Il n'y a pas grande différence entre toi et moi...
Le loup bleu inspira profondément, tentant de respirer calmement. L'air emplissait ses poumons et les apaisaient de sa douceur printanière. Le temps était couvert, mais peu lui importait vraiment. Il marchait parce qu'il ne pouvait rien faire d'autre.
Il aurait put courir, il aurait put se laisser tomber, mais il ne voulait pas de ça. Il voulait juste admirer la beauté d'une nature sauvage. Il voyait son reflet en cet univers délicat, et pourtant si sec. Son environnement guérissait peu à peu ses blessures, comme un remède qui estomperait ses douloureux souvenirs. Le loup bleu respectait profondément l'oeuvre de Dame Vie, et il en savourait ses plaisirs sans pour autant les détériorer. Il ne voulait pas voler au monde son bonheur, et pas non plus le corrompre de sa tristesse. Il était piégé entre deux milieus, et la balance sur laquelle il se tenait menaçait de pencher à chaque instant.
Pourtant, il n'avait pas peur. Il avait trouvé son complément dans ce monde qu'il croyait sombre. Il avait trouvé sa lumière.
Akasan s'ébroua, pour chasser les gouttelettes sur son pelage. L'aube caressait désormais les falaises de ses doigts délicats, et la pierre se teintait d'une couleur légère, un rose pâle si clair qu'il donnait à la roche un aspect fantomatique. La brume se levait doucement, voile impénétrable de la nuit qui fuit. Le loup bleu fit encore quelques pas, de façon à s'approcher plus près du rebord de la falaise. Le vent fouettait son visage, et ses épais poils bleus voilaient son regard. C'était un air frais, mais humide aussi.
Mais il ne craignait pas ces bourrasques. Le loup bleu appréciait les appréciait, même. Il bailla longuement, avant de lancer un long hurlement à la brise céleste, qui l'emporta dans son sillage, tel un messager. Et brusquement, il se demanda. A qui pouvait-il envoyer ce présage, ce long chant si dénué de sens ? Directement, ses pensées furent attirées par son Ange Noir. Akasan eut un sourire léger, presque imperceptible. Il se redressa, laissant l'air pénétrer son être, comme ce remède qu'il guettait tant. Soudain, il se dressa sur ses pattes arrières et se laissa tomber en arrière, dans l'herbe douce. il fut pris d'un grand éclat de rire. Si il ne se savait pas euphorique, peut-être lui même aurait pu croire à paranoïa ou schizophrénie. Mais il se savait heureux, et il voulait profiter de ces instants de joie intense. Le lupin se releva, sautillant entre les herbes hautes, comme un jeune louveteau excité. Ses pattes le portait sans qu'il est besoin de leur dicter des ordres. Il se sentait léger, si léger qu'il aurait put s'envoler.
Dans ses courses effrénées et ses rondes parfaite, Akasan retraçait presque une danse. Une danse délicate, en prenant garde à ne rien écraser sur son chemin. Une danse presque imperceptible, si entrainante malgré tout. Le loup bleu bondit en l'air et se laissa retomber doucement au sol, un immense sourire aux lèvres. Une petite fleur blanche se tenait devant son museau, bourgeon nouveau, vie éclosant alors que le Printemps n'était pas encore présent. Fleur légère d'un espoir éternel, bravant des risques qu'elle connaissait. Le lupin azur ne pouvait détacher son regard de ce magnifique don de Mère Nature. Il restait admiratif devant une existence si faible et pourtant si tenace. Longuement, il l'admira, pour finalement la contourner et s'offrir aux falaises.
L'écume moussait lorsque les vagues frappaient de toute leur puissance les rochers acérés. Mais lui n'accordait pas d'interêt à une telle force. La fleur était bien plus solide, résistant à tout changement, même avec si peu de défenses. Elle ne s'abaissait pas lorsque le vent soufflait, ne pliait pas lorsque la pluie l'assaillait. Le neutre se pencha sur la paquerette, et souffla doucement dessus, comme pour lui murmurer un mot inconnu. Le bourgeon pencha lentement, mais se redressa immédiatemment. Akasan l'admira encore, tant cette force l'intriguait. Et puis, il sourit.
Un oiseau immaculé dessina un cercle dans le ciel. Le solitaire lui jeta un regard, comme si ctte simple oeillade lui aurait valu de gagner lui aussi des ailes. Mais, pendant un instant, il sut qu'il n'en avait pas besoin. Il volait déjà. Doucement, il se leva, abandonnant la fleur à ses espoirs, et s'élança à nouveau. Il courrut tant qu'il le pouvait, ses pattes blanches frôlant à peine le sol. Il ne regardait pas devant lui, il ne voulait plus. La joie qui animait son coeur se faisait puissante, et il ne voulait pas la quitter. Il était devenu vraiment libre, tel qu'il avait toujours voulu l'être.
Les landes s'offraient à lui, rayonnant sous le pâle soleil du matin. Il avait dormi à l'abri d'une souche au milieu d'un talus, et s'était donné rendez-vous avec l'aurore. Le loup bleu ne regrettait pas le déplacement. Les doux rayons du soleil caressait désormais le paysage d'une clarté légère. Akasan inspira profondément, avant de sauter à nouveau dans l'herbe haute, le vent frappant ses oreilles. Il se roula plusieurs fois dans les champs, avant de se laisser tomber en arrière et d'apprécier la rosée matinale. Les gouttes transparentes se déposaient délicatement sur les brins verts, recouvrant le champ d'une nuée étincelante. Akasan laissa échapper un petit rire, tant il était heureux. Mais, quelques secondes plus tard, il se redressa, percevant un mouvement dans la brise. Le loup bleu se leva, intrigué, ses oreilles grises tendues vers le ciel. Mais il n'eut pas besoin de guetter l'inconnu qui arrivait, celui-ci se tenait désormais devant lui. Le neutre resta figé, terriblement calme. Il finit par s'asseoir, fixant les prunelles aveugles du loup. Il savait que l'infirme le sentait. Il savait qu'il ne pouvait fuir. Mais il ne le voulait pas, alors peu lui importait.
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