Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Les frontières, notre printanier albinos favori n'en avait un petit peu rien à faire. Ainsi que chacun, il n'appréciait pas particulièrement de voir des autres violer le territoire de son clan, mais il n'était clairement pas le plus intransigeant des printaniers. Il était un petit peu hypocrite, bien sûr, parce que lui se baladait constamment sur toutes les terres de Four Seasons. En fait, depuis que son rôle d'Ambassadeur lui avait octroyé le droit de se trouver sur le territoire des autres clans, il considérait qu'il avait ce droit là pour toujours...Ou du moins, jusqu'à ce que quelqu'un se rende compte que ce n'était plus lui, l'Ambassadeur du printemps. Viehrs, qui se trouvait un peu plus malin qu'autrui, utilisait souvent ( constamment) l'excuse de se trouver en mission pour son clan, afin de justifier sa présence...M'enfin, en Automne, ça n'était pas vraiment crédible. Il était le mieux placé pour savoir que Seira et les autres printaniers ne portaient pas particulièrement dans leur coeur Daeron et les automnaux...En tout cas, de ce fait, nul ne soupçonnerait que notre Viehrs se trouverait là où il était. Et c'était cela qu'il désirait.

Aujourd'hui était une journée comme beaucoup d'autres, qu'il avait voulue dédiée à une méditation profonde et réconfortante. Il avait rejoint le Temple de Bandï, dont les ruines solides étaient recouvertes d'une couche de neige épaisse. Les lieux étaient emprunt d'un calme mystique dont notre printanier obsédé de connaissance, s'imprégnait avec bonheur. Il faisait encore nuit, quand le printanier vint s'établir sur les lieux, avec la même nonchalance que s'il était chez lui. L'hermaphrodite était un pacha, partout où il allait.
Viehrs aimait pousser ses limites, autant qu'il aimait être le plus haut possible (métaphoriquement et littéralement.). Si bien qu'il avait, alors que le soleil se levait à peine sur les terres de l'été indien, grimpé tout en haut d'une colonne de pierre enneigée et n'en était pas redescendu depuis. Son perchoir lui permettait d'apercevoir parfaitement les intrus qui auraient voulu le déranger dans sa tranquillité.

Son esprit était vide d'aucun complot ou autre machinerie qui l'aurait hissé au sommet. Dans une position tordue et statique, l'hermaphrodite n'écoutait rien d'autre que le bruit du vent automnal, qui soufflait entre les branches dégarnies des arbres. Il sentait ses muscles s'engourdir, à force de tenir la même position pendant des heures, mais cela le dérangeait à peine. En fait, il soupira même quand un bruit et un changement dans l'odeur du vent le forcèrent à bouger et à s'accroupir bas sur la colonne, afin de rester cacher. S'il y a une chose qu'il n'était pas, c'était bien discret. Et comme bien de choses, cela ne dérangeait guère notre hermaphrodite qui se plaisait à s'annoncer avec dramatisme. Mais ce jour-là, Viehrs n'avait aucunement envie de rendre des comptes aux propriétaires des lieux qui se feraient probablement une joie de le renvoyer d'où il venait. Heureusement pour lui aujourd'hui, il avait neigé si bien qu'il était presque complètement invisible...

Complètement le contraire de celle qui avait interrompu sa méditation. Il l'observa, du haut de son perchoir et il lui fallut un long moment avant que toutes les pièces du puzzle s'emboîtent. Après tout, il ne connaissait guère beaucoup de louves avec une chevelure rouge plus flamboyante qu'un champ entier de coquelicots. Ni beaucoup de louves avec une queue de dragon terminée par une agréable touche de bleu. Le loup aux lunettes se prit à sourire avec amertume en reconnaissant Asmodia, une jeune louve solitaire qu'il avait rencontré dans un bien sinistre lieu et qui avait tenté de lui filer un arrêt cardiaque. Ce dont il ne se souvenait pas bien sûr, parce que la mémoire sélective est un bien bel avantage, c'était que la louve en question était repartie de cette rencontre couverte de boue; là où Viehrs, évidemment, avait à peine un peu de poussière pour ternir la blancheur de son pelage. Lui, du coup, se mit à penser qu'il était bien agréable de revoir un visage qui ne lui reprocherait rien pour sa présence ici, au mieux ou au pire, ne présenterait pas le désir profond de discuter politique de clan.

