Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Le bel automnal semblait étonné par la maladresse d'Hezerkine. Poser une question comme cela, sans se douter des conséquences ou de l'histoire de son interlocuteur était une action très déplacée. L'aveugle n'accorda guère sa confiance à la cornue. Il avait bien raison, l'élégante femelle avait une grande langue et n'hésitait pas à s'en servir à tort à et travers. Pourtant, l'adolescente semblait vraiment intéressée par ce mystérieux individu, qui, comme elle, n'avait sûrement guère eut un passé très joyeux. Le lupin grisâtre fit entendre le timbre de sa voix. Aussi froide qu'elle puisse paraître, Hezerkine y cherchait en vain une trace de chaleur. Hélas, aucune. Le loup n'était pas prêt de lui accorder sa confiance de sitôt.
Ces paroles démontraient bien que son compatriote ne lui conterait pas son passé. Le coeur de la brunette se serra. Rongée par la curiosité qui semblait attisée par les propos du jeune mâle, elle voulut abuser de son pouvoir, et ainsi découvrir le passé de l'automnal en lui faisant vivre une nouvelle fois le tragique événement qui l'eut privé de sa vue.
Mais d'un autre côté, elle ne voulait pas le blesser. Il ne faut guère jouer avec les mauvais souvenirs. Hezerkine n'aimerait pas que l'on remette en scène son esclavage et les terribles jours passés avec son père, à l'agonie. Elle poussa un long soupir. Ce jour là, la cornue ne voulait pas jouer avec les émotions et sentiments des autres comme elle aimait faire à son habitude. Elle voyait en cet inconnu une créature chaleureuse, qui avait simplement perdu ses repères, autant visuels que mentaux.

- Aurais-tu vécu un passé que tu rêves d'oublier ? Dis-le moi. Tu ne veux plus penser à ce moment, pas vrai ? Je ne suis pas dupe, inconnu, c'est flagrant. On t'as enlevé ta vue, et on t'a déchiré le coeur en même temps. Pas vrai ?  

Hezerkine ne semblait plus aussi excitée qu'il y a encore quelques minutes. Elle ne voulait plus faire la petite loupiote immature ce jour-là. Elle voulait le comprendre. Elle voulait l'aider. Elle soupira.

- Je m'apelle Hezerkine.  

La jeune louve observait attentivement l'aveugle. Il était aussi froid que distant, et aussi mystérieux qu'étrange. Tomber sur le chemin de ce mâle avait réveillé une petite flamme de raison en elle, malgré sa maladresse, son sarcasme et son esprit enfantin. Hezerkine releva la tête tout en remettant ses longs cheveux à leur place. Encore assoiffée de curiosité, l'adolescente attendait impatiemment la réponse de l'automnal.

- Pense ce que tu veux, jeune louve, mais je ne suis pas d'humeur à me confier à une inconnue. J'apprécierais que nous changions de sujet. Ma vie ne se résume pas à ces cicatrices.

La femelle haussa les sourcils à la réponse directe de son compatriote, qui l'avait qualifié d'inconnue. Il n'avait pas tort, et Hezerkine aurait certainement réagi pareil. Seulement, pour elle, tout ne doit aller qu'à sens unique. Elle plissa donc les yeux, l'air insatisfait, en laissant un petit "Hmph !" sortir de sa gorge sans pour autant qu'elle n'ait à ouvrir la bouche.
Le désir de connaître le passé du mal commençait à danser en elle comme des flammes ardentes. Désormais, la femelle devait choisir entre deux choses qui se mélangeaient tout en voulant s'éviter : la curiosité ou la raison. Tandis qu'elle penchait entre le Défaut et la Qualité, la voix grave de l'adolescent la tira de ses pensées.

- Mon nom est Maarek... dit-il, aussi glacial que la saison hivernale.

Un sourire malicieux décora le visage de Hezerkine. Elle secoua sa tête avant de poser ses yeux ambrés mi-clos sur l'aveugle. Elle s'étira et redressa son arrière-train pour se lever, avant de s'approcher de lui, presque pour le provoquer.

- C'est un bon début, Maarek  

lança la cornue d'une voix mielleuse.

