Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

La chamane se reposait près des bassins dans l’alcôve qu’elle avait découverte quelques jours auparavant. Elle savait que le rouquin aimait bien traîner dans le coin, lui aussi, depuis qu’elle lui avait fait découvrir l’endroit. Et bien qu’elle sache combien son âme était meurtrie et en colère, elle ne pouvait pas le laisser seul, et continuait à veiller sur lui de loin.

Après le cataclysme, peu après les premiers jours, elle l’avait retrouvé inconscient et salement amoché dans les couloirs de la tour de pierre. Évidemment en tant que guérisseuse, elle l’avait ramené à l’abri dans sa tanière de fortune pour le soigner. Aujourd’hui, la rage, la colère et l’amertume consumait son âme, et pour cela l’ex hivernal ne pouvait pas grand-chose, mais elle espérait qu’il finirait par changer de point de vue tôt ou tard.

Elle comprenait que le choc de l’événement ait pu provoquer un tel traumatisme et ne lui tenait pas vraiment rigueur de son caractère hargneux et méfiant. Elle restait calme et patiente malgré tout, se gaussant bien de recevoir un coup de croc ou deux, son seul but étant d’aider au mieux son patient. Au moins, elle était parvenue à le forcer à rester alité et à peu près calme le temps qu’il soit complètement guéri physiquement. Bien sûr, il ne s’était pas laissé faire au début et elle avait essuyé quelques coups, mais elle s’était montrée ferme et intraitable auprès du blond.
Se prendre des coups de patients récalcitrants faisait partie des risques du métier après tout, non ?

Enfin, au moins son corps était en bonne santé à présent.

C’est son cri qui la réveilla un peu brusquement. Sursautant, elle ouvrit doucement les yeux et prit une minute avant de comprendre ce qui l’avait réveillée et de se rappeler où elle se trouvait. Elle était quasiment certaine qu’il avait fait un cauchemar. Il en faisait souvent, elle le voyait parfois la nuit dans son attrape rêve. Lorsqu’elle le pouvait, elle apaisait ses rêves en faisant appel à son pouvoir, sans qu’il le lui ait demandé, ni même qu’il soit au courant. Simplement, si elle pouvait lui offrir quelques temps de bien-être au moins dans ses rêves de temps en temps, c’est toujours ça de prit. En tout cas, elle aimait à le penser et espérait que cela lui faisait du bien.

Elle ne pensait pas à mal, mais il est vrai que cela pouvait poser des problèmes d’éthique, mais à l’heure actuelle elle en faisait fi, le bien-être de son patient prenant le pas sur l’intimité qu’elle violait.

Bref. La bouche encore pâteuse, la blanche déglutit et esquissa un bâillement profond, avant de se redresser. Silencieuse, elle observa le jeune mâle reprendre lui aussi ses repères. Il ne l’avait pas vu tout de suite et elle se garda bien de lui faire remarquer sa présence. Elle finit pourtant par avancer vers son comparse qui se crispa dès qu’il l’entendit. Elle ne répondit pas spécialement à la question qu’il lui posait se contentant de lui adresser un sourire vague et un hochement de tête en guise de salut. Le regard plein de bienveillance. Elle répondit néanmoins avec douceur à sa seconde remarque.

—« Il n’y a pas de mal Natsu »

Elle plongea son regard laiteux dans les deux pierres vertes, terriblement perçantes, de son vis-à-vis sans arrières-pensées. Le contemplant simplement pendant un instant, elle se garda bien de faire un commentaire sur ses cauchemars. Elle savait bien qu’il y avait là beaucoup de points sensibles et ce n’était pas à elle d’aller en parler sans y avoir été invitée. S’il voulait en parler, il n’avait qu’à venir, elle était prête à l’écouter. En tous les cas, s’il voulait s’en défaire ou même se soulager l’esprit, cela ne pourrait venir que de lui et de personne d’autre.

Après quelques instants, elle reprit sa marche vers le passage qui menait jusqu’ici. Il fallait encore une fois sortir se sustenter, comme chaque jour, et faire quelques réserves histoire de tenir les jours d’après. Elle s’arrêta tout de même près de son semblable et demanda histoire de faire un peu la conversation avant d’entamer la journée.

