Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

- Et toi, qu'est-ce que tu fous aussi loin de chez toi à une heure pareille ? Hormis le fait de se balader innocemment dans les beaux jardins printaniers ?

Je pose un regard pensif sur la petite louve couleur de terre. Je ne l'ai pas interrompue alors qu'elle m'a craché des horreurs au visage. Mais après tout, qu'en ai-je à faire ? Notre existence est dérisoire et ce qu'elle peut penser de moi ne changera rien à ma vie. J'ai grandi et j'ai acquis une certaine maturité qui, de toute évidence, fait défaut à la jeune Anouk. J'hésite à répondre. L'ignorance est le plus beau de mépris, et de toute façon, je n'ai pas besoin de gaspiller ma salive en d'inutiles propos.

Je garde le silence, contemplant la nuit. Un hibou hulule, proche de nous. La petite louve ne bouge pas. Je me demande ce à quoi elle est en train de songer. Quelques fleurs subsistent encore à l'automne. Je concentre mon regard sur la silhouette d'Anouk, sans qu'elle me voit. J'ai récemment découvert un de mes dons, qui consiste à voir les auras des loups. J'ai plus de facilité lorsque je suis en présence de fleurs ou de toute autre végétation propre au Printemps. J'ai un peu de mal, j'ai peu d'entraînement en la matière et l'Automne n'aide pas. Toutefois, j'arrive à distinguer un peu de vert sombre. Ce qui signifie, d'après ce que j'ai déjà pu constater, qu'Anouk a beaucoup d'amertume et de ressentiments...

Cela ne m'étonne pas vraiment. Cette petite ne m'a jamais beaucoup aimée, et on ne peut pas dire que j'ai tout fait pour changer ça. En fait, à la réflexion, aucune de nous deux n'a jamais fait d'effort pour améliorer notre situation. En avions-nous seulement l'envie et le besoin ? Je ne pense pas. Lorsque nous n'étions que des louveteaux insouciants, nous avions notre propre groupe. Moi, en tout cas. Anouk restait tout le temps avec sa mère, sa seule fréquentation était son jeune frère Storm. Peut-être cela a-t-il nui à ses relations sociales... Toute enfermée qu'elle était...

Je me décide enfin à reprendre la parole. Je me verrais mal partir ainsi sans même la saluer... Et puis, sa question était intéressante. Qu'étais-je venue faire ici ? Réfléchir sans aucun doute. Je n'avais nullement eu l'intention de tomber sur ce rejeton d'Alpha. Mais bon...

- Eh bien, figure-toi, Anouk, que j'étais venue ici pour admirer l'œuvre de ta mère. Réfléchir, aussi. Je me disais que les esprits équilibrés pouvaient produire des choses magnifiques, ces jardins en sont la preuve vivante. Ta mère avait un don incroyable avec la nature, c'est évident...

Je laisse ma phrase en suspend. Je n'ai pas envie de la finir. Si j'avais été plus jeune, j'aurais poursuivi ma lancée en disant qu'Anouk n'avait pas hérité de ce don. Maintenant... Maintenant, ce n'est plus pareil. J'ai grandi, et je n'ai plus envie de parler avec la jeune Anouk. Son ignorance et son insouciance, liées à son âge - qui pourrait croire que nous n'avons qu'un mois d'écart ? - me poussent à éviter sa compagnie. J'ai du mal, en ce moment, à supporter les loups plus jeunes que moi, ceux qui, encore, ne se soucient pas de l'avenir...

Comme avant, c'est à dire, il y a quelques mois, quand nous étions plus jeune, je sens la frustration de la jeune louve, mêlée à la mienne. Ce vieux jeu qui consiste à tourner infiniment autour du pot. Je soupir, je ne sais plus vraiment quoi en penser, ça me fatigue d'être l'ennemie de tout le monde, de répugner chaque membre du clan. Parfois, j'ai même l'impression que Storm me déteste... C'est la faute de cette petite idiote. Un jour, je me vengerai, ça, j'en suis sûre. Comment pourrait elle s'en sortir comme ça, comment peut elle ne rien avoir sur sa conscience, alors qu'elle et sa petite secte montent les loups de tout les clans contre moi et ma famille.

