Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Nous etions rentrés. Men' était partie de son côté après un rapide au revoir. Je crois qu'elle avait remarqué qu'il y avait quelque chose entre Calion et moi. Enfin, c'était ce que je me plaisait à penser. Malgré tous les signes qu'il m'avait envoyé et malgré ma toute récente prise de conscience, rien n'était encore fait. Le doute se permettait encore de planer au dessus de ma tête et la confusion d'emmeler mes pensées. Avais-je le droit de réclamer le bonheur alors que je venais de perdre ma mère ? La douleur était aussi récente que ma prise de conscience et ne s'éffacerait jamais.

Entre les troncs serrés de la forêt, il m'étais impossible de voler. Je marchais donc à côté de Calion. Un silence gênant s'était installé. Cela faisait un petit moment que nous ne nous étions pas retrouvé seul, la forêt nous dissimulait au souffle du vent et aux regards indiscret, cette intimité accrue mon malaise et je me surpris à rougir. Je n'arrivais plus à aligner mes pensées, leur fil se perdait dans l'océan des émotions qui se mêlaient aux battements accéléré de mon coeur. Fébrile, je tremblais sans avoir froid et imaginer un seul instant que Calion le remarquerait terminerais de m'achever. Pourquoi me sentais-je si angoissée ? La réponse mit longtemps à faire son chemin. J'avais peur. Peur qu'on se sépare, peur de lui dire au revoir. Même pour un instant. Pour la première fois de ma vie, mes ailes restèrent sagement repliée contre mon corps sans aspirer à s'étendre sur les courants du vent.
Où allions-nous comme ça ? Pourquoi fallait-il que nous avançions alors que nous étions sur les terres de mes parents ? Pourquoi fallait-il que nous progressions vers cet au revoir que je ne voulais pas entendre ?

Je finis par m'arrêter. Les pattes tremblantes, je du m'assoir, mais mes pattes avant continuaient de jouer des castagnettes sans que je puisse les interrompre. Prise au dépourvu, j'étendis mes ailes pour les cacher avec maladresse. Depuis quand n'étais-je plus capable de les ouvrir correctement ?

Aucun mot ne parvint à franchir mes babines, m'enfermant dans un mutisme douloureux. Je me sentais malade, j'avais l'impression d'être fievreuse, que mon coeur allait exploser, ma gorge était si nouée et ma respiration si pénible. Je n'arrivais pas à détacher mon regard de ses yeux, je les sentais qui me dévisageaient, qui devinaient, et j'étais incapable de cacher un seul de mes symptômes. Je me sentais si vulnérable, livrée tout entière sans savoir si c'était pour ou contre mon gré.

J'avais préféré resté à l'écart lors de la rencontre des deux hivernales avec Moune, Meneldil était rapidement partie après un bref au revoir et je m'étais retrouvé seul avec Melinya. Il y avait un moment que nous ne nous étions pas retrouvés seuls. J'avais entrepris de la ramener chez elle et nous étions maintenant revenu sur son territoire, chez elle parmi les siens. Les siens, qui jamais je le sais maintenant, ne deviendront les miens. J'avais compris récemment que je ne pouvais rejoindre les hivernaux, je ne pouvais choisir qu'une seule part de moi même si je le fessais par amour...

Les arbres vieillis par le temps et la brume rendaient cet endroit des plus mystérieux. Nous étions venu ici une fois, avant tout ca, avant les combats qui ont fait trop de morts... Je n'avais plus d'attache parmi les clans, mon frère m'avait définitivement renié ou du moins il le laissait croire et la louve qui m'avait élevé n'était plus, la seule attache qui me restait dans ce monde était Melinya ainsi que le vague espoir de voir enfin mon père pour avoir des réponses.

