Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Combien de temps suis-je restée là, affalée dans la grotte de glace, à attendre que mon frère s'en aille ? Je ne le sais plus. Il revient le matin, espérant peut-être me voir, mais rien ne peut me faire descendre de la cavité dans laquelle j'ai trouvé refuge. Je ne le rejoindrai pas, pour la simple raison que je ne veux pas lui parler. Rien que le fait de le voir fait naître dans ma gorge cette même boule désagréable que celle qui me prenait la veille, et j'ai peur d'éclater à nouveau en sanglots si je lui parle. Je ne me rends même pas compte que je finis par m'endormir, la tête posée sur les pattes avants.
Lorsque je rouvre enfin les yeux, tirée d'un rêve (ou plutôt d'un cauchemar) plus agité que d'ordinaire, il n'est plus là. L'imposant loup doré s'en est allé, me laissant seule dans l'immensité glacée qu'est la grotte. Je suis étonnée de voir que j'ai gardé la même position pendant mon sommeil, malgré la peur qui m'a parcourue tout du long. L'engourdissement qui parcoure mes membres est désagréable, et je sens que je ne vais pas pouvoir rester beaucoup plus longtemps dans cette position. A regret, je finis par me lever, prenant en pitié mes pauvres pattes engourdies. La journée à été dure et je me relève tellement vite qu'un violent vertige me prend, me faisant vaciller et manquant de me faire tomber. Ce n'est vraiment pas le moment de me montrer faible une fois de plus... Pas deux fois dans la même journée... Rapidement, je retrouve mes esprit, trouvant une posture stable malgré le fait que je sente à peine mes pauvres pattes. Goriar n'est plus là, si je veux partir, c'est le moment ou jamais. Je m'élance comme une furie dans le boyau obscur que j'ai emprunté pour arriver à cette hauteur et ressort, cette fois bien au sol.


L'air est froid lorsque je parviens enfin à poser une patte en dehors de la grotte. Je frissonne presque sans m'en rendre compte. Le froid ? Non, je ne pense pas que ce soit le froid qui provoque chez moi cette réaction inattendue. Une hivernale qui a froid... C'est ridicule. La neige tombe doucement autour de moi, recouvrant le sol d'un épais tapis blanc. Alors, cela me revient comme un flash. Le sang maculant la neige si pure, l'écarlate se mêlant au blanc... Je ferme les yeux subitement, tentant de me reprendre. La guerre est passée... La tuerie perpétrée par mon frère aussi... Un tremblement bien plus puissant que le précédent me parcoure. Mes pattes sont comme bloquées, impossible de bouger, de faire le moindre geste. Mon frère a raison... Je suis bien trop sensible et naïve pour ce monde.
Je me risque à rouvrir les yeux, posant mes prunelles dépareillées sur une étendue de blanc, tellement pur que l'on se demande comment elle a pu, à un moment donné, être souillée par le sang. J'ose lever une patte, avant de la reposer plus loin devant moi, la laissant s'enfoncer dans le manteau blanc. Un pas, puis encore un autre. Lentement mais sûrement, je parviens à retrouver mes esprit et à avancer. La marche se transforme en une course frénétique. Je veux partir d'ici, m'éloigner le plus possible de ce lieu où j'ai vécu l'enfer. Pour aller où ? Je n'en sais rien, tant que c'est loin de ce cauchemar...


Lorsque je m'arrête enfin, je suis essoufflée, et je ne reconnais rien de ce qui m'entoure. En même temps, tout est recouvert d'une épaisse brume, masquant tout aspect du paysage qui aurait pu me prouver que je suis chez moi. Je ne me mets pas à paniquer pour autant. Dressant les oreilles, je n'entends rien, mais je sens une odeur d'humidité, comme si je me trouvais près d'un lac. Je ne suis plus en terres hivernales et j'amène avec moi une fraîcheur qui fait geler quelques brins d'herbes humides. Ce paysage de désolation, d'oubli, de vide... j'ai presque l'impression qu'il fait échos à mes pensées, à ce que j'ai pu ressentir il y a à peine quelques heures. Je me fige soudain, ressentant une présence imposante dans mon dos (en même temps ce n'est pas bien compliqué, presque tous les loups de Four-season sont plus imposants que moi). Mon frère ? Non, il n'arpente que les terres hivernales. Un ennemi peut-être ? Je me tends sans même dire un mot. Passer inaperçue, faire comme si l'on était pas présent... Les règles de survie de mon frère sont bien différentes des miennes, que j'applique à présent.
Sans que je sache pourquoi, ma langue se délie, entamant la conversation, assurée, curieuse presque. Je me serais presque attendue à entendre ma voix chevroter, mais ce n'est pas le cas.

H.S couleurs:

Mon pouvoir s'est déclenché sans même que je ne m'en aperçoive. Sans doute que, dans ma panique, le vent et la neige ont répondu à mon appel muet pour me couvrir en partie aux yeux des autres. Au moins, je n'ai plus à chercher la cause de mon horrible mal de crâne. Je rappelle rapidement mon pouvoir d'un petit geste de la patte, comme si je voulais balayer le sol et le débarrasser de sa neige. L'épais manteau de flocons qui tombaient dru se dissipe très légèrement, le vent retombe sans pour autant ôter la morsure glacé du froid qui règne en hiver. J'espère secrètement que l'autre loup n'a rien vu. Je l'entends qui se déplace, mais je n'ose pas me retourner pour regarder à quoi il peut bien ressembler, la hardiesse qui m'a prise il y a quelques minutes semblant s'être totalement envolée.
Un doux bruit d'eau vient combler le vide, me détendant quelque peu. Ce son... Il me rappelle les nuit de printemps où je me recroquevillais contre ma mère, tout en regardant les averses, bien à l'abri de la grotte de glace. Cette époque me semble désormais si loin... Comme si toute innocence s'était envolée. En même temps, c'est un peu le cas. N'est-ce pas pour cela que je me suis enfuie des terres hivernales aujourd'hui ?





