Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Viehrs ne se serait pas défini comme peureux...Enfin, il ne se serait jamais attribué ce genre de défaut, s'aimant bien trop pour cela. Il n'avait pas peur, donc, mais il n'était pas particulièrement enjoué par cette balade. Viehrs n'aimait pas Halloween. Pourtant, cette période de l'année mettait sa saison au paroxysme de sa puissance, et il aurait pu profiter de l'effervescence automnale pour se rapprocher de ses camarades de clan. Mais l'albinos ne ressentait aucun attrait pour la fête que provoquait Halloween et n'y trouvait pas de réel amusement. Ou du moins, il n'en avait encore jamais trouvé. En effet, il ne s'agissait pas là de son premier Halloween! L'albinos avait déjà arpenté les terres lugubres d'Halloween, lorsque l'automne s'installait. Et il en avait des souvenirs...Assez désagréables... C'est avec les oreilles baissées que l'hermaphrodite avançait dans la plaine couverte d'un brouillard opaque qui l'empêchait d'y voir clair. Il se tenait droit, mais son attitude fière était entachée de petits sursauts ou de regards furtifs, lorsqu'il entendait une branche craquer hors de son champ de vision.

Il lui fallut un moment pour se rendre compte qu'à travers le brouillard épais, une silhouette pale s'approchait de lui. Instinctivement, l'albinos fit un pas en arrière et s'arrêta, sinon méfiant au moins prudent. A travers le brouillard, il percevait une odeur qu'il savait familière...Viehrs était peut être superficiel, mais il n'oubliait ni un visage, ni une odeur. Cependant, celle-ci le ramenait loin..A un temps où il n'était encore qu'un simple ambassadeur du printemps. Rien à craindre, en soi, de cette odeur...Du moins, aussi loin qu'il pouvait croire en ses souvenirs. Tout de même, il se détendit quelque peu, déliant la nervosité qui nouait ses épaules; et il continua d'approcher à son tour, jusqu'à ce qu'il puisse apercevoir plus clairement son interlocuteur. Il reconnut sans mal son visage rendu si particulier par le masque qui dissimulait complètement sa mâchoire. Tout son corps était famélique et l'on aurait dit que son squelette avait du mal à supporter le poids de sa peau.


Amusé par le caractère improbable de cette rencontre, il héla le solitaire avec un large sourire :

« Ma foi ! Si ce n'est pas Kare !»


Il arrêta d'avancer, laissant le solitaire venir jusqu'à lui. Au moins, s'il y avait des monstres tentés de surgir des ténèbres, Viehrs ne serait pas seul. A voir comme il se rassurait, on doutait presque de sa soit-disant absence de peur... Il regarda derrière lui une dernière fois, persuadé qu'il entendait d'autres bruits au loin.

« Je ne m'attendais pas à te revoir en de pareilles circonstances..» Il ajouta, par boutade. «Mais heureux de voir que tu n'es pas mort de faim !»

Dans l'attitude du solitaire famélique, Viehrs comprit immédiatement qu'il avait dû être mis au courant des agissements "maléfiques" de l'albinos, dont le sourire ne se rembrunit qu'un instant. Il s'était toujours fichu que les autres loups soient au courant de ce qu'il avait fait, cela était public désormais et quelque part, cela lui permettait d'être connu par presque tous les membres de FourSeasons. Il n'imaginait pas le nombre de personnes qui devaient mentionner son nom chaque jour et cela le faisait sourire plus qu'autre chose. Pourtant, cela semblait sinon le peiner, au moins le contrarier quelque peu que Kare ne soit au courant de ses actes. Nul n'aurait compris pourquoi, mais cela faisait tiquer son esprit. A l'évidence, ce n'était certainement pas par peur que le solitaire ne le juge, cela lui était parfaitement égal. Son attitude plus prudente, plus méfiante à son égard, était loin de blesser son ego.

Bien qu'il maîtrise parfaitement toute réaction de son visage, Viehrs dut se retenir de froncer la truffe, lorsque le loup squelettique précisa qu'il trouvait sa nourriture en ces lieux. Cela n'était pas le dégoût de la réalisation, car l'albinos avait déjà rencontré le solitaire auparavant et savait qu'il ne mangeait pas la chair des proies habituelles que tuaient les loups. Il n'était pas horrifié, cela provoquait plutôt chez lui une certaine curiosité qui le faisait sourire. Il était loin de se sentir en danger. Toujours était-il que si le solitaire disait pouvoir se nourrir, il paraissait toujours si maigre, si affamé que Viehrs doutait qu'il puisse véritablement se rassasier de quoi que ce soit et ce, même en ces lieux...Particuliers. Il y régnait, d'ailleurs, une certaine odeur de pourriture qui aurait probablement rendu fou le délicat hermaphrodite, si son bâton d'encens ne l'en préservait pas. Il répondit, gardant son ton posé et toute moquerie en sourdine, comme s'il voulait éviter d'attiser les réticences du solitaire vis à vis de sa personne :

« Je doute que les mets que tu y trouves soient très..Goûteux. Néanmoins, il est bon que tu puisses te nourrir, hmm ? »

Viehrs soutint volontairement les yeux gris de Kare, lui faisant face. Son sourire se crispa un petit instant tandis qu'il répondait.

