Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Ce jour-là, je m'étais levée tôt pour attraper avec efficacité le pic d'énergie propre au matin. J'étais même allée faire un tour pas trop loin du Clan et avait poursuivi un écureuil et un mulot que j'avais attrapés sans trop de difficulté, ce qui est étonnant en soi car avec l'hiver et son froid, les proies sont plus alertes et vives à s'échapper des crocs. J'ai d'ailleurs eu de la chance de tomber sur deux d'entre elles. Cela prévoyait peut-être une bonne journée remplie de bonnes choses.
Quoi qu'il en soit, j'avais déposé les deux proies à la chair encore fraîche d'avoir vécu quelques temps plus tôt, et après avoir mangé l'écureuil, j'étais allée, le mulot et une souris dans la gueule, voir une camarade automnale qui était un peu malade. A vrai dire, quand l'un des miens est malade, je n'aime pas rester là sans rien faire. Alors depuis quelques jours, je viens souvent la voir pour vérifier son état et lui apporter son repas pour lui éviter des mouvements trop fatiguants pour son organisme affaibli par la maladie.
Je passai la tête dans sa tanière, oreilles dressées, observant si elle était déjà réveillée ou pas. De toute façon, cette louve préfère de loin se réveiller tôt que tard. Je déposai son repas sous son museau, un sourire amical.

- « Alors, comment ça va ?

Elle soupira un coup, les yeux ouverts et l'air épuisé.

-Fatiguée, mais je sens arriver au bout de cette saleté de maladie. Merci de m'avoir tenu compagnie en tout cas et de continuer. »

Elle m'offrit un sourire reconnaissant, le regard pétillant. Mais elle re-soupira, une expression lasse sur la face.

-Humpf, je ne pense pas manger tout ce que tu m'as apporté, je me contenterai du mulot si ça ne te dérange pas.
-Pas de souci, je prends la souris alors, j'ai une longue journée qui pointe le bout de son museau je le sens.
-Ah ?
-Ouep, je dois aller sur le territoire du Solstice »

J'avalai en quelques bouchées la souris, pensive.

-« Faut que j'y aille d'ailleurs là, ce ne serait pas convenable de faire attendre Caesar » , souriai-je en me levant doucement, m'ébrouant légèrement.
-« D'accord, à plus » Elle reposa sa tête sur ses pattes après avoir fini son repas.
-« A plus ! »

Je sortis de sa tanière et restai quelques instants plantée à son entrée, profitant avec délice des rayons du soleil. Je pris une grande inspiration et décidai de passer une nouvelle fois par ma tanière pour arranger quelques trucs, comme préparer soigneusement ma couchette pour le soir, quand je rentrerai certainement lessivée, car le Territoire du Solstice est assez éloigné.
Je terminais d'éjecter quelques feuilles mortes sèches et désagréables sur le côté, quand un museau orange et blanc s'infiltra à l'intérieur de la tanière et que d'un ton gai lançait le propriétaire de cette truffe :

- Bonjour ! Prête pour le grand voyage ?

Je relevai la tête vers lui, et entonnai amicalement, un sourire sincère sur les babines :

- Salut Caesar ! Tout ce qu'il y a de plus prête, et toi ?

Je m'ébrouai un coup pour débarrasser mon pelage des feuilles qui s'y étaient incrustées et m'avançai à sa rencontre, oreilles dressées, attendant qu'il entame la route pour le suivre comme une ombre protectrice.

- Et comment ! Alors c’est parti pour l’aventure ! , lança-t-il avec entrain avant de prendre le large. Je lui adressai un sourire amical avant de le suivre sans hésitation, ayant fait tout ce que je me sentais de faire absolument avant de partir, le rattrapant histoire que l'oiseau s'envole loin sans que je puisse surveiller ses arrières des vilains chats qui pourraient lui causer du mal.

