Je ralentis le pas pour mieux profiter du paysage qui se défile devant mes yeux. Le Lac aux Murmures. Chouette endroit je trouve. Même si les galets traînant près de l'eau font vachement mal aux pattes. Je grimaçai un peu en en secouant une. Elles sont un peu engourdies, je vais peut-être me poser... tiens là peut-être à côté de ce rocher, où je crois apercevoir un peu de mousse à côté... oui voilà, parfait. Je soupirai d'aise lorsque mes pattes malmenées par la marche et le terrain rencontrèrent la matière molle, humide et douce de l'amas vert, et je m'assis, en face de l'eau, contemplant la lune qui était de trois quarts. Et bientôt, je fermai les yeux, le petit bruit de clapotement de l'eau m'apaisant agréablement... J'inspirai un coup puis laissai filer doucement l'air à travers mes crocs. D'ailleurs, ça fait un bail que Dari Saya ne s'est pas manifesté. Peut-être parce que je n'ai pas revu le mâle au bandeau noir. C'est agaçant de ne pas savoir si on est surveillé ou non vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et que si on le sait, on ne sait pas où est caché celui qui de son regard inquisiteur épie le moindre de mes mouvements.
D'ailleurs. Dès que je le vois, je dois lui extorquer des informations sur mon passé. Je suis sûre qu'il sait tout de l'affaire qui me concerne, ou en tout cas plus que moi, ça c'est sûr. Je le soupçonne d'être celui qui m'a arraché mes souvenirs. Mais pourquoi? Pourquoi aurait-il fait cela? Quant à ces fadaises comme quoi on était ultra amoureux l'un de l'autre gosses étant, j'ai du mal à y croire. Je suis certaine que c'est un mensonge. Mais en même temps il avait l'air si désespéré et tourmenté quand il m'a dit ça. Après, peut-être qu'il est excellent acteur le bougre. Je ne sais quoi penser de cela. Et de toute façon, même si c'était vrai, est-ce une raison valable pour agresser un loup qui causait juste un peu avec moi?... enfin même s'il m'a fait une déclaration d'amour après, mais bon. Raah je sais pas quelle opinion me faire de tout ça.
J'étraignai doucement la mousse avec mes griffes, songeuse. Hmm, tout ça demande beaucoup de réflexion. Et beaucoup de détails. Que je n'ai pas. Et du coup j'ai l'impression de tourner autour du pot en ressassant les mêmes pensées, sans aucun élément qui puisse m'aider à avancer, à changer ma trajectoire, à trouver le chemin qui me mènera jusqu'au fin mot de l'histoire.
Je sursautai sous le coup d'une illumination. Ah! si!
Je connais quelqu'un qui pourra m'éclairer sûrement mieux que quiconque. Papa... que je n'ai pas vu depuis longtemps. Je ne l'ai entraperçu que de rares fois ces dernières années. Hmm. Je plissai les sourcils. Je vais le chercher. Et dès que je l'aurai trouvé, il aura intérêt à me dire ce qu'il sait. Sinon ça va gueuler. Enfin, en supposant qu'il sait, mais mon instinct me souffle que oui. De toute façon, je verrai bien.
Dari Saya escalada le petit massif d'arbustes et de rochers en quelques petits bonds, et, levant la truffe au vent, ferma les yeux en profitant de la lumière lunaire renvoyée doucement par l'eau du Lac. Il s'immobilisa, et se concentra quelques instants. Il pouvait presque entendre distinctement les voix des âmes errantes du lieu. Il pourrait continuer à se concentrer sur ce son apaisant pour entendre cette fois les mots et paroles de ces esprits pour la plupart peinés, mais il devait vérifier aux alentours qu'il n'y avait pas de dangers. Non, pas pour lui, il sait qu'il saurait parfaitement se débrouiller face à n'importe quoi vu ses pouvoirs de démon, mais pour la porteuse de l'odeur fleurie et automnale qu'il suit, il en doute. Même s'il est vrai qu'elle a plus d'un tour dans sa poche, il arrive de tomber sur plus fort que soi.
Hmm pour l'instant rien de suspect.
Mais bientôt une autre odeur s'ajouta progressivement à celles déjà assimilées par le goupil, une odeur étrangère, mais qui s'apparentait à un canidé. Dari Saya se concentra et tenta de percer les origines de celle-ci, et constata qu'elle ne semblait appartenir à aucun des quatre Clans habitant Four Seasons. Hmm un Solitaire peut-être. Ou un LibreLune. L'un des deux. Le démon métisse chercha dans ce fumet une éventuelle trace appartenant à son rival de coeur, mais fut presque déçu de n'en point trouver. Mince, ce sera pour la prochaine fois qu'il lui arracherait quelques touffes de poils au petiot.
Il serait peut-être resté à son poste de vigile si une aura ténébreuse ne l'avait pas percuté au moment où il avait perçu une masse noire plus bas. Ses poils se hérissèrent. Ce loup n'est pas normal.
Il fronça les sourcils, et suivit de ses yeux plissés les agissements de la boule sombre. Il disparut en quelques sombres volutes pour apparaître un peu derrière le personnage à l'aura puissante. Rapidement mais calmement, il avança et souffla d'un ton faussement doucereux avec un poil de menace à l'oreille de l'autre:
- Salut toi.
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