autrefois rougir alors qu'il s'éveillait d'un sommeil empli de rêves lui revinrent. Et si ces rêves ci pouvaient eux aussi devenir réalité. Le loup écarlate allait attirer son compagnon contre lui lorsque ce dernier s'écarta. Il fronça les sourcils, se demandant ce qu'il avait bien pu faire sachant qu'il n'avait rien eu le temps de faire du tout. Il se retourna et s'allongea à plat ventre dans la vase. Sale pour sale, personne ne verrait la différence. Il regarda le loup vert tenter d'attraper une autre proie sans que cela ne soit franchement couronné de succès. Laissant Haru se débattre seul un moment l'estival pataugea jusqu'à un coin où l'eau était claire pour se rincer. Son aimé avait raison, il serait bien plus appétissant tout propre.
Lorsqu'il revint il n'y avait toujours qu'une seule prise sur la berge. Il en déduisit donc que son très cher ne parvenait toujours pas à se concentrer. Toboe se dit que c'était absolument parfait. Il aurait moins de remords à partir l'embêter. Enfin, s'il avait pu avoir des remords pour ce genre de choses. Le loup écarlate repartit donc vers son aimé en se faisant le plus petit possible, ce qui n'était pas gagné-gagné. Il avait toujours été plutôt grand et l'était donc toujours. Il vint se coller tout contre le loup vert en susurrant quelques mots à son oreille :

- Ca y est je suis tout propre.

Il lècha ensuite son oreille. Il se sentait étrangement bien. Comme si ces gestes qui auraient du le faire rougir n'étaient finalement que très naturels parce que c'était Haru. Parce qu'il l'aimait. Il continua son petit manège, se serrant encore davantage contre lui. Il continua de parler doucement même si personne ne pouvait les entendre.

- Moi aussi je te croquerai bien. Il ne faut pas être si beau, c'est tentant pour les êtres faibles dans mon genre.

Une douce chaleur montait en lui, lui laissant des papillons dans le ventre et le cœur qui battait à deux cents à l'heure. Il avait oublié son repas. Ce n'était plus la même faim qui le tenaillait.

Haru sursauta quand il sentit Toboe -car ce ne pouvait être que lui- se coller à lui. Le loup vert frissonna et ça n'avait rien à voir avec la fraîcheur de l'eau.

"Ca y est je suis tout propre."

Quoi ? Comment ça ? Il ne l'avait quand même pas pris au sérieux ? Si ? Mais ... mais ... Et puis c'était quoi cette voix suave ?
Le fil de la pensée du printanier se figea alors que l'estival se collait davantage.

"Moi aussi je te croquerai bien. Il ne faut pas être si beau, c'est tentant pour les êtres faibles dans mon genre."

Haru ne put retenir un réflexe de faire tressauter son oreille sous le souffle du loup rouge.
Pétrifié, une multitude de questions "pratiques" se bousculaient dans son esprit. Incapable de trouver une réponse qui le satisfasse, il commençait à paniquer. Il en plaisantait, mais il ne se sentait pas prêt, il n'avait même pas envisagé cela jusqu'à sa petite blague. Et il voulait se donner le temps d'y penser. Tout avait été si brutal.
Le retour de Mid, sa mort ... le simple fait d'y penser lui glaçait le sang, jamais il ne s'était sentit aussi prêt de la mort. Et soudain, cette idée le frappa de plein fouet. Le corps de Midnight ! Il avait laissé le corps de Midnight aux charognards. La peur de perdre Toboe et la certitude de l'avoir laissée inconsciente mais vivante à ce moment là, lui avait fait oublier qu'il ne pouvait pas, même si son corps avait été habité par un monstre, la laisser là.
Mais si le fantôme était bien là, alors elle pourrait prévenir d'autres hivernaux. Et il ne se voyait pas ramener le corps de sa fille à l'Alpha hivernal, c'était du suicide. En parlant de ça, qu'allait penser l'hiver ? En voyant le corps, ils se douteraient bien qu'elle avait été tuée et le meurtrier, même s'il n'avait jamais voulu ça, n'était autre que Toboe. Le clan hivernal tout entier allait les traquer. Ils n'avaient même pas prit soin de cacher les traces et leurs odeurs.