Nos pas foulaient le sol aux feuilles mortes et à la terre meuble, doux et confortable à nos coussinets qui allaient faire face à un long trajet semblait-il. Je m'étais déjà explorée à un des nouveaux territoires conquis par l'Automne, d'autant plus que je faisais partie des escouades d'explorations. C'était franchement un moment agréable et passionnant, où chacun s'activait, excité ou non selon les loups, à découvrir de nouveaux lieux jusqu'alors inconnu. Je me souviens de l'adrénaline qui me parcourait lors de ces escapades.
Je me souvins aussi de ma deuxième rencontre avec Lathraios. Je soupirai intérieurement et baissai les oreilles, la mine contrariée. Abruti. Mes pommettes rosirent quelques secondes, mais je virai tout sentiment qui n'allait pas dans le sens de ma mission. Je dois rester vigilante. Ce n'est pas le moment de vaquer à des idées disturbantes.
Je me léchai les babines, goûtant à les effluves automnales qui imprégnaient l'air, fermant momentanément les paupières pour mieux profiter du silence ambiant que seule notre avancée perturbait par le froissements des feuilles sous nos coussinets. Le bâillement de mon camarade me sortit de ma rêverie qui n'était même pas dérangée par des pensées parasites. Mes troisième paupières se glissèrent rapidement avec mes paupières tandis que je tournais la tête vers Caesar en même temps que lui tournait la sienne vers moi, un air sur la face qui disait qu'il allait parler. Ce qui ne manqua d'ailleurs pas.

-Alors, comment te sens-tu ? Tout va bien ? Tu as beaucoup de travail en ce moment ?

Si je m'assombris légèrement, j'offris un sourire amical à mon compère, avant de détourner un peu le regard.

- Ca va ça va, pas plus que d'habitude. J'ai récemment eu une mission en territoire du Printemps pour... un Solitaire. , répondis-je aussi impassiblement que je le pouvais, me mettant un voile de neutralité sur le regard. Enfin après, tu sais, on n'est pas toujours envoyés en mission pour... s'occuper d'autres loups. Parfois on nous envoie avec des espions pour enquêter avec eux, parfois avec un petit groupe de guerriers pour les appuyer dans l'ombre si besoin est.... ou sinon accompagner un ambassadeur sur un territoire extérieur au nôtre. , conclus-je en lui adressant un sourire malicieux. Je détournai de nouveau la tête, et ajoutai, songeuse, plongée dans mes souvenirs, ces souvenirs si neufs dans mon esprit et pourtant si reculés Il m'arrive parfois de filer un coup de patte aux guérisseurs en allant chercher des plantes car j'ai quelques restes d'avant qui se montrent utiles en certains cas.

J'inspirai une nouvelle bouffée d'air dans une attitude calme et tranquille. Souvent les gens pensent qu'on n'est que des machines à tuer, mais c'est faux, on ne fait pas que ça. Sinon il n'y aurait plus de loups sur Four-Seasons. Non, on aide aussi à la vie du Clan, on chasse, on se serre les coudes, on aide. On est comme n'importe quel autre loup clanique si l'on excepte notre rôle meurtrier.
Le visage de quelques unes de mes victimes vint se superposer à mes rétines qui guettaient la sortie des arbres qui se profilait un peu plus loin, témoin que l'on approchait de la sortie de notre territoire, de notre foyer que j'aime tant. Je remuai les oreilles et les moustaches, écoutant ce qui nous entourait, sans négliger les paroles de Caesar s'il continue de dialoguer avec moi. Ce serait bête que je loupe ce qu'il dise et lui mette un vent, le pauvre ! En plus il est quelqu'un d'agréable, ce serait dommage de ne pas profiter de notre voyage pour instaurer une bonne ambiance avec des discussions gentillettes. Ca soude les liens ce genre de moments, c'est important.

-Je suis certain qu'ils sont tous ravis de l'aide que tu leur apportes. Je le suis d'ailleurs moi aussi ! , me sourit-il avec sincérité semblait-il.