Je la déteste tellement. Je n'arrive pas à laisser partir cette haine. Elle me contrôle, je ne suis que le pantin de mes propres désirs. Malheureusement, ainsi vont les choses, et jamais ces choses ne seront apaisées tant qu'Elle sera là, vivante, et en bonne santé.

Quelques minutes passent, longues, très longues. Je ferme les yeux, et inspire de nouveau une grande bouffée d'air. Ces jardins m'avaient manqué. Pourquoi n'y suis-je pas revenue plus tôt? Pourquoi est-ce que je ne profite pas plus des belles choses, de la vie qui m'entoure. Pourquoi suis-je moi? Pourquoi...

Perdue dans mes réflexions, je ne vois pas le temps passer, mais lorsque j'ouvre les yeux, je me rends alors compte que les nuages devant la lune ont quasiment disparus. De même, il me semble que les étoiles brillent davantage, et que le ciel est plus clair. Je me demande quelle heure il est. Je n'ai pas pour habitude de rester aussi tard dehors... Enfin, je crois. J'entends alors Myo inspirer elle aussi une goulée d'air, et enchainer alors.

- Eh bien, figure-toi, Anouk, que j'étais venue ici pour admirer l'œuvre de ta mère. Réfléchir, aussi. Je me disais que les esprits équilibrés pouvaient produire des choses magnifiques, ces jardins en sont la preuve vivante. Ta mère avait un don incroyable avec la nature, c'est évident...

Sa voix semblait dénuée de tout intérêt... Étrange. Avait elle changé à ce point en l'espace de quelques mois? Peu importe, tout ce qui compte, c'est qu'elle n'est pas venue me chercher des noises. Je songe alors à ses paroles, il est vrai que cet endroit est d'une beauté époustouflante. Je ne crois pas être capable de faire une chose pareille... Personne en fait. Je me demande de quand il date... Longtemps j'imagine, d'après les monticules de ronces et de mauvaises herbes qui poussent par ci par là. J'avoue que tout cela me fait un peu de peine. En effet maman était douée. L'est elle toujours? Je ne crois pas. Et avec le temps, je commence à comprendre pour Myosotis et le tiers du clan la traite elle et Oxymore et maboules, de fous furieux... J'en ai presque mal au cœur... Vais-je devenir comme elle? Vais-je perdre la raison... Je pense qu'il y a une bonne raison à tout cela. Et je crois que les autres ne devraient pas être aussi cruels envers eux, mais qu'ils devraient plutôt chercher à comprendre d'où vient le problème...

Je me retourne alors, mais la noirceur de la nuit m'empêche de voir la louve, même distinguer sa silhouette m'est difficile. Je renifle un coup... Génial, me voilà enrhumée, comme si c'était le bon moment pour.

"Tu as sans doute raison. Ce lieu est superbe, même si ça se voit que personne ne s'en est occupé depuis bien longtemps... Il faudrait faire quelque chose, s'en est presque pitoyable..."

Je me sens lessivée. Et Morphée me guette, prêt à m'attraper au moindre bâillement. Pourtant, ce n'est pas le moment de dormir. J'ai envie de discuter un peu avec Myosotis, j'en ai besoin, vraiment.

- Tu as sans doute raison. Ce lieu est superbe, même si ça se voit que personne ne s'en est occupé depuis bien longtemps... Il faudrait faire quelque chose, c'en presque pitoyable...

Elle aussi a l'air d'avoir grandi. Nous avons tous grandi. Nous pouvons discuter sans nous sauter à la gorge l'une l'autre. C'est reposant. Quand j'y repense, peut-être Anouk n'est-elle pas bien méchante. Elle a simplement eu la malchance de tomber au sein d'une famille détraquée. Si je n'étais pas née d'une mère opposée à Oxymore, nous aurions peut-être pu êtres amies. Ou peut-être pas. En tout cas, maintenant il est trop tard. L'histoire de nos parents nous a séparées avant même notre naissance. Ces fatalités me donnent la chair de poule. On aurait dû avoir la possibilité d'être amies. Nous aurions dû. Mais personne ne nous a montré comment faire. Comment aimer quelqu'un dont on haït les parents ? Pourtant, moi, j'aime Storm. Mais je serais aujourd'hui incapable d'aimer Anouk. Mais si elle venait à mourir aujourd'hui, est-ce que je pleurerais ? Encore une question dont je ne connais pas la réponse. Encore.

