Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Daphné ne se rendait pas souvent dans la plaine volcanique. De tout le territoire Automnal, c'était peut-être l'endroit qu'elle appréciait le moins, bien qu'en cherchant bien, elle pourrait éventuellement y trouver des points positifs. Le fait qu'il n'y ait personne, par exemple. La Sentinelle ne venait ici que sous certaines conditions, pour se rendre à la tanière d'Ypso, l'Alpha tout puissant, principalement. Sauf qu'elle avait dû n'y aller qu'une fois de toute son existence.

Donc effectivement, elle venait très rarement ici.

D'autant que sa ronde ne couvrait pas ce secteur, à son plus grand soulagement. En même temps, le lieu manquait de charme : il y régnait la plupart du temps, même en hiver, une chaleur suffocante, qui devenait épouvantable en été, et les odeurs qui en émanaient étaient parfois particulièrement désagréables, quand le vent tombait. Autant de raisons d'éviter le coin, surtout quand il y avait d'autres endroits bien plus agréables à fréquenter.

Mais, ici, il n'y avait personne.

C'était assez grand pour que les rares loups qui s'y trouvaient ne se croisent pas forcément, et quand la fumée recouvrait la plaine, on y était assurément tranquille. Il fallait juste, par conséquent, supporter les relents de mauvaises odeurs et la température.

Aujourd'hui, Daphné se sentait particulièrement capable de pallier à ces inconvénients, mais c'était plutôt parce qu'elle se sentait incapable de croiser du monde. A peser le pour et le contre, elle préférait encore endurer les désavantages de la Plaine Volcanique plutôt que risquer un contact social. Ces derniers temps, elle se sentait particulièrement fatiguée et énervée, elle n'arrêtait pas de se disputer avec Irina pour tout et n'importe quoi, et se sentait prête à faire des gaffes à tout moment, révélant ainsi au peuple automnal l'étendue de son étrangeté, et la livrant aux moqueries ; ce qu'elle redoutait plus qu'une guerre. Le mieux pour elle était encore d'aller là où elle pourrait gaffer tranquillement, et le meilleur serait qu'Irina ferme sa boîte à camembert. Ce qui, pour l'instant, était miraculeusement le cas.

Voilà un moment que la louve aux cheveux bleus ne s'était pas sentie aussi "seule" dans sa tête, et même si ce calme et cette paix intérieurs lui apportaient du soulagement, elle sentait aussi une pointe d'angoisse à ce que le silence se fasse pour toujours. Pourtant, ça ne serait pas si mal, en y réfléchissant bien, mais Daphné avait toujours vécu avec les commentaires d'Irina, alors les perdre serait comme perdre sa seule amie, une présence réconfortante.

Tu vois que tu ne peux pas te passer de moi !

- Tsss...

Un fin sourire se dessina néanmoins sur le visage de l'Automnale. Il fallait reconnaître que Daphné sans Irina ne serait plus vraiment la même Daphné, il lui manquerait quelque chose.

- Pas de quoi fanfaronner pour autant, je maintiens que tes commentaires sont souvent pénibles !

Aaaah, la la, quelle mauvaise foi, c'est parce que la plupart du temps j'ai raison !

- Haha, elle est bien bon...

Rassurée par la fumée qui l'environnait tandis qu'elle était assise sur la roche volcanique, la Sentinelle avait pris la liberté de parler à voix haute. Mais elle réalisa soudain que la fumée brumeuse qui la cachait pouvait aussi dissimuler un loup... D'ailleurs, ne venait-elle pas d'entendre un bruit de pas ?? Immédiatement, la louve aux cheveux bleus se releva, sur ses gardes. Ses yeux jaunes scrutaient les environs, tandis qu'une impression de malaise croissait dans son ventre. Elle interpella ce qu'elle espérait être le vide qui l'entourait, d'une voix ferme, quoi qu'un léger tremblement sur la fin trahissait son inquiétude.

- Qui est là ?? Montre-toi !

J'étais paisiblement entrain d'essayer de m'énerver. Oui, je sais, vous allez me dire que si l'on est paisible, on ne peut pas s'énerver ! Justement, j'y viens. Donc, j'étais paisiblement entrain d'essayer de m'énerver. Genre en pensant à ma mère, à mon frère, à mon père, cette saloperie de première, qui avait décidé de nous laisser tout seuls. Enfin bref. Des trucs déprimants. Pour cela, je m'étais installé en hauteur, sur la plaine volcanique. Je n'y venais pas régulièrement. Il y faisait chaud et ça sentait tellement mauvais que je m'étais mis à respirer par la bouche. D'ailleurs, cela faisait qu'une petite demi-heure que j'étais là et déjà, je sentais la sueur coller mes  poils. Je detestais cette sensation. Eurk.