A présent, le loup qui est ici avec moi est bien plus proche que lorsque j'ai commencé à le sentir. J'ai d'abord eu peur de lui mais, sans que je sache pourquoi, sa présence me rassure. Est-ce à cause de sa voix grave, dans laquelle je n'entends aucune animosité, aucun signe témoignant qu'il me veut du mal ? Sa carrure est imposante, je le sens sans même le voir. Je m'ose à m'asseoir, et, retrouvant le peu de témérité que j'ai eu quelques minutes durant, tourne la tête pour voir à quoi ressemble mon interlocuteur. Il est possède un physique plutôt étonnant. A vrai dire, je ne l'imaginais pas ainsi. Il est plus grand que la plupart des loups que j'ai eu l'occasion de rencontrer jusque là, malgré le fait qu'ils soient tous plus hauts que moi. Un épais pelage blanc recouvre son corps déjà massif, le rendant encore plus imposant qu'il ne doit l'être en réalité. Sa queue elle aussi est bizarre, possédant de grosses touffes de poils encre sur le dessus. C'est la première fois que j'en vois une de la sorte et je même cet aspect assez joli. Il possède des cheveux épais, pour la plupart rassemblés en de grosses et longue boules, mais gardant une frange sur le devant de sa tête. Je retourne la tête pour regarder devant moi et lui réponds, ne souhaitant pas laisser un vide dérangeant s'installer.





Lorsque je repose les yeux sur le visage du loup, je remarque l'épais tissus rouge qui recouvre ses yeux. Il ne doit pas voir grand chose lui. Voire même pas du tout. Je me sens alors toute honteuse d'avoir abordé le sujet de la vue alors que lui doit être bien plus embêté que moi. Je bafouille, tentant de rattraper ma gaffe, la queue faisant un va et vient incessant et bruyant sur le sol.





Deux fois je crois dans la même phrase... Cela enlève tout son sens et me fait rougir encore plus. Je me sens alors bien chanceuse que le loup à côté de moi ne puisse remarquer la hauteur de mon embarras.

H.S couleurs:

Il me regarde, penche la tête d'un air interrogateur. Ses grandes oreilles recourbées forment un arc au-dessus de sa tête et, une fois encore, je trouve une petite chose pour me détendre un peu plus, heureuse qu'il ne soit pas froissé par ma gaffe. Je ne suis pas habile avec les mots, je ne sais pas tenir ma langue pour m'empêcher de dire une bêtise, je n'ai rien de ces grands orateurs qui vous tiennent un discours complètement faux et auquel vous croyez tout de même, simplement parce qu'il ont un dont et qu'il savent trouver les mots. Je n'ai rien de tout cela et, si par malheur je blessais un loup à cause de ma maladresse, je ne suis pas sûre d'être capable de cacher ma honte. Et encore moins en ce moment.
Il est plus près de moi, ayant fait un ou deux pas pour se rapprocher. Certains loups plus futés que moi auraient eu peur de sa grande taille, mais il me rassure. Le fait qu'il prenne la peine de tourner la tête dans ma direction, comme s'il me regardait malgré le bandeau qui lui cache la vue, me prouve qu'il n'a rien de méchant et qu'il veut, au contraire, détendre un peu l'atmosphère lourde qui s'est installée en ce lieu. Même si le fait de ne pas voir ses yeux me trouble un peu (j'aime voir l'expression des gens) je me rassure en me disant qu'il peut peut-être sentir, mais pas voir la gêne qui paraissait sur mon visage quelques instants plus tôt.
Il reprend la parole de sa voix neutre, relançant la conversation en me posant une question.



Si j'espérais échapper à quelque chose ? Oui, j'espérais sans trop y croire, sachant parfaitement que cette "chose" que je fuyais me rattraperait à un moment ou à un autre. Songeant que mon propre frère était cette horrible "chose" à laquelle, comme il l'avait si bien dit, je voulais échapper. Je reste un instant muette, le regard dans le vide (on peut parfaitement le dire, on ne voit rien dans tout ce brouillard). Je m'assoie, passe la queue autour de mes pattes, finis par reposer mon regard dépareillé sur le mâle beige.
J'ai sans doute l'air plus vieille que je ne le suis réellement, mes yeux ayant perdu cette vie qui faisait sourire les gens autour de moi. J'ai vu la mort, j'ai vu des horreurs que personne ne voudrait voir, et je garde ce fardeau à l'intérieur de moi depuis trop longtemps maintenant. Alors ma langue commence à se délier, les mots sortent et, pour une fois, je les choisis avec soin.



C'est en effet ce que je ressens. Je ne dois pas être aidée pour sortir de mon mutisme envers mon frère. Je dois trouver moi même un moyen, trouver ma force pour parvenir à lui parler de nouveau. J'ai l'impression que, sans cela, je n'y parviendrai jamais. J'espère que le grand mâle qui me tient compagnie saura me comprendre, respectera mon choix de ne pas demander d'aide sans me juger.

H.S couleurs: