Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Je m'étais levée relativement tôt ce matin, tâchant d'éviter tous ceux qui auraient pu en avoir après moi, notamment les jeunes louveteaux qui m'avaient prise pour modèle. Je ne leur montrais pas, car elles m'étaient malgré tout utiles, mais ces jeunes créatures stupides m'insupportaient. Comment faisaient-elle pour être aussi stupides ? Leur idiotie me répugnait, il m'était quasiment inconcevable qu'elles ne fassent pas exprès de se montrer si crédules. C'était presque trop facile de les manipuler. Mon esprit retors ne pouvait s'empêcher d'imaginer que quelque chose se cachait derrière tout ça, que tous ces mioches ne pouvaient pas être aussi peu intelligents, que l'un d'eux voulait forcément me faire du mal et m'atteindre. C'était en partie pour ça que j'avais si peu d'amis - d'aucun aurait dit aucun ami, et j'étais bien d'accord -, j'étais méfiante en permanence, n'accordant ma pleine confiance à personne.

J'avais donc quitté la tanière principale en jetant un regard méprisant aux louveteaux ronflant, entassés les uns sur les autres. Je dormais systématiquement à l'écart, dans un petit coin que je m'étais aménagé. Toutefois, cela ne me suffisait plus, j'allais devoir me trouver un autre endroit, tout entier réservé à ma personne cette fois-ci. Tout m'insupportait dans la vie en communauté, que ce soit le manque d'intimité, les bruits, ou même les odeurs. Time for being alone & free.

Alors je courus, à travers champs, forêts, collines, rivières, territoires et saisons. Il était temps pour moi de m'ouvrir à de nouveaux horizons. Découvrir ce qui se cachait derrière les autres "diaboliques" saisons. Comprendre la mécanique de ce monde, quelles étaient les raisons de cette guerre, la manière dont je pourrais en tirer un avantage. Régner dans l'ombre et régir les lois de cette terre, tout un programme fort excitant !

À travers mon escapade, je me rendis compte de la diversité des territoires. Je comprenais à quel point nous nous trompions tous, tous autant que nous étions, fermés d'esprit, des œillères nous empêchant de voir la beauté sanglante de ce monde. Nous étions tous des loups et nous nous faisions la guerre pour des broutilles terres-à-terres. Si j'avais été quelqu'un d'autre, je m'en serais insurgée, j'en aurais hurlé, j'aurais tout fait pour rétablir la paix. Mais j'étais Artemisia et cette guerre m'avait attendue sagement durant tous ses siècles, contemplant les générations, attendant ma naissance pour ouvrir ses ailes. Elle n'avait attendu que moi et maintenant je m'offrais à elle, tout entière, pour donner toute sa puissance, pour mettre à feu et à sang ce monde. Nous sommes faits pour mourir, et j'étais faite pour tuer. Je voyais déjà les prairies ravagées par le feu, les flammes mordant l'air de la nuit, tentant d'attraper la lune pour l'engloutir entière. Je voyais déjà le ciel d'ébène rougi par le sang et le brasier, le doux chant de la peur et de la mort embaumant l'air de sa mélodie entêtante. À travers ces champs d'une beauté qui ne demandait qu'à être sublimée par la mort, je compris pourquoi j'étais née.

Je ne me posais pas de question, ne m'interrogeais pas sur les raisons de ces envies. Ce n'étaient même pas des envies, simplement un but ; comme une évidence qui s'offrait à mon esprit, comme l'aboutissement de tout un cycle, la raison de ma présence en ce monde. D'un ange avait naquit un monstre, et ce monstre sauverait ce monde de la désolation futile créée par l'amour et le bonheur. L'ennui qui attendait les générations à venir n'attendait que moi pour être brisé en un million d'éclats de souffrances et de morts. L'ère de l'ennui était révolu, à présent viendrait une ère forte et puissante, révélatrice des éléments puissants, une ère comme on n'en aurait jamais vues. À cette idée, je me sentais plus vivante, entière, pleine ; comme si une partie de moi avait manqué jusqu'à ce que je parvienne à cette évidence. Brûler. Peut-être étais-je un feu dans une autre vie, un brasier, qui avait tellement mangé qu'il ne pouvait plus se satisfaire d'une simple vie. Je ne pouvais plus me contenter de cette vie d'Automnale, je devrais quitter le clan et grandir, grandir, jusqu'à tout brûler. Car du feu et des cendres naîtrait un monde meilleur.

Au milieu de coquelicots rouges comme le sang qui coulerait bientôt sur ces terres, j'entendis un bruit de pas. Souriant doucement, l'esprit apaisé. Qui que ce soit, il serait le premier et sans doute le dernier à entendre de vive voix ce que je préparais.