Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Au fil des lunes et des saisons, les trois orphelines du printemps grandissaient. Elles n'étaient plus les petites filles impuissantes et égoïstes qu'elles avaient un jour été ; désormais plus grandes et éveillées, leur influence sur le monde grandissait à chaque jour qui passait. Parmi les trois, seule Amaryllis était réellement une bonne fille. Hékate et Titania avaient un truc pour se faire des amis, mais, au fond, leur objectif n'était pas simplement d'avoir des gens sur qui compter, mais plutôt de les manipuler pour qu'ils les aident à obtenir toute l'attention et l'influence qu'elles voulaient avoir. Amaryllis, elle, n'était pas comme ça. Contrairement aux deux autres, elle n'avait pas hérité des gênes manipulateurs de ses géniteurs inconnus. La seule chose qui ressortait en elle, c'était son œil noir, et les petites cornes qui avaient commencé à pousser sur sa tête dès son enfance ; comme si cette malédiction physique l'avait empêchée de toucher au mal psychologique qui avait atteint les autres.

Maintenant plus grande, Amaryllis commençait à se développer une plus grande individualité encore. Dès petite, elle n'avait pas peur de sortir de chez elle sans permission ; là, elle avait le droit, alors ça lui évitait de se faire réprimander, mais au fond, ça ne changeait pas grand chose. Aujourd'hui encore, elle avait quitté la tanière « familiale » (aussi familiale que puisse être cette maison où les gens ne s'entendaient pas vraiment) pour aller se promener dans les terres du printemps. Elle ne souhaitait pas aller bien loin aujourd'hui ; rôder dans la plaine aux cerisiers était bien suffisant pour elle, en ce moment.

La jeune louve était sociable, c'était vrai, mais elle n'était pas particulièrement d'humeur à aller se mêler aux autres en ce moment. Elle qui n'aimait pas trop réfléchir aux choses négatives de la vie, elle n'arrivait pas à faire partir sa mauvaise humeur aujourd'hui. Elle ne savait pas pourquoi elle avait eu ce coup de blues, mais bon. C'était une adolescente, il ne fallait pas oublier, et même si elle faisait de sa vie quelque chose de beau, tout n'était pas parfait, même pour ce petit ange au sourire radieux.

Ses sœurs refusaient toujours de faire des efforts pour s'entendre. Et, maintenant que la guerre était passée à un cheveu de se produire... Elle ne savait plus trop si sa vision parfaite et émerveillée du monde était vraiment la bonne, ou seulement une vision naïve de son imagination trop fertile.

Alors, elle se contenta de s'asseoir au pied d'un cerisier, non loin de la tanière de Seira, d'ailleurs, et de contempler les pétales virevolter dans le vent. Si quelque chose ne changeait pas au fil des saisons, c'était la beauté de sa contrée. Malgré tout, la jeune louve n'était pas d'humeur à regarder les merveilles de la nature les yeux brillants. Elle les fixait plus par habitude que par envie et espérait juste que cet endroit reste aussi vide qu'il l'était en ce moment pour un moment encore. Non pas qu'elle n'avait pas envie de voir qui que ce soit, mais surtout que la paix était ce qu'elle recherchait en cet instant ; si elle voulait sourire et parler avec ses amis, elle les aurait rejoints au lieu de flâner non loin de sa maison.

Après un moment passé seule avec le silence comme unique ami, Amaryllis entendit finalement autre chose. Non pas le son des pas, qu'elle fut sûrement trop distraite pour entendre s'approcher, mais directement celui d'une voix ; qu'elle ne reconnut pas directement. Ses iris vairons se retournèrent dans toutes les directions pendant une seconde, cherchant l'origine de cette douce salutation. Et, peu de temps plus tard, elle vit celle qui l'avait interpellée : louve noire et d'une splendide grandeur, il s'agissait de Seira, l'Alpha printanière. Amaryllis était généralement admirative de son travail et de son autorité, même si, pour une raison ou pour une autre, elle ne lui avait jamais directement adressé la parole auparavant. La jeune adolescente aurait à peine été surprise si sa reine n'avait pas su comment elle se nommait, honnêtement.

