Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Une frénésie indomptable s’était installée en lui. Semblable à un crépitement de flammes face à une terre de pétrole, elle s’était embrasée sans plus attendre, une passion incendiaire qui se nourrissait de désirs dont il ne soupçonnait pas l’existence. L’euphorie l’avait gagné aussi vite qu’il n’avait fallu à Nestariel pour rayer de ce monde une tribu toute entière. D’une démarche de plus en plus accélérée, il ne tarda pas à atteindre ce qui se trouvait être la limite du volcan. Une grande plaine à la terre charbonneuse lui faisait face, laissant entrevoir un horizon des plus flous. Face à ce constat, le sourire du roi de l’Automne s’agrandit, témoignant de l’excitation qui le gagnait un peu plus à chaque secondes. Ce territoire maculé de cendres qui s’étendait à perte de vue, sans aucun obstacle qui ne le délimitait signifiait beaucoup de chose. Écrasant ses lourdes pattes sur la plaine desséchée que Nestariel leur avait octroyé, Daeron se mit à galoper. Un vent chaud et lourd lui soufflait sur le visage, tandis que des particules de soufre venaient se loger dans son poil rubis. Bondissant tel un fauve dans sa savane, le mâle avait le regard fixé sur l’horizon, ignorant le picotement de ses yeux et la douleur lancinante qui le prenait au niveau de ses pattes. Sa dernière métamorphose remontait à quelques jours, lorsqu’il s’était attribué les membres d’une chouette pour pouvoir se percher. La transformation avait été particulièrement douloureuse et les courbatures étaient aussi fortes que les premiers jours. Toutefois, la passion qui l’animait avait été si violente qu’il n’avait eu d’autre choix que de se forcer à accepter cette douleur qui, à côté de l’incendie que l’on avait déclaré dans son esprit, semblait insignifiante.

A mesure qu’il progressait, le sol devenait de moins en moins sombre, jusqu’à tendre vers des nuances d’ébène. La terre était de moins en moins craquelée, l’air était plus léger, plus frais. Une légère odeur d’humidité commençait à lui parvenir et en comprenant ce qu’il allait se passer, Daeron laissa échapper un grand éclat de rire. Jamais, ô grand jamais il n’aurait cru que ses rêves de gamins ne se seraient réalisés. Certes, il n’avait pas encore traversé la mer - et cela ne saurait que tarder-, mais cette sensation indescriptible qu’il avait tant espéré ressentir un jour faisant enfin son apparition.

Il s’était rendu sur Nestariel en compagnie de Caesar pour porter assistance à Sahondra mais n’avait trouvé que des tas de cendres. Les deux loups avaient dû se rendre à l'évidence, les estivaux avaient réussi à fuir leur territoire, mais pour aller se réfugier ou ? Impossible que ce soit chez les Solitaires, leurs terres étaient situées près du Volcan, ils étaient trop nombreux pour pouvoir prendre le risque de se faire tuer par une gerbe de lave qu’aurait pu cracher leur volcan. Cela ne pouvait pas être les l’Hiver et l’Automne, ses espions lui avaient rapportés qu’ils possédaient de nombreux louveteaux. Sahondra ne leur aurait pas imposé une aussi grande migration. Il ne restait plus que le Printemps, mais en se rendant à leur frontière, ils n'avaient détecté aucune odeur estivale.

L’hypothèse que le Volcan ait libéré de nouvelles terres avait alors germé dans son esprit. Par la suite, il avait ordonné à Caesar de retourner à la Vallée pour ramener sa tribu dans son Campement. Il lui avait demandé de préparer un groupe de volontaires, prêts à aller explorer s’il y avait besoin.
Sa supposition venait de se confirmer et Daeron paraissait nager en plein rêve.

Néanmoins, les tiraillements incessants qui se propageaient le long de ses pattes eurent raison de lui. A défaut de pouvoir parcourir rapidement les quelques mètres qu’il lui restait, il se mit à marcher d’un pas rapide en grimaçant. Son rythme cardiaque s’était tant emballé qu’il sentait le sang pulser à ses oreilles. Il lui parut entendre quelqu’un crier vaguement son nom, mais il était trop concentré sur ce qu’il allait bientôt découvrir pour y prêter attention. Continuant son avancée d’un pas fier et lent, quoique légèrement crispé à cause de la douleur, il approchait du dénouement de cette fameuse course. Il s’arrêta, tandis que ses griffes mordorées s’enfonçaient dans cette nouvelle terre humide et fertile.

Le vent fit soulever sa crinière d’ardoise alors que ses prunelles dorées se posaient sur le plus beau lac qu’il n’avait jamais vu . L’astre solaire qui avait illuminé ses journées depuis des lunes et des lunes trônait fièrement dans ce crépuscule rougeoyant, s’apprêtant à entamer sa descente dans les eaux scintillantes.

Les prunelles réduites en demi-fente, le mâle aux yeux de félin se retourna vers celui qui n’avait cessé de le suivre depuis son départ. Il était surpris et légèrement indigné, mais la découverte qu’ils venaient de faire l’avait mis dans un état second, il n’avait pas le cœur à le réprimander.

“Ce n’est pas vrai. Ce sont … de nouvelles terres ? Daeron cela signifie que ….“


Dardant ses iris bouillonnantes dans celles de son ami, il eut un grand sourire. Tremblant presque tant l’excitation le rongeait, il lui répondit d’une voix fébrile qui trahissait son euphorie et son impatience :

“ Que nous allons enfin pouvoir conquérir.”