Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

D'un pas traînant je m'avance dans ce lieu magnifique. J'ai beau connaître le territoire depuis ma tendre enfance, je ne cesse jamais de m'émerveiller en entrant dans cette végétation dense : Rouge, vert, bleu, violet, jaune... toutes les couleurs sont présentes. Le printemps est là. Même si rien n'est plus agréable que l'été, j'aime cette saison. C'est la saison natale d'Aerin. Et tout ces parfums qui m'entourent me rappelle son odeur si particulière, si berçante. En entendant ce léger clapotis de l'eau clair, mon coeur se soulève dans ma poitrine. C'est le même clapotis que celui de la rivière qui traverse le territoire automnale. Le même que j'ai entendu ce fameux jours. Je pose mes yeux emplis d'effroi sur la source. Tout à coup, je vois le liquide se métamorphoser, ou plutôt, changer de couleur. Rouge écarlate. Et soudain, me voilà transportée dans un temple en ruine, même ton grisâtre dans le ciel, mêmes couleurs dans les arbres, même atmosphère. Je sais ou je suis, je sais ce qui va se passer. Une louve crème apparaît devant moi. Elle sourit, un éclat de joie anime son visage. Et d'un coup, elle tombe sur le sol, sans vie. Le paysage change en s'assombrissant de rouge. Un liquide chaud sur mes coussinets me fait sursauter. Du sang, il y a des litres de sang tout autour de moi. Et j'en est plein les pattes. Je pousse un cri.
Me revoilà devant le cascade. Une hallucination. Encore. C'est la troisième de la journée. Je ne cesse de repenser à cette louve crème. Elle avait de la famille, sans doutes un compagnon, elle doit manquer terriblement à son clan. Elle semblait si heureuse juste avant que je n'arrive tout gâcher. De plus, je ne suis pas idiote. Elle a un lien de sang avec Aerin, c'est certain. Oh mon dieu, j'ai assassiner la tante de mes enfants.
Un vertige s'empare de mes pattes tandis que je m'affaisse devant la cascade. Je ne peux plus pleurer. J'observe un instant mon reflet dans l'eau. Mes joues sont rouges, mes yeux me piquent. Je n'ai même plus assez de larme en stock. Je suis... pitoyable. J'ai toujours fais semblant d'être forte à chaque fois qu'un événement venait perturber le cycle de ma vie. Mais ce n'ai pas ça, le vrai courage. Je continue à fixer mon reflet. Et tout à coup, je comprend.
J'ai toujours aidé autrui, j'ai toujours fais mon possible pour rendre les autres heureux. Que ce soit ma famille, mon clan, mes amis, et même les personnes dont j'ignore l'identité. Et bien, la voilà ma solution. Si je ne veux plus à avoir de mal à causer à qui que ce soit, il suffit d'arrêter de vivre. Il suffit que je sacrifie ma vie, et j'emporterais le monstre avec toi, et permettrait à toutes les personnes que j'aurais potentiellement assassinées dans le futur,  de rester en vie. Et de plus, je serais libérée : plus d'affreuses hallucinations pour me hanter, plus de regrets, plus de pleurs, et surtout, plus de douleur insurmontable. Je dois le faire, je le sais. Je le fais pour tout four seasons.
Je plonge dans l'eau délicatement, je vide l'air de mes poumons et laisse l'eau m'emporter avec elle dans ses profondeurs. C'est drôle, j'aurais pensé que ça ferait mal. Mais non, je me sens bien, j'ai l'impression que je vais m'endormir, et rêvé. Oui, que je vais rêver  continuellement sans jamais me réveiller. C'est magnifique. Je regarde une dernière fois la surface en soulevant ma tête. J'ouvre la gueule et l'eau s'engouffre dans mes poumons. Et lentement, tout doucement, paisiblement, je perd connaissance.