Ah, elle était sûrement ici parce qu'elle était en train de rentrer chez elle, hein ? Amaryllis n'avait aucune raison de la retenir, surtout qu'elle avait quitté la maison avec comme objectif de ne pas avoir à parler à quelqu'un pour le moment. Malgré tout, elle lui répondit : « Rien en particulier. »

Elle tenta de sourire, mais même si ses lèvres étaient étirées, le reste de son langage corporel était toujours aussi maussade. Elle était habituée à être celle qui était toujours heureuse, alors ça devait bien être ce que les autres attendaient d'elle, maintenant, hein ?

« Pas besoin de vous déranger pour moi, Dame Seira ! » Sa voix craqua un peu, mais elle fit comme si elle ne s'en était absolument pas rendu compte.

Oui, après un moment, Amaryllis avait fini par capter que les gens n'avaient pas tous le même rang. Ça ne changeait pas sa façon d'agir plus que ça changeait sa façon de parler, mais sans plus. Là, pourtant, c'était la première fois qu'elle parlait directement à la cheffe du printemps, celle qui faisait de son mieux pour qu'ils puissent toujours prospérer, malgré les tensions et les problèmes. Elle ne voulait pas faire mauvaise impression devant elle et paraître comme une personne... Une personne quoi ? Amaryllis n'avait pas de mal à montrer ses émotions normalement, alors pourquoi est-ce que maintenant elle voulait mentir ? Elle... Argh ! Ses sentiments étaient tous bizarres ! Mentir comme ça, c'était le truc de ses sœurs, non ? Mais c'est vrai que si elle disait la vérité, elle ne ferait que causer plus de problèmes à tout le monde, et elle ne voulait pas ça, non plus...

C'était difficile, de prendre des décisions, alors qu'on arrivait à l'âge émotionnel, hein ? Avec l'adolescence, Amaryllis changeait, et elle ne savait pas du tout quoi en penser. Personne ne semblait l'avoir remarqué, d'ailleurs, mis à part... Elle-même, en fait. Peut-être que c'était juste un petit coup de mou, et que tout reviendrait bientôt à la normale, si elle le laissait passer ? ... Oui. Elle n'avait vraiment pas besoin de déranger Seira pour ça, alors elle pouvait bien... Mentir, juste pour cette fois, même si ce n'était pas vraiment plaisant pour elle de le faire.

Bon. Seira était partie aussi vite qu'elle était arrivée. Amaryllis était mitigée ; elle était contente que son Alpha ait écouté ce qu'elle lui ait dit, oui, mais... C'était bien la première fois qu'elle lui avait adressé ne serait-ce qu'un regard, alors, avoir son attention, c'était... Quelque chose de nouveau. Pas grave, hein ? Elle avait demandé à rester seule. Puis, sa reine était sûrement très occupée, elle n'avait pas le temps de gérer une des gamines du clan qui était juste d'humeur un peu maussade. Et ça n'était pas grave ! Parce que, Amaryllis en était convaincue, elle irait mieux dans un peu de temps. Si elle attendait et ne dérangeait personne, ça finirait par passer !

Enfin... Les secondes passèrent, le silence était revenu, plus puissant que jamais, et la jeune louve ne fit toujours aucun mouvement. Son bon sens lui disait d'aller ailleurs ; si Seira ressortait et la voyait, toujours au même endroit, ça serait sûrement embarrassant pour toutes les deux. Elle devrait partir... Oui... Elle devrait...

Seulement, la petite printanière n'avait pas vraiment l'envie ni la motivation de bouger. Dès qu'elle fut à nouveau laissée à elle-même, son regard vide se plongea à nouveau dans les airs, perdu, telle qu'elle l'était actuellement ; perdue elle ne savait où, avec des destinations qu'elle ne connaissait pas, mais tout de même perdue, d'une certaine façon.

Cette fois encore, elle n'entendit pas les pas ; et, trop perdue dans sa tête, elle ne vit pas son Alpha faire volte-face alors qu'elle était à la moitié de son chemin, non plus. Ce qui l'ancra à nouveau à la réalité, ce fut encore une fois le son de sa voix.