L'adolescente insista sur son nom, comme pour montrer sa satisfaction dès qu'elle l'eut appris. Elle toussotta et tripota avec ses coussinets sont long collier, comme à son habitude, avant de relever la tête et de le fixer tout en battant l'air de sa longue queue.
- Tu vois mon pote, on avance vite. Tu m'as donné ton nom, c'est déjà pas mal. Je vais pas t'embêter encore plus. Changeons donc de sujet.
Hezerkine leva les yeux au ciel. Elle cherchait dans sa tête un sujet à aborder, mais rien ne parvint à son esprit. Elle poussa un soupir et reposa ses prunelles dorées sur le mâle aux yeux sanguinolants.

- D'où viens-tu, et pourquoi es-tu ici, au sein du clan des Automnaux ?  

Ce fut la seule question qui traversa la tête de la cornue, alors elle ne se retint guère de la poser pour combler ce silence qui se formait peu à peu. Comme à son habitude, la femelle ne put pas simplement dire cela. Il fallait "obligatoirement" qu'elle rajoute un petit commentaire idiot, elle ne pouvait pas rester "sage" longtemps.

- Honnêtement, et sans rancune, vu comme tu es froid, tu aurais peut-être dû rejoindre les hivernaux.  

L'automnale ne put s'empêcher de lâcher un petit rire sarcastique à la fin de ses paroles. Elle s'admirait tant ! Pourtant, elle avait tant de choses à plaindre.

La fraîche brise filait entre les longs cheveux de la cornue, coiffés en un chignon grossier. Son interlocuteur semblait de plus en plus menaçant, et étrangement, cela satisfit la femelle. Le sourire presque dérangeant qui décorait son visage s'agrandit lorsque l'automnal commença à tourner autour d'elle. En effet le prénommé Maarek commençait à rentrer dans le jeu d'Hezerkine, et il allait perdre.
L'expression du visage du mâle donnait pourtant des frissons à la louve, mais elle ne perdait pas pour autant son sourire qui rendait sa face harmonieuse. Son camarade, de ses traits, semblait glacial, menaçant, agressif. On dit que les yeux sont le reflet de l'âme ? Pourtant, la cornue percevait très bien le ressenti du mâle.

Reste donc à ta place, jeune louve. Tu n'es qu'une simple femelle alors ne te crois pas tout permis ! Et je ne répondrais pas à ta question.
déclara le canidé, un sourire moqueur apparaissant au coin de ses lèvres.

Hezerkine fronça les sourcils. Comment osait-il traîter la "Magnifique" -comme elle se surnommait- de cette manière ?
Un brin de colère s'éveilla en elle, mais il fila aussitôt lorsque la cornue comprit qu'il ne fallait pas qu'elle réagisse de cette manière, ce qui apporterait satisfaction à l'automnal.
Elle se redressa alors, de toute sa grandeur, et secoua sa tête, ce qui détacha sa chevelure châtoyante et la laissa libre dans le vent.
La malice avait disparu du visage de la femelle, mais toute colère avait également disparu de sa face. Elle le fixait, presque indifférente, comme hésitante à faire entendre une nouvelle fois le son grâcieux de sa voix à ce loup impur qui ne le méritait pas.
Malgré tout elle voulait finir gagnante de ce jeu de provocation, elle répondit donc à son compatriote, d'un ton faussement triste.

- Oh, je vois. Je ne suis qu'une simple femelle ... Dans ce cas, peut-être devrais-je ... m'en aller ?
 

Elle renifla. Puis encore, puis une nouvelle fois. Encore et encore. Elle voulait que le mâle compatisse,  lui faire croire à son jeu d'acteur bien que peu réaliste. Elle fit mine de s'éloigner, ne partant que de quelques pas tout en faisant volontairement craquer les feuilles mortes.
Puis, d'un pas plus discret, elle se retourna et vint se placer derrière le mâle. Elle espérait qu'il ne la remarque pas et que son doux parfum ne parvienne pas à son odorat.
Un nouveau sourire empli de malice vint se placer entre les lèvres d'Hezerkine, qui était prête à bondir sur Maarek et lui déchiqueter la peau.