Il était une fois une petite louve rousse comme le soleil, née dans un monde de feu et de sang, élevée par des dragons, avec pour seul ami un loup nommé Eimaza. Dans ce monde rude et sanglant, ils avaient été seuls, se réchauffant l'un et l'autre, partageant peines et douleurs, se jurant fidélité jusqu'à la fin des temps. Ils vivaient un amour désespéré, un amour triste et dévasté par la certitude d'être nés asservis et de mourir asservis.
Il était une fois une petite louve rousse comme le soleil, envoyée par des expériences ratées avec son ami Loup dans un monde parallèle au sien. Dans ce monde rude et inconnu, ils avaient été seuls, elle le protégeant, tandis qu'il agonisait. Jusqu'à son dernier souffle, la petite louve Soleil avait veillé le Loup, seule dans ce monde nouveau et hostile, incapable de l'aider. La petite louve Soleil s'était couchée avec le Loup et s'était levée Seule.
Il était une fois une petite louve rousse comme le soleil, abandonnée par tous, seule à en mourir, seule et triste, seule dans sa meute aux couleurs de l'automne. Les larmes de désespoir avaient failli noyer le petit Soleil. Mais au cœur la brume sombre qui avait envahi son monde depuis la mort du Loup avait surgi une silhouette Pâle qui l'avait prise dans ses bras et sauvée loin du monde qui s'écroulait. Le Pâle lui avait offert une seconde chance, lui avait redonné espoir. La petite louve Soleil avait découvert un bonheur qu'elle croyait impossible.
Il était une fois une petite louve rousse comme le soleil, avec qui le destin avait joué. Sa vie avait été une succession d'espoirs retrouvés et reperdus. La silhouette Pâle avait disparu aussi vite qu'elle était venue la sauver. Laissée seule aux prises avec le destin et sentant de nouvelles vie pointer en elle, la petite louve Soleil avait cru pouvoir se relever. Elle n'avait pas pu.
Il était une fois une petite louve rousse comme le soleil, dont le dernier acte est de donner la vie. Elle n'a plus que le courage de se raccrocher à cette petite flamme. Sa flamme à elle s'est éteinte. Alors qu'elle marche à travers une brume blanche, que des ronces écorchent ses pattes frêles, que ses ailes d'ange perdent leurs plumes dans les haies hostiles qui bordent les côtés de ce chemin, elle perd pied.
Je n'ai plus la force de hurler. J'ai l'impression que mes cordes vocales se sont déchirées. J'ai hurlé mais personne n'est venu. Personne ne viendra.
Les contractions ont commencé alors que j'atteignais le centre du labyrinthe. Les légendes racontant que des monstres y vivent sont-elles vraies ? J'en doute mais même si c'était le cas je m'en moquerais. Plus rien n'importe. Qu'ils viennent, ces monstres ; qu'ils me délivrent de la souffrance permanente dans laquelle j'ai appris à vivre depuis ma naissance.
Je m'affaisse sur le sol. Je me demande si je me relèverai jamais.
Le premier louveteau est le plus dur à sortir. J'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer ; qu'importe : je ne respire plus que de la fumée qui m'empoisonne depuis ma naissance.
Les deux autres viennent sans que je m'en rende compte. J'ai à peine la force de lever la tête pour les regarder avant de m'en aller. Un nouveau voyage m'attend.
Je lâche trois noms au hasard. D'où viennent-ils ? Du fin fond de mon esprit, d'un passé que j'ai tâché d'oublier, d'enterrer au plus profond de de ma mémoire, espérant ne jamais voir ressurgir ces démons antiques. Doll, Artemisia et Dean. Trois grands et majestueux dragons, qui régnaient sur le monde d'où je viens. Cela fait tellement longtemps que je n'ai plus songé à là-bas. Mes enfants seront en sûreté, ainsi protégés par les ombres puissantes des sauriens ailés de mon enfance.
Ma tête repose sur le sol. Je bats lentement des paupières. Le soleil se lève sur le Labyrinthe Criant. J'ai de la chance, de pouvoir mourir en regardant un coucher de soleil. Un sanglot m'échappe. Mes yeux se ferment tandis que le monde se pare de noir. Un petit louveteau laisse échapper un couinement désespéré en sentant sa mère partir. Les larmes qui coulent sur mes poils de joue forment comme une flaque sous moi, à moins que ce ne soit du sang.
C'est drôle... de... se sentir... mourir. J'ai mal. Je veux rester.
Doll, Artemisia, Dean.
Pardon, oh... Pardon...Il était une fois la fin d'une petite louve rousse comme le soleil.
Il était une fois le début de trois petits êtres.
Il était une fois Doll, Artemisia et Dean.
- Spoiler:
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