—« Tu as prévu quelque chose aujourd’hui ? »

Elle attendit alors patiemment une quelconque réponse. Mot ou grognement, c’est un autre bruit qui la fit se dresser d’un bon et tourner là tête. Sur ses gardes, elle glissa un regard vers l’ex-estival pour voir si lui aussi avait entendu le son inconnu. La belle se mit à scruter les alentours et décida de vérifier en élevant a voix, à tout hasard.

—« Il y a quelqu’un ?! »

Après quelques instants d’attente, quelque chose se dévoila à l’entrée de l’alcôve. Elle vit apparaître deux grosses pattes de couleurs sable, puis son regard remonta vers le visage doucement, elle fut étonnée de découvrir ce genre de félin ici. Un smilodon ? N’étaient-ils pas censés avoir disparu ?

La blanche n’eut pas le temps de pousser son observation et son interrogation plus longtemps, un coup d’œil vers le mâle suffit à lui apprendre ses intentions. Bien qu’elle comprenne sa colère, elle n’admettait pas qu’il attaque tout ce qui bouge pour un oui ou pour un non, ce n’était pas son approche des choses. En plus, le couillon s’attaquait à bien plus gros que lui actuellement… Il ne se demandait même pas si l’inconnue pouvait être amie, il n’envisageait même pas de parlementer. Lui ne voulait qu’attaquer, mordre, combattre, se déchaîner, faire éclater sa colère…

Il voulait se venger… De qui, de quoi ? Mahuna n’était pas vraiment sûr que le rouquin le sache lui-même ; il ne savait juste pas comment faire autrement actuellement.

Elle eut un soupir mental pendant une seconde, peu convaincue qu’en agissant ainsi, il se libère de ses émotions amères. Puis, elle laissa son corps réagir beaucoup plus vite que sa pensée. Elle se ramassa sur elle-même rapidement, banda ses muscles, et bondit pour s’interposer entre Natsu et le grand félin. À cet instant, elle accordait peu d’importance au fait d’être blessée, elle voulait simplement limiter les dégâts des actions violentes de l’ancien estival. En même temps qu’elle sautait elle cria :

— « NON !! »

S’interposant, elle se prit une partie des dégâts de l’attaque, et fut projetée contre le félin avant de rouler lentement au sol dans un bruit sourd. Elle n’avait pas pu empêcher toute l’attaque, mais au moins l’avait-elle atténuée en partie. Essoufflée par le choc, une longue coupure se dessinait maintenant sur son épaule et elle aurait de jolis bleus. Il lui fallut quelques minutes avant se redresser et de lancer un regard foudroyant à son camarade, et elle l’invectiva en jurant et en insultant même son semblable. Elle explosait, elle aussi.

— « Petit imbécile, ce n’est pas des façons de faire ! Peut-être que cette rencontre pouvait nous être utile. Tu as tout gâché ! Tu te mets en danger pour rien ! Tu veux mourir ? Alors que j’ai passé tant de temps à te soigner ?! Ce n’est pas très respectueux envers moi, j’aurai pu m’économiser et te laisser à ton sors, mais non, monsieur veux s’attaquer à trois fois plus gros que lui pour assouvir sa colère... Merci pour le travail en plus !»

Sa lourde queue fouettait l'air avec force. Elle était furieuse, oui furieuse d’être à la charge de pareil phénomène, furieuse qu’il soit aussi prompt à la violence, furieuse contre cette tête brûlée, mais qu’aurait-elle pu faire d’autre ? Elle se redressa et se tint fermement entre les deux individus, cherchant de la sorte à désamorcer le conflit que voulait pourtant si vivement engager son camarade survivant.

Elle avait bien conscience que ce n’était pas forcément la meilleure façon de s’y prendre. Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Il la prenait de court, et elle avait dû réagir vite. Elle se tint prête à intervenir à nouveau, lançant un regard déterminé au blond pour bien lui faire comprendre qu’elle ne le laisserait pas faire n’importe quoi. Elle attendit ensuite patiemment de voir comment cela évoluerait.

Elle vit son compagnon se faire projeter au loin sans plus d’émotion, puisque la colère prédominait dans le cœur de la guérisseuse en cet instant. Il l’avait cherché après tout… Elle baissa les oreilles, vexée du comportement de Natsu, et ne lui répondit qu’avec un vague grognement mécontent. Elle ne lui répondit toutefois pas tout de suite, l’ignorant du mieux qu’elle pouvait. Mieux valait éviter d’attiser d’avantage la rage du blond…

Elle adressa un regard désolé au félin, qui n’avait rien demandé, mais se retrouvait malgré elle sous le joug d’un pareil personnage. Puis, elle prononça ces quelques mots pour mieux se faire comprendre, tout en tentant de s’interposer pour le moment entre les deux antagonistes, histoire d’avoir le temps d’échanger.

