Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Le printemps étant enfin de retour, je me suis dis qu'une petite promenade dans tous ces champs en fleur ne me ferait pas de mal. Et c'est ainsi que je me retrouve là, le nez en l'air, à profiter encore et encore des senteurs de cette magnifique saison. Je dois avouer que toutes ces couleurs et toutes ces odeurs m'avaient manqué. Bon, c'est vrai que même durant l'Hiver, ou l'automne, on arrive à trouver quelques parcelles de fleurs, mais ça n'est pas une raison. J'aime le printemps, et je déteste tout ce qui se rapporte au froid et à la monotonie. En plus, tout ces Hivernaux et ces Automnaux sont des idiots. Les estivaux aussi, bien évidemment, sauf qu'eux, le froid ne leur a pas glacé le cerveau.

Je rigole quelques secondes à ma propre blague. C'est puéril et enfantin, mais je m'en fiche, personne n'est là pour me juger, et plus le temps passe, plus je me sens vieille. Ca ne me plait pas. Je sais que je suis incapable de beaucoup de choses à présent. Je sais que mon heure est certainement plus proche qu'il y a quelques mois. Je sais que je ne suis plus du tout celle que j'étais auparavant. Je me mets à m'inquiéter pour des choses sans importances, et à penser à des trucs dont seuls les anciens parlent. Et toutes ces choses font que je me sens mal, toujours plus mal, chaque jour qui passe. Je ne saurais vraiment dire quel âge j'ai, mais je dois certainement m'approcher de la vingtaine à deux trois ans prés.

Je lève de nouveau le museau au ciel. Il fait beau, et pas un seul nuage, blanc ou gris, à l'horizon. C'est une journée magnifique au monde des bisounours. Je me demande quelles sont les nouvelles. Ces temps-ci, c'est Oxymore qui s'occupe de la plupart des actions et autres à accomplir, et peu d'entre eux remontent jusqu'à mes oreilles. Il faudra que j'aille lui demander. J'ai été absente trop longtemps, et je ne veux pas passer pour une Alpha bornée qui ne sert qu'à faire "beau" dans le paysage.

Je m'assoie, et admire ce dit paysage. Des champs entiers de coquelicots s'étendent sur d'immenses espaces. Si grand qu'on ne serait en donner la fin. Je n'ai jamais parcourue entièrement les terres printanières. Je ne suis jamais allée jusqu'aux limites de ces étendues de fleurs, et je ne saurais dire ce qu'il y a au bout. Un jour, peut être, je m'y rendrais. Je ne sais pas si j'en suis capable, et j'espère que mes jambes ne me lâcheront pas d'ici là.

Je fixe le sol, et en moins de temps qu'il faut pour le dire, une, puis deux, puis trois (et ainsi de suite) fleurs de plusieurs espèces différentes poussent par-ci par là, venant égailler ce rouge qui commence à me taper sur le système. Je souffle, légèrement essoufflée... Un si petit effort qui me coûte tant d'énergie. Il faudra sérieusement que je m'entraine. Voilà trop longtemps que je n'ai pas utilisé mon pouvoir. C'est normal que je sois un peu rouillée... Non?

Le soleil tape de plus en plus fort. J'ai chaud. Il est temps que je rentre chez moi. Je fais demi tour, et me mets en route. D'ici, je peux facilement apercevoir la lisière de la forêt, du moins, les formes de celle-ci. La chaleur ambiante rend le paysage flou... Je plisse les yeux de façon à mieux voir... Et aperçois alors une silhouette à une vingtaine de mètres de moi. Je ne connais pas le loup, du moins, je n'ai jamais retenu sa tête. J'espère au moins qu'il est printanier. Je ne crois pas être prête à me battre ou a insulter qui que ce soit.