Haru sursauta à nouveau en sentant une petite piqûre. Un poisson avait grignoté jusque sous l'écorce et s'était attaqué à sa chaire. Le loup vert fit pousser brutalement une volée d'épine sur ses pattes, embrochant une dizaine de poisson. Il s'empressa de rejoindre la berge.

-Voilà, dit-il, problème réglé.

Il retrouva un poil normal pour regarder sa petite plaie. Il avait toujours trouvé amusant de regarder ses petits bobos cicatriser tout seuls en quelques secondes.

-Je ne savais pas que les poissons pouvaient mordre la peau lupine, fit-il remarquer pour changer de sujet.

Il ne voulait pas inquiéter Toboe avec ses états d'âmes de nouvel amant, mais le sujet d'une éventuelle traque hivernale sur leurs personnes l'inquiétait beaucoup. Ils n'étaient en sécurité nul part au final.

-Je pensais à une chose... Midnight était la fille de l'alpha hivernal à l'époque, quelqu'un de sa famille doit être Alpha. S'ils trouvent son corps en terres printanières, ça va être une véritable guerre. Et en plus, ils pourraient retrouver notre piste. On devrait y retourner, ne serait-ce que pour la déplacer et pour effacer nos traces ... Dès qu'on aura prit un peu de force bien sur.

Haru sursauta lorsqu'il sembla comprendre ce que Toboe suggérait. Il fronça les sourcils, un peu perdu. N'était-ce pas son amant qui lui avait fait des avances ? Il s'écarta néanmoins. Il ne comptait pas perdre son beau printanier aussi bêtement. Il laissa son compagnon qui avait cependant l'air tout aussi agité qu'alors qu'il se trouvait tout contre lui. Le loup rouge était perturbé mais il ne dit rien. Il n'y avait rien à dire. Il l'avait attendu si longtemps. Sa patience était sans limites. Ils avaient le temps. Tout le temps qu'ils voulaient. Ils avaient toute une vie. Il partit se coucher sur la berge sans que Haru n'esquisse le moindre geste dans sa direction. Il ne lui en voulait pas, il faisait tout son possible pour ne pas se sentir blessé, pour ne pas prendre ça comme un rejet. Il soupira en posant sa tête sur ses pattes avant, observant encore et toujours Haru, de dos occupé à sa pêche. Le loup écarlate vit son aimé sursauter et releva vivement la tête, cherchant ce qui avait bien pu se passer. Mais il ne vit rien. Rien d'autre qu'un printanier trempé venant vers lui avec quelques prises en plus et un petit sourire satisfait.

-Voilà, problème réglé.

Toboe lui adressa un petit sourire avant d'étouffer un bâillement. La journée n'avait pas été de tout repos et là, à sécher sous le soleil avec un bon repas qui n'attendait que lui, il y avait de fortes chances pour qu'il s'endorme. Il ne fallait pas qu'il cède à la tentation. Pas alors que Haru était encore là. Il voulait profiter un maximum de la présence du loup à ses côtés. Le loup écarlate tendit le cou et attrapa un poisson qu'il commença à manger distraitement. Il se demandait ce qui se passait dans la tête de celui qui avait volé son cœur. Il semblait préoccupé. Il ne pouvait pas le lui dissimuler simplement en tentant de changer de sujet. La réponse à son questionnement intérieur ne tarda cependant pas à venir.

-Je pensais à une chose... Midnight était la fille de l'alpha hivernal à l'époque, quelqu'un de sa famille doit être Alpha. S'ils trouvent son corps en terres printanières, ça va être une véritable guerre. Et en plus, ils pourraient retrouver notre piste. On devrait y retourner, ne serait-ce que pour la déplacer et pour effacer nos traces ... Dès qu'on aura prit un peu de force bien sur.