La journée était belle. Le soleil brillait haut dans le ciel tandis qu'une légère brise bienfaisante agitait les feuilles de palmiers. Un léger sourire étirait les babines du Veilleur. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi apaisé. A vrai dire il avait pensé que ce jour n'arriverait jamais. Mais entre ses entraînements et le temps qu'il passait avec Akisa et d'autres loups il sentait la colère se faire plus discrète et les remords moins violents. Bien sûr ils étaient toujours là. Jamais bien loin. Près à fondre sur lui au moindre moment. Mais il tentait de les garder éloignés. Il ne voulait plus sombrer. Il y avait des gens qui comptaient sur lui, il ne pouvait se permettre de les décevoir. Il ne saurait supporter de ne pas être à la hauteur. Il ne l'avait presque jamais été mais maintenant que ses actes avaient eu la pire des conséquences il en avait douloureusement conscience. Il ne serait plus un boulet pour les siens, il se l'était promis.
Le loup écarlate avait envie de voir Sheen. Cela faisait bien longtemps qu'ils n'avaient pu se retrouver tous les deux. Une éternité même lui semblait-il. Il n'aurait su dire quand il avait posé les yeux sur elle pour la dernière fois. La tristesse, la peine et les remords vinrent une fois de plus mordre sauvagement son cœur. Pour elle non plus il n'avait pas été à la hauteur. Il aurait dû être plus présent. La soutenir davantage. S'occuper de ses enfants si besoin était afin de la décharger un peu. Bien sûr il y avait les nourrices pour cela mais l'aide de la famille ce n'était pas la même chose. Sur ces pensées Toboe se mit en quête de la piste de la louve bleue et crème. Il voulait la trouver au plus vite. La serrer contre lui, lui dire à quel point il était désolé. Désolé d'avoir été si égoïste. Désolé d'être un mauvais frère. Désolé d'être faible. Désolé d'être lui... Il retint les larmes qui montaient lentement à ses paupières. Plus de faiblesse. Et pleurer en était une dans le sens où cela ne faisait nullement avancer les choses quelles qu'elles soient. Prenant une profonde inspiration pour se redonner contenance il repéra enfin ce qu'il cherchait depuis un certain temps déjà. Avisant la course du soleil il estima que cela faisait bien deux heures qu'il y était. Il se mit à trottiner, pressé de voir la Veilleuse.

La piste le mena jusqu'à la cascade de Nieor. Il ne put s'empêcher de ressentir un pincement au cœur en se souvenant à quel point cet endroit avait plu à Haru et au bon temps qu'ils avaient pu y prendre. Il chassa tant bien que mal le printanier de ses pensées. Pensées qu'il occupait presque en permanence même si ce n'était qu'en arrière plan. Toboe fronça les sourcils en se rendant compte qu'il n'y avait personne. S'il n'était pas un combattant émérite ses sens l'avaient rarement trompés. Si la piste l'avait mené ici c'était que Sheen ne devait pas être bien loin. Un étrange pressentiment se faufila jusqu'à lui tandis qu'il avisait des traces de pattes au bord de l'eau. Non, elle ne pouvait pas ... Jamais elle n'aurait ... Le pressentiment se mua en certitude lorsqu'il vit des bulle cristallines éclater à la surface. Le loup écarlate ne réfléchit pas une seconde de plus et sauta dans le bassin, ressentant à peine la morsure de l'eau froide. Seul comptait le corps bleu et sable qu'il apercevait. Le corps de la seule louve qu'il chérissait. Elle n'avait pas le droit ! Elle ne pouvait pas abandonner comme ça. Ce n'était pas juste. Elle ne pouvait pas se laisser mourir alors qu'il avait décidé de vivre. Ils devaient rester ensemble. Affronter la vie côte à côte, coûte que coûte et vaille que vaille. En une fraction de seconde il activa son don. Ce qu'il voulait n'avait pas besoin de tenir longtemps. Pas besoin de beaucoup de concentration. Une bulle se forma à la surface avant de filer en direction du museau de Sheen, ne s'ouvrant qu'au dernier moment, remplaçant l'eau qui se ruait dans ses poumons par de l'air bienfaisant. Pendant ce temps le Veilleur ne cessait de nager et de se rapprocher d'elle. L'air qu'il avait inspirer avant de plonger s'appauvrissait en oxygène de seconde en seconde. Ses poumons le brûlaient mais il ne pouvait pas reculer maintenant. Elle ne tiendrait pas bien longtemps et il ne pouvait le permettre. Il avait trop souvent été faible. Il avait trop souvent reculer. Là il ne pouvait simplement pas. Il en allait de la vie de sa sœur.
Il saisit fermement la louve par la peau du cou, se fichant bien de l'égratigner avec ses crocs. Ses heures d'entraînements lui furent bien utiles lorsqu'il parvint à remonter en quelques coups de pattes. Cela n'aurait pas été possible seulement quelques mois auparavant. Lorsqu'il perça enfin la surface il prit une grande goulée d'air. La meilleure de sa vie lui sembla-t-il. Il commença à traîner Sheen vers le bord, bandant ses muscles au maximum. Il sentait qu'il fatiguait et un léger "pop" l'informa que sa bulle d'air venait de cesser d'exister. Heureusement qu'ils n'étaient pas resté sous l'eau plus longtemps ... Ils l'avaient échappé belle. Lorsque ses pattes touchèrent enfin la terre ferme il parvint à s'y hisser, la louve ailée à sa suite, dans un ultime effort avant de tomber au sol, pantelant. Son souffle était haché et ses membres tremblaient. Il n'était toujours pas un loup fort. Et il ne le serait certainement jamais. L'inquiétude le dévorait vivant. Et s'il n'était pas arrivé à temps ? Et si elle était déjà .... Même en pensée seulement il ne put parvenir à achever sa phrase. Il se redressa à demi, rampant plus qu'autre chose vers elle.