Le loup, parce qu'il semble en être un, se rapproche toujours un peu plus de moi. Et plus il avance, plus je peux être certaine qu'il est un printanier. Sauf que je ne sais vraiment pas de qui il s'agit... Sa carrure me laisse deviner qu'il doit être tueur, ou bien soldat. Je n'ai jamais vraiment fais la distinction de toute façon, dans les deux cas, leur devoir et de me protéger, en éliminant les ennemis potentiels. Après une vingtaines de secondes, je peux enfin voir ses traits, et tout les détails qui le composent. D'ailleurs, une étrange réaction anima le loup, le poussant à s'abaisser à me cueillir un bouquet de... Fleurs. Génial, je ne peux jamais être tranquille. Alors oui, certes, ça me fait plaisir d'un côté, mais... Mais beurk quoi.

- Ô vénérable Alpha, chés fleurs chont pour toi!

Il est juste là, devant moi, avec son sourire nié. J'essaye tant bien que mal de me tenir droite, de façon à me montrer méprisante, mais je sais bien que cette attitude chez moi est désormais plus ridicule qu'autre chose. Je dois ressembler à une vieille branche, à l'écorce terne et abimée, et non pas à un effrayant monstre comme saurait le faire Oxymore ou encore Rage.

Je le regarde toute de même d'un mauvais oeil, je ne sais pas vraiment si le message mais peu importe, c'est pas comme si j'allais me jeter sur lui, folle de rage.

"Mh, que me vaut donc ce plaisir?"

J'essaye encore et encore de me creuser la tête, mais rien. Ce quadrupède ne me rappel strictement rien de rien. Peut être est il nouveau par ici? Je ne pense pas. Lui en tout cas me connait. C'est un petit désavantage que je déteste. Vraiment. Vous vous voyez vous, en face de quelqu'un qui vous connait, alors que vous non? C'est gênant en fait.
Mais d'un autre côté, je suis l'Alpha... Et puis d'un autre, je ne sors que très rarement de chez moi, comment a t-il pu me reconnaitre? Ca ne peut donc être que quelqu'un qui est là depuis quelques temps. Quelques bonnes années en tout cas.

Boarf, ça semble être un bon garçon. Je laisse partir lentement cette expression de mécontentement de mon visage, pour y laisser apparaitre un sourire un peu mou.

"Et d'ailleurs, je crois que nous n'avons jamais eu l'occasion de nous rencontrer."

Je me sens un peu fatiguée. Le soleil, la chaleur, et tout ça. Le vent souffle, faisant courber les fleurs et chanter les hautes herbes. C'est une belle journée, pour une belle saison, ainsi qu'une nouvelle rencontre. Toute cette ambiance me rends de bonne humeur. Tant mieux pour la planète entière, plus le temps passe, et plus de sombres jours s'annoncent.

Il dépose le bouquet à ses pattes, puis relève la tête dans ma direction. Sa façon de me fixer est plutôt déroutante. Mais savoir que d'une certaine façon, je plait encore un peu, me fait chaud au cœur. Au fond, je ne suis peut être pas la vieille peau fripée que je pense être. Ou alors ce loup est complètement bizarre.

- Je vous prie de bien vouloir m’excuser Alpha... Je ne devrais pas être ici, Le loup marqua une pause, puis reprit la parole, Je suis Astartes, soldat, pour vous servir. Je suis conscient que ma présence n'est pas en ces lieux, et, d'avance j'implore votre indulgence.

J’écarquille lentement les yeux. Ouah, je crois qu'on ne m'avait encore jamais parlé comme ça, ou du moins, pas depuis belles lurettes. Ce personnage m'intrigue au plus au point, et je m'étonne presque de ne l'avoir jamais vu sur mes terres. Après tout, il est soldat, et c'est souvent que les nouvelles recrues viennent se présenter au pas de ma porte. Vraiment... Je dois vraiment aller faire un tour auprès de mes troupes. Cela fait bien trop longtemps que je ne suis pas allée moi même faire un compte rendu de tout et de rien. Voir la force des soldats, l'agressivité des tueurs, la bonté des nourrisses, le don des guérisseurs, et l’œil avisé des sentinelles. Je ne saurais même pas dire combien de loups printaniers il y a au total. Qu'approximativement en tout cas.

