Elle s'était inquiétée.
Le premier jour, dans la pluie battante, les pattes crades de boue, elle avait cherché son oisillon, qui n'était pas rentré au bercail. Elle aurait continué la nuit aussi, mais on l'avait assurée qu'il reviendrait un jour, et que si elle restait à fouiller les environs par ce temps, c'est la crève qu'elle trouverait, pas son enfant. "Elle grandit, c'est une adolescente maintenant, c'est normal qu'elle cherche à s'émanciper!", lui avait-on seriné alors.
Faïryna en avait conscience, mais son instinct maternel la faisait se retourner sur sa couche la nuit, incapable de trouver un véritable sommeil, presque malade de ce vide parmi ses triplés. Une voix dans sa tête la rassurait en lui soufflant qu'Achéran est plus que débrouillarde, et très mature pour son jeune âge; cependant, il y avait des dangers que même le plus fort et le plus rusé des loups ne peut affronter. Elle se faisait des scénarios où sa fille rentrait avec une patte, un œil en moins voire plus, ou qu'un jour pendant une patrouille, elle tombe sur son cadavre à la nuque brisée.
Elle essayait de ne pas trop écouter ces idées macabres, portant son attention plutôt cette lueur dans son cœur qui lui déclarait sans mensonges aucun, qu'il était certain qu'Achéran était en vie, saine et sauve. La preuve.
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… Je vous attendais, mère.Ayant senti son fumet, la mère inquiète l'avait suivi, pisteuse hors-norme, telle une ombre silencieuse. Ce fut un soupir de soulagement qu'elle lâcha lorsqu'enfin elle vit sa fille plus que vivante.
Ce vouvoiement incompréhensible toutefois, lui serra le cœur. Quelle est cette distance qui fait si mal?
Faïryna s'approcha cependant avec confiance, maintenant un peu apaisée de voir sa fille vivante, et non pas son fantôme, et, comme pour s'en assurer, elle posa sa patte maternelle sur l'encolure grise de la délinquante et l'attira dans une étreinte.
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Le vouvoiement ne te va décidément vraiment pas. , lança-t-elle, un léger sourire taquin sur les babines.
Tu m'as beaucoup inquiétée tu sais? Je ne tiens pas à te faire la morale, car je comprends que tu grandis, mais s'il t'arrivait quoi que ce soit sans que je puisse t'aider, je ne sais pas ce que je ferais., continua-t-elle, à la fois très sérieuse et indulgente.
La Tueuse lui mit une légère tape de la patte sur le haut du crâne et lui donna un coup de museau affectueux, avant de se tourner vers l'horizon.
Le Fjörd d'Arandur.
Elle laissa le vent siffler dans leurs chevelures, chanter dans leurs oreilles, s'enfuir au loin avec mille secrets, les yeux à demi fermés, respirant tranquillement.
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Ton père aimait beaucoup cet endroit, de ce qu'il m'en disait., dit-elle avec douceur, le regard se troublant légèrement dans la mélancolie du passé.
Cela faisait si longtemps qu'il était parti, lui semblait-il, maintenant. Des fois, sa cicatrice au cœur la lancinait légèrement lorsque son esprit songeait de nouveau à lui. C'est grâce à ses enfants et à des amis proches qu'elle s'est remise sur pieds; car il faut avancer quoi qu'il arrive, pour ne pas tomber dans le gouffre de la souffrance.
Ça, elle y avait déjà goûté lors de la mort de son frère et de sa mère, alors une fois, ça va bien déjà.
Faïryna déporta ses prunelles sur sa fille, la détaillant tranquillement. Des trois petits monstres, c'était certainement elle qui avait hérité le plus des couleurs de son père.
Le temps passe et les plantes grandissent; des feuilles poussent et des tiges tombent. Ainsi va la vie, lorsqu'on accepte ces faits.
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J'ai cru entendre que tu voulais devenir apprentie tueuse?, demanda Faïryna, cherchant à confirmer positivement ou négativement les dires de certaines personnes de l'Automne.
Ce n'était pas un
reproche qu'elle faisait, mais plus une
approche pour mieux connaître sa fille. Après tout, étant elle-même Tueuse, qui serait-elle pour critiquer quelqu'un qui voudrait peut-être le devenir? Elle aurait préféré que son petit enfant d'amour reste dans l'innocence de l'enfance sans avoir à goûter le sang de compères loups, mais si Achéran était persuadée que c'était sa voie, elle préférait plutôt l'aider dans ses objectifs; lui apprendre des choses qui lui éviteraient de se faire tuer. Des parents s'opposeraient; qu'est-ce que ça apporte à l'enfant de s'opposer ainsi à ses choix de vie?
Il faut servir une cause juste; donc ne pas rejoindre des monstres à chaos comme Nachtgewalt ou ces groupes de mercenaires qui traînent dangereusement ces derniers temps. Si sa fille décidait de rejoindre les "forces obscures", il était sûr que pour ÇA, Faïryna s'y opposerait
catégoriquement. Ça a déjà détruit assez de loups comme ça, on ne va y pas ajouter les nouvelles générations!!
FieryAmaryllis