Je clignai un court instant les yeux, ne m'attendant pas à une quelconque sorte de remerciement, puis lui souris doucement, le regard amical, restant silencieuse.
Le calme s'installa de nouveau, chacun de nous deux regardait droit devant soi, et moi les sens aux aguets, je restais vigilante sous mes allures détendues.
Ce qui ne m'empêcha pas non plus de laisser mes pensées dériver. Caesar était gentil et compréhensif, mais je ne pense pas que certains loups partagent les mêmes idées que lui. Peut-être pas dans le Clan automnal en lui-même, mais peut-être ailleurs. D'autres tueurs n'ont peut-être pas l'honneur que m'a inculquée ma mentor pendant ma formation, instaurant des opinions différents chez chacun.
Je me remis à penser à ma professeure. Qu'est-ce qu'elle était impatiente et sévère. Mais c'était une louve profondément gentille sous ses airs bourrus. De plus, elle a accepté de former cette étrange loupiote amnésique qui souhaitait s'orienter dans la voie opposée à celle d'origine, c'est-à-dire qu'elle est allée d'apprentie guérisseuse à apprentie tueuse. C'était certes surprenant, mais l'adulte n'avait pas bronché et l'avait même soutenue quand ça n'allait pas fort pour elle pour x raison, l'aidant à sa façon renfermée et ronchonne.
Elle était comme une seconde mère pour moi.
Je poussai un discret soupir. Je ne comprends pas pour quelles raisons elle a quitté l'Automne pour l'inconnu. Peut-être une mission ? Elle n'est jamais revenue. Je me rappelle, juste avant qu'elle ne parte, je l'avais croisée en route. J'étais officiellement une vraie Tueuse automnale depuis peu. Elle avait l'air sombre et glacial, différent de son attitude d'habitude certes renfrognée, mais à peu près ouverte. Elle m'avait grommelé un « Au revoir » sans réellement s'arrêter, continuant son chemin.
J'avais compris qu'elle était probablement sur une mission -laquelle, je ne sais pas- car à chaque fois elle adoptait la même attitude froidement distante, renfermée pour mieux se concentrer.
Depuis, je ne l'ai plus revue...

-Dis moi, simple curiosité. As-tu déjà eu affaire aux Solstiens ? Que penses tu d'eux ?

Je tressautai imperceptiblement, tirée de mes pensées par le ton chaleureux de nature de mon compère cornu, et tournai les yeux vers lui. Je remuai les oreilles eus un léger sourire en coin. Je ne savais que répondre. Je n'avais pas rencontré de Solstien à proprement parler, mais d'après les descriptions d'eux que j'ai entendues, il est fort probable qu'un certain loup de ma connaissance m'ait caché ses origines..... comme à tout le monde.

-Hum, , commençai-je, en fait je n'en ai pas rencontrés, du coup.... je n'ai pas franchement d'avis sur eux. Ou en tout cas pas d'avis personnel, car j'ai entendu ceux des autres, et bien sûr je sais qu'ils ne nous portent pas complètement dans leur cœur, mais je crois que c'est ainsi pour un bon nombre de loups de Clans.

Je haussai un sourcil malicieux, et lançai :

-Et toi, en tant qu'ambassadeur, tu as eu souvent affaire à eux ? J'avoue qu'avoir un avis plus précis pourrait m'être utile pour savoir à quelles sortes de caractères on pourrait faire face, et agir en fonction de.

Connaître son ennemi, c'est déjà le vaincre de soixante-quinze pour-cents ; une des leçons les plus fondamentales de ma mentor portée disparue. Si on doit se battre, il faut que je puisse remplir ma mission de protectrice en essayant bien sûr de ne pas y laisser des pertes. Mais j'avoue rechigner à faire couler du sang inutilement, donc on va essayer de discuter pacifiquement si possible.

-Hé bien, une ou deux fois oui. Je sais qu'ils ont trois chefs différents... Et que leur sympathie dépend de leur groupe ! Leurs guerriers ont des griffes de métal. Mais quoi qu'il en soit, si nous en croisons, ils ne devraient pas nous attaquer s'ils savent que nous sommes automnaux.