Enfin, quoi qu'il en soit, j'ai bien envie de discuter encore quelques minutes avec cet Astartes. Déjà, au moins savoir son histoire, ce serait la moindre des choses. Et puis, connaitre son point de vue sur les récents évènements. Savoir s'il n'aurait pas quelques détails que j'ignore...

"Astartes hein... Jamais entendu parler. Tu es nouveau ici, ou bien?"

Je me relève, et lui indique de la tête de me suivre. Je préfère marcher que rester assise là. Plus ça va, et plus il m'est douloureux de reste dans la même position trop longtemps. Aussi, ça me permettre de découvrir davantage cet endroit.

L'animal se tient juste à ma droite, je le scrute une nouvelle fois du regard. Il est de taille plutôt imposante, avec un poil très épais. Je me demande s'il est de lignée pur, ou si ses parents étaient de clans différents. Ses yeux sont plutôt sombres, et me rappellent ceux d'Oxymore... Oxymore. Je me demande bien ce qu'il fait en ce moment. Certainement trop occupé pour penser à moi.

"Dis moi soldat, que penses tu de tout ce qu'il se passe ces derniers temps?"

Soudain, une goutte viens s'écraser sur mon museau. Je lève les yeux au ciel, et en effet, celui commence petit à petit à se couvrir d'un sombre manteau gris. Au loin, on peut entendre l'orage qui gronde. Parfois, je me demande si les dieux sont avec moi, où si au contraire ils sont contre...

"Oh, et d'ailleurs, ne t'en fais pas pour ta présence en ces lieux. Mais évite dorénavant. Oxymore n'aura certainement pas la même réaction que la mienne..."

Je lui sourit, et lui propose d’accélérer la cadence, histoire de nous trouver un coin à l’abri.

”Astartes hein... Jamais entendu parler. Tu es nouveau ici, ou bien?” 

Elle avait répondu ! Astartes, un brin impressionné, resta un instant silencieux. Il avait constaté la surprise dans son regard lorsqu'elle avait entendu ses excuses. Non, il n'était pas nouveau. En fait, cela faisait déjà un moment qu'il était là, depuis son enfance. Mais jamais personne ne faisait attention à lui. Il était le loup solitaire, le renégat, ce petit impertinent rebelle à qui on déléguait les tâches les plus basiques. Quant à ses talents ? Il les utilisait surtout pour fuir, ou faire pousser des plantes. Las, alors qu'il aurait pu rêver d'une carrière comme soigneur, il avait plutôt choisi de prendre la vie. Il émit un début de  réponse :

- Je...

Elle se releva, et lui indiqua de la tête de la suivre. Le soldat n'osa pas à nouveau croiser son regard. La moindre idée qu'elle puisse supposer qu'il lui tournait autour donnait à Astartes des frissons. C'eut été là un manque de respect considérable, et les dernières bribes de son honneur en poussière, déjà en pleine débâcle. Du coin de l'oeil, il lui sembla qu'elle était pensive, comme perdue dans un recoin de son esprit. Là où, si personne n'avait, et ne pourrait sans doute jamais poser les pattes, il devait tout de même y avoir quelques secrets.

- Pas très roses... Chuchota-t-il imperceptiblement.

- Dis-moi soldat, que penses-tu de tout ce qu'il se passe ces derniers temps ?


Elle avait repris la parole, quand des gouttes se mirent à tapoter doucement le sol. Ce n'était qu'une question de temps avant que ce dernier ne devienne visqueux. Si c'était le cas, il allait devoir courir normalement pour rentrer, chose qui l’agaçait par dessus-tout. L'Alpha leva les yeux au ciel avant d'achever :

- Oh, et d'ailleurs, ne t'en fais pas pour ta présence en ces lieux. Mais évite dorénavant. Oxymore n'aura certainement pas la même réaction que la mienne...

Oxymore... Oui. Mais ça, il le savait bien.

