Des pas résonnaient dans les ténèbres. Un spectre blanc se faufilait sur cette toile noire. Il faisait froid, très froid. Le souffle du fantôme se teintait de grisâtre avant de filer en hauteur, disparaissant doucement. L'être de la Mort errait dans ces larges tunnels de noirceur. Il n'y voyait rien. Il était l'aveugle dans les ténèbres, les ténèbres l'aveuglaient de leur lumière inexistante. Sombre fléau, le spectre était condamné à l'errance. Il marchait. Sa gueule s'ouvrait. Il appelait à l'aide, mais nul son ne sortait depuis sa gorge. Il était démuni. Démuni de la vue, de la parole. Il ne pouvait faire qu'une chose : avancer. Un mur invisible semblait l'empêcher de pouvoir esquiver le moindre pas en arrière. Il était piégé, destiné à avancer. Il trébucha et s'écroula sur le sol ébène. Il ne pouvait voir ce qui l'avait fait chuté. Silencieux, des larmes de brumes s'échappèrent de ses yeux vaporeux. Il était perdu. Perdu dans ce monde. Perdu dans les Ténèbres. Où devait-il allé ? Nul part. Il n'y avait aucun lieu qui pourrait lui convenir, lui qui suivait le chemin dérobé de la Mort. Il était condamné. Il s'était détourné de son chemin de destinée. Il avait osé regardé en arrière et le voilà perdu dans l'immensité de pénombre l'entourant. Il tenta de nouveau d'appeler de l'aide, de retrouver son chemin, marchant encore et encore. La fatigue le dévorait peu à peu. Sa respiration devint saccadé. Il étouffait de ne rien voir. Sa solitude engendrait peu à peu sa descente vers la folie ... Alors que l'espoir le quittait à son tour, il Les vit. Autres spectres encapuchonnés, ils se dressaient plus loin. Leurs yeux vaporeux étaient de la couleur du rubis. Ils le fixaient. Le pauvre s'avança mais il tomba de nouveau, plaqué au sol par une pression venant de son dos. Il voulut couiner, demander secours, mais les autres le regardaient, sans broncher. L'un d'eux commença à parler.
- Mau... Mau ... Maudit ....
- Héritier de ma...ma...Malheur ... renchérit un autre.
Puis, ce fut une cacophonie. Les spectres se mirent tous à parler et le malheureux ne put comprendre qu'une chose parmi toutes ces brides d'insultes et de moqueries : "Lâche de dessstiné ... Te voilà de retour ... Nul repos ne sssera tiens ..." et une goutte tomba sur la truffe du spectre à terre.
Ash'Naï se releva en vitesse. Son souffle était court. Il haletait, tandis que son corps se bandait. Il loucha sur la perle d'eau qui se trouvait sur le bout de son museau, gouvernant depuis sa haute truffe. Le mâle s'ébroua, la chassant. Il lança un regard d'un côté puis l'autre. Il était seul. Seul dans cet abri d'infortune. S'asseyant, il essaya de se calmer. Ce n'était qu'un mauvais rêve, un cauchemar. En silence, il remercia la petite goutte d'eau de l'avoir extirpé de ces ténèbres moqueuses.
- Maudit cauchemar ... murmura-t-il.
Depuis son retour sur FS, les nuits n'étaient que le symbole de sa faiblesse. Il voyait la mort de son épouse, Exène d'Aragony, tandis que le visage de dame Daphné apparaissait. Il entendait les moqueries. Il revoyait le petit Dean qui, non vantant ses cornes, se moquait de lui et de sa lâcheté. Ash'Naï n'était plus que le centre des moqueries. Il avait abandonné tellement d'amis, que ce soit dans son monde ou sur FS. Où était sa place ? Il l'ignorait.
S'ébrouant, le mâle se releva de nouveau et quitta son abri de la nuit. Il plissa les yeux lorsque le soleil vint l'éblouir. Il grogna et il s'étira les membres. Son corps était tendu, sans doute les restes de ce cauchemar où il était impuissant. Il ne connaissait cet état que dans son sommeil. Lorsqu'il était éveillé, il était le Mal, le véritable démon. Il imposait sa force aux autres et ses humeurs. Mais ces derniers lui rendaient la pareille dans la nuit.