« En effet, je n'ai pas chaumé. Je n'aime pas tant le calme plat. »


Il détacha son regard de celui du solitaire, laissant planer le silence pendant un long moment, comme s'il défiait volontairement Kare de lui poser plus de questions. Viehrs était las d'expliquer sa situation, ne trouvant même plus d'attrait à mentir à quelques idiots qui ne seraient pas au courant. Cela ne lui procurait plus aucun amusement. Il assumait ce qu'il avait fait, mais il ne ressassait certainement pas ses "crimes" et était déjà bien loin du temps des remords, si seulement il en avait. Il ne se plaisait pas tant à rester ainsi debout, mais il ne sentait étrangement pas très à l'aise sur le sol, comme s'il craignait que des crocs surgissent de la terre pour saisir ses pattes et l'engloutir entièrement. Une inquiétude bien irrationnelle, et sur laquelle il ne se focalisait pas, mais qui était assez présente pour la garder aux aguets. Sans regarder Kare, mais observant derrière lui, il dévoila, un petit air sardonique envers sa propre personne :

« En réalité, je ne vois pas non plus ce que je fiche en de pareils lieux...J'ai dû m'égarer. Je t'avoue que ces endroits ne sont pas tellement ma tasse de thé, même si mon clan les adore.» Il grinça un peu des crocs, puis continua. « Je suppose que si tu es là, c'était pour te "repaître" ? Ou y a t-il une autre raison ?»

L'attitude de Kare contrastait avec celle de Viehrs, qui pouvait le sentir bien plus à l'aise sur ces terres que l'albinos ne pouvait l'être. La moindre saleté le faisait se renfrogner, alors une plaine remplie de boue et de brouillard, il n'était absolument pas à son aise. En réalité, il était même persuadé que si il n'avait pas connu Kare auparavant, il l'aurait peut être pris pour une des créatures qui peuplaient l'étrange plaine. Heureusement pour eux deux, ça n'était pas le cas. Viehrs avait son attention tournée vers Kare, écoutant ses paroles. Il ne se rappelait pas avoir connu le solitaire si loquace, dans le sens où lors de leur première rencontre, il se le rappelait bien moins bavard sur les aspects contraignants de son régime si particulier. Cela ne le fit que sourire de plus belle, sans le déranger. Délicat, il l'était, mais il avait une indifférence pour les choses qui provoquaient véritablement le dégoût des autres.

L'une de ses remarques le rendit pensif et l'albinos se dit que peut être ce solitaire qui le connaissait à peine, l'avait-il mieux cerné que certains avec qui il avait vécu bien plus longtemps. Un petit gloussement échappa de ses délicates lèvres et il répondit en le regardant dans les yeux :

« Tu as peut-être bien raison. S'il n'y a pas l'action, que restes t-il à la vie ?»

Malheureusement, notre cher Viehrs n'eut pas le loisir de se perdre en de plus amples développements, car un énorme craquement retentit près d'eux et il tourna la tête en même temps que Kare. A quelques mètres, un cratère sembla se former de nulle part et laissa en ressortir des bonbons. L'albinos était déjà bien déboussolé par cette apparition, bien qu'il n'en laissa rien paraître. Quelque secondes après, un monstre de chair semblant être un cadavre mort depuis bien longtemps et revenu à la vie, surgit à son tour du sol pour se placer entre eux et le trésor de bonbons juste derrière. Instinctivement, avant-même qu'il ait le temps de froncer un sourcil, Viehrs saisit un de ses six couteaux, qu'il maintint fermement entre ses crocs, avant de siffler avec ironie :

« Ah! Je me disais aussi que tout avait l'air un peu trop calme...Hmm...Qu'est-ce que c'est que cette chose ?!»

La bête était terrifiante, mais Viehrs, s'il n'était pas courageux, ne lui accordait aucune considération. Il avait vu pire. Il était surtout devenu beaucoup plus impulsif à force d'être beaucoup trop souvent attaqué. Si avant, il aurait probablement analysé la situation longuement avant de décider de fuir ou de porter une attaque, les cicatrices qui barraient son corps si magnifique n'étaient que trop de traumatisme pour l'érudit qui s'improvisait assassin lorsque nécessaire. Il lança un regard à Kare, puis au monstre. Il était intrigué par le butin qu'il cachait derrière lui, mais ça n'était pas son intérêt principal.

Sans crier gare, d'un geste vif et souple, Viehrs se tordit pour lancer son couteau dans la direction du monstre. La lame noire fendit l'air dans un sifflement dangereux. Un véritable lancer de maître! Qui...Qui n'alla pas du tout se planter dans la bête, mais l'effleura à peine avant de tomber au sol près du butin de bonbons. Peut être qu'il aurait vraiment dû mieux analyser la situation. Et la bête, enragée d'autant plus par l'offensive de l'albinos, semblait cette fois-ci les avoir parfaitement repérés. L'albinos se redressa, dominant, mais fit un pas en arrière, prudent et lâche. Sans parler, il jeta un regard lourd de sens à Kare, comme pour lui intimer de faire mieux que lui.