Tien, voilà que quoi m'énerver ! Cette chaleur insuportable et cette odeur de mort. Je me levais d'un bond, inspirant un grand coup, qui me mis presque K.O. Puis je me mis à marcher autours du volcan, la fumée cachant une grande partie de l'horizon. J'observais les alentours, cherchant un endroit respirable mais rien. Quand tout d'un coup, je trébuchai sur une petit pierre. Je m'aplatis par terre et grogna méchamment. Je me relevais d'un bond, secouant mon pelage pleins de terre. Je soupirais longuement. Ca y est, je sentais l'énervement pointer le bout de son nez. Quand soudain :

- Qui est là ?? Montre-toi !

Je baissais les oreilles. Punaiseeee. Pourquoi quelqu'un, là, maintenant, alors que je voulais apprendre à mépriser mon pouvoir ? Je grognais tout en m'avançant vers la voix. La voix d'une femelle qui avait l'air inquiète. C'était clair qu'avec tout ce brouillard... Puis je vis une masse... Attendez que je plisse les yeux. Brune, sable, bleu ? J'en sais trop rien, surement un mélange de toute ça. Elle avait des cheveux, en tout cas. Je me tendis directement et dis d'une voix sèche :

« C'est le Pape. Qu'est c'tu m'veux ? »

Elle était de mon clan, je le sentais. J'avais déjà du la croiser, mais jamais je ne lui avais parler. Tant mieux, je voulais essayer de ne pas m'attacher à ce clan, qui n'était que temporaire. D'ailleurs, à part Liya, je n'avais parler à personne d'autre. Liya... Elle me manquait un peu, en ce moment.

Daphné scrutait avidement le brouillard, jusqu'à ce que ses yeux perçoivent une forme floue. Une forme qui répondit d'ailleurs à son invective par un grognement... Charmant. Fronçant les sourcils, la belle Automnale se tenait droite, attendant de voir paraître le propriétaire des bruits de pas qui s'approchaient. Un loup, de son clan, certainement ; ce qui n'était pas vraiment rassurant, ni très étonnant. D'abord, parce qu'un loup qui l'entendrait parler seule, de quel clan qu'il soit, représenterait une menace. Ensuite, parce qu'à part les Automnaux, peu de monde venait ici. Mais qu'importe, voilà que l'inconnu faisait irruption et répondait très agréablement.

« C'est le Pape. Qu'est c'tu m'veux ? »

- Le Pape...

Elle avait prononcé ces mots les dents serrés, à voix basse. Tsss, qu'est-ce que c'était que cet ado mal léché ? Bon, le point positif, c'est qu'il n'avait pas l'air de l'avoir entendue parler. En tout cas, pour le moment, il n'avait pas l'air de vouloir y faire allusion. Un bon point ! De plus, Irina semblait repartie dans son mutisme, donc elle pourrait gérer la situation sans anicroches. Plus qu'à essayer de ne pas cracher à la tronche de ce malpoli. Daphné opta pour s'asseoir en premier lieu, histoire de calmer sa paranoïa et de se montrer moins sur la défensive.

- Je ne te veux rien de particulier. Je... me demandais seulement qui venait par ici. Je pensais être seule.

Et j'aurais préféré être seule, mais bon... Après tout, étant membre d'un clan, elle devait s'habituer à l'éventualité de ne jamais être seule, aussi déplaisante que soit cette idée. D'ailleurs, paradoxalement, elle ne s'imaginait pas plus vivre en solitaire. Comme quoi elle devait être un peu difficile à satisfaire...

Les yeux jaunes de la Sentinelle se posèrent sur son interlocuteur, et elle en profita pour le détailler un peu. Elle devait l'avoir déjà aperçu quelque part, mais aucun souvenir de lui ne lui revenait présentement. Il avait une couleur un peu inhabituelle et une drôle de marque sur la cuisse. Est-ce qu'il était vraiment en colère, ou était-il juste un aigri de la vie ? Aucune idée, mais... d'où lui venaient toutes ces questions ! Elle s'en fichait après tout !

Quoi qu'à la réflexion, ils avaient peut-être un point commun ; ils étaient peut-être venus tous les deux en quête de solitude et de tranquillité. Sans qu'elle sache trop d'où sortait cette curiosité, Daphné se prit à s'interroger de pourquoi il voulait être seul. Mais bon, vu comme il était visiblement porté sur la discussion, mieux valait faire un trait sur cette rencontre et le congédier à ses activités, il en serait certainement ravi.

- Désolée d'avoir perturbé ta retraite, je ne te retiendrai pas plus, si tu souhaites partir.

Que... Attends, mais quoi ?? Pourquoi avait-elle rajouté ce "si" ?! Déjà, il était évident qu'il voulait partir, de plus elle ne voulait pas qu'il reste. Alors c'était quoi son problème ? Un coup en douce d'Irina peut-être... Les absents ont toujours tort après tout. Quoi qu'il en soit, pour éviter de voir sa boulette en face, la louve aux cheveux bleus se détourna, offrant son profil à l'inconnu, et se prit de passion à l'observation d'un caillou, qu'elle fit bouger avec sa patte. Rien de plus ridicule, mais tant pis, elle était déjà au fond du trou côté dignité de toute façon.

Spoiler:

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