« Tu es sûre qu’il n’y a rien ? On peut en parler si tu veux. »

Si elle était déjà plutôt douce avant, Amaryllis ne ressentait là que de la gentillesse et de la délicatesse chez son aînée. En levant ses yeux vers elle, elle ne voyait pas la reine fougueuse dont ses congénères parlaient souvent, celle qui les dominait d'une patte de fer, celle qui avait voulu la guerre contre l'automne il y a peu de temps de cela et qui avait réussi à arrêter l'un des plus grands criminels de ce monde, mais plutôt quelqu'un de fatigué et qui était prête à l'écouter. Et, en ce petit instant de vulnérabilité où quelqu'un qu'elle avait beaucoup de raisons d'admirer lui adressait pour la première fois la parole, la regardait finalement, elle ne put s'empêcher d'être un peu plus honnête que tout à l'heure.

« Non... » Ses paroles n'étaient pas fortes, pas confiantes, mais elles étaient tout de même faciles à entendre, tout du moins Amaryllis l'espérait. « Je sais pas pourquoi, mais... J'me sens bizarre. »

Encore toute petite, Amaryllis n'aurait certainement eu rien à faire de cela. Elle serait passée par-dessus en quelques instants et serait repartie en aventure ! Sauf que là, les choses avaient changé. Du moins, elle en avait l'impression. Non, ce n'était pas ses sœurs, elle en était sûre. Elles avaient beau avoir toutes deux grandi, au fond, elles restaient toujours pareilles. Ni leurs objectifs, ni leurs moyens de les atteindre avaient changé. Et toutes les deux ignoraient toujours autant leur troisième sœur, trop occupées à... Faire ce qu'elles faisaient lorsqu'elles n'étaient pas à la maison. C'était plutôt Amaryllis, qui ne savait plus trop où elle était. Elle avait de la difficulté à sourire autant qu'avant, elle avait de la difficulté à voir le monde aussi grand maintenant qu'elle n'avait plus la taille d'une petite puce.

Au fond, elle n'avait jamais été victime de soucis ou d'inquiétudes avant. Alors, pour une fois qu'elle vivait une passe difficile, même si cela lui paraissait à elle-même stupide et sans raison, elle ne savait pas trop quoi répondre. Surtout lorsque c'était à quelqu'un de si important et qui avait vécu autant de choses ; les longues cicatrices sur le poitrail de Seira, c'était une raison évidente de souci qu'elle avait dû avoir. Amaryllis, elle, n'avait jamais rien vécu de grandiose. Elle ne pouvait pas expliquer ça, et, de toute façon, lorsqu'elle y pensait un peu plus, elle se trouvait un peu sotte de s'en faire pour simplement un petit coup des émotions. Il y avait tellement de choses qui auraient pu causer ce genre de sentiments, mais, pour elle, c'était tout simplement un mauvais jour. Il y avait tellement de choses à faire, tellement de travail, de problèmes, et pourtant, sa dame avait décidé de prendre de son temps pour l'aider, elle. D'un côté, Amaryllis s'en voulait, peut-être que le printemps souffrirait du fait qu'elle acceptait l'aide de sa dirigeante, mais, d'un autre, elle avait terriblement besoin de parler à quelqu'un, peu importe à quel point elle n'en avait initialement pas envie. Ce sentiment qui lui martelait la poitrine, elle ne le connaissait pas, et elle ne voulait pas avoir à y faire face ; pas devant des gens qui l'ignoreraient certainement ou laisseraient cela passer comme si c'était tout simplement une blague de plus.

Son instant de vulnérabilité l'avait menée à un choix égoïste, mais même là, elle ne le regrettait pas.

Malgré le caractère cryptique de ses problèmes, Seira semblait, au fond, savoir de quoi elle parlait. Si son léger sourire voulait bien dire quelque chose, Amaryllis crut y voir une sorte de mélancolie, ou de nostalgie, peut-être. Un sentiment qu'elle était bien trop jeune pour être familière avec, mais qu'elle connaissait certainement, de nom au moins.