Elle sourit et proposa d’accélérer la cadence pour trouver un abri. Il n'était pas contre, même si le fait de courir à une telle allure le démangeait. Il aurait tout donné pour dépasser ce vent insolent qui se croyait plus rapide.

Ils ne trouvèrent pas de lieu où se mettre à couvert. L'eau glissait sur leurs poils, et tous deux étaient trempés. Ils s’arrêtèrent alors. Pour qui n'avait pas la chance d'avoir de bonnes jambes, ces plaines semblaient interminables. Et la lenteur de l'averse, aux gouttes grasses, presque grossières, titillait son instinct primaire qui consistait à secouer ses poils. Très, très mauvaise idée, alors qu'il était accompagné d'une Alpha. Finalement,
il s'assit le premier, la posture au garde à vous, et commença à expliquer qui il était et surtout, d'où il venait. Il aurait dû le faire depuis longtemps, mais jamais personne n'était là pour lui, et jamais il n'avait le temps. Le temps était précieux, il s'écoulait vite, très vite... Trop vite. Et, pour un métabolisme qui fonctionnait à une vitesse grandement supérieure à la moyenne, le temps s'écoulait à ce point qu'il tentait par-dessus tout de le dépasser. Un rêve inconcevable :

- Je ne suis pas nouveau. Je suis soldat depuis un petit moment déjà. J'ai été affecté pour les missions de basse priorité, ainsi que celles qui nécessitent une certaine aptitude... A la course. Quant à ce que j'en pense de tout ce qui se passe ces derniers temps. Mhhh... Je dirais que le temps fait son chemin, lentement, mais sûrement. Et qu'il n'y a rien que nous, pauvres mortels, puissions faire. Mais jusqu'au bout, je me battrai, fier printanier.

Il n'était pas très bavard certes, mais ce n'était qu'un soldat, et les rares fois où son argumentation dépassait plus de deux phrases, c'était quand il s'agissait de discuter les ordres et autres directives. Sa réponse n'était sans doute pas adaptée, peut-être Moune aurait-elle souhaité quelque chose de plus profond, de plus recherché. Et, si elle le demandait, il ne verrait aucun inconvénient à préciser sa pensée. Mais là, tout de suite, il était plutôt fasciné par la louve, et par la sagesse qu'animaient ses traits âgés.

La pluie se faisait de plus en plus forte, et au fur et à mesure que nous avancions, nos poils étaient davantage mouillés. Encore quelques minutes sous ce temps, et nous aurons certainement la crève demain matin.

Ainsi, je croise les doigts pour trouver un refuge, seulement, même en avançant encore et toujours plus loin, nous ne trouvons rien. Pas le moindre arbres, la moindre motte de terre, le moindre abris. Nous aurions mieux fait de rebrousser chemin de façon à nous cacher dans les bois. Certes, l'eau serait quand même passée, mais c'était toujours mieux que ce que nous avons là.

Je regarde le loup, mi fatiguée, mi haineuse de m'avoir fait perdre mon temps. S'il n'avait pas débarqué, je serais certainement chez moi à l'instant même, au chaud, et surtout, au sec.
En fait, je hais la pluie, ce n'est vraiment pas mon fort. Et à vrai dire, depuis cette fameuse nuit, je la déteste encore plus. Quelques souvenirs remontent à la surface. Douloureux, sombres. Je les chasse aussitôt de mon esprit, pas question de me laisser prendre au dépourvu. Je ne suis pas seule, et je ne dois pas me montrer faible.


- Je ne suis pas nouveau. Je suis soldat depuis un petit moment déjà. J'ai été affecté pour les missions de basse priorité, ainsi que celles qui nécessitent une certaine aptitude... A la course. Quant à ce que j'en pense de tout ce qui se passe ces derniers temps. Mhhh... Je dirais que le temps fait son chemin, lentement, mais sûrement. Et qu'il n'y a rien que nous, pauvres mortels, puissions faire. Mais jusqu'au bout, je me battrai, fier printanier.

