Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Les kilomètres s’enchaînaient. Tous différents les uns des autres. De nouvelles odeurs. De nouveaux horizons. Tout demeurait encore inconnu aux yeux de Rag’valsklag qui s’efforçait de mémoriser chaque parcelle de terres qu’il franchissait et leurs lots de surprises. Des terres pleines de proies à celles arides, aux habitées comme aux désertes, rien ne semblait pouvoir lui échapper, lui qui errait sans but. Aucun bain de sang. Rien. Il était tel un touriste voguant pour la découverte. Il ne fallait pas se laisser berner. Il observait, mémorisait pour ensuite passer à l’action. Pour le moment, il n’avait rencontré aucun loup digne d’amener un combat intéressant. Un combat à mort. Un combat où son ennemi tomberait à la Gloire de ses Dieux.
Une gloire divine … Ce n’était qu’une utopie. Une idiotie d’être divin. Un caprice sans aucun doute de vouloir redevenir mortel, foulé la même terre qu’eux pour ensuite réclamer à retrouver leur statut d’être supérieur et sur-puissant. Oh Rag’valsklag avait dit cela, cette nuit même aux trios qui le guidaient dans différents univers. Si Faktum et Dragdøm n’avaient bronché à son ton cinglant, Likevelt l’avait davantage mal pris. Se mettant dans une rage hors-norme, hurlant et charabiant milles et une insultes, elle avait une nouvelle fois marquée son dit-champion. Il était revenu du monde des rêves en arborant une plaie ouverte sous l’oeil droit. Une blessure faite par une hystérique divine. Le grand mâle commençait à être lasser des changements d’humeur de la déesse. Il était lassé de tout. Seule la découverte de ces terres semblaient remplir son coeur d’un minimum de joie mais après ce rêve mouvementé, il avait cherché à retrouver les hauteurs qui lui rappelleraient son monde. Nostalgie ? Peut-être mais il y avait autre chose. Enfant, dès que ça n’allait pas, il se rendait toujours haut dans les pics enneigés, cherchant la solitude et le plein air, la compagnie du vent. Malgré son âge, il avait continué ce rituel, filant dans les hautes hauteurs des monts. A croire que le Temps ne pouvait pas lui enlever cela en plus de son corps de jeunot.

Rag’valsklag avait donc marché pendant de longues heures, attendant la nuit d’après son rêve pour enfin arriver aux montagnes les plus proches. Il avait atterri sur les hauteurs du Solstice. De nouvelles effluves flottaient dans l’air. Il découvrait de nouveaux décors. L’air pur l’entourait, le vent soufflait et agitait lentement les fines branches des arbres. Le mâle ferma à demi les yeux. Il devait faire fuir les habitants de son odeur sanguine. Sa fourrure s’agitait sous les danses du vent, laissant son fumet de sang s’envoler autour de lui, répandant un sinistre parfum tout autour du loup. Cela devrait éviter qu’il soit dérangé. Il n’avait pas envie de trouver un autre prédateur. La solitude. Il ne désirait qu’elle. Sa meilleure amante. La seule qui ne périssait pas face au Temps. La seule qui ne se décourageait pas à des kilomètres de marche chaque jour. Oui la Solitude était le seul être à pouvoir rester en sa compagnie.
Inspirant bruyamment, il relâcha l’air emprisonné dans ses poumons avec tout autant de bruit. Rag’valdsklag profitait enfin des hauteurs. Il avait gravi les pents escarpés. Les températures avaient chuté, rendant l’air froid. Chaque respiration devenait douloureuse. Le froid s’aventurait dans ses poumons, mordant les membranes de ses morsures glaciales. Le solitaire ne se découragea pas et continua son ascension. Tout devenait blanc autour de lui. Son corps mis à rude épreuve se contracta. Tout devenait plaisir. Il retrouvait une parfaite copie des terres de la Tribu du Vent. Les rafles devenaient violentes. La neige devenait épaisse. Tout. Tout était semblable à ses souvenirs. Un pâle sourire se dessina sur le visage du loup blanc. Il resserra lentement son épaisse fourrure d’ours puis il continua, s’enfonçant dans la neige. Toute cette illusion des terres de la Tribu du Vent se brisa lorsque de gros cristaux vermeilles se peignèrent dans le paysage blanc. Fronçant les sourcils, le mâle s’en approcha. Belles pierres précieuses, elles brillaient légèrement dans la nuit s’assombrissant. La lumière, encore blafarde, de la lune fit ressortir cet éclat, beau et malveillant. Quelque chose d’étrange étreignit le corps du canon qui recula légèrement. Ce n’était pas normal. Quelle sorcellerie opérait dans le coeur de ces joyaux rouges ? Concentré dessus, il manqua de repérer la silhouette qui s’approchait de lui ...

