Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Kuma avait été très pris par ses obligations ces derniers temps. Le Conseil avait eu besoin de faire plusieurs réunions stratégiques, auxquelles il devait à présent prendre part. Bien que cela ne l’enchantait pas vraiment, le blanc prenait son nouveau rôle au sein de la guilde très au sérieux et faisait en sorte de donner son maximum à chaque fois qu’on réclamait sa présence. Cependant, il n’avait pas eu une minute à lui ces derniers jours et la fatigue commençait à se faire sentir. De plus, la frustration montait en lui depuis qu’il était venu secourir son collègue des griffes de la mercenaire solitaire. Il  savait que son ami était blessé, mais n’avait toujours pas eu l’occasion de le revoir et cela l’attristait. Il aurait aussi aimé croiser Damoclès, mais la femelle était si occupée par son entraînement qu’il ne l’avait pas revu depuis qu’il lui avait présenté son mentor. Cependant, il avait eu de très bons retours sur l’équipe que formaient ces deux là.

La période de réunions intensives venait de toucher à son terme, laissant au LibreLune quelques instants de répit. Ce dernier en profita pour se rendre en haut du phare dans le but d’y profiter de la vue. Il monta rapidement les marches des quarante-cinq étages, bien que les dernières soient plus difficiles à franchir. Arrivé en haut de la tour, le regard vers l’horizon, il ne s’aperçut pas tout de suite de la présence qui était déjà là. C’est en voyant un reflet rouge qu’il comprit que Hjalmar était aussi en haut du phare. Le regard du borgne prit aussitôt la direction que lui indiquait le reflet et sans comprendre pourquoi, une sensation bizarre vint le surprendre. Ses yeux cherchèrent l’attention du bleu, qui regardait le large, puis vinrent se poser sur sa cicatrice. Il remarqua ainsi que la blessure était bien plus jolie à voir, mais aussi qu’elle laisserait une trace indélébile sur son épaule.

Le coeur du blanc se serra en revoyant la scène qui s’était déroulée quelques jours plus tôt. Il n’aimait pas que ses proches soient blessés, mais avec le lion, c’était encore différent. Comme s’il refusait que quiconque ne puisse le blesser, aussi bien physiquement que moralement. Kuma ne comprenait pas pourquoi, ni comment il en était arrivé à penser cela, mais c’était ainsi. Il fallait dire qu’il s’attachait vite aux autres et qu’il sentait qu’un lien particulier pouvait se tisser – peut-être qu’il avait même déjà commencé à se faire – entre eux.

« Tiens quelle bonne surprise ! » finit-il par lâcher. « Je suis heureux de te revoir, Hjalmar. »

Il fit un sourire sincère au loup bleu, essayant de contenir les émotions qui le parcouraient. Son coeur s’emballait sans aucune raison, du moins pas pour une raison qu’il connaissait. C’était comme s’il n’était plus tout à fait maître de lui-même, bien qu’en apparence il était relativement calme. Une sorte de gène l’envahit lorsqu’il finit par poursuivre :

« Ehm… Tu te remets bien de ta blessure alors ? » demanda-t-il en se sentant bête.

Étant donné que son ami se trouvait allongé, le blanc prit l’initiative de s’asseoir, tout en laissant une distance de sécurité entre eux. Il avait assez peur de ce qu’il ressentait, quoi que cela puisse être, et avait encore plus peur que Hjalmar puisse le découvrir.

Le regard plongé dans celui de son ami, Kuma ne savait plus quoi penser. Les sentiments inconnus qui naissaient en lui paraissaient d'un côté si étranges et stressant, tout en étant pas si désagréables que ça. Voir même... plutôt appréciables, en fait. Le bleu finit par tourner la tête de nouveau vers l'horizon, mais le blanc restait incapable de détacher son regard. Le monde aurait bien pu s'écrouler autour de lui que ça ne l'aurait pas dérangé à ce moment précis. Son esprit était complètement aspiré par le loup bleu, sans même qu'il ne s'en rende compte.

La voix calme du LibreLune finit par le sortir de son état presque léthargique, il dirigea à son tour son attention en direction de la mer. Il n'avait pas passé beaucoup de temps dans ces terres auparavant, ayant presque toujours vécu chez les hivernaux. La neige et le froid l'avaient accueilli et il n'avait pas beaucoup eu l'occasion de profiter de climats plus chaleureux. Les paysages enneigés lui manquaient un peu, mais il était forcé d'admettre que son compagnon avait raison : le spectacle qui s'offrait à eux était magnifique.

Le blanc continuait d'observer les petites vagues qui parcouraient à intervalle régulier la surface lisse de l'eau, venant ainsi la perturber comme le faisaient ses sentiments avec lui-même. Sa peau rougissait sans doute sous son poil épais lorsqu'il sentit de nouveau un regard sur lui. Ses oreilles se tournèrent en direction de la voix de Hjalmar, il fut soulagé de savoir qu'il allait mieux et laissa échapper un léger sourire. Puis son cœur sembla rater un battement lorsqu'il entendit que sa compagnie pouvait aider son ami. Ce n'était pourtant pas la première fois que le blanc tenait compagnie à un blessé, il n'aurait pas connu Damoclès sinon, mais la situation était différente ce jour-là.  