« Il faut dire que ses derniers mois, tout est bien étrange. »

En effet, les derniers lunes dans le clan du printemps avaient été, pour peu dire, plutôt agitées. La louve blanche avait toujours été trop jeune pour faire quelque différence que ce soit ; en réalité, elle en avait à peine vu les conséquences de ses propres yeux, mais pour elle, celle qui devait gérer tous les tenants et les aboutissants de chacun des membres de son clan, c'était plus concret. Pas pour elle, qui commençait tout juste à grandir, qui observait encore le monde comme une spectatrice le temps d'être assez grande et responsable pour elle-même devenir une actrice. Argh... L'idée de devenir adulte, ça la rendait encore plus confuse. Toute sa vie, elle n'avait fait que ce qu'elle voulait faire, n'est-ce pas ? Et maintenant, tout à coup, dès que son corps avait finalement grandi et qu'elle commençait à changer de point de vue quant à tout ce qui l'entourait, on lui demandait de décider ce à quoi ressemblerait le restant de ses jours. C'était stupide, toutes ces émotions, hein ? Personne d'autre dans sa fratrie ne semblait être affecté par ces mêmes pensées sans but et ces sautes d'humeurs inexplicables. Enfin, même si cela se produisait, comment pourrait-elle le savoir, alors que ses deux sœurs ne daignaient que rarement lui parler sans arrière-pensée ?

Oui, Amaryllis le savait. Elle avait beau être positive, elle n'était pas aveugle ; quelque chose clochait, chez elles, et elle ne savait pas quoi. Peut-être était-ce leur relation étrange, ou tout simplement l'absence de leurs parents, qui se ressentait de plus en plus avec temps. Saïka avait beau toujours avoir fait de son mieux pour s'occuper d'elles, même tous les efforts du monde n'étaient pas suffisants pour changer Hékate et Titania, de vraies reines dès leur plus jeune âge.

« Mais… ne t’inquiète pas. Tu es encore jeune, c’est plus difficile pour toi te continuer ta route alors que tu ne sais pas de quel côté tourner la tête. »

Dire qu'au début, elle s'était contentée de partir... Seira semblait en savoir beaucoup. Amaryllis ne comprenait pas tout ce qu'elle voulait impliquer, mais elle était tout de même admirative de sa sagesse apparente, de la compréhension et de la patience qu'elle utilisait à l'égard d'une simple orpheline qui n'avait rien accompli autre que d'essayer d'illuminer la vie de d'autres. Même si elle ne comprenait toujours pas d'où venaient ses sentiments, elle ne pouvait pas s'empêcher se diriger ses pupilles brillantes vers sa dirigeante.

« Tu as déjà trouvé un mentor ou un poste en particulier dans la meute t’intéresse-t-il ? »

Une bonne question, à laquelle elle n'avait jamais pris la peine de réfléchir plus que ça. Tout lui semblait toujours si lointain, si compliqué, si inaccessible, du haut de ses trois pommes et demie. Déjà que ses émotions étaient de plus en plus difficiles à déchiffrer et à contrôler, et sa vision de tout ce qu'elle connaissait bouleversée par des événements sur lesquels elle n'avait aucun contrôle, elle n'avait jamais pris le temps de songer à ce qu'elle comptait faire de son avenir.

« Non, je n'y ai jamais vraiment pensé, en fait. C'est tellement compliqué, je sais déjà plus qui je suis, alors comment est-ce que je suis supposée savoir ce qui me rendrait heureuse ? », avoua-t-elle finalement à voix haute, laissant voir un côté moins jovial et optimiste d'elle-même qu'elle n'avait jamais osé montrer à personne, emportée par sa propre vulnérabilité et l'attention généreuse qu'on semblait actuellement lui porter.

C'était dur de savoir lorsque tout avait commencé, n'est-ce pas ? Le changement en Amaryllis avait été graduel, et cela ne faisait que renforcer le problème. Elle ne pouvait pas dire lors de quelle période tout avait commencé à basculer, elle n'avait pas les mots pour décrire comment les choses n'étaient plus pareilles, non plus. C'était juste arrivé et elle l'avait tout juste réalisé. Dire que ça faisait peur à la jeune printanière était honnêtement peu ; en vérité, grandir la terrifiait un peu. Elle préférait juste ne pas en faire tout un plat, parce que tout le monde le faisait, et que personne ne semblait particulièrement être troublé, n'est-ce pas ?

Au moins, les mots de son Alpha essayaient de se faire rassurants. Ça ne sortirait certainement pas la jeune adolescente de sa mélancolie, mais cela réussit au moins à la réconforter, ne serait-ce qu'un peu. Elle avait beaucoup de choix à faire, et tellement peu de temps avant que sa vie active commence réellement...