C'était donc ça ... Encore et toujours Midnight. Même morte elle continuait de hanter l'esprit de son loup. Il se retint de soupirer. Il était normal qu'il s'inquiète pour ça. Le Printemps était son clan après tout. Il fallait bien qu'il s'en préoccupe. Le loup écarlate prit le temps de finir sa bouchée avant de répondre. Il se laissait le temps de réfléchir à sa réponse tout en évitant de crachotter des morceaux de son repas sur Haru.

- Tu as probablement raison. Mange un morceau et on y va. On a pas le temps de nous reposer. Plus longtemps le corps de Midnight reste là où il est plus il risque d'être découvert.

La voix de Toboe était posée. Il se trouvait raisonnable. Trop raisonnable. Ca ne lui ressemblait pas. Mais peu importait. Pour lui il voulait bien changer. Il se releva tout en s'étirant encore une fois de la pointe des griffes à la pointe de la queue, creusant le dos avec soin. Le but quelques lapées d'eau avant de faire de nouveau face à Haru.

- En tout cas merci pour le poisson, t'es un amour.

Petit sourire et tête penchée sur le côté. Viendrait-il de perdre toute crédibilité ? Ca se pourrait bien.

"Tu as probablement raison. Mange un morceau et on y va. On a pas le temps de nous reposer. Plus longtemps le corps de Midnight reste là où il est plus il risque d'être découvert."

Haru laissa échapper un soupir de soulagement et de fatigue. Il n'était pas super motivé, mais il fallait qu'ils le fassent. Et il était rassuré de savoir Toboe à ses côtés. Même s'il se doutait que le sujet Midnight restait sensible. Ils n'avaient pas le choix. Ils devaient penser à leur sécurité et leurs clans respectifs. Ils étaient encore deux êtres distincts. Bientôt, très bientôt, ils pourraient faire leurs choix et se réunirent jusqu'à la mort.

"En tout cas merci pour le poisson, t'es un amour."

Le sourire de Toboe rayonnait comme un second soleil. Haru le lui renvoya en miroir. Il avait envie de croire que rien ne pouvait les atteindre, mais il était bien placé pour savoir que ce n'était pas vrai, ce n'était que l'illusion d'un bonheur indestructible. Un bonheur néanmoins réel et qu'ils devaient protéger, y compris en imaginant le pire.

Haru se dépêcha d'engloutir son poisson et se leva. Il était temps d'y aller. Il jeta un regard désolé vers Toboe. Désolé d'interrompre ces instants légers pour retrouver un cadavre, cadavre qui avait plus d'importance dans leur couple qu'ils ne voulaient bien le concevoir. Finalement, sans Midnight, ils n'en seraient pas là.

-Allons-y ...

Il se rapprocha de l'estival, pour l'inviter à le suivre et l'encourager. Et s'encourager lui-même.

Ils se dirigèrent vers le territoire printanier d'un pas pressé. Le museau au sol, Haru retrouva assez vite leur piste, surtout grâce à l'odeur de Toboe. Ils s’avancèrent prudemment, au cas où. Mais il n'y avait personne. Juste le corps sans vie que les mouches commençaient à envahir. Haru les chassa avec de petites lianes, il n'avait pas l'énergie de faire plus. Il devait économiser pour la porter.
Avec l'aide Toboe, il hissa le corps sur son dos et la porta jusqu'en terres neutres ou il l'abandonna prêt de la frontière hivernale.

L'allé-retour avait duré quelques heures. Il faisait presque nuit. Le corps de Midnight semblait se fondre dans le décors qui s'assombrissait. Haru fit volte face. Mieux valait s'éloigner, tout en marchant, il rompit le silence :

-Relativisons. Sans elle, on n'aurait jamais passé le cap.