- Sheen ? Sheen ? Est-ce que tu m'entends ? Je t'en prie dit moi que tu vas bien. Dit moi que je ne suis pas arrivé trop tard...

Une larme coula des yeux vermeil, se mêlant à son pelage humide. Elle ne pouvait pas le quitter ainsi. Elle ne pouvait pas. Les larmes montèrent à ses paupières et il ne chercha pas à les retenir. Elle était tout ce qui lui restait. Elle ne pouvait pas mourir. Pas elle aussi. C'était tout ce à quoi il pouvait penser tandis que Sheen était couchée sur le flanc, ses ailes formant une étrange corolle détrempée dans son dos.

C'est si doux, le noir. J'ai l'impression que je vais sombrer dans un rêve comme lorsque je ferme les paupières le soir, avant de m'endormir. Mais cette fois, j'ai la certitude que ce ne sera pas un cauchemars. Je sais, au fond de moi que ce qui m'attend n'est pas douloureux. Curieusement, je n'ai pas peur. Accueil la mort à bras ouvert. Comme une guérison, la guérison de toute ces peines, tous ces désarrois. De plus, je sais bien que quelqu'un m'attend, de l'autre coté. Je ne serais plus seule, plus jamais seule. Si j'avais la force de sourire, je pense que je l'aurais fait, j'aurais souris à cette douceur qui m'enveloppe, je l'aurais remercier d'un hochement de tête, pleurant de larmes de joies de ce cadeau qu'elle m'offre. Le cadeau de ne plus jamais souffrir...

Mais soudain, une lourdeur sans pareil me faire retomber sur terre, d'une violence sans retenue. J'entend un bruit aigus à vous exploser les tympans dans l'oreille, une brûlure attroce me picoter le long de la trachée, m'envahissant d'une douleur abominable, éradiquant toutes traces paisibles qui enchantaient mon visage il y a quelques minutes. Je n'est même pas le temps d'ouvrir les paupières que mon corps se redresse sans que je ne lui en donne l'ordre, qu'il manifeste son existence d'une pression énergique dans mon ventre, et j'ouvre la gueule malgré moi tandis que des litres d'eau s'enfuient de ma gorge pour venir éclabousser la pierre grise réchauffée par le soleil. Un vertige, ma tête me tourne. Je retombe sur la pierre comme l'avais fais l'eau s'évacuant de ma gorge, de tout mon poids. C'est alors que je me décide à ouvrir les yeux. Tout d'abord, une lumière éblouissante me donnant l'impression d'être aveugle m'accueil dans ce monde, avant de me présenter mes deux pattes avants de la couleur du sable. C'est alors que je découvre que je ne suis pas dans le paradis. Ce n'est pas possible, le monde des morts ne pouvaient pas faire aussi mal, il ne pouvait pas nous laissez vomir comme ça en nous hurlant dans le crâne des bruits assourdissants. C'était bien trop cruel de nous affliger une tel épreuve alors que l'on vient d'assister à notre propre mort. Dans ce cas, cela signifie que je suis encore en vie. J'allais refermer les paupières lorsqu'un morceau de pelage rouge, qui m'était cruellement familier, s'incruste dans mon champ de vision. Toboe.