En cet instant, Amaryllis aurait aimé avoir le pouvoir d'arrêter le cours infini du temps, ne serait-ce que pour respirer un instant, mais c'était malheureusement impossible. Elle, troisième fille d'une fratrie d'orphelines, avait plutôt hérité des nuages et de l'orage. Rien qui ne l'aiderait en ce moment. Rien qui ne l'aiderait sûrement jamais, en fait.

« Il ne faut pas rester centré sur quelque chose qui te rend triste. Ça va devenir un fardeau pour toi à force. »

Ironique, un peu, de la part de celle qui devait toujours se concentrer sur les problèmes de la vie ; mais elle, elle savait comment les régler. Seira n'était plus une enfant, elle était capable de s'occuper de ses problèmes, de prendre des décisions difficiles et d'accepter la défaite lorsque c'était nécessaire. Amaryllis, elle, était encore toute petite, son corps encore frêle et facile à mettre à terre par beaucoup, depuis toujours, elle faisait ça, éviter les problèmes. Pourquoi est-ce qu'elle fuyait toujours la maison, lorsqu'Hékate et Titania se chamaillaient une fois de plus ? Pour ne pas avoir à leur dire d'arrêter. Ça avait toujours été son premier réflexe, d'éviter d'y penser, et là, ça commençait à la rattraper, maintenant que l'éventualité de devenir adulte était de plus en plus proche d'elle.

« Je sais pas si c'est une bonne idée. C'est la première fois que je pense vraiment à ça. Si je fais juste essayer de tout oublier, je vais jamais trouver de réponse, non ? » Sa dernière question semblait réellement être une question, comme on pouvait l'entendre dans son ton de voix incertain.

Éviter ses soucis, fuir, être indépendante ; l'un causait l'autre, peut-être, pour elle. Mais, là, elle ne pouvait plus se permettre d'accepter ça. Amaryllis savait une chose : elle ne voulait pas finir par obtenir un poste de chasseur ou de veilleur par obligation seulement parce qu'elle avait été trop lente et qu'elle avait toujours retardé sa prise de décision. Pas qu'elle ne respectait pas leur travail, mais elle ne se voyait pas à passer tous les jours de la même façon ou presque, en contribuant à la vie de groupe de la façon la plus solitaire et monotone qui soit, d'une certaine manière. La petite Amaryllis, qui aimait être calme et souriante et joyeuse, ne se voyait pas dans le futur ; mais là, ce n'était pas encore trop tard pour changer ça, non ? Peut-être qu'il lui restait encore une lueur d'espoir, qu'elle n'avait pas encore trouvée.

« Enfin... Je sais pas. Mais c'est pas le genre de chose qui vient tout seul, je crois ? En évitant d'y penser pendant trop longtemps, ça va juste tout empirer... Je pense. » Elle semblait encore une fois un peu confuse, et toujours aussi hésitante. Pour une fois que sa reine lui adressait la parole, ce n'était clairement pas lorsque Amaryllis était la plus gracieuse ou la plus brillante ; mais elle était honnête et sincère, alors elle ne regretterait pas d'avoir montré son côté plus fragile à celle qui les tenait tous ensemble.

Encore une fois, son Alpha prouva à la petite Amaryllis sa bonne foi et sa sagesse, cette fois-ci en lui disant qu'elle n'avancerait pas en ruminant et en se morfondant. Bien sûr, c'était vrai, n'est-ce pas ? Même si elle y pensait, si elle ne faisait rien pour régler les problèmes de la vie, elle ne ferait que se causer du stress. Il fallait qu'elle trouve des solutions, et cela était la partie compliquée, n'est-ce pas ? Il n'y avait pas de bonne réponse. La seule solution, c'était qu'elle découvre ce qu'elle voulait faire par elle-même, lorsqu'elle serait finalement, complètement sûre de ce qu'elle allait avancer. Rien ni personne ne pouvaient décider ce genre de choses à sa place. Personne ne savait si ce qu'elle ferait était réellement la chose qui lui plairait le plus de faire jusqu'à la fin de ses jours mis à part elle-même. Alors, ça n'était clairement pas bon pour elle de juste attendre qu'une solution arrive devant elle. Elle devait chercher, fouiller pour trouver la pépite d'or qui la ferait vibrer.