Les paroles d'Astartes me tirent de mes réflexions. Tant mieux, je ne tenais absolument pas à y penser encore plus longtemps. Je le regarde. Je n'ai pas tout écouté, et je m'en veux un peu. Il ne semble vraiment pas être un mauvais bougre. Pas pour moi en tout cas. Qui sait, peut être est il tout à fait différent avec les autres...

La pluie continue tomber, plus fort, nous fouettant presque les flancs. J'éternue, tandis qu'au loin, la foudre m'accompagne. Génial, il fallait que je sois dehors durant un temps pareil. Je regarde une nouvelle fois le soldat, lui indiquant une direction lointaine, mais où on peut apercevoir une... Forêt? J'espère seulement que c'est le cas, et qu'il s'agit encore du territoire Printanier. Je ne veux pas d'histoire, pas aujourd'hui en tout cas. Certes, au moins, je ne serais pas seule... Mais tout de même.

"Si tu veux bien accélérer le pas... Ce n'est pas contre toi, mais je me sens... Fatiguée."

J'accélère la cadence une nouvelle fois, sans chercher à savoir si le loup fait de même. Le ciel s'assombrit de minute en minute. Je ne saurais dire qu'elle heure il est.

"Et tes parents, ils étaient Printaniers... Ou bien?"

Je ne sais pas réellement si je veux le savoir ou pas. Du moins, si ça m'intéresse. Qu'ils soient Printaniers ou pas, qu'est-ce que ça pourrait faire? Lui est Printanier, c'est ce qui compte. Certes, j'aurai un peu de mal à encaisser s'il a du sang Hivernal, mais bon...

- Si tu veux bien accélérer le pas... Ce n'est pas contre toi, mais je me sens... Fatiguée.

L'âge. Quel fléau. A peine avaient-ils marché quelques heures qu'elle commençait à fatiguer. Il eut un peu de pitié, car malgré tout, elle tentait de paraître forte. Une intention fort louable, et une force de caractère effectivement. Un Loup vieillissant qui n'accepte pas ses faiblesses est deux fois plus dangereux que le plus vaillant des jeunes soldats. Sa hardiesse, combativité exaltante d'une jeunesse perdue, a bien des fois renversé le cours de certains combats. Voir cette Alpha presser le pas l'étonnait, et le réchauffait en son sein. Elle ne lâchait pas le coup, et c'est bien ce qu'on attendait du chef d'une meute, qu'on l'apprécie ou ne l'apprécie pas.

L'obscurité, petit à petit, occupait plus de place dans le ciel. Les jolies teintes de la journées ternissaient, grisâtres. Alors que les volumineux nuages, au fur et à mesure, prenaient une ampleur dantesque, la pluie devenait tourment, le sol devenait mer... Et des pans de l'horizon, plutôt que de virer lentement du rouge à l'orange, restaient impassibles. Les petit « flocs » des pattes tapotant le sol humide raisonnaient dans ses oreilles. Avait-elle seulement écouté ce qu'il avait dit ? Elle semblait perdue dans ses pensées, et il l'en avait sûrement extirpé. Astartes se sentit un brin mal à l'aise d'avoir dérangé l'Alpha, et, avec plus de discrétion, il aurait pu rentrer calmement au clan. Une fois de plus, son manque de professionnalisme lui coûtait l'attention, malvenue, sur lui.

- Et tes parents, ils étaient Printaniers... Ou bien?

Une jolie manière d'éviter les sujets trop sensibles, parler des parents, de la famille. Mauvaise pioche.

- Mes parents étaient printaniers. Sauf votre respect, Alpha, je ne suis pas un bâtard. Je suis un printanier de sang pur. Pas d'estival, ni d'automnal, et encore moins d'hivernal. Je ne suis pas non plus mêlé aux chiens, qui m’agacent, surtout lorsqu'ils se prennent pour nous. Pour en revenir à mes parents, ils étaient soldats. Nous sommes guerriers de génération en génération. J'étais très jeune lorsqu'ils sont morts, arrachés de mes pattes par d'infâmes hivernaux. Les lâches leurs sont tombés dessus alors qu'ils avaient leur garde baissée. Quand des membres du clan ont ramené leurs corps, j'ai vu ces sortes d'éponges décharnées glissées sur la terre... La... La mâchoire de ma mère était rattachée par un simple filet de chair...