Je soupire, me lève doucement, en faisant mon possible pour ne pas encore chavirer, engloutie par un autre de mes vertiges. Je décide enfin d'affronter le regard de mon frère. Mais lorsque je croise ses prunelles rubis, un horrible sentiment de culpabilité me remonte dans la gorge. Mon dieu, j'avais abandonner mon frère, comment avais-je faillis commettre l'irréparable ? Comment mon frère aurait-il vécu ma mort ? Lui qui venait de perdre son amour, tout comme moi...comment aurait-il pu combattre un deuil tel que celui-là ?! Un frisson d’effroi s'empare du fond de mon être, rien que de penser à la perte de mon grand frère adoptif. Je sais, je sais ce qu'il va dire. Je sais aussi que si je suis là, que je respire encore, le coeur toujours en activité, c'est pas ce que c'est lui qui m'a sortie de la cascade. Et si il n'était pas arrivé à temps... J'ai la gorge nouée, je ne sais absolument pas quoi dire devant le visage épuisez de mon frère. Je discerne une trace humide de chaque coté de ses yeux. Il a pleuré. Mon dieu, je suis une soeur abominable.

La gorge de Toboe se serra douloureusement lorsque ses yeux carmin croisèrent ceux de sa sœur. Elle avait l'air de s'en vouloir. Il lui en voulait ausis mais, dans un sens, il pouvait parfaitement comprendre ce qui lui était passé par la tête. Il y avait lu même songé à la mort de Haru. Il ne pouvait pas en vouloir trop longtemps à Sheen qui avait eu son lot de malheurs. Entre la mort d'Aerin et ses enfants qu'elle devait maintenant élever seule... Il aurait aimé pouvoi faire plus pour elle sauf qu'il ne savait pas trop comment s'y prendre. Fut un temps où il aurait su. Un temps où tout n'était pas si noir. Un temps où le monde se paraît de mille couleurs et non pas d'ombres terrifiantes. Il inspira profondément, enfouissant la tristesse au fond de son être et retenant les larmes qui perlaient à ses paupières. Il devait cesser d'être faible. Il l'aurait bien engueulé, l'aurait bien maudite pour son geste inconsidéré mais il ne pouvait s'y résoudre. Il comprenait si bien ce qu'elle pouvait ressentir... Il le vivait lui même encore parfois. Lorsqu'il se réveillait en pleine nuit, l'esprit encore marqué de la mort violence de son aimé. Aimé qu'il n'avait pas protégé, pour qui il n'avait pas été capable de lever une griffe. Il se haïssait tellement pour sa propre faiblesse. Il ne pouvait laisser le passé se reproduire. Il devait sauver Sheen, coûte que coûte. Si elle s'en allait elle aussi il ne serait plus rien. Plus rien qu'une coquille vide allant et venant sur les terres estivales jusqu'à ce que la mort finisse par le rattraper. Il perdit la bataille contre les larmes qui se mirent de nouveau à rouler le long de ses joues.

- Sheen ...

Ce fut tout ce qu'il trouva à dire avant d'aller mêler son pelage de sang au sien, si beau. Ils n'étaient pas issus des mêmes parents mais cela n'avait jamais importé et ce n'était pas maintenant que ça allait commencer. Ils étaient aussi liés que pouvaient l'être deux loups. Le grand mâle serra son corps contre celui de sa sœur, sans qu'aucune ambiguïté ne puisse s'incruster. Il l'aimait comme un frère. Il voulait la protéger et, apparemment, il devait avant tout le protéger contre elle même.

- Je t'aime tellement. Tu ne peux pas me laisser. Je ferai tout pour t'aider. Demande moi ce que tu veux, je le ferai mais, je t'en prie, ne pars pas...

Oui, il était égoïste. Il lui demandait de rester en ce monde qui la faisait tant souffrir pour ne pas se retrouver seul. Pour que lui même ne plonge pas en direction de l'abîme. Ils restèrent ainsi enlacés quelques minutes, le bruit de la cascade berçant leur silence. Parfois il n'y avait nul besoin de mot pour se comprendre. Le cœur de l'estival battait à tout rompre. Tant et si bien qu'il peinait à distinguer les battements de ceux de Sheen. Elle était tout ce qui lui restait. Il finit par rompre leur étreinte. Il était parvenu à reprendre un tant soit peu le contrôle de ses nerfs. Il esquissa un léger sourire triste. Heureusement qu'il était arrivé à temps, c'était tout ce à quoi il était capable de songer en cet instant.