« Je connaissais quelqu’un… il y a très longtemps… qui te ressemblait beaucoup. Elle était aussi perdue que toi et … quelqu’un… est venu lui tendre la patte et pour l’aider à se trouver. Elle l’a suivi, sans trop savoir si cela lui plairait ou non, mais cela lui a permis de grandir et de se trouver. Le tout, c’est d’essayer. De découvrir. Si tu trouves que tu as des lacunes, il faut que tu apprennes ses notions qu’il te manque et que tu t’en serves pour résoudre ce problème qui te pèse sur le cœur. »

Seira en savait beaucoup, ça, la jeune adolescente en était désormais certaine. Bien sûr, encore trop innocente quant à ce monde, elle ne comprenait pas exactement comment elle pourrait réussir à faire cela, mais rien que la façon dont ces paroles étaient prononcées était suffisant à lui redonner espoir. Elle était peut-être incapable de trouver une solution à son problème sur le moment, mais, elle réussirait, non ? À la fois inspirée et hébétée par les paroles de sa dirigeante, la jeune louvette blanche ne savait plus trop où donner la tête. D'un côté, elle se sentait un peu revigorée, et de l'autre, elle ne savait toujours pas par où commencer ; mais elle allait finir par trouver, sûrement. Éventuellement, si elle se posait les bonnes questions, si elle prenait les bonnes marches à suivre, ça serait déjà un bon début, non ?

« Il y a quelque chose en particulier que tu aimes faire ? »

Elle haussa des épaules légèrement avec lassitude. La jeune fille n'était clairement pas la plus ambitieuse parmi tous les jeunes printaniers, et ça paraissait aussi dans sa vie de tous les jours. Elle ne prenait pas tellement de risques, mis à part ceux d'explorer les territoires un peu plus loin que la frontière printanière. Malgré tout, cela ne changeait pas le fait qu'elle n'essayait pas grand chose de nouveau ou ne faisait pas tellement d'efforts sur une base régulière. Pour quoi voudrait-elle se battre ? Elle avait toujours vu la vie de la même façon ; au jour le jour, sans se soucier du lendemain. Mais, là, elle ne pouvait pas continuer à vivre de cette façon, trop insouciante et innocente pour qu'elle arrive à continuer de cette façon pendant bien longtemps. Son futur était important. Si elle ne faisait rien, si elle n'essayait rien de nouveau sans que quelqu'un ait à lui tenir la main pour qu'elle le fasse, où finirait-elle ? Peut-être avait-elle toujours été la moins rêveuse et déterminée de sa fratrie, mais cela ne faisait pas d'Amaryllis une paresseuse sans but. Du moins, se dit-elle, elle ne se laisserait pas le devenir. Jamais !

« Hum, et bien, pas tellement ... ? J'ai toujours aimé parler aux gens et découvrir de nouvelles, mais... » Elle ne finit jamais sa phrase. Clairement, elle ne savait pas comment la finir. Dans un tel contexte, que pouvait-elle bien dire ? Amaryllis aimait clairement voir les autres sourire, mais ce n'était pas un avenir, que de devenir une personne qui rendait les autres heureux. Et pas tant que ça, en plus, si on la comparait avec ses sœurs. De vraies chipies, mais elles avaient leur charme, et cela avait pour conséquence d'attirer plusieurs autres loups curieux ou plutôt simples d'esprits qui aimaient ce genre de comportement confiant qu'elles exhibaient.

« Mais c'est pas grave, hein ? », finit-elle finalement. « Je suis prête à essayer des choses ! Je crois ! » Sa confiance n'était toujours pas au maximal. Cependant, lorsque ses pupilles vairons bougèrent à nouveau pour se diriger vers son Alpha, elle semblait déjà être un peu plus décidée, ce qui était une bonne nouvelle, non ?

Cryptique, sa réponse avait-elle été, en réalité. Pourtant, trop jeune et perdue, Amaryllis ne savait pas à quel point ce qu'elle disait pouvait avoir des possibilités vastes. Comme chaque jeune ou presque, elle était directement prête à se jeter dans une case sans hésitation, trop innocente pour savoir que le monde ne marchait pas de cette façon. Il n'y avait peut-être pas de réponse claire, de bonne réponse à son quiproquo, ni à la question que Seira avait posé, mais cela ne voulait pas dire que ce que la jeune louve lui avait dit n'était pas vague. L'intelligence sociale, ça pouvait servir pour plusieurs domaines. Mais, au moins, c'était déjà une piste, pour la petite printanière.

Au fond d'elle, elle était honnêtement prête à tester tous les chemins qu'on lui offrirait. Qu'elle les apprécie ou pas, c'était une toute autre question ; mais Amaryllis, à ce point, voulait simplement commencer sa recherche. Peut-être que pour le moment, elle se trompait éperdument, et qu'elle se dirigeait dans la mauvaise direction. Cependant, elle ne le saurait pas avant d'essayer, n'est-ce pas ? Et voilà ce qui la motivait, en ce court instant. Ce sentiment de courage, d'envie de découvrir illuminait ses yeux, lui fit esquisser l'ombre d'un sourire, comme elle aimait les voir chez les autres dès qu'elle le pouvait.

Le petit mouvement des lèvres de sa reine ne passa pas inaperçu pour Amaryllis. Peut-être que cela n'était pas beaucoup, mais c'était amplement suffisant pour réchauffer son cœur, du mieux qu'il le pouvait lors de ce moment anciennement triste.

« C’est très bien, mais si tu te cherches autant commencer par quelque chose qui te plait, qu’en dis-tu ? Dit moi Amaryllis… est-ce que connaitrait Orion par hasard ? »

Pendant un instant, elle réfléchit. Orion... ? Orion ! Lors de l'incident de la guerre contre l'automne, elle s'était présentée à une assemblée où, justement, il tenait un discours pour que les printaniers encouragent leur Alpha à ne pas déclarer les hostilités ouvertes, n'est-ce pas ? Oui, c'était bien lui, elle s'en souvenait. Elle hocha de la tête pour indiquer que oui, elle savait à qui elle référait en ce moment, tout en gardant le silence pour le moment.

« Notre ambassadeur parle beaucoup et à beaucoup de monde différent. Tu pourrais marcher un peu à ses côtés, qu’en dis-tu ? Sans que cela te condamne à prendre sa place ou un poste similaire. Juste pour te faire plaisir. En plus, il faudrait que je l’envoie en Eté prochainement, ce pourrait être l’occasion pour toi de voir du pays. », proposa-t-elle.

Découvrir le monde, découvrir des gens ? Pas besoin pour Amaryllis d'en entendre plus pour savoir qu'elle voudrait définitivement tester cette option. Qu'elle lui plaise ou pas, c'était une question à laquelle elle répondrait sur le moment, mais, il fallait l'avouer, l'orpheline n'était aucunement appréhensive à cette idée. Ça sonnait comme quelque chose d'amusant, et, dans le pire des cas, ça l'aiderait quand même à s'aiguiller un peu vers la meilleure réponse qu'elle puisse trouver à son dilemme, n'est-ce pas ?

Et, oh. L'Été.

« Sérieusement ? Je pourrais ? » Elle s'arrêta un peu, essayant de sonner moins surprise et émerveillée par cette idée à la fois. « B-bien sûr que j'aimerais faire ça ! Si ça ne dérange pas Orion dans son travail, ni les gens qu'il doit aller visiter, en fait. »

Elle ne l'avoua pas à voix haute, mais, évidemment, Amaryllis avait très envie d'aller visiter le territoire estival. Lors de sa petite enfance, elle avait eu l'occasion de mettre les pieds en dehors du printemps à deux ou trois reprises par accident, mais elle n'avait généralement jamais pu aller trop loin. Mais là, l'Été... C'était leurs amis, n'est-ce pas ? Alors ça n'était pas dangereux pour elle d'y aller ! Pas comme si elle allait en Automne. C'était beau là-bas, selon ses souvenirs de sa visite accidentelle, mais ce n'était pas comme si elle pouvait vraiment y remettre les pattes. L'Hiver, c'était apparemment vraiment froid et désagréable, selon ce qu'elle avait entendu...

En plus, en Été, apparemment, le Soleil brillait toujours. Ça ne sera certainement pas une surprise, mais Amaryllis adorait le Soleil. Ses rayons, sa chaleur, sa lumière, c'était beau. Elle ne savait pas grand chose de plus à propos de cet endroit et de ses habitants, mais c'était ça, la joie d'aller voir ce qu'il y avait en personne, n'est-ce pas ?