Les cristaux brillaient de milles et une couleurs écarlates, dansant toujours sous la lumière de la lune. Des nuages au loin commençaient à se faire voir, cachant sans vergogne les quelques étoiles qui s’étaient montrées. Le grand mâle blanc soupira. Il était si absorbé par les pierres luisantes qu’il ne comprit que la solitude l’avait abandonné que lorsqu’une voix l’arracha de sa contemplation.

« À votre place, je n’approcherais pas trop de ceci… Les rumeurs à leur sujet n’ont rien de très franchement rassurantes... Sauf si vous êtes assez fou pour tenter l’expérience ?

Rag’valdsklag tourna lentement la tête vers la louve. Un sourire narquois se fit voir dans l’obscurité mais elle était tout comme lui. Une tâche lumineuse dans les ténèbres de la nocturne. Elle était beige et sable, arborant une longue chevelure pâle qui s’agitait au gré du vent. Une couronne de fleur toute aussi blanche que ses cheveux, trônait sur le haut de sa tête, donnant un air impérial à la demoiselle. Bien qu’elle semblait être une princesse, la dague acérée qui reposait sagement entre des lanières de cuir à une de ses pattes, cassait l’illusion royale. Le regard de la louve était sauvage. Il n’avait donc pas devant lui une simple dame coquette. Non. Elle était comme lui. Une guerrière. Ou du moins, elle semblait bien plus taillée dans l’agilité et la rapidité des assassins que dans les mœurs de muscles et puissantes pattes des guerriers.

« Que disent ces fameuses rumeurs ?

Elle avait piqué sa curiosité et il n’hésitait pas à le faire savoir. Il s’éloigna de quelques pas de l’amas de cristaux, se rapprochant lentement de la louve. Il la détailla davantage, retenant les moindres poils qui déteignaient de sa fourrure impeccable. Elle semblait savoir prendre du temps pour elle afin de s’entretenir. Elle avait raison. Un pelage trop négligé n’apportait rien de bon dans les combats. Si des puces s’installaient dans la demeure de la pilosité, les futures batailles seraient perdues d’avance. De plus, il fallait savoir prendre soin de son corps pour qu’il le rende bien au combat. C’était l’une des règles les plus importantes que certains semblaient oublier.

Arrivant presque à sa hauteur, il constata sans grande surprise la différence de taille qui les séparait. Deux têtes de plus. Oui il faisait bien deux têtes de plus qu’elle. Rag’valdsklag se permit un petit sourire discret. Il ne se moquait pas d’elle. Il souriait simplement au souvenir qu’il avait toujours été l’enfant le plus grand de la Tribu du Vent. Il semblait le demeurer pour le moment vis-à-vis des loups de ce nouveau monde. A croire que les Dieux aimaient le garder plus grand que la moyenne. Un éclat attira la regard du mâle.

« Je semble moins fou que vous, murmura-t-il.

La louve parlait de folie de rester proche des cristaux et pourtant, elle en cachait un dans ses cheveux et fleurs. Elle aurait du le dissimuler mieux que ça. Un petit rire racla la gorge du grand mâle. Il était de bonne humeur. La neige, le froid, les montagnes … Tout lui rappelait d’où il venait. Il en deviendrait presque euphorique à jouer comme un enfant. Il resta cependant statique, chassant ses envies d’amusement. Il devait rester imposant et fier. Il avait devant lui sans doute une assassine. Elle avait peut être été dépêchée pour le tuer. Quoiqu’il n’avait encore rien commis de compromettant pour le moment. Ni tuer, ni torturer. Il était pour le moment un Ange.