Mes oreilles se dressèrent à la notion des armes des combattants de cet autre groupe de loups. Hm, c'était bon à savoir. Ce serait embêtant de se retrouver transformés en saucissons fraîchement coupés par des bouchers professionnels.
J'eus un sourire légèrement ironique. « S'ils le savent » , mais s'ils n'en ont pas la connaissance, on pourrait très bien se retrouver dans la minute qui suit dans une flaque de sang- la notre. Je me secouai subrepticement la tête. On va faire en sorte que non, et puis, après tout, je suis aussi là pour éviter ça. Enfin... Pour éviter ça au moins à Caesar. Je haussai les épaules d'un air éloquent. Nous savons tous les deux que l'éventualité d'être attaqués n'est pas exclue, et peut-être loin de là.

Après un petit moment de silence, une douce mélopée qui a tout d'aquatique, et me faisant immédiatement penser aux Cascades de Niennor, commença à parvenir à nos oreilles. Par habitude, je remuai légèrement les miennes. Ce son m'était vraiment agréable, pensait une partie de moi, tandis que l'autre se disait qu'il pourrait être propice à des loups bien camouflés, cachant les bruits qu'ils pourraient émettre. J'ai intérêt à encore plus ouvrir l'oeil, ça c'est sûr.
Et puis, je reconnus quelques éléments propres aux Pics Brumeux, lesquels j'avais eu l'occasion d'explorer brièvement plus tôt... Hm ?
Je plissai légèrement les yeux, humant l'air. Ces petites touches de Printemps... elles sont légères mais loin d'être anodines. Je remuai la mâchoire et levai encore un peu la truffe. Hmm je ne repère pas d'autres odeurs, celle du territoire est trop forte, et, couplée au vacarme de l'eau, cela brouille mes sens. Je relevai légèrement mes babines, ne me concentrant alors que sur ma vue.

-Mhh... On dirait que l'on va devoir trouver un autre chemin. , fit mon binôme automnal.

Mais j'avais perçu un mouvement derrière un des énormes pics qui parsemaient la lande ; bref, mais pas assez pour échapper à ma vigilance. Je fis un regard circulaire, puis m'approchai de Caesar pour lui chuchoter à l'oreille :

-Je crois qu'on n'est pas seuls.

Et alors, à peine eus-je prévenu mon camarade que bondirent trois gros loups bien mastoc dont une femelle de derrière les pylônes irréguliers, pour nous encercler en montrant les crocs d'un air menaçant.
Ni une ni deux, agissant calmement pour ne pas aviver les foudres qui semblaient percer leurs regards, je me plaçai de sorte que je puisse parer le maximum d'attaques visant Caesar si besoin. Je n'ai pas peur d'y laisser quelques blessures quand il s'agit de mon Clan, de mon devoir, et je ne crains pas la mort puisque je ferai tout pour qu'elle ne nous atteigne pas.
Sans avoir besoin de renifler longtemps l'air, plus que leur fumet, les tatouages qui stylisaient leurs pelages brillants et neutres ne trompaient pas.
Bon, on aurait pu tomber sur pire, par exemple sur des mercenaires solitaires qui n'ont rien d'autre à faire que d'aller chercher des noises aux autres.
Ne montrant pas de signes d'agressivité, j'observai avec une tranquillité qui faisait façade ce trinôme sorti de nulle part, respirant pleinement l'air à la fois mouillé et sec de l'endroit.
Considérant que c'était à Caesar de prendre la parole, en sa qualité d'ambassadeur, je ne dis rien. Dans ce silence grondant qu'ils nous adressaient, certainement voulaient-ils des raisons à notre présence, et mieux, nos identités. Aucune idée de s'ils allaient ouvrir le bec ou non, mais a priori, si on se débrouille bien, ils devraient comprendre qu'on n'est pas là pour embêter le monde et cerise sur le gâteau nous éclaireraient même un chemin vers leurs chefs ?