Tout se bouscule dans ma tête, la Lune brille mais rien n'éclaire mes pensées. Je ne suis sans doute pas normale. Les autres loups de mon âge ne pensent sans doute pas à cela. Mais à quoi pensent-ils, alors ? J'aimerais tellement avoir d'autres préoccupations. Comme lorsque j'étais jeune... Lorsque nous étions jeunes... Nous jouions nous aussi... Nous nous disputions... Toutes ces considérations étaient bien loin de nous...

- Tu as raison, il faudrait faire quelque chose. Ce lieu est trop beau pour être laissé à l'abandon. Malgré les ronces, on voit encore sa beauté... Mais... Même si on les enlève, rien ne sera plus jamais comme avant...

Je ne m'en suis pas rendue compte sur le coup, mais ma phrase s'applique très bien à nous deux. Même si on enlevait les ronces du passé, les ronces de nos parents, rien ne serait pareil...
Je ne sais pas quoi ajouter. C'est vraiment trop étrange d'être ici, en pleine nuit, à discuter avec une louve que je suis censée détester. En fait, plus je parle avec elle - plus je parle avec elle de choses intelligentes - plus je me rend compte qu'elle n'est pas la loupiote idiote que je m'imaginais. C'est très étrange.

Je sens la fatigue engourdir mes membres. Je ne sais pas combien de temps a passé depuis que nous avons commencé à parler. La nuit commence à s'éclaircir et on distingue plus facilement la mauvaise herbe qui a envahi les jardins. Cela donne un aspect hanté à ce lieu pourtant magnifique. Je sens un vague frisson parcourir mon échine. Cette scène a quelque chose d'inquiétante ; deux louves immobiles dans un jardin envahi par les ronces... On s'attendrait presque à ce qu'un monstre surgisse de derrière une haie...

- Tu as raison, il faudrait faire quelque chose. Ce lieu est trop beau pour être laissé à l'abandon. Malgré les ronces, on voit encore sa beauté... Mais... Même si on les enlève, rien ne sera plus jamais comme avant...

Elle semble complètement perdue, les yeux fixant le vide. Auparavant, j'aurais prit ça pour de l'idiotie, pour de la bêtise et de la naïveté, sachant pertinemment que dans ces moments là, Myo pensait la même chose que moi à son propos.

Je ne peux m'empêcher de soupirer en pensant au passé... C'était il y a quelques mois, rien de bien loin, et pourtant... Le temps passe vite, trop vite. Les choses bougent, et plus je grandis, plus je me demande si j'ai fais les bons choix en ce qui concerne mes parents, les clans, les amis, les fréquentations... De même, plus je grandis, et plus je comprends certaines choses. Comme par exemple tout ces secrets qui se cachent derrières les intentions des Alphas concernant cette bataille. Dans une profonde partie de moi même, ça me répugne, ces envies, ces désirs. Mais pourtant, je défends ça, je défends tout ce mal qui est fait et sera bientôt fait. J'ai été élevé de cette façon. Voyez, quelqu'un qui vient d'une famille croyant en tel ou tel dieu, aura toujours du mal à croire en un autre. En ce qui me concerne, je ne me vois pas changer d'avis, et encore moins me retourner contre ma propre famille.

Je crois que c'est un peu ce qui arrive à Storm, je devrai lui demander... Je ne sais pas si je dois lui en vouloir... Un peu, sûrement, mais ce sont ses choix, et pas les miens. Si nous devons nous battre de manière aveugle, alors je le ferai, car c'est mon devoir.

Je me lève, et commence à marcher, invitant Myosotis à me rejoindre. Je crois ne pas être la seule à m'endormir. Plus le temps passe, et plus je me sens vide. Bizarrement, cette louve a un effet apaisant sur moi. Je me demande si n'importe qui pourrait en faire autant, ou si c'est seulement elle. Peut être que... Que le fait de lui en avoir toujours voulu pour aucune véritable raison en est la cause. De toute façon, je n'ai pas envie d'essayer. Devoir rester ici avec une autre personne risque de nuire à ma réputation. Cette réputation idiote qui me traine au cul depuis que je suis née. Celle de n'aimer la compagnie de personne, de pester contre quiconque m'approche. Au fil du temps, on s'y habitue. On s'habitue à la solitude, qui devient alors la seule personne qu'on connait vraiment, qui devient, sans qu'on s'en rende compte, une part de nous même.