À ce point de la conversation, la jeune adolescente était à un cheveu de dire quelque chose de gentil, mais d'irrespectueux et d'informel à son Alpha. Elle se força elle-même à retenir ses multiples remerciements, qui auraient été chaleureux et certainement un poil trop agressif si seulement elle les avait laissés sortir de sa bouche. Non ! Amaryllis n'était pas une mauvaise fille, elle savait bien se tenir en présence d'une personne importante ! ... Enfin, plus ou moins. Elle avait commencé la conversation au bord des larmes, honnêtement, ça pouvait difficilement être pire, au niveau des premières impressions. Une chance que la petite printanière avait un truc pour que tous ceux qui se tenaient autour d'elle l'apprécient naturellement, même si elle n'en avait foncièrement jamais eu conscience.

« Bien sûr. Tu es assez grande pour cela maintenant. »

Super génial ! Ce n'était pas des faux espoirs, elle pourrait vraiment aller visiter les terres éloignées de l'Été, ses plages sablonneuses et chaudes et ses forêts tropicales ! Bien sûr, elle ne savait pas grand chose de l'endroit où elle mettrait bientôt les pattes, et elle se doutait qu'elle ne pourrait certainement pas vraiment jouer aux touristes, mais cela lui faisait quand même plaisir de pouvoir partir en voyage avec son ambassadeur aux mots si affûtés et puissants. Après l'avoir entendu parler devant tous lors de l'assemblée pacifique du printemps, elle devait avouer qu'elle le trouvait impressionnant. Amaryllis avait hâte de pouvoir faire plus ample connaissance avec Orion !

« La mission d’ambassade est très simple. Il y a des mois de cela sont né la petite Azaël et Lalwendë qui sont les héritières de l’Eté. Bien que nous ne sommes pas en « allié » à proprement parler, les alphas Sahondra et Elijah me sont sympathique et offrir un cadeau de naissance pour leurs filles fait montre de sympathie et de politesse à leurs égards. Il faudra donc leurs apportés un petit sac contenant des graines ensorceler par nos soins – donc le pouvoir est de posé une fois jeter à terre – et de leur donner avec nos amitiés. C’est très simple comme mission, mais comme à ce moment-là le printemps avait connu quelques … perturbations… l’occasion ne m’avais pas été donner de leurs portés ce présent. »

La future apprentie hocha de la tête, confirmant à sa reine qu'elle écoutait attentivement ce qu'elle lui disait. Les Alphas de l'été avaient eu des enfants ? Ah, elle irait bien leur dire bonjour si elle pouvait les croiser ! Amaryllis aimait toujours se faire des amis, et, même si Azaël et Lalwendë étaient certainement plus petites qu'elle, ça ne voulait pas dire qu'elle ne pouvait pas être sympathique avec. Ou leur dire bonjour. Et, surtout, par Outa-Ranos ! C'était vraiment son jour de chance ! Elle aurait l'occasion de croiser les dirigeants estivaux lors de sa première visite, faite en toute amitié en plus ? Une preuve de plus que ce qu'on lui offrait aujourd'hui était véritablement une bénédiction !

« Compris ! Je vais faire de mon mieux ! » Bien sûr qu'elle savait que cette mission était surtout pour Orion, mais cela ne l'empêchait pas de vouloir donner son maximum. Si elle était là, elle devait bien apprendre quelque chose ou voir quelque chose de nouveau, en passant, non ?

« Je vais aller prévenir Orion… Tu … hum… Tu veux venir avec moi ? », proposa Seira.

Bien sûr, c'était plus que prévisible ; la petite était pleine d'entrain à l'idée d'aider à mener cette mission diplomatique à bien et elle avait besoin de défouler un peu de sa bonne humeur et de son énergie retrouvée. Dire que seulement quelques minutes plus tôt, elle était perdue, seule et pensait sa situation sans issue ; le petit nuage qui cachait son rayon de Soleil était parti presque aussi vite qu'il était arrivé. Cela ne voulait pas dire qu'il n'allait pas revenir, mais, pour le moment, elle se sentait mieux. C'était déjà bien.

« Oui ! » Sa réponse était claire, nette et précise ; et elle se mit à marcher aux côtés de sa mère inconnue pour la première fois de sa courte vie.