Elle était à portée de crocs. Un seul coup. Un seul et il lui broierait la gorge. Elle représentait un danger. Il émanait d'elle tel un parfum que l'on aimerait bien se défaire. Likevelt jubilait, invitant au massacre le loup blanc. Ils étaient les seuls êtres vivants à la ronde. Les seuls. Donc pas de témoins. Il lâcha un soupire. Certes dangereuse, elle titillait sa curiosité. Elle semblait comprendre que lui aussi n'était pas aussi blanc que son pelage. Si le pelage demeurait immaculé, rendant une illusion plus ou moins crédible de son innocence, il y avait sans doute un loup capable de voir que le blanc n'était plus que du rouge. Il était un loup fait de sang. Un loup qui avait massacré pour le sang. Un vilain. Un assassin. Un guerrier.
L'excitation commençait à le gagner. Une montée de salive inonda sa gueule mais il ne montra rien. Il se retenait. A force de tuer, il y avait des pulsions qui devenaient dures à retenir. Notamment lorsque vous vous retrouvez devant une louve embaumée de l'odeur de sang et de danger. Elle était tout aussi sale que lui. Elle semblait être un Ange tout comme lui. Mais les deux portaient l'odeur du diable. L'odeur métallique du nectar de vie.

« Toute sortes de choses. Ils pourraient amplifier vos pouvoirs en vous rendant atteint par la folie. D’autres se plaisent à dire qu’ils se mettraient à pousser sur vous si vous les garder trop longtemps… Les hypothèses sont nombreuses et ceux pour les vérifier rares.

Rag'valsklag la jaugea rapidement. Un coup ne suffirait pas. Elle semblait rapide et elle esquiverait sans doute aisément ses lourdes et lentes pattes massives. Il chassa doucement cette pensée de son esprit. Elle était polie, courtoise avec lui, expliquant là où de nombreux loups auraient sans doute détalé ... Ou cherché à lui ravir sa fourrure d'ours. Les malheureux finissaient morts mais les loups de ce monde étaient sages. Ils n'avaient pas encore cherché à le détrousser.
Il ferma un instant les yeux. Ces cristaux amplifiaient les dons. Donc ce monde était bel et bien régi par la magie et non pas que de dieux mais aussi de mortels. Il avait eu droit à des démonstrations de cette dernière, quand en retrait, il avait observé un combat. Il avait été choqué. Quel Dieu donnerait ces armes puissantes à des mortels aux sombres desseins ?
Au moins, les loups semblaient assez couards pour ne pas vérifier les hypothèses ... Posséder une puissante magique était déjà une hérésie mais chercher en plus à l'augmenter l'était davantage. Ce monde ne semblait pas entrer en haute estime dans le coeur du mâle blanc qui lâcha un soupire, résigné.

« C’est certain. Vous me semblez beaucoup trop raisonnable pour vous laisser aller à ce genre de folie très cher, et vous avez probablement raison. J’imagine que des présentations s’imposent ?  »

Au moins le consola-t-elle un peu lorsqu'elle affirma qu'il n'avait guère la carrure d'un fou. Il ignorait de quoi étaient capables les cristaux. Il l'était toujours autant bien qu'il savait désormais les thèses qui en découlaient. Il ne chercherait pas à les tester. Après tout, les cristaux lui offriraient quoi ? La suprême immortalité ? Balivernes. L'immortalité n'était qu'une notion se ralliant au Temps. Lorsque vous l'êtes, elle ne peut être davantage sublimée. Ne pouvoir mourir de blessures, de maladies ? Ce n'étaient guère liées à l'immortalité mais à l'invincibilité. Hors, il ne l'était pas. Les nombreuses cicatrices en témoignaient et il ignorait encore son petit don de régénération rapide, le seul pouvoir qui pourrait témoigner de la possible augmentation magique que procure les gemmes écarlates. Mais il ne la testerait pas.

Il se pencha et renifla le museau de la demoiselle, guettant sa réaction. Des présentations ... Il avait envie de connaître son nom mais cela signifiait aussi de dévoiler le sien. Cela ne l'enchantait guère. Le dernier loup a avoir eu droit à ce privilège était mort il y 98 ans. Soit très longtemps. Soit trop pour qu'il se souvienne de son visage. Il marqua un long silence avant de se relancer dans la discussion.

De nombreuses hypothèses donc. J'imagine que vous souhaitez les tester en gardant un cristal sur vous ? Un sourire apparut sur son visage avant de rapidement disparaître. Rag'valdsklag est mon nom. Si cela est compliqué, appelez moi simplement Rag'vald. Et vous ?