J'ai l'impression que cette solitude dépose sur nous sa marche, son odeur. Que n'importe qui est alors capable de savoir qui nous sommes. Depuis toujours, j'ai l'impression de n'être qu'un simple livre, que tout le monde peut lire, et critiquer sans en avoir lu l'histoire complète. Mais au fond, ils ont raison, je suis dérangée. Dans mon sang se trouve cette maladie incurable, et héréditaire. Cette folie qui finit par ronger chaque individu de ma lignée, jusqu'à prendre possession de l'intégralité de notre corps. Plus le temps passe, et plus j'ai l'impression de devenir folle.

Je bondis soudainement sur la louve, les yeux désemparés, le souffle court.

"Myosotis! Je dois savoir. Est-ce que je suis folle. S'il te plait, répond moi, suis-je folle?!!"

Un rire nerveux sort de ma gorge. Mon étreinte se fait plus intense sur le poitrail de la louve. Ma tête me fait souffrir, c'est comme si des tambours résonnaient dans ma tête. Appelant quelque chose qui ne vient pas. Quelque chose de sombre. J'ai mal, si mal. Ô, s'il vous plait, faites quelque chose!

Je lâche alors la louve. M'éloignant d'une dizaine de mètre. Des larmes coulent lentement sur mes joues. Lourdes, insignifiantes.

"Myosotis... Pardon... PARDONNE MOI!!"

Je m'enfonce alors dans la noirceur des bois entourant le jardin. Telle une bête abandonnant sa proie. Les tambours continus de jouer leur musique diabolique, et je sais que je dois m'éloigner, rapidement.

Elle ne me répond pas et se tait pendant plusieurs longues minutes. Doucement, elle se lève et d'un petit mouvement de tête m'invite à la suivre. Je lui entame le pas et pendant ce qui aurait pu durer des heures le silence est notre seul compagnon. Il est présent autour de nous. Certains disent que lorsqu'il y a du silence, il n'y a rien. Je ne suis pas d'accord. Je pense que le silence est un très bon compagnon. Il nous aide à réfléchir et à penser comme personne d'autre. Il apaise. Au fil du temps, on finit par savoir distinguer les différents silences qui existent. Certains silences sont tendus. D'autres sont tellement calme qu'ils endorment les loups. D'autres au contraire permettent d'éveiller l'attention et de faire réfléchir.

Soudain, une masse s'abat sur moi. Je tousse mais je suis incapable de me relever, incapable de comprendre ce qui vient de se passer. Je cherche mon souffle, je n'arrive pas à respirer ! J'essaie d'appeler Anouk à l'aide... Alors je lève la tête... Anouk. Anouk. Non... Pourquoi elle ? Que s'est-il passé ? Des étoiles... Il y a des étoiles... La nuit noire... Avec des étoiles qui brillent. Dans un dernier effort, j'inspire profondément, essayant d'éloigner Anouk.

- Myosotis ! Je dois savoir. Est-ce que je suis folle. S'il te plait, répond moi, suis-je folle ?!!

Et elle sert fort, plus fort, encore plus fort. J'étouffe. Des larmes me montent aux yeux. Alors je la regarde, je regarde les yeux dorés en essayant de me faire comprendre... Qu'elle me lâche... J'ai mal...

- Myosotis... Pardon... PARDONNE MOI !!

Je me relève avec difficulté. Je ne prends même pas la peine de reprendre mon souffle, je fonce à travers bois à la suite d'Anouk qui s'est enfuie. Je sais que si je ne parviens pas à la rattraper, il sera trop tard pour elle. Alors je cours, encore, toujours, je cours plus vite. Je la perd. Elle s'éloigne. Il fait trop sombre. Des fleurs ! Il faut que je trouve des fleurs ! Oui... Il y en a... Ma vision change, je ne vois plus que des tâches de couleurs. Alors je la repère, une aura grise qui fuit au loin. Je hurle. J'ai besoin d'aide. Je ne veux pas la perdre. On ne peut pas se le permettre. Elle a ralenti, alors je tends mes muscles au maximum, je n'ai jamais couru aussi vite de ma vie, je suis en train de la rattraper, je gagne du terrain. Je ne sais plus où on est. Je dois... la... rattraper.

