Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Un pli de contrariété déformait le joli visage de l'adolescente tandis qu'elle se dirigeait vers le cœur du territoire automnal, son étang aux vertus bienfaisantes. Si son expression pincée n'avait pas suffi à renseigner sur l'état de son caractère, le pas vif et impérieux de Keridwen avait jusqu'à présent dissuadé quiconque à venir l'aborder, et elle en était ravie. Ce n'était pas le moment de venir l'embêter !

Pourtant, sa journée avait bien commencé ; une petite escalade des roches bordant la rivière, une longue course-poursuite en forêt avec Zei, puis un peu de sérieux dans son apprentissage tout de même, puisqu'elle s'était mis en tête de dénicher quelques feuilles de pervenche, histoire d'étaler un peu sa science auprès de son instructeur - et de l'autre apprentie. Seulement... tout ne s'était pas passé comme prévu. Tandis qu'elle fouinait entre les feuilles mortes à la recherche des délicates petites fleurs bleues, sa patte avait fait la rencontre malheureuse d'une plaque de boue dissimulée par le tapis de feuilles... s'en était suivi une glissade mémorable, un roulé-boulé et quelques cabrioles pour finalement atterrir le nez sur une racine. Douloureux, pénible, et très sensible pour son ego...

Keridwen n'était pas du genre princesse nunuche pleurant pour une griffe cassée, mais pour le coup, elle avait maudit sa maladresse, la météo qui ne savait jamais ce qu'elle voulait, et ces insolentes feuilles qui cachaient tout à sa vue. Pas de butin, un pelage tout crotté, et les quelques trouvailles qu'elle avait fait de puis le matin, savamment dissimulés dans ses cheveux magiques, étaient à présent soit éparpillés au sol, soit emmêlés dans les mèches claires. Un fiasco total !

Résignée, l'adolescente avait repris le chemin de la maison, histoire de se débarbouiller et de soigner les quelques égratignures qui décoraient maintenant ses articulations. Pourvu que ça ne laisse pas de trace ! Elle aimait l'idée d'être une aventurière, mais pas spécialement le genre recousu de toutes parts...

Bref, voilà qui expliquait pourquoi elle arrivait d'un pas buté et colérique sur la rive de l'étang, faisant enfin face à son reflet dans la surface lisse et calme. Une grimace déforma un peu plus ses jolis traits ; un épouvantail, voilà de quoi elle avait l'air avec ses cheveux gigotant qui ne cessaient d'accumuler les nœuds, et son poil collé par la boue séchée. On peut dire qu'elle avait du pain sur la planche !

D'un geste rageur, la demoiselle s'appliqua de l'eau sur le visage, à plusieurs reprises, avant de finalement tremper sa tête dans l'étang. Aux grands maux les grands remèdes ! La fraîcheur de l'ondée avait en plus le mérite de calmer ses nerfs, et elle se sentait déjà mieux lorsqu'elle extirpa son faciès des flots. C'est à ce moment-ci qu'elle remarqua le loup brun posté un peu plus loin sur la berge, qu'elle avait dû gêner dans un petit moment de calme - et qui, par la même occasion, avait dû profiter de son arrivée en fanfare.

La chaleur monta aux joues de Keri, qui se redressa précipitamment, lissant une de ses mèches sans autre résultat qu'un peu plus de boue et de nœud dans ses cheveux. Un sourire timide se dessina sur ses babines et elle ouvrit grand ses yeux fuchsia, décontenancée.

« Maître Lifall !! Pardonnez-moi, je ne vous avais pas vu... »

Le guérisseur lui était connu du fait de son apprentissage parmi les soigneurs, et elle avait toujours apprécié - et admiré - son talent, sa patience et... bon, son physique, ce n'était pas la peine de se le cacher. Rien de bien mélodramatique, un simple béguin d'adolescente charmante, mais qui accentuait son malaise d'apparaître en pareil état devant l'un de ses professeurs.

« J'ai dû mettre à mal votre méditation, vous m'en voyez confuse... »

Confuse était également sa chevelure, qui sous l'émotion de sa propriétaire, se prit à onduler autour de son visage, libérant sur les cailloux de la rive ses précieux trésors. S'en apercevant, Keridwen rougit un peu plus, et s'empressa de rassembler herbes, fleurs, feuilles et délicats minéraux pour ne pas les égarer. Sa précieuse collection secrète, révélée au grand jour ! Avec un nouveau sourire d'enfant sage, la demoiselle se tourna à nouveau vers le guérisseur brun, ignorant le picotement de ses égratignures tandis qu'elle rassemblait ses pattes devant elle.

« Hem, j'ai cru vous apercevoir près de la rivière ce matin ; vous y cherchiez quelque chose ?? »

Si le charme de Lifall opérait si bien sur Keridwen, c'est que le loup agissait toujours avec calme et naturel, ne se vexant pas pour un rien ni ne partant dans des tirades ennuyeuses et longues comme un jour sans viande. La jeunette lui fut reconnaissante de son aide pour récupérer ses petits bien - quoi qu'un peu gênée qu'ils se soient étalés sous ses yeux, et ne se lassa pas de le regarder en attendant sa réponse.

« Tu n'as pas à avoir honte d'être sale si c'est pour avoir tenté d'aider tes camarades. Et de ce que je vois, tu as eu beaucoup plus de chance que moi ! »

Le sourire de la demoiselle se fit plus grand et empli de gratitude ; en soi, il y avait du vrai là-dedans, si elle cherchait des pervenches, c'était plus pour autrui que pour elle-même. D'ailleurs, la saleté ne lui faisait pas toujours honte, mais il y avait certaines conditions ou situations dans lesquelles elle préférait être au mieux de sa beauté... Tant pis, au final se présenter comme un souillon ne la desservait pas vraiment à l'heure actuelle !

Intriguée par la dernière phrase du guérisseur, Keridwen suivit son geste des yeux lorsqu'il ramassa une des fleurs qu'elle avait collectées un peu plus tôt, et elle fronça légèrement les sourcils à sa question, concentrée ; elle sut cependant rapidement que c'était vain. Si elle avait récupéré ce spécimen, c'est justement qu'elle ne le connaissait pas encore, et qu'elle avait décidé de le montrer à l'un de ses instructeurs.

« Non, je l'ignore. C'est la première fois que j'en voyais et je ne me rappelais pas l'avoir abordé au cours des enseignements, aussi j'ai prélevé une des fleurs pour me renseigner. »

Son sourire se raffermit et elle reposa ses yeux sur le visage du loup brun. Ses derniers mots lui revinrent en mémoire - tu as eu beaucoup plus de chance que moi - et elle tâcha alors de faire le lien avec cette fleur. Ses prunelles se firent plus brillantes et son ton enthousiaste à l'idée d'avoir fait une jolie trouvaille, et de potentiellement agrandir son savoir.

« C'est la plante que vous cherchiez ce matin ?? Qu'est-ce donc ? »

L'adolescente était toujours sagement assise face à son aîné, mais son envie d'apprendre était perceptible dans son entrain et l'intensité avec laquelle elle regardait Lifall et scrutait la plante, désireuse de graver ses particularités dans sa mémoire. Cette chute n'avait pas été si vaine finalement !