Melinya s'arrêta et je pu remarqué ses pattes qui tremblaient avant qu'elle les recouvre maladroitement de ses ailes. Impossible qu'elle est froit alors que je me portai bien, les arbres nous coupant du vent et des regards. Je restais là bêtement debout à la fixer du regard, alors que je trouvais difficilement les mots pour dire tout se qui me passait par la tête en se moment précis. Peut-être qu'il n'y avait rien à dire... mais tout à la fois.

- Melinya... je ne partirai pas de cet endroit sans toi... si tu ne veux pas venir avec moi... je resterai dans l'ombre à t'attendre...

"Melinya... je ne partirai pas de cet endroit sans toi... si tu ne veux pas venir avec moi... je resterai dans l'ombre à t'attendre..."

Je frissonais davantage en entendant le mot partir. Mais le sens de ses mots fit son chemin et je finis par réaliser leur importance. Mon coeur s'emballa. Ainsi nous ne serions plus jamais séparé. Partir, quitter la terre de mon père, celle qui fut aussi à ma mère quelques années. Pour aller où ? Et pourquoi moi ? Je cherchais les mots pour formuler ces deux questions sans le vexer. Mais finalement, j'abandonnais. Ce n'était pas dans ma nature que de m'exprimer avec tact, je m'étais toujours exprimée directement.

-Pourquoi partir avec moi ? Et pour aller où ? Je ne veux pas être prisonnière d'une autre terre...

Je pris une grande inspiration et me dépêchais de continuer avant d'en perdre le courage.

-Mais je veux bien être prisonnière ... de toi.

Ma phrase n'était pas correcte, mais j'espérais qu'il en comprendrait le sens tandis que mes joues s'empourprait.

"Pourquoi partir avec moi ? Et pour aller où ? Je ne veux pas être prisonnière d'une autre terre..."

Je ne m'attendais pas tout à fait à cette réponse, je croyais qu'elle avait compris pourquoi je tiens tant à partir avec elle, mais peut-être m'étais-je fait des illusions...

"Mais je veux bien être prisonnière ... de toi."

Prisonnière... de moi... ces trois petits mots voulaient tout dire, alors je ne m'étais fait aucunes illusions, aucun faux espoir. Je m'approchais de Melinya en souriant, je me sentais léger comme l'air, rien ne pourrai désormais m'empêcher de sourire à la vie... à la vie avec elle. Je m'arrêtais à quelques centimètres d'elle et me laissais emporté un instant dans le bleu de ses yeux.

- Alors devient ma douce prisonnière... sur les terres libres qui sont maintenant ma patrie...

J'inspirais profondément, je tremblais de joie et de nervosité à la fois, et mon souffle glacé givra le nez de Melinya. Puis se fut, non plus que mon souffle, mais mes lèvres qui vinrent déposer un tendre baiser sur le nez de la belle hivernale. Je me reculais juste pour dire en attendant sa réaction, je ne voulais rien forcer. Melinya tenait à sa liberté plus que tout et je tenais à respecter cela coûte que coûte.

"Alors devient ma douce prisonnière... sur les terres libres qui sont maintenant ma patrie..."

Autrement dit en terres neutres. Devenir neutre. Je cessais de trembler pour réfléchir à cette alternative. Réfléchir ? Non, c'était inutile, j'avais toujours envié les neutres de pouvoir aller où bon leur semblait sans avoir à ce soucier des frontières. Devenir neutre et rester auprès de Calion. Tous mes souhaits les plus chers se réalisaient.

Mes pensées s'interrompirent soudainement quand le souffle du loup cuivré vint geler le bout de mon museau. Il était si pret. Je tremblais de nouveau, mais je n'avais pas froid, au contraire, j'avais chaud, mon corps entier en proie à une douce chaleur.
Il embrassa mon museau. Il était doux, tendre et respectueux. J'admirais cette patience qu'il avait et qui me faisait défaut, moi qui étais aussi instable que le vent. Dans mon esprit, une rafale dissipa brusquement le brouillard.

Je reculais d'un pas et le dévisageait en fronçant légèrement les sourcils.

-C'est trop ambigu, déclarais-je en secouant la tête comme un louveteau capricieux.

Alors que la forêt était abritée du vent, une grande rafale surgit dans le dos de Calion. Je la dirigeais sans mal et fu même un peu surprise de sa puissance. J'avais incroyablement progressé après les combats.
J'y mis plus de force encore, poussant Calion vers moi, l'obligeant presque, et alors que nos museaux se frôlaient, j'interrompit le vent pour chuchoter d'une voix que lui seul pouvait entendre:

-Je t'aime.

J'ouvris mes ailes et nous entourais de leur voile. J'attendis à la fois pétrifiée et impatiente, je ne voulais pas le forcer sur un caprice idiot. Je voulais juste lui montrer que j'étais prete et que j'attendais son ultime signal qui sonnerait notre début et la fin de ma vie en tant qu'hivernale. Malgré toute ma volonté et tout mon désir, je ne pouvais faire un pas de plus sans qu'il soit mon guide.

La louve recula d'un pas, aurais-je voulu aller trop vite? Peut-être n'était-elle pas tout à fait prête. Elle me dévisageait en fronçant les sourcils et je n'arrivais pas à comprendre où elle voulait en venir.

" C'est trop ambigu."

Melinya secoua la tête comme une jeune louve têtu et je trouvais que cet air lui allait bien à ma douce hivernale imprévisible comme le vent. Alors que je croyais que les arbres nous protégeaient du vent, une forte rafale ce mis à souffler dans mon dos et selon la force du courant aérien je doutais qu'il soit là par hasard. Peu à peu, le vent me forçais à avancer vers l'hivernale et je ne m'y opposais pas, me laissant porter par le courant jusqu'à ce que mon museau frôle le sien. Nous étions immobile l'un devant l'autre et le vent tomba aussi subitement qu'il était venu.

" Je t'aime."

La voix de Melinya n'était qu'un murmure, mais un si doux murmure, ses paroles m'emplissaient l'esprit m'empêchant de réfléchir normalement. J'attendais ses petits mots depuis si longtemps, peut-être depuis notre rencontre dans le désert... Ma belle hivernale ouvrit les ailes pour nous entourer d'elles ce qui formait une duveteux cocon autour de nous. Aucun de nous ne bougeaient, j'étais là à observer l'hivernale tandis qu'elle semblait user de patience pour attendre de voir ce que j'allais faire.

J'aurais me perdre dans ses yeux si la proximité de nos corps ne m'avait pas plutôt donner envie de répondre à sa déclaration par un baiser amoureux. Amoureux... je l'étais terriblement, trop peut-être s'il est possible de trop aimer quelqu'un. J'appuyais ma tête sur la sienne et me fis la réflexion que c'était bien la première fois que je n'avais pas froid en venant sur le territoire hivernal, à vrai dire j'avais terriblement chaud à être si près de Melinya.

- Viens, allons commencer notre vie à deux... là où nul règle ne pourra interdire notre histoire...

Calion m'embrassa doucement avant de poser son front contre le mien.

"Viens, allons commencer notre vie à deux... là où nul règle ne pourra interdire notre histoire..."

Je le libérais en repliant mes ailes. Papa ... Tout pouvait être si compliqué dans les relations entre membres d'une même famille. Je fis venir une petite brise à qui je donnais mon message d'au-revoir à mon père. Je ne vivais plus à la tanière familiale depuis déjà quelque temps, mais je me devais de l'informer de ma décision. Un au-revoir, pas un adieu, je pourrais toujours lui rendre visite et à mon frère et mes soeurs aussi. Bien qu'aucun de nous ne sache ce que Midnight était devenue. La brise s'envola avec mes mots.
Je me retournais à nouveau vers Calion et lui sourit.

-Allons-y.

Dans la forêt de brume, il n'y a pas de place pour voler, mais j'en étais bien contente, pour une fois. Nous marchâmes cote à cote en direction des territoires neutres.