- ANOUUUUUUUUK !

J'ai des larmes plein les yeux. Je ne comprends pas ce qu'il vient de se passer. Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Non ce n'est pas possible. Non, non, non, NON ! Je me met à pleurer comme un enfant, je m'arrête, je crois que j'ai perdu, il s'est passé quelque chose d'irréversible. Je ne sais pas où est passée Anouk, je l'ai perdue, elle s'est perdue, elle a perdu. Je suis incapable de réfléchir, ma tête tourne, rien ne compte plus, elle a besoin d'être sauvée, on ne doit pas la perdre, elle ne doit pas devenir comme son père.

- Anouk... Anouk... Écoute-moi...

Je sanglote. J'ai peur pour elle. Et là, je découvre que oui, si elle venait à mourir, je serais triste. N'est-elle pas déjà morte ? La partie innocente en elle ? Alors je pleure, je crie, je veux qu'elle m'entende et qu'elle revienne.

- Anouk... Tu n'es pas folle... Non... Anouk... Tu es quelqu'un de bien... Ne les écoute pas... N'écoute pas ces voix...

"Ces voix"... D'où sortent ces mots ? Je ne sais même plus ce que je dis. Je sais juste qu'il faut que je parle et qu'elle m'écoute sans quoi ce sera trop tard.

- Anouk... Tu comptes beaucoup... Entends-moi... Ça ne sert à rien... Reviens... Pense à eux... À Storm, à ta mère, à ton père, tous t'aiment d'une certaine manière... Mais tu n'es pas obligée de devenir comme tes parents... Le destin n'existe pas... Rien n'est fini Anouk... Je te pardonne... Il faut que tu y croies... Que tu me croies... Pense à eux... à moi... à nous... Tout n'est pas fini...

Ma voix est hachée. Je ne sais pas si elle m'a entendue. Tout ce que je sais, c'est que si maintenant ça ne marche pas, ça ne marchera plus jamais. C'est sa seule chance. Notre seule chance. Oh, Anouk, qu'as-tu fait...

Je cours, rapidement, toujours plus rapidement, mais bientôt, je sens la douleur des muscles me suppliant de m'arrêter. Je n'y arrive pas, je n'y arrive plus. Je n'ai même plus l'impression de contrôler mon corps, et j'ai peur de me cogner dans chaque arbre. Est-ce un pouvoir que je n'ai jamais découvert? Je ne pense pas. Ca me fait peur, si peur. Je ne sais pas ce qui m'arrive. C'est un peu la même sensation que lorsqu'on découvre quelque chose qui a changé chez nous, et que seuls nos parents peuvent nous expliquer.

Je commence à ralentir, mon corps est incapable de tenir aussi longtemps à une telle allure. Petit à petit, ma course se transforme en trot, puis en marche. Il fait sombre, et n'importe quel monstre pourrait surgir de n'importe quel coin, pourtant, cela ne m'effraie pas. Je crois que je suis le seul monstre présent en ces lieux. Le seul dont il faut avoir peur en tout cas. Au loin, j'entends des voix, faibles, qui m'appellent. Je semble avoir retrouver l'usage de mes pattes, pourtant, les tambours sont toujours là, de plus en plus fort, annonçant l'arriver proche d'une terrible chose.

- ANOUUUUUUUUK !

Les paroles résonnent dans ma tête, se cognant contre les parois de mon crâne, ça fait si mal. Que tout cela cesse, que cette louve arrête de parler, je vous en supplie, laissez moi tranquille. Laissez moi partir, je ne veux pas de tout cela. Je veux être comme les autres petits enfants. Normale.

- Anouk... Anouk... Écoute-moi...