Renonçant à user de la neige comme camouflage, l'albinos se dit qu'il pourrait bien trouver un moyen de rendre à la louve la monnaie de sa pièce, pour la frayeur qu'elle lui avait collé la première fois ! Un sourire jusqu'aux oreilles collé aux babines, Viehrs fit un beau tas de la neige déposé sur la colonne. Il attendit un moment, puis la fit tomber du haut de son perchoir sur la louve. Déversant toute la neige de son perchoir en ciblant la tête de la louve solitaire.
L'élégant hermaphrodite eût un petit rire amusé, puis sauta avec la plus grande grâce de son perchoir et vint rencontrer nez à nez Asmodia. Avec tout le charisme dramatique qui le caractérisait, Viehrs s’annonça, d'une voix claire mais calme malgré son large sourire taquin :


« La vue me fait peut-être quelque peu défaut, j'en conviens; mais je me disais bien que ce visage réveillait en moi quelques souvenirs ! »


Sûrement ai-je omis de préciser que si Viehrs ne se rappelait pas parfaitement leur rencontre ( allons, comprenez le, il rencontre tant de gens le pauvre amour ! ), il se souvenait qu'ils ne s'étaient pas particulièrement appréciés l'un-l'autre. Fouettant l'air de sa queue, avec autant d'amusement que d'hostilité passive, le loup blanc ajouta, en appuyant volontairement sur certain mots :

« Quel plaisir que de te revoir, Asmodia. »

 

Voir sa victime si bien réagir à sa blague ( c'est-à-dire, s'énerver et rouspéter ), plaisait tant à l'hermaphrodite qu'il ne cessait de glousser entre ses crocs à force d'observer le visage contrarié d'Asmodia. Des flocons de neige parsemaient ses mèches rouges et commençaient à fondre, donnant quelque peu l'impression qu'on y avait jeté des paillettes. L'albinos l'aurait bien aidé à enlever le surplus de neige qui coiffait sa tête, mais il craignait quelque peu de se faire mordre s'il osait approcher la patte de son visage. Et étrangement, il n'avait pas tellement envie de souffrir. De ce fait, il se contentait de ricaner, en restant à une certaine distance de la louve. A en croire la manière dont elle le regardait, Viehrs se figura qu'elle se rappelait parfaitement de lui. C'est pourquoi il ricana bien moins fort lorsqu'elle lança, avec un rire sarcastique :

« Plaisir partagé. T'es qui déjà ? »

Viehrs resta la gueule pendue un instant, puis, se figurant qu'il ne s'agissait que d'une pique, se contenta de prendre un air faussement outrée. Il posa une patte sur son propre torse, pas tant choqué qu'elle ne se souvienne pas de lui, mais plutôt outré qu'elle ne le connaisse pas, vu comme les rumeurs circulent vite.  Quoique tout de même, un être tel que lui devait être difficilement oubliable, du moins le pensait-il. Cependant, il n'eut pas le temps de se perdre en immenses tirades sur sa grandeur et son caractère unique, que la jeune louve s'ébroua si fort que toutes les gouttelettes fondues sur son pelage s'envolèrent pour venir se planter sur le sien. L'air faussement outré de l'ex-printanier devient bel et bien réel et son sourire se crispa pour laisser échapper un sifflement agacé. Décidément, il n'était pas prêt de s'en faire une amie.  
Viehrs fit mine de ne pas remarquer comment la louve le dévisageait; ou si il le remarqua, cela ne l'inquiéta pas vraiment.


« Sympa ta nouvelle coiffure ! Par contre, la balafre c'est pour avoir l'air plus cool ? Parce que ça te va pas franchement bien. »

Viehrs inspira et expira longuement pour laisser passer la pique sans s'énerver. Etant déjà particulièrement susceptible, évoquer sa cicatrice ( qu'il n'assumait absolument pas.) était une torture pour lui. La jeune solitaire avait donc bien fait son choix, en visant son affreuse estafilade. Il aurait adoré répondre en insultant à son tour la femelle, mais se retenait de s'abaisser à un niveau qui ne lui aurait guère servit. Il se contenta de plisser les yeux avec mépris et de répondre, avec tout autant d'ironie :


« Ha ! J'apprécierais que ce soit le cas, mais ce n'est autre qu'une cicatrice de guerre ! »
Il fit grincer ses crocs en ajoutant. « Impressionnant, n'est-ce pas.»



Ses sourcils se froncèrent un instant. Viehrs ignorait si la solitaire avait eu vent de la guerre et était au courant de ses exactions. Il se doutait qu'il devait y avoir des rumeurs, mais que la louve ne faisant partie d'aucun clan, elle ne devait avoir que peu à faire des querelles des différentes meutes. Cela fit sourire Viehrs, qui se détendit : il se voyait non seulement face à une louve qu'il considérait comme une gamine, et qui en plus ne devait rien savoir de toutes les raisons pour lesquelles l'ancien printanier se méfiait des autres. Rien à craindre, à priori. Il ricana de plus belle et s'exclama, en s'asseyant tranquillement :

« Mais je suppose que tu n'as guère eu vent de la bataille qui a eut lieu, après tout les enfants n'étaient pas conviés ! » Il continua, dévisageant à son tour la jeune louve. « Je vois pour ma part que tu n'as guère changé !»  Puis il ajouta, plus sarcastique. « Un peu moins boueuse, peut-être.»



Il inclina la tête, prenant un air sérieux. Puisque lui avait prit part à la guerre, il pouvait bien la conter, et ce comme il lui chantait. Le banni prit l'air de celui qui n'avait absolument pas participé à provoquer cette guerre, et acheva :


« As-tu seulement eu vent de ce qu'il s'est passé, ma chère Asmodia ?»