Il s'arrêta de parler. Il n'avait pas à raconter sa vie ainsi sa vie.

C'était décidé, il n'en dirait pas plus. La plus grande prudence était désormais de mise. Il s'exprimait rarement, encore moins à ce sujet. Embarrasser sa supérieure ainsi n'était pas une bonne idée. En outre, plus la relation restait distante, moins il risquait de s'emmêler les pinceaux entre sentiments et profond respect. Nonobstant sa tendance malheureuse à s'attacher vite aux gens, surtout s'il sentait que l'interlocuteur était sur la même longueur d'onde. Un petit silence de gêne prit rapidement de l'espace, et avant qu'il ne puisse l'empêcher de se répandre il continua :

- Ils n'ont pas souffert. L'attaque semblait foudroyante, et c'est un bien pour un mal. Ne pensez pas que je tente de récolter une quelconque forme de pitié Moune. Même si vous ne me connaissez pas, je vous connais assez des récits que j'ai entendu à votre sujet, et je sais que le sentimentalisme est loin d'être votre fort.

Il marqua une pause...

- Et pardonnez-moi pour cette plu...

A peine avait-il terminé sa phrase que l'averse cessa net. Une dernière goutte explosait au sol, et comme par enchantement, le ciel avait cessé de cracher son suc nuageux, tandis qu'un mince rayon de soleil s'était faufilé entre les masses informes des nuages. Ne restait de cette désagréable expérience humide que la boue sous leurs pieds. Et, à présent qu'ils étaient trempés, il savait pertinemment qu'il ne lui suffirait que de courir un peu pour se sécher. Moune, de son côté, allait devoir faire ça à l'ancienne. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que même si le supplice avait pris fin, elle ne semblait toujours pas de bonne humeur. En ce moment, elle devait pester d'être tombée sur lui. Cependant, s'ils ne s'étaient pas trouvés, il aurait de toute façon plu, et elle aurait inévitablement été mouillée. Mais ce genre de détail, il ne le soulignerait pas.

Las, un de ses mots, ou une de ses actions avait dû engendrer chez elle cet état presque catatonique, fixité posturale ou pas un seul de ses muscles ne souhaitait se mouvoir. Il s'en voulut encore plus. Pour mettre fin à ça, il demanda alors :

- Et vous... Qu'est-ce qui vous a poussé à être Alpha ?

Un seul loup dans le clan savait-il seulement pourquoi elle était devenue ce qu'elle est actuellement ? Comment une jeune louve s'était élevée à être la plus puissante du clan ? Mais surtout... Comment le printemps s'était à ce point détaché de toute réalité? Bien qu'il était conscient de son lien profond avec la meute, bien que son allégeance soit sans faille, il n'était pas le seul loup à constater que la situation politique dans laquelle s'étaient immiscés Oxymore et Moune était précaire. La mort de l'un ou de l'autre engendrerait immédiatement un déséquilibre, non seulement par rapport aux autres clans, mais aussi à l'intérieur, et l'idée d'une guerre civile ne lui plaisait guère.

Moune devait être au courant, mais un nombre de plus en plus important de printaniers tournaient le dos au couple, et préparaient un coup d'état. Astartes n'avait nullement l'intention de les dénoncer, cela aurait signé une grosse perte militaire, et un danger encore plus grand. Mais il sentait que ça arriverait. Rien n'est éternel, pas même la plus puissante des Reines.

Pour l'instant, ce n'était qu'eux deux, sur une plaine, trempés jusqu'aux os. La nuit allait s'écraser sur Four Seasons prochainement, balayant avec elle toute beauté résiduelle de la journée.