C'est comme si des aiguilles étaient enfoncées dans ma tête, pourtant, rien, je suis folle, c'est sûr à présent. Je renifle, j'ai envie de rentrer chez moi, de m'endormir, et d'oublier tout ça. Mais avant, je dois retrouver Myosotis, pour lui dire que tout va bien. Pour m'excusez une nouvelle fois. Je ne désirais pas lui faire du mal, qu'est ce qui m'a prit?

- Anouk... Tu n'es pas folle... Non... Anouk... Tu es quelqu'un de bien... Ne les écoute pas... N'écoute pas ces voix...

J'aimerai tellement, mais c'est elle qui doit se taire, car chaque paroles qu'elle prononce, me fait un mal de chien. Tais toi Myosotis. S'il te plait. Tais toi...
Elle n'est plus qu'à une vingtaine de mètre, j'arrive à l’apercevoir parmi la pénombre. J'ouvre la bouche, dans le but de lui indiquer mon emplacement, mais rien ne sort, pas un son, pas un murmure.

- Anouk... Tu comptes beaucoup... Entends-moi... Ça ne sert à rien... Reviens... Pense à eux... À Storm, à ta mère, à ton père, tous t'aiment d'une certaine manière... Mais tu n'es pas obligée de devenir comme tes parents... Le destin n'existe pas... Rien n'est fini Anouk... Je te pardonne... Il faut que tu y croies... Que tu me croies... Pense à eux... à moi... à nous... Tout n'est pas fini...

Je hurle, du moins, tout les gestes sont là, sauf la voix. Ma vue se trouble, les tambours ont cessés.
Je ré ouvre les yeux, une forme sombre se faufile à mes côtés. Plus sombre que la nuit, plus froide que l'hiver. Je ne sais pas de qui il s'agit, mais j'ai l'impression de la connaitre, comme si elle avait été là depuis toujours, comme si j'étais née avec, et qu'elle faisait partie de moi. Je la regarde, elle ressemble à un loup, à moi en fait, sauf que sa silhouette est moins claire, comme s'il ne s'agissait que d'un rêve. Elle me regarde, et semble me sourire. Sa bouche est équipée d'une rangé de dents à faire frémir le plus effrayant des loups. Son halène empeste la mort. Elle me fait peur.

°Et bien, qu'attends tu? Cette *** qui est en face de toi? Pourquoi est-ce que tu ne fait rien. Tu as toujours voulu la tuer, non?°

Je ferme les yeux, et secoue la tête. C'est impossible. IMPOSSIBLE. J'ouvre de nouveau les yeux, mais la silhouette est encore et toujours là.

°Tu ne me connais pas, mais moi, je te connais. J'ai toujours été là, dans les meilleurs, mais aussi les pires moments. Je suis ton seul ami. Tu crois vraiment que cette chienne t’apprécie? Tu te trompe. Personne ne t'aime, tu n'es qu'une bâtarde!°

Tais toi, s'il te plait, tais toi. Tu mens. Et je ne ferai pas de mal à Myosotis.
Des larmes coulent de nouveau le long de mes joues. L'étranger commence alors à me rire au nez, et par instant, je bondis sur elle, tout crocs dehors, prête à le tuer. La rage me rend complètement aveugle, et je mords puissamment la bête, sans savoir quel endroit j'ai touché. Les larmes ne s'arrêtent pas.
POURQUOI, POURQUOI ME FAIS-TU CA?!! LAISSE MOI TRANQUILLE, JE NE SUIS PAS UN MONSTRE!!

Des hurlements de douleurs me tirent de ma semi-inconscience. Je me rends alors compte, avec effroi, que depuis tout à l'heure, il ne s'agit pas d'une ombre inconnue, mais de Myosotis. Elle est en piteux état, son poil est ensanglanté. Ses yeux sont larmoyants, et son regard, implorant. Qu'est-ce que j'ai fait. Bon sang, qu'ai-je fait? Je dois faire quelque chose, rapidement.
Quelque part, un ricanement survient, je ne sais pas d'où il vient, mais il est faible. Je me sens mieux, et ma tête ne me fait plus mal.
A présent, je dois sauver Myosotis. Je l'installe avec difficulté sur mon dos, et fais attention à ce qu'elle ne tombe pas. Il faut l'emmener chez le guérisseur, rapidement....

Que tout se passe bien.
Myosotis. Pardon...

Spoiler: