Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Les nuits sont rudes c'est dernier temps, je ne dors pratiquement plus, quittant la tanière au beau milieu de la nuit pour éviter de croiser le regard des autres loups qui vivent en ma sombre compagnie. Mon jeune frère a grandit trop vite et la fenêtre de mon passé, de notre passée, que je croyais avoir fermée pour toujours c'est rouverte en fracas, m'empêchant de fermer les yeux quand le ciel se fait noir. Je sais que Mekki sort souvent pour aller se balader, je l'ai surpris plus d'une fois, mais je n'arrive pas totalement à le gronder. Des fois, je me demande si je parle bien la même langue que lui, car il ne semble pas comprendre pourquoi je lui demande de rester sur le territoire, qui sait peut-être que je parle chinois. Je suis encore sortie la nuit dernière et j'ai laissé mes pas me guider où bon leur semble, je n'aurais pas dû. Ils m'ont ramenés la où il est né, là où j'ai vu ma mère pour la dernière fois. Mon coeur déjà fragile à craqué et je me suis effondré en sanglots sur le sol froid, personne ne m'a entendu, personne ne m'a vu, mais la douleur si vive de mon âme m'a rappelé cette journée là.

Ce matin, Mekki était sorti quand je suis revenu, de même qu'YPso et Silver' je n'avais pas envie qu'ils voient mes yeux rougis par les larmes, même si cela ne devait plus beaucoup paraître sur mon visage roux. J'ai chassé sur le chemin du retour dans l'espoir de ne pas revenir bredouille de ma sortie, mais même les petits animaux ont fuis sans se retourner sur mon passage. J'ai pris la décision cette nuit que je devais dire tout ce que je sais à mon frère, mais comment le faire sans le blesser et qu'il me déteste pour le reste de mes sombres jours... je l'ignore. Je ne suis vraiment pas douée pour les sentiments, je ne l'étais pas avant et les évènements horribles lors de mon voyage, mais ça c'est une autre part de mon passé dont je ne suis pas prête de parler avec qui que ce soit. Mekki doit savoir la vérité, j'ai laissé le mensonges durer trop longtemps, il va finir par le découvrir seul si ça continue et ça je ne pourrai le tolérer. Comme un ballon trop gonflé la vérité risque d'éclater au grand jour sous peu.

Je tourne en rond comme si j'étais en cage, je suis bel et bien prisonnière, captive de ma propre histoire. Mes réflexions noires arrivent sans peine à faire taire la partie plus sensible de mon être et je peux réfléchir sans sourciller à tout cela. Ma tête arrive sans peine à bloquer les émotions que montent de mon coeur, je ne pleurerai pas, je ne pleurerai plus. Un bruit se fait entendre à l'entrée de la tanière et je me retourne d'un mouvement vif et fluide, mes sens d'assassin en alerte. Si c'est un intrus je le découpe en rondelles, je ne suis pas d'humeur très clémente aujourd'hui si bien que nul ne verra que je peux être compréhensive et gentille à mes heures. Je reste bien campée sur ma position en attendant que le visiteur daigne se montrer le bout du museau au détour du couloir.

× Les conséquences du départ d'Hope sont apparues très tôt. A part la tempête qui fait rage dans ma tête depuis, je n'arrive plus à rien. Je ne vois plus les louves de la même façon, au lieu de me dire qu'elles sont plus belles les unes que les autres, je ne pense plus qu'à les jauger en fonction de la neutre. Unetelle n'a pas ça, tandis que l'autre n'est pas du tout pareille, et ça ne me plait pas. Au fond je m'en fiche pas mal qu'aucune ne lui arrive au plus bas coussinet, je ne compte pas me trouver une autre à aimer. Je veux juste jouer avec ces louves si imparfaites, ça me permet de me détendre même si je sais que d'un côté c'est aussi être "infidèle" à la jolie louve crème. Le fait est que j'ai de plus en plus de mal à être à l'aise quand j'ai envie de m'amuser avec une femelle égarée, à chaque fois l'image de la louve pleurant par ma faute me revient et stoppe nettement mes intentions pas forcément saines ou approuvables. Tout mon équilibre est bouleversé à cause de ce jour maudit, et je pourrais donner n'importe quoi pour l'effacer et tout recommencer à partir du moment où elle m'a reconnu. C'est impossible, je l'ai compris bien assez vite en attendant en vain une de ses visites. J'ai aussi beaucoup de mal à chasser désormais, dès que je vois une forme se dessiner derrière un buisson mon imagination se met à carburer et je déjante complètement jusqu'à ce que je vois le lapin ou le chevreuil s'échapper à coups de sauts légers. Je me retourne dès que je vois une fleur, espérant reconnaître un frais lys bleu, une élégante rose immaculée ou même une impressionnante fleur aux tons rougeâtres. Je serai plus heureux en voyant cette dernière qu'en ne voyant rien du tout. Juste une trace de son passage.. Rien à faire, elle ne vient pas. Je le comprends, qu'elle ne viendra plus jamais. Et plus cette pensée se confirme, plus je recommence à me distraire avec les autres. Je sais, ça ne réglera pas mon problème et ne ramènera pas du tout Hope vers moi.. Mais c'est d'instinct, j'ai besoin de me prouver que je suis capable de me trouver une "compagne" si un jour je décide d'en avoir. Surtout si mon.. Amie, ancienne amie, tout ce que vous voulez choisissait de ne plus se manifester du tout. Et c'est de cette façon que j'évacue mes pulsions, pour ainsi dire. Même si je serai d'autant plus content avec la neutre aux yeux bleus... Mais je l'ai perdue et ce pour longtemps, voire toujours. C'est un grand temps toujours, ça représente pas mal d'évènement et de choix dans une vie. Moi, ce que je sais, c'est que je veux Hope et aucune des autres. Malgré les apparences, je vous assure que j'ai un coeur et lequel ; la seule qu'il réclame c'est elle, pas question de se donner à une autre louve. Je rentre justement d'une chasse vaine. Tout ce que j'ai pu voir c'est un bébé hérisson perdu et un écureuil qui s'est amusé à me lancer des glands dessus comme pour m'enfoncer dans ma situation et mon malheur. J'ai fini par lui grogner après et il s'est enfuit, le poltron. Quoiqu'en partant lui au moins, n'a pas envenimé les choses.. Je rentre dans la tanière d'Ypso, bougon, personne n'est là normalement et je vais pouvoir me plaindre, peut-être pleurer toutes les larmes de mon corps si le coeur m'en dit, la perte de mon "ex-amie". Je suis déjà près de me laisser aller à mes émotions quand j'entends des bruits de pattes tapoter nerveusement le sol terreux. Méfiant, prêt à attaquer si besoin, je m'avance lentement, l'avant-main baissée. L'intrus a mal choisi le jour de sa visite surprise. Je perçois clairement sa présence et reçoit une odeur automnale. Rassuré je me rapproche et reconnais Ita. Je me détends et m'assois à côté. Alors je remarque sa mine déconfite, et m'interroge. La tueuse est étrange aujourd'hui ; je ne dirais pas qu'elle semble de mauvaise humeur, parce qu'elle l'est tout le temps, mais.. Quelque chose de plus. Tant pis, il vaut mieux ne pas s'interroger sur les pensées d'une assassin sans pitié. Je lui souris, encore cette foutue habitude qui me fait toujours apparaître comme un débile aux yeux de tout le monde, mais bon elle doit le savoir maintenant.

- Ita. Tu m'as fait peur.. Un peu, quoi.

Je tente de cacher mon désarroi par rapport à Hope, personne n'est au courant de cette histoire et j'espère bien que ça va rester comme ça pour un certain bout de temps. Puis ma soeur aînée semble bien trop absorbée par ses propres rêveries pour faire attention au masque que je porte. Je me lèche, sans grâce, la patte avec de vigoureux coups de langue, un tic dont je me débarrasserais bien.

- Qu'est-ce que tu viens faire ici ?

Non pas que je ne sois pas ravi de voir ma soeur dans la tanière de l'Alpha -qui se trouve être un peu la mienne, là-bas, dans le coin à droite- mais sa présence m'étonne. Il est rare de la voir ici.

Le visiteur fini par montrer son museau au détour du couloir, ce n'est que Mekki, ce n'est que Mekki, celui pour qui je suis venu ici aujourd'hui. Il s'avance et vint s'asseoir à mes côtés, je reste de marbre, seuls mes muscles se détendent en reconnaissant l'absence de danger de ma situation. Mon jeune frère me regarde avec son éternel sourire malgré sa mine un peu triste, ça donne un drôle d'effet de le voir comme cela. Je suis habituée de le voir tout souriant et enjoué, là c'est différent, je ne suis plus sure si je dois tout lui dire, même si cela serait une telle délivrance pour moi.

- Ita. Tu m'as fait peur.. Un peu, quoi.

Je cache maladroitement le sourire qui tente de se dessiner sur mon visage, le but était en effet d'effrayer le possible visiteur et je suis contente d'arrivée encore à effrayer mon frère malgré tout ce temps. Il se met à lécher sa patte frénétique comme si cela avait une réelle importance au point de lui provoquer une telle fascination pour son anatomie. J'ai bien essayé de lui faire passer ce tic, mais je n'y suis pas arrivée, du coup je le laisse faire.

- Qu'est-ce que tu viens faire ici ?

Je suis un peu surprise par son ton quelque peu froid, je sens qu'il souhaite me cacher quelque chose, mais je ne suis pas d'humeur à me battre avec lui trouver le quoi en question. Je prend une grande inspiration avant de pendre la parole, je suis prête à tout lui avouer. Je me contente d’espérer que mon don vocal apaisera mon jeune frangin. En effet, ma voix a toujours eu le don d'apaiser les tensions autour de moi pour calmer les âmes en peine. C'est très pratique quand je veux "jouer" avec quelqu'un, ma voix l'apaise tandis que ma présence en elle-même le terrifie. Ma voix est comme le verre qui dévie les rayons de la lumière et faisant illusion à ce qui se trouve vraiment derrière. Je chasse cette pensée, je ne suis pas là pour ça.

-Contente de voir que ma visite te réjouis à ce point, mon ton est amical et je me plait bien à taquiner mon frérot. Je dois parler de quelque chose d'important.

Mon ton est devenu sérieux, je veux qu'il porte toute son attention sur moi. Dès qu'il tourne la tête vers moi je me lance, pas question d'attendre dix milles ans, je ne suis pas douée pour parler du passé alors autant que ce soit vite fait.

- Il faut que je te parle de notre mère et de ton... père...

× Ita inspire profondément, on dirait qu'elle s'apprête à me révéler que c'est la fin du monde dans trois minutes, à peine le temps de manger une myrtille et boum on saute tous. Je me prépare à ce qu'elle va me dire, ça a l'air important. Je commence à me poser des questions mais elle prend la parole avec une phrase des plus banales, et sur un ton cynique attention...

« -Contente de voir que ma visite te réjouis à ce point. Je dois parler de quelque chose d'important. »

Je lui lance un regard concernant sa remarque, apparemment elle a mal pris ma question, remarque, était-elle vraiment indispensable... Son quelque chose d'important attise fortement ma curiosité, je suis impatient de savoir ce dont il s'agit. Quoique, à voir la tête de rescapée d'un accident de ma soeur, j'hésite.. Je la regarde, éternise ce coup d'oeil pour déceler une anomalie dans son comportement, mais rien ne filtre à travers le visage impassible et grave de la tueuse automnale. Ma tête recommence à se formuler des milliers d'hypothèses, et si elle savait à propos d'Hope ? Je doute que mon attirance pour toutes les louves un tant soit peu jolies lui soit inconnue, mais sait-elle seulement que je suis capable de plus que d'un peu de séduction ? "Aimer" c'est un grand mot, et m'en savoir capable pourrait peut-être mettre ma crédibilité en jeu auprès d'Ita. Qu'est-ce qu'elle pourrait savoir d'autre ? Rien. Pour moi c'est le seul point discutable dont elle aurait pu intercepter quelques bribes de paroles.

« - Il faut que je te parle de notre mère et de ton... père... »

Je me méfie et mon esprit ne s'en retrouve que plus hésitant sur ce qu'elle veut me dire. Si elle veut discuter de ce que je ressens, ce sera comme elle veut ; j'ai surmonté cette épreuve avant même d'avoir eu conscience de l'avoir vécue. J'attends donc la suite, à peu près sûr de ce qui m'attend, aucun élément de surprise à l'horizon, juste l'inquiétude d'une soeur aînée qui fut la seule à s'occuper de moi, les autres me reniant presque pour une raison que j'ignore. Enfin, sûrement assimilent-ils ma naissance au départ de nos parents. J'ai du mal à tilter, par contre, ce qu'elle dit de "ton père". On dit ça généralement quand on ne l'aime pas, pourtant elle m'en a toujours parlé en bien.. Il se pourrait que j'apprenne des choses intéressantes, en définitives. Voyant qu'elle se fait prier, je l'incite à continuer d'un mouvement de tête.

- Dis-moi donc. Qu'as-tu à m'apprendre sur notre mère et.. Mon pèèèère ..?

J'accentue volontairement mes derniers mots, fait appuyé par une mimique du visage. Je souris mais Ita reste renfermée, son air sérieux imprimé sur la tête et ne semblant pas vouloir s'en aller de suite.. J'ai tout à coup une légère montée d'anxiété, je ne peux toujours pas prévoir ce qu'elle peut avoir à me dire...

- Dis-moi donc. Qu'as-tu à m'apprendre sur notre mère et.. Mon pèèèère ..?

Mekki a fortement insisté sur le "mon père", sa curiosité presque maladive, qui le rend trop souvent mou comme un légume qu'on aurait trop fait cuire à la vapeur, le pousse a vouloir savoir ce que j'ai à lui annoncer, il ne peut se douter de l'anéantissement de ses convictions qui viendra après mon aveu. Je me force à maintenir le semblant de bonne humeur qui me reste sur mon visage, je ne veux pas lui faire peur, je ne veux pas qu'il me déteste après ce que je vais lui avouer. Je ne savais pas tout quand il est venu au monde, mais mes voyages à travers les territoires, soit par obligation soit par intérêt, m'ont fait découvrir le reste. Je sais presque tout désormais et mon frère a le droit de savoir.

- Notre mère et mon père ne sont pas réellement morts... ils sont partis tout juste après ta naissance et celle de ta jeune soeur. J'ai mis du temps à comprendre le pourquoi de cette décision, j'étais trop enfermée dans ma douleur de la perte de notre mère pour prendre le temps de me pencher sur la question, mais récemment lors d'une de mes visites en territoire estival j'ai aperçu ta soeur de loin, j'ignore si elle a senti ma présence, mais je ne le souhaite pas.

Je laissais un court moment de silence pour que Mekki commence à faire ses propres déductions de la situation. Le mensonge que notre mère m'avait forcé à raconter avait toujours été le ciment qui assurait la solidité de notre situation familiale particulière. Personne ne connaissait la vérité avant aujourd'hui.

- Mekki, ton père n'est pas Zayt. Notre mère a été... violée par un estival... ceci explique les couleurs chaudes de ton pelage...

Je me tus et me préparais aux questions de Mekki, il allait surement en avoir. Je ne voulais pas que mon frère me déteste pour ça.

× « - Notre mère et mon père ne sont pas réellement morts... ils sont partis tout juste après ta naissance et celle de ta jeune soeur. J'ai mis du temps à comprendre le pourquoi de cette décision, j'étais trop enfermée dans ma douleur de la perte de notre mère pour prendre le temps de me pencher sur la question, mais récemment lors d'une de mes visites en territoire estival j'ai aperçu ta soeur de loin, j'ignore si elle a senti ma présence, mais je ne le souhaite pas. »

Étrangement, je ne suis pas bouleversé par cette révélation. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle ne me fait ni chaud ni froid, il y a tout de même une petite part de mystère et de mensonge révélée, une petite part qui me fait frémir. Je ne comprends pas bien la raison de leur départ, mais je réalise qu'en fait dans mon esprit ils n'étaient pas vraiment mort. Peut-être que je le savais d'instinct, qu'une sorte de lien me permettait de connaître la vérité. Ou peut-être que simplement je ne connais pas réellement la mort. Je remarque qu'à présent Ita est passée au "mon père". Encore une chose bizarre. Mais dans le registre du bizarre, ce qui rafle tous les prix, c'est la présence de ma soeur sur le territoire estival. En fait, je n'ai jamais pensé à me renseigner sur où elle se trouvait. Cette allusion au sujet de l'été ne peut me rappeler qu'une seule chose ; le prétendu tueur. Si elle me l'avait dit avant, j'aurai fait le lien et suggéré qu'il ait emmené ma petite soeur, pour.. Eh bien je n'en ai aucune idée. Supposons qu'il l'ait emmenée ; impossible à présent de le croire, puisque ce tueur n'existe probablement pas, finalement. Toutes ces hypothèses se retrouvent bloquées suite à ces révélations successives. Je lance un regard interrogateur à Ita, qui visiblement prévoyait déjà de continuer.

« - Mekki, ton père n'est pas Zayt. Notre mère a été... violée par un estival... ceci explique les couleurs chaudes de ton pelage... »

Un silence, un affreux silence. Comme si le monde s'arrêtait de vivre un instant, histoire d'écouter ces aveux. Je chancelle directement de l'intérieur, mes taches me paraissent inconnues et sales. Une certaine partie du voile du mystère se lève, l'estival vit bel et bien même si on le attribue pas les mêmes fautes, et sans doute a-t-il effectivement ramené ma petite soeur dans son territoire de pouilleux, pour reprendre les expressions d'Auron. Auron étant maintenant, ironie du sort, la personne la plus stable sur laquelle je puisse compter. Ita m'avait menti durant tout ce temps, je ne savais pas si je devais lui en vouloir ou pas, après tout elle avait choisi la facilité et je pense que j'aurai fait de même à sa place. D'abord Hope, je voulais son amitié et maintenant on se demande chacun trop à l'autre, trop pour que ça ne nous retombe pas dessus. Et à présent mon univers continue de basculer, dans le mauvais côté à mon plus grand malheur. Je ne sais pas, je dois être en colère ? Triste ? Plein de rancoeur ? Satisfait d'avoir obtenu la vérité ? Tout à la fois ? On dirait bien que la dernière est la bonne. Tout se mêle, je voudrais réfléchir seul pour terminer de compléter le schéma tarabiscoté de.. Ma famille et du reste. Mais en même temps je ne veux pas partir sans demander d'autres informations. Oui mais lesquelles ? Je reste sans voix alors que tout ce film, ces secrets, ces mensonges à présent découverts refont surface lentement et j'endosse toutes ces choses avec plus ou moins de mal. Déjà, j'ai du sang d'estival. Pour moi c'est le pire qu'il y a à savoir mais aux yeux de tous certainement pas. Ensuite, ma mère a subit un viol, duquel je suis issu. Ca, ça a plus de mal à se concrétiser dans mon esprit. Après, l'estival est parti avec ma soeur. Comment il a pu oser ? Et en final, ma mère et son compagnon que je pensais être mon géniteur jusqu'à aujourd'hui sont partis, sûrement pour les raisons précédentes. Lorsque je reprends mes esprits je me rends compte que j'ai la gueule mi-ouverte, comme si j'allais parler. Je la referme, la rouvre, et finis par sortir quelques mots :

- Qui ? C'est..

J'ai totalement mélangé ma question, enfin si on peut dire que c'est une question. Tout, j'aimerai tout savoir mais comme avec Hope rien ne veut sortir de ma bouche. J'espère que c'est un rêve, que les dernières semaines que j'ai vécues sont un cauchemar sans fin, mais dont je me réveillerai bien un jour. Mon petit monde, mes repères, tout s'envole et on ne me laisse rien d 'autre que de l'incertitude.

Un lourd silence pleins de questions et de sous-entendu s'installa entre Mekki et moi, j'aurais voulu un instant pouvoir retourner dans le passé, retourner à l'époque où mon frère n'était qu'un louveteau et que je n'avais qu'à lui chanter des berceuses alors qu'il était couché entre mes pattes pour qu'il s'endorme, mais ça c'est le passé, on ne peut revenir en arrière et changer les choses. Impossible de seulement fermer les yeux et dormir comme si de rien n'était, sauf que nous n'avons pas encore abordé tout les aspect de l'horrible révélation que je viens de lui faire, nous n'en sommes qu'à la première couche, cette histoire est comme un oignon : plusieurs épaisseurs qui vous font pleurer.

- Qui ? C'est..

La voix de mon frère laisse paraître son trouble, un son de cloche qui me fait regretter d'avoir décidé de tout lui avouer. Pourquoi maintenant? J'aurais pu attendre bien plus longtemps, mais le choc aurait été encore pire je crois ou pas, mon frère semblait déjà fragile à cause de quelque chose que j'ignore. Je sais seulement qui s'il sort si souvent du territoire c'est temps ci se n'est pas pour aller manger des noix de coco sur le bord de la mer chaude des territoires estivaux. Je lève doucement la tête pour fixer les yeux de mon frère, je sais qu'il pourra lire mes angoisses, mais sans comprendre comme il est possible que moi je sois atteinte autant par cette histoire, j'ai l'air si solide de l'extérieur.

- J'ignore qui est ton paternel, j'ignore même s'il connait votre existence à Aki et toi, du moins s'il le sait c'est parce qu'il a croisé Aki sur leur territoire commun.

Une grande inspiration avant de poursuivre sur ma lancée, le courage me manque.

- J'étais là le jour de votre naissance, maman m'a fait promettre de dire à tout le monde qu'elle et mon père avaient été tué par estival. Si tu savais à quel point ce mensonge était douloureux à porter depuis tout ce temps. C'est moi qui a amené ta soeur en terre estival, elle semblait trop appartenir à ce clan, j'ignore qui l'a élevé.

× « - J'ignore qui est ton paternel, j'ignore même s'il connait votre existence à Aki et toi, du moins s'il le sait c'est parce qu'il a croisé Aki sur leur territoire commun. »

Mais, alors ce n'est pas lui qui a pris ma petite soeur ? Est-ce que maintenant elle va bien au moins ? J'aurai en final peut-être préféré la savoir avec l'espèce de dindon pavanant qu'est notre.. "Père", que toute seule, livrée à elle-même, abandonnée dans le sable sans pouvoir se nourrir. Seulement, je me pose maintenant la question de savoir comment elle s'est retrouvée là-bas. La bougie qui s'était allumée dans mon esprit pour faire germer l'idée de "kidnapping" de l'estival vient de s'éteindre d'un souffle. Il ne sait même pas que l'on existe ? Qu'il ne s'en fasse pas, je trouverais bien un jour le moyen de lui rappeler, coûte que coûte je lui ferais payer le départ de celle qui aurait du être notre maman, à Aki et moi.

« - J'étais là le jour de votre naissance, maman m'a fait promettre de dire à tout le monde qu'elle et mon père avaient été tué par estival. Si tu savais à quel point ce mensonge était douloureux à porter depuis tout ce temps. C'est moi qui a amené ta soeur en terre estival, elle semblait trop appartenir à ce clan, j'ignore qui l'a élevé. »

Ita était là quand nous sommes nés ? J'ai toujours cru qu'elle nous avait trouvé.. Près de nos "parents" morts. Je ne comprends pas le mensonge de ma mère, elle aurait du tout dire, ma vengeance n'aurait qu'été plus rapide envers le Dindon. Dindon constipé vu qu'il n'a même pas eu l'esprit de penser aux chaleurs, apparemment. Je n'en veux pas à ma soeur aînée d'avoir gardé ce secret. C'était le mieux qu'elle puisse faire en attendant. Par contre j'ai du mal à réaliser qu'elle ait pu envoyer ma petite Aki en été comme ça. Son père était certes estival mais son coeur aurait pu rester automnal... Maintenant il est trop tard. Mais je la rechercherais en même temps que son père, qu'elle en soit sûre et certaine. J'ouvre la bouche encore abasourdi par ce que vient de m'avouer Ita.

- Je.. Mais...

Des millions de questions s'entassent dans ma tête, et je ne peux en poser que quelques unes. Autant les faire plusieurs à la fois.

- Tu ne l'a pas cherché ? Lui, ou elle, tu ne les a pas cherchés ? Et moi ? Je dois faire quoi dans tout ça ?

Et moi, je suis perdu et je voudrais que cette journée s'annule, je voudrais même ne pas être né, pour vivre ainsi ce n'est franchement pas la peine.

- Tu ne l'a pas cherché ? Lui, ou elle, tu ne les a pas cherchés ? Et moi ? Je dois faire quoi dans tout ça ?

Les mots ne venaient pas facilement, je n'arrivais pas a les trouver maintenant que mon frère me harcelait de questions, bien sûr il voulait savoir, mais je ne savais pas comment lui dire. Je jonglais avec les explications dans ma tête, la gymnastique intense de mon esprit commençait à me donner une migraine et je du bloquer les nerfs sensoriels de ma boîte crânienne pour oublier cette douleur. Il aurait été bien plus facile de ne rien lui avouer après tout, je n'aurais pas eu besoin de tout lui dire, de lui annoncer le fait que depuis le tout début son destin avait été tracé dans un seul but. Que tôt ou tard le déroulement fatidique de tout cela allait se produire même s'il ne le voulait.

- Mekki, je...

Je baissais la tête, ce n'était pas dans mes habitudes de montrer ainsi ma faiblesse, mais je n'en pouvais plus de tout cela, je me devais de lui dire, de tout lui dire, d'arrêter de cacher certaines parties de mon passé qui sont partie intégrante de toute cette histoire de famille.

- Je venais juste de revenir de mon... voyage... quand Aki et toi êtes nés, j'étais tout juste au début de l'adolescence et les évènements qui me sont arrivés pendant mon voyage m'avaient beaucoup fragilisés, ils sont encore aujourd'hui de lourd souvenir que je peine à porter chaque jour. Je n'étais pas apte à élever des louveteaux, j'étais en conflit avec ma mère, je suis sure qu'elle me détestait pour ce que je suis devenue à cause de mon voyage. Vous étiez si beaux elle et toit, de vrai petits ange, vous étiez un peu ma seconde chance, ma chance de me rattraper auprès de ma mère en vous élevant à ses côtés, mais ma mère a décidé de partir en me laissant seule avec vous deux et un terrible sentiment de culpabilité. Je me suis longtemps demandé si je n'étais pas la réelle cause de son départ, je me le demande toujours.

C'était beaucoup d'aveux en une seule et même prise de parole. Je ne prenais que rarement la parole pour en dire autant, j'étais plutôt du genre énigmatique et seul ceux qui me connaissaient arrivaient à bien saisir mes propos. Je me devais de continuer, de lui raconter la suite. Ensuite seulement, s'il le voulait je lui parlerai de mon voyage et de tout le reste, je pourrais peut-être même lui parler de qui j'étais avant tout ça.

- Si ce n'avait été de la présence d'Ypso pour m'aider à t'élever je t'aurais toi aussi laissé chez les estivaux avec ta soeur. Tu vas surement te demander pourquoi j'ai décidé de te garder toi plutôt qu'elle, c'est simple Mekki. Je voyais en toi la force qui me manquait dans ce temps là, je voyais mon espoir d'une vengeance à travers toi et puis tu as toujours eu cette bouille adorable qui donne envie de toujours te dire oui. Pardonne moi Mekki, mais depuis le début toute ton éducation n'a été fait que dans un seul but : Venger notre mère et punir l'estival responsable.

× « - Mekki, je... »

Tu ?.. Ita penche la tête vers l'avant, c'est peut-être dur pour elle mais imagine-t-elle seulement ce que je peux ressentir ? Une crampe me prend vers l'estomac, tomber serait agréable après tout, m'écraser sur le sol comme mort de fatigue et dormir me ferait le plus grand bien. Dormir à jamais, voilà qui pourrait une solution tout aussi intéressante. Et si Dieu trouve que c'est lâche, qu'il me pardonne, hein..

« - Je venais juste de revenir de mon... voyage... quand Aki et toi êtes nés, j'étais tout juste au début de l'adolescence et les évènements qui me sont arrivés pendant mon voyage m'avaient beaucoup fragilisée, ils sont encore aujourd'hui de lourds souvenirs que je peine à porter chaque jour. Je n'étais pas apte à élever des louveteaux, j'étais en conflit avec ma mère, je suis sûre qu'elle me détestait pour ce que je suis devenue à cause de mon voyage. Vous étiez si beaux elle et toi, de vrais petits anges, vous étiez un peu ma seconde chance, ma chance de me rattraper auprès de ma mère en vous élevant à ses côtés, mais ma mère a décidé de partir en me laissant seule avec vous deux et un terrible sentiment de culpabilité. Je me suis longtemps demandé si je n'étais pas la réelle cause de son départ, je me le demande toujours. »

Son voyage, j'en suis au courant. Les séquelles qu'elle en garde, la déduction s'est faite automatiquement dans mon esprit. Que notre mère ait eu du mal à accepter sa nouvelle personnalité, c'est presque compréhensible, si autrefois Ita avait été totalement différente. Ce qui voulait dire gentille, ouverte, peut-être même qu'elle était capable de ressentir des choses, parfois ! Bref, sans être ironique, ou presque, je doute qu'Ita soit "la réelle cause de son départ". A mon avis elle était loin de l'être, ce qui s'est produit devait bien plus la contrarier et la gêner qu'un changement de caractère de sa fille à l'époque encore la plus jeune. Je lui dirais un jour, ce que je pense de cette fuite de Four Seasons. Je crois n'avoir aucune fois entendu autant la voix de ma soeur aînée, voix qui persistait à contraster avec l'allure agressive et sournoise de la tueuse. Impossible pour moi de la voir autrement que sans pitié, excepté à certains moments rares d'une certaine complicité. Et pourtant, à une époque elle n'était pas comme ça. Difficile de l'imaginer alors. L'enclume qu'elle dit avoir sur la conscience, je ne suis pas sûr de la comprendre vraiment. Ce qui lui fait regretter, c'est d'être devenue comme ça ou de ne l'avoir pas retenue à partir ?

« - Si ce n'avait été de la présence d'Ypso pour m'aider à t'élever je t'aurais toi aussi laissé chez les estivaux avec ta soeur. Tu vas surement te demander pourquoi j'ai décidé de te garder toi plutôt qu'elle, c'est simple Mekki. Je voyais en toi la force qui me manquait dans ce temps là, je voyais mon espoir d'une vengeance à travers toi et puis tu as toujours eu cette bouille adorable qui donne envie de toujours te dire oui. Pardonne moi Mekki, mais depuis le début toute ton éducation n'a été faite que dans un seul but : Venger notre mère et punir l'estival responsable. »

Depuis le début ? Depuis que je suis louveteau, toutes ces sorties et tous ces jours passés à m'entraîner ne cherchait qu'à faire de moi l'outil d'une vengeance ? L'idée est épatante, reste que je me serai bien passé de ce rôle à endosser. Si j'avais été à sa place, louve revenant d'un voyage loin d'être emballant et devant se faire passer pour une orpheline, pour devoir s'occuper de demi-frère et soeur nés du viol de sa mère.. Je pense que j'aurai organisé une armée complète contre le fauteur de trouble. Quoique peut-être que ça n'aurait pas été suffisant. Dommage qu'il n'existe pas une punition universelle contre tout ceux du même genre, qui permettrait de leur infliger les pires tortures existantes. A la place, c'est aux victimes indirectes de leurs faits de leur régler leur compte. En fin de compte, ce n'est pas plus mal ; je me ferai un plaisir de sauter à la gorge de l'estival. Je lève la patte et la fait tourner, coussinets vers le haut, comme si ce geste m'inspirait.

- Et... Tu comptais -ou comptes toujours- me lâcher à quel moment dans son territoire de cul-terreux, à l'autre ?

Plus vite je me serai débarrassé de cette tâche et surtout "de l'autre", plus vite je serai content et je pourrais.. Je ne sais pas. Il y quelques mois mes projets se seraient limités à retrouver Hope, aujourd'hui j'ignore à quoi je me consacrerais. Juste vivre, même si ça se révélerait sûrement compliqué, étant donné que mon existence se résumaient jusqu'à ce moment précis à trois mots ; les louves, Auron et mon entraînement quotidien destiné, maintenant je le sais, à me préparer à venger ma mère. Ce dernier point réglé, il ne me resterait plus que mon meilleur ami et la gente féminine lupine. Et bien dites-donc, ma vie risque d'être passionnante...

Je pouvais voir les gestes de mon frère du coin de l'oeil, il était en train de lever la patte d'une drôle manière. Les coussinets vers le ciel, il tournait lentement sa patte. Était ce une représentation physique des pensées qui l'habitent ? Mes aveux doivent le déranger, toute les non dit dont j'ignore même les réponses, tout les points que nous ne connaîtrons jamais ni lui, ni moi.

- Et... Tu comptais -ou comptes toujours- me lâcher à quel moment dans son territoire de cul-terreux, à l'autre ?

La question de Mekki m'amusait un peu, voilà mon caractère de tueuse qui revient au galop, surtout les mots qu'ils utilisaient. Il avait cette haine envers les estivaux que je ne pouvais avoir, depuis toujours mon jeune frère déteste les estivaux sans même connaître ses origines. Je reconnais avoir mis beaucoup d'espoir et d'ambition sur les épaules de Mekki, mais avais-je d'autres options... J'aurais pu abattre cet estival moi-même, mais je me suis promis de ne plus tuer. J'ai beau être une assassin, je en tue pas, je torture, je manipule et je haine, mais je ne mets pas fin aux jours d'un loup. C'est la promesse que je me suis faite en revenir sur ses terres et je compte bien la tenir. Je finis par relever la tête pour fixer mon frère de mes yeux violets, j'observe les muscles épatants qu'il a su développer, mais j'observe plus que tout son attitude actuel. Il a l'air déstabilisé par mes dires, mais il y a quelque chose de plus je le sens, je sais par contre qu'il ne m'en parlera pas de lui même et je n'ai pas envie de me battre avec Mekki pour le faire parler.

- Quand tu te sentiras prêt... J'ai tout fait pour que tu sois prêt physiquement et crois moi tu l'es, même je ne peux rien faire pour ton mental compte tenu de la fragilité du mien.

En effet, je ne peux choisir le moment idéal pour le sale boulot que je confie à Mekki, c'est à lui de voir quand il se sentira prêt à agir et aller au bout de toute cette histoire. Je ne le pousserais pas à y aller, il ira quand il sentira le bon moment arrivé.

- Tu dois te demander pourquoi je n'ai pas tué cet estival moi-même, c'est très simple Mekki. À mon retour de voyage, je me suis promis de ne plus jamais tuer un loup, je tiendrais ma promesse. C'est la seule certitude de mon existence.

× Elle me dévisage après avoir décidé de lever la tête pour me regarder à nouveau. Ses iris violets me fixent, je dois dire qu'ils sont intimidants et nombre de fois je me suis résigné à obéir rien qu'à leur vue. Aujourd'hui ils sont tristes, ils ont perdu de leur dureté. Et rendent Ita ainsi moins imposante, c'est plutôt étrange.

« - Quand tu te sentiras prêt... J'ai tout fait pour que tu sois prêt physiquement et crois moi tu l'es, même je ne peux rien faire pour ton mental compte tenu de la fragilité du mien. .»

Est-ce que je fais si désespéré que ça ? Pour cacher ce que je ressens je ne dois pas être très doué. J'ignore si je me sens vraiment prêt, à vrais dires je ne sais pas qui il est ; le retrouver pourrait me prendre des mois, voire des années s'il se cache. Oh, bien sûr, si j'avais été estival je me serais rendu à la tanière de l'Alpha pour lui demander s'il reconnaissait quelques motifs de mon pelage. Mais là, à peine arrivé on me ferait la peau. Je trouvais bien un moyen, quitte à aller aguicher une louve de là-bas pour qu'elle m'aide. Ce qui me surprend davantage dans les paroles d'Ita , c'est qu'elle dit son mental fragile.. Je sais qu'elle se montre sous un autre jour que tueuse en ma compagnie, mais de là à dire une chose pareille. Peut-être que c'est pour ça que je suis devenu celui qu'elle devait envoyer à sa place tuer mon géniteur.

« - Tu dois te demander pourquoi je n'ai pas tué cet estival moi-même, c'est très simple Mekki. À mon retour de voyage, je me suis promis de ne plus jamais tuer un loup, je tiendrais ma promesse. C'est la seule certitude de mon existence. »

Ita ne tue pas ? Moi qui croyais tant en ses talents d'assassin, la surprise m'élargit le visage des yeux et de la bouche, du front même. Alors depuis tout ce temps elle se retient, à cause de cette promesse ? Même si elle avait voulu avant s'en prendre à lui, elle n'aurait pas pu à cause de ce serment qu'elle s'est fait. Son périple l'aura peut-être plus marquée que ce que je pensais au départ. Et pendant que je restais dans l'ignorance de ce rôle que je dois aujourd'hui remplir sa culpabilité et sa promesse s'affrontaient dans un face à face que je veux bien comprendre. Ita est en réalité, contre toutes mes attentes plus blessée par cette histoire que moi ou n'importe qui. Je pense que je vais y aller, en été. Pour elle, pour ma mère , pour moi, je vais lui sauter à la face et lui décaper le ventre à cet estival. Après tout, si j'ai été élevé dans ce but, je ne vais pas faillir à cet objectif à ce moment crucial, alors que je suppose être prêt à affronter mon géniteur. Les yeux dans ceux d'Ita, dans lesquels on ne lit pas cette menace pesante qui y fait place régulièrement, je soupire. Puis je m'avance, lentement, comme si je venais de me réveiller encore pataud et arrive près de ma soeur avant de l'attraper dans mes pattes. Je la serre comme si c'était une veuve éplorée en grand chagrin, ça fait longtemps qu'elle ne m'a pas fait de câlin, en fait je crois bien que jamais elle ne m'en a fait de véritables, toujours gardant une certaine distance psychologique. Maintenant je la dépasse largement en taille et ce n'est plus à elle de me prendre, c'est plutôt le contraire. Comme elle fait, je lui ébouriffe sa masse de cheveux d'une manière amicale et reste collé.

- T'inquiète pas soeurette je finirais par lui faire la peau..

À la mine quelque peu choquée que prend mon frère, j'ai d'abord l'impression de l'avoir froissé, je sais que c'est beaucoup de révélation en une seule journée, mais c'est un mal nécessaire. Notre famille, élargie, excelle dans le domaine des intrigues et des secrets, on a qu'à penser à Melda, notre soeur adoptive, pour comprendre que tout est loin d'être paradisiaque dans la vie que mes parents ont tentés de concevoir tout au long de leur existence. C'est peut-être un peu pour ça aussi qu'ils sont partis, peut-être voulaient-il recommencer à zéro, loin de toutes les embrouilles. J'avais un peu relâcher mon attention de Mekki et son contact soudain contre moi me ramena au moment présent : mon jeune frère était en train de me serrer contre lui. J'étais crispé au départ, mais je laissais finalement mes muscles se détendre, je n'étais pas en danger dans les pattes de mon frère. Il posa sa patte sur ma tête, le fait qu'il me dépasse l'aide à me taquiner, pour ébourrifer mes mèches rebelles.

- T'inquiète pas soeurette je finirais par lui faire la peau..

Un large sourire se dessine sur mon visage, je sais que Mekki le ferra, mais j'ai peur qu'il hésite en voyant son paternel ou bien que les remords le ronge après son geste pour le reste de ses jours. Je ne veux pas que mon frère souffre comme je l'ai longtemps fait. Il est vrai que Mekki et moi avant des caractères bien différents, lui il a toujours connu le combat et les épreuves, moi je n'avais jamais vraiment souffert avant de me retrouver dans la situation de survie intense quand j'étais par delà la montagne. Mekki est la force qu'il me manque. Je pose un baiser sur son front, c'est un peu compliqué compte tenu que de un, il n'a pas l'air près de me lâcher, il est collé à moi comme une mouche sur un tartine de confiture aux fraises, et de deux il est plus grand donc je dois m'étirer pour atteindre son front.

- Je sais que tu vas y arriver, je crois en toi petit garnement