Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Après avoir passé plusieurs heures blotti contre ses papas adorés, Fjörd avait envie de se dégourdir un peu les pattes. Malheureusement il faisait déjà nuit dehors et il n'avait pas le droit de sortir de la grotte si le soleil s'était couché. Cependant, il appréciait fortement contempler les constellations du toit céleste ainsi que Madame la Lune. Ses Papas avaient beaucoup d'histoires à propos de la Lune et on raconterait que Fjörd, son frère et ses sœurs, seraient des cadeaux de cette Lune et du Dieu de Four Seasons.

Mais toutes ces histoires n'était que faites pour faire dormir debout les enfants turbulents. Le petit blanc, lui, savait que tout ça n'étaient que des sottises. Le problème, c'est qu'il ne pourrait pas réfléchir à d'autres moyens par lesquels ses parents auraient pu avoir leurs enfants. Ainsi, il se posait une colle lui-même, trop fière d'admettre qu'il pouvait avoir tort, il préférait bouder dans son coin quand on lui rappelait sa provenance.

Triste de ne pas avoir le droit d'apercevoir son amie la Nuit cette nuit-là, il jeta un bref coup d’œil à la fratrie déjà endormi, ses parents parlaient encore. Curieux, leurs conversations qu'il n'arrivait pas à comprendre malgré toutes ses tentatives. Tout le monde lui disait déjà qu'il réfléchissait trop et se souciait de choses bien trop inappropriées pour son âge. Mais Fjörd disait toujours que ce n'était pas de sa faute s'il était intéressé par les vraies choses de la vie et qu'il ne vivait pas au même rythme que les autres enfants.

Il y avait un loup qu'il aimait bien dans le clan. Le petit blanc n'avait jamais trouvé courage d'aller lui parler car il donnait l'impression d'être lourd d'histoires et de pensées. Ce loup si curieux arborait des couleurs agréables à regarder et les détails d'or ne pouvait que lui rappeler son père. Par contre, le masque chatoyant qu'il arborait était bien étranger à ce que connaissait Fjörd. Ses parents n'avaient pas l'air de se connaître plus que ça, et pourtant il avait l'air si intéressant ! Et lui au moins, il risquait de moins embêter le petit Hivernal d'histoires stupides ou avec des jeux puériles.

Le fixant depuis quelques minutes déjà de ses yeux ébahis, il se demanda si ce loup pouvait le voir derrière son ornement. Ce serait un peu bête, se dit-il, de se priver la vue si gratuitement. C'était pourtant un don formidable, la vision. On pouvait percevoir ce que Mère Nature avait de plus beau à nous offrir. Et pourtant, cet individu-là ne devait que voir son propre monde.

S'approchant sans un bruit au lupin si curieux, il apprécia du regard ses longs cheveux d'un bleu ciel éclatant. Autre chose que Fjörd savait aimer, c'était les bois de cerf qui finissaient majestueusement l'accoutrement de l'autre Hivernal. Il avait déjà vu des cerfs sauvages, de loin, et il aimait beaucoup ces créatures aux allures si mystique.

D'une voix quelque peu fatigué, il lança au grand inconnu de son habituelle manière à imiter les expressions de son père  :

-Pourquoi s'affliger à porter un masque?

Le déferlement de paroles qui s’enfuyaient de la gueule du sage venaient se former en un dialecte plaisant pour les oreilles du jeune loup. Chaque mot était choisi avec précaution et minutie, comme si chaque lettre avait été réfléchi auparavant, sagement. C’est ce qui plaisait à Fjörd, rien n’était laissé au hasard, chaque acte et chaque son était créé dans un but précis. Voilà une personne sensée qui ne parlait pas pour ne rien dire, contrairement à tout ces bons à rien de louveteaux sans buts ni pensées.

Ce qui plu aussi, c’est la bonne volonté de son interlocuteur à lui accorder de son précieux temps. Apparemment, lui non plus avait renoncé à la venue du Marchand de Sable, ou peut-être l’avait-il manqué de justesse. De toute évidence, ce fut là une compagnie de qualité pour l’Hivernal qui ne savait avec qui mieux passer sa nuit sans rêves. La stature du bourreau était comme une œuvre d’art, une sculpture à même la glace en toute transparence avec une quelconque intonation émotionnelle dans sa voix. Mais le loup n’en était pas non plus monotone ou ennuyeux, à l’entendre parler, Fjörd pouvait se laisser aller dans sa gestuelle vocale durant des heures.

Le grand masque aux reflets infinis se tenait bien en face de l’immaculé, qui aurait été sous la peseur de l’imposition s’il n’était pas submergé par autant d’admiration envers l’individu de miroir. Si la lumière n’était pas quasi inexistante en ces lieux, Fjörd aurait pu admirer ses multiples faciès au sein du couvre-chef du masqué.

Ce qu’entendait Fjörd par l’affliction du masque était l’absence de regard et d’émotions perceptibles par l’obstacle sur le visage, même si il n’y aurait pas grande différence à en entendre la voix de marbre. Seulement, l’interaction avec Sullivan était bien plus intéressante qu’avec une simple personne. Malgré une absence de vue, le mâle pouvait toujours suivre un personnage comme s’il n’en quittait pas une miette du regard. Cela le rendait encore plus attentif et Fjörd se sentait bien plus écouté que n’importe qu’avec n’importe quel autre individu.

L’immaculé se décida à répondre, s’inspirant du calme de l’élocution de son interlocuteur pour formuler une réponse qu’il espéra aux atteintes de celui-ci.

-Il paraîtrait que le Marchand de Sable ait oublié de me laisser monter dans son train. Je ne me sens pas d’humeur à connaître la plénitude d’un sommeil et je dois avouer que j’apprécie votre présence et aimerait en profiter.

Le jeune lunaire réfléchit un instant à ce dont ils pourraient converser, et il repensa à tout ce que le bourreau aurait pu voir ou vivre durant son existence si tumultueuse.

-Qu’avez-vous à me conter ce soir, cher Bourreau ? Ajouta-t-il en s'asseyant calmement en face de l'aveugle.