Il décocha un sourire au loup rouge et se rapprocha de lui. La fraîcheur du soir n'était pas désagréable, mais il préférait de loin la chaleur corporelle de son compagnon. Et puis, il savait qu'ils devraient se séparer pour rejoindre leurs territoires respectifs. Même s'ils se retrouvaient le lendemain, la séparation lui déchirerait le coeur. Mais avec le corps de Midnight ici, il ne voulait pas passer la nuit en terres neutres. C'était trop dangereux.

Pourtant, il était incapable d'aborder le sujet de leur imminente séparation, même si elle serait courte.

Toboe regarda, le cœur un peu lourd, son petit ami engloutir à son tour son repas. Leurs sourires s'étaient éteints, chacun pensant à ce que l'avenir pouvaient bien leur réserver. Et l'avenir n'apparaissait pas très reluisant pour l'instant. Mais il fallait qu'ils y croient, qu'ils se donnent la peine d'entrevoir un nouvel avenir, d'un avenir qu'ils pourraient construire de toute pièce. L'estival soupira doucement lorsque le loup vert lui fit signe qu'il était temps de partir. Cette louve ne le laisserait dont jamais tranquilles ? Il fallait croire que non. Déjà qu'elle avait empoissonné la plupart de leurs conversations.
Le trajet vers les terres printanières puis le retour avec le corps sans vie de Midnight se fit dans le plus parfait silence. Aucun des deux n'avait le cœur à parler et encore moins à plaisanter ou à flirter. Ce n'était tout simplement pas le moment. Un peu de décence face aux morts. Toboe pouvait au moins faire ça pour le premier amour de son loup. Ils laissèrent le corps de l'hivernale à la frontière de son clan. Le neige protégerait la chaire des affres du temps jusqu'à ce que des membres de son clan la trouve. Cela ne mettrait sûrement pas tant de temps que ça. Ou peut-être que si ... On ne pouvait jamais être sûrs de rien à Four Seasons. Alors qu'ils s'éloignaient de la frontière Haru brisa enfin le silence. Sa voix semblait presque trop sonore aux oreilles du loup écarlate.

-Relativisons. Sans elle, on n'aurait jamais passé le cap.

Il trouva le courage de sourire. S'être vu si prêt de la mort l'avait troublé plus qu'il ne voulait bien l'admettre. Et il devait continuer à faire bonne figure devant son compagnon. Il ne voulait pas le décevoir. Mais, dans un sens, il n'avait pas tort. Si la louve noire ne s'en était pas allée jamais Haru ne serait tombé dans ses pattes. Peut-être que lui, Toboe, serait tout de même tombé amoureux mais ça aurait été un amour simplement douloureux et à sens unique. Sans Midnight le printanier n'aurait jamais pris conscience de ses sentiments. L'estival soupira doucement, heureux de sentir que son loup se rapprochait de lui, cherchant de lui même une proximité dont il n'avait que rêvé jusque là.

- Oui, c'est vrai. Mais maintenant on a quelques soucis avec nos clans respectifs ... Mais nous trouverons bien une solution.

Toboe lécha doucement le front de son compagnon. Il croyait sincèrement ce qu'il disait. Ou alors c'était son optimisme constant qui refaisait surface, il n'était pas certain de savoir faire la différence entre les deux. Il partait du principe que si on voulait on pouvait. Il ne voyait pas pourquoi aujourd'hui serait différent d'hier. Il croisait les griffes pour que la solution soit rapidement là. Il ne supporterait pas de se cacher indéfiniment.
L'après-midi tirait à sa fin. Il allait être l'heure de se séparer. Chacun chez soit, chacun dans son clan, environné par la haine qu'ils devaient avoir pour l'autre. Les adieux ne furent pas si langoureux. Des baisers il y en eu, mais ils n'étaient pas éperdus. Ils allaient se revoir, se revoir bientôt, cela sonnait comme une telle évidence que cela adoucissait les au revoir. Un petit câlin pour la coute et le loup écarlate s'en fut chez lui, non sans se retourner un bon demi million de fois, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus voir la moindre forme laissant croire qu'il voyait encore son loup. Bientôt, ils se reverraient bientôt.

[RP terminé pour moi]