— « Je suis bien désolée que vous ayez à subir cet énergumène. Comme vous voyez, je ne le maîtrise pas du tout... J’aurais préféré qu’on se rencontre autrement… Si vous avez besoin de soin, quand il sera calmé… Ou plutôt, si, il se calme un jour, venez me voir. Je suis une guérisseuse avant tout pas un vulgaire barbare comme lui… »

La belle louve blanche soupira doucement, pleine de déception et de résignation. Elle fit passer sa lourde tresse de l’autre côté de son flanc avant de se retourner vers la brute. Elle soutint son regard sans plus aucune trace de colère dans les siens et s’adressa à lui très calmement quoiqu’avec une légère animosité restante :

— « Oh très bien ! Si tu veux te faire étriper vas-y! Tu viendras me montrer tes blessures, j’imagine… Et je te soignerais, car c’est mon devoir… Tu sais ou me trouver de toute façon… Je ne veux rien avoir à faire avec tes lubies de vengeance, ou je ne sais quoi… »

Sur ces mots, Mahuna s’esquiva. Elle songea vaguement que, dans sa tribu natale, Natsu n'aurait été qu'un pauvre mâle reproducteur, bon a jeter. Mais elle chassa bien vite cette idée de sa tête, haussa simplement les épaule et continua à s'éloigner.

Elle ne voyait pas l’intérêt de s’interposer d’avantage, et ne souhaitait pas recevoir plus de coups que nécessaire. Elle n’était clairement pas là pour se battre. En revanche survivre et soigner ceux qui en avaient besoin faisait partie de ses principes de vie, et même de ses devoirs, peu lui importait qu’il soit dans tel ou tel camp… Doucement, en passant bien sous le museau de Natsu, la blanche se dirigea vers les escaliers qui menaient vers les steppes aux menhirs.

Là, la belle s’allongea tranquillement sur un promontoire rocheux tournant le dos aux autres. S’ils avaient besoin d’aide ou de soin, ils n’avaient qu’à l’interpeller. Elle gardait un œil sur eux en espérant que cela ne déraperait pas d’avantage. C’était à eux de voir à présent….

Mahuna assista à la fin de l’altercation de loin en ânonnant de la tête. Elle était désolée par la tournure que les événements avaient prise, mais ne souhaitait pas intervenir d’avantage. De son perchoir, elle observa tranquillement la suite des évènements. Elle vit que le félin sembla un peu perdu aux vues de leur désaccord. Aussi, plutôt que de continuer à répondre à la provocation du blond, le smilodon réussit après une courte bataille à s’échapper par un passage en hauteur, tout en coupant la route de l’ex estival.

À la vue de ce dénouement, la guérisseuse esquissa un sourire satisfait. Très bon choix de sa part. Elle était contente qu’il n’y ait pas plus d’effusion de violence et de sang autant d’un côté que de l’autre finalement, quoi qu’en dise son hargneux compagnon d’infortune.

Elle resta silencieuse et vit aussi Natsu pester et lui jeter un dernier regard noir, avant de partir. Il allait sûrement évacuer sa frustration et sa colère monstrueuse au-dehors…

De son côté, elle attendit un certain temps puis partit elle aussi de son côté tranquillement. Elle était bien consciente que leur relation caduque n’allait pas s’améliorer de sitôt, et qu’il serait mal venue qu’elle le poursuive. C’est pourquoi chacun partit de son coté.

De toute façon, elle n’avait pas envie de lui prendre la tête, ni de se prendre la tête après cet épisode. Elle aussi avait besoin de penser à autre chose… Et si cette entrevue lui avait appris une chose, c’est qu’ils n’étaient pas si seul que ça sur ces îles. Cela ne prouvait pas qu’il y avait d’autres survivant, mais lui donnait tout de même un peu d’espoir. Peut-être auraient-ils étaient recueillis par des étrangers ?

Elle s’éclipsa vers les steppes aux menhirs en soupirant pensive. Elle aurait pas mal de choses à méditer.