Détournant toujours le regard, l'ours prit la décision de rebondir sur les dernières paroles du bleu. Celles concernant son apprentie.

« Ah oui ? Damoclès t'en fait voir de toutes les couleurs ? Je sais que c'est beaucoup de travail, mais je sais aussi qu'elle est déterminée alors elle apprendra vite. Et puis, j'ai toute confiance en toi pour la former. Votre duo fonctionnera forcément ! » dit-il en souriant sans regarder son camarade, les yeux perdus dans le large. « Et puis ce binôme, c'est un peu ma façon à moi de garder un œil sur vous deux... » laissa-t-il échapper à voix basse, plus pour lui que pour qu'on l'entende.

Ses derniers propos pouvaient et risquaient même, d'être mal interprétés. Il ne voulait pas juste être tenu au courant de ce qu'ils faisaient afin de surveiller leurs agissements comme un supérieur le ferait. Il souhaitait plus que tout pouvoir veiller sur eux, être sûr qu'ils allaient bien et même venir à leur secours en cas de besoin. L'un comme l'autre tenait une place importante dans son cœur, bien que celle de Hjalmar prenait une direction différente de l'amitié.

La mer apaisait un peu le cœur du LibreLune blanc, qui finit enfin par comprendre que « Je pense que je pourrais guérir plus rapidement si tu accepterais de m'offrir ta compagnie. » signifiait que son camarade LibreLune l'appréciait et surtout n'était pas contre sa présence auprès de lui. Il ne savait pas vraiment si ses sentiments allaient au-delà de l'amitié, mais il se voyait mal lui poser la question directement... Tournant ses yeux vairons vers le bleu, la tête légèrement penchée sur le côté et une oreille positionnée basse, il lui lança :

« Et mais ! Tu penses vraiment ce que tu as dit ? Je n'ai pas de vertus thérapeutiques tu sais. Je suis juste... moi, j'imagine. Et je n'ai pas de sujet de conversation très intéressants, tu sais... » Il avait eu un petit élan de reprise de confiance en lui, qui s'était presque aussitôt évaporé.

Réalisant que ces mots n'avaient plus vraiment de sens - tout du moins, ils ne faisaient plus sens dans sa tête -, il redressa sa tête et prit un air sérieux, essayant de reprendre consistance devant son ami et collègue.

« Excuses-moi Hjalmar... Je dis n'importe quoi aujourd'hui, je ferai mieux de me taire. Je crois, que je suis juste content que ma compagnie te soit agréable. » termina-t-il dans un sourire plus que chaleureux et les yeux brillants.

Kuma se doutait bien que son comportement n'avait rien de normal pour son ami. N'importe qui le connaissant aurait d'ailleurs pu le remarquer, mais n'importe qui ne le mettait pas dans cet état. Comment pouvait-il mettre des mots sur quelque chose qu'il ne connaissait pas ? Le regard du bleu pesait sur lui, mais il décida de plonger quand même le siens dans ses saphirs. Il sentait son sang bouillir sous sa peau qui devait à présent être écarlate sous sa robe blanche. Les paroles qu'il venait d'entendre lui décrochèrent un petit rictus presque invisible, emplit de plaisir et de gêne à la fois.

Le bleu s'assit et lui adressa un sourire. Pourquoi douter de sa réaction ? Pourquoi douter de lui après ce qu'il venait de lui dire ? L'ours ne savait pas quels mots il allait utiliser, cependant... son ami l'encourageait à parler alors il était peut être temps qu'il délie sa langue et qu'il retrouve son état normal. Enfin, il espérait qu'en parler le libèrerait, mais cela pouvait engendrer quelque chose de pire si jamais il se faisait jeter. Le blanc n'avait jamais remarqué cette peur enfouie en lui, mais elle était bien présente. Il craignait de se faire rejeter, abandonner. Si ses sentiments étranges n'étaient pas réciproques et que cela détruisait leur amitié, que ferait-il ensuite ? Il ne pourrait pas le supporter.

Il se secoua la tête, replongea son regard dans les doux saphirs qui lui faisaient face, puis finit par ouvrir la bouche, hésitant un instant. Trop tard pour reculer, il fallait qu'il s'exprime, il en avait déjà trop montré pour ne pas s'expliquer.

« En fait... ce n'est pas par rapport à ma place dans la guilde. Tout ça se passe bien, même si je n'ai plus beaucoup de temps pour moi, ça me plait globalement de me sentir utile. » dit-il avec un ton se voulant rassurant. « Ce qui m'embête le plus en ce moment, c'est... toi ? » s'interrogea-t-il lui-même.

Il marqua une petite pause, baissant un instant les yeux sur ses pattes flageolantes avant de redresser la tête, les oreilles basses et le regard vers l'horizon.  

« Enfin... il n'y a rien de mal ! Du moins, je ne le pense pas. Disons simplement que je ne pense pas te considérer simplement comme un ami. Même si j'ignore ce que cela peut signifier. » dit-il le plus calmement possible. « Mais oublies ça ! Je ne souhaite pas que ton amitié pour moi change ou que tu me trouves bizarre... » finit-il dans un petit sourire triste.

Il n'avait au fond de lui pas envie que Hjalmar oublie ce qu'il venait de dire. Son vrai désir était plutôt d'entendre qu'il n'était pas seul à ressentir "ce truc".