Ce fut avec les pensées bien sombres et des brides de son cauchemar, que le mâle s'éloigna de son lieu de calvaire nocturne. Ash'Naï était fatigué. Ses sommeils agités ne le reposaient pas, mais sans fermer les yeux, le mâle était davantage épuisé. Il n'avait trouvé un arrangement parfait, il n'avait trouvé le moyen de se débarrasser de ces illusions ténébreuses. Lorsqu'il croisait un loup, il n'osait lui demander par fierté. Il avait honte de s'abandonner à de telles faiblesses alors, il gardait cela pour lui. Pour le moment, il arrivait à garder ça pour lui, mais, il savait que ça ne durerait pas.
Se permettant un soupire las, le cornu avança entre la cime haute des arbres des Terres Inoccupées. C'était un nouveau jour et il savait déjà comme il allait passer cette journée : à rien faire. Il regrettait sa vie dans le clan de l'Automne. Là-bas, il avait des missions, des rencontres. Des journées chargées et exténuantes parfois, mais au moins, il ne s'ennuyait pas. Aujourd'hui, solitaire, il regrettait cette petite vie en clan. Il n'était jamais sur de rencontrer une personne avec qui discuter -encore faudrait il qu'elle ne l'attaque pas-. Il était jamais sur de trouver une proie en cette saison froide. Bref, il avait une vie incertaine et instable. Il ne souhaitait à aucun autre être de la connaitre.
Ses pas le menèrent aux falaises de Sérégon. Il s'était avancé vers le bord et avait admiré pendant un temps la Mer venir lécher les pierres et les battre avec férocité. Le solitaire l'admirait. Il voulait tant être la mer. Elle n'avait de limite que les plages et les côtes. Elle pouvait se soulever et engloutir des espèces animales et nature avec aisance ; tandis qu'elle abritait en son sein des espèces aqueuses. Elle était la Vie comme la Mort. C'était surtout cela que le géant enviait. Lui, il n'apportait que la Mort et la désolation.
Les mouettes au-dessus de lui piaillèrent, comme désireuses de le chasser. Il grogna et en attrapa une au vol. La malheureuse était passée trop près de lui et la voilà en train de se débattre. Ash'Naï l'acheva d'un coup rapide. Il n'allait pas la manger, il n'en avait que faire de la chair des volatiles, surtout de ceux des mers. Ils avaient le gout salé, chose qui déplaisait au cornu. Relâchant le cadavre plumé, son regard écarlate parcouru les alentours. Il parcourra du regard les horizons, là où les clans gardaient leurs terres par de petites bagarres. Sa colère disparut tel un battement d'ailes. La froideur vint décorer son visage tandis que de la braise brûlait lentement dans ses yeux.
Ash'Naï aperçut un petit chemin et il entreprit de la prendre. Il descendit un moment, luttant pour ne pas chuter. Il se servait de ses puissantes pattes pour bien se maintenir sur les roches, tandis que son imposante queue lui permettait de garder l'équilibre. La descente fut notamment longue pour ne pas perdre l'équilibre mais arrivé en bas, le mâle put sentir le sable froid lui caresser les coussinets. Il se redressa de toute sa hauteur et fier, il s'avança vers l'eau qui dansait et marquait de micro-dunes le sable dur en cette saison hivernale. Le mâle savait quand cette saison, venir ici était particulièrement dangereux. La Mer était imprévisible, notamment lorsque les vents de l'Hiver venaient se joindre à elle. Mais, le cornu n'avait pas peur. Il s'avança vers l'eau. Le bruit des vagues l’apaisaient. Il venait là après chaque cauchemar. Il n'y avait que cet endroit pour l'aider à retrouver sa raison et son calme. Il ferma un instant les yeux. Ses muscles se détendirent.
La solitude le berçait de ce bruit de roulis, mais hélas, l'odeur marine se teinta d'un fumet qu'il ne connaissait que trop bien. L'Automne. Non la saison, mais un membre de ce clan était là, apparu sans doute derrière lui. Ce fut lentement que le géant se retourna vers le gêneur. Ce dernier avait le pelage acajou et gris. Il était un beau mâle aux teintes bien sombres comparés au démon. Ash'Naï se releva de toute sa stature, révélant le monstre de muscles et de poils qu'il était. Il fixait l'automnal, froid, l'expression impénétrable. Il laissa le silence s'abattre dans un voile incertain. Serait ce un jour prompt à la discussion ou un jour qui se couronnera d'une bagarre ?
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