Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

On aurait pu facilement croire Viehrs le genre de loup qui calcule tellement tout que plus rien ne le surprend car il l'avait déjà envisagé; et cela était bien vrai, dans une certaine mesure. Mais cela n'enlève rien au fait que c'est avec une réelle surprise que le fraîchement nommé Conseiller du printemps avait lié avec son Alpha une relation charnelle purement basée sur le besoin partagé de se détendre et d'oublier, l'espace d'un instant, les problèmes quotidiens. Il en avait eu de telles relations auparavant, plusieurs fois et avec bien des individus différents, mâles comme femelles mais au premier regard, il n'aurait jamais cru la jolie meneuse du printemps capable d'entretenir une relation d'un tel genre. C'est donc avec un plaisir certain qu'ils se servaient mutuellement l'un de l'autre, sans qu'aucun sentiment ne se développe jamais entre eux. Et cela soulageait grandement l'albinos, qui sous ses traits de séducteur, ne croyait guère en l'amour et ne s'était jamais épris de personne. Il n'y avait donc aucun amour entre les deux loups, mais Viehrs ne pouvait nier qu'il s'était ressenti une certaine fierté lorsque Seira l'avait amenée dans son antre secrète, la fameuse tanière des alphas qui était désormais la demeure de la louve noire.


Un long soupir de béatitude quitta son corps tandis que l'hermaphrodite s'étirait, à plat ventre sur l'étendue mousseuse qui leur servait de couche; il faisait rouler ses muscles sous son pelage immaculé. Il songea que ça devait être ça, la vraie vie : le pouvoir et le plaisir sans responsabilités. Pour une fois, il ne prenait même pas la peine de parer son allure d'élégance, couché là comme un véritable pacha dans son palace. L'Hiver, comme chaque saison, avait amené son lot de problèmes et c'était avec une tension certaine que le Conseiller et son Alpha s'étaient engagés dans la tanière, en échangeant à propos du froid compliquant leur chasse et du retour du "légitime" héritier, R'hllor. Cependant, ses poils ébouriffés et sa natte aux trois-quarts défaite laissaient envisager qu'ils n'avaient pas parlé politique bien longtemps.
La voix de Seira se fit entendre et l'hermaphrodite dressa les oreilles sans bouger plus que ça.

« Ne t’y habitue pas trop. Tu pourras venir skoitter dans ma tanière à force. »

Un rire grave et profond fit vibrer la poitrine de l'hermaphrodite. L'effluve de son amante lui parvint et, roulant sur le dos, Viehrs rouvrit ses prunelles écarlates pour la regarder, le sourire aux lèvres. Il la laissa venir jusqu'à lui sans la quitter du regard.

« Tu es mignon, mais j’ai assez de soucis comme ça pour que tu m’en crée en plus. »

Il rit de nouveau mais plus doucement. Sans méchanceté mais de manière taquine, Viehrs tira l'oreille de Seira avec ses crocs et la relâcha aussitôt. Il lui adressa un clin d'oeil volontairement lubrique et ridicule avant de souffler d'une voix exagérément grave ( beaucoup plus que la sienne ne l'était normalement.)


« Allons, tu ne pourrais te passer de mes  irrésistibles charmes! » Il ajouta avec amusement. « Et puis je crois bien que c'est trop tard! J'ai malheureusement fusionné avec les lieux! »

Se redressant un peu, il vient attirer la femelle noire à lui par le collier, prenant garde à ne pas planter ses crocs dans sa chair; et vint la serrer contre lui entre ses pattes avant comme si il voulait l'empêcher de s'échapper. Son museau se perdit dans le pelage noir de la femelle et il soupira de nouveau avec une immense tranquillité. Viehrs posa sa tête contre celle de Seira et s'enquit, son éternel sourire collé aux lèvres :

« Tu te sens plus détendue, à présent ? »

Il ne fallut pas longtemps pour que la femelle noire, qui avait déjà accepté ses gestes affectueux avec réluctance, se défasse de son étreinte et s'échappe de l'atmosphère de béatitude dans laquelle le printanier blanc baignait encore. Peu importe le nombre de de fois où Viehrs avait partagé la couche de Seira, celle-ci mettait toujours aussi promptement fin à la "pause détente" de leurs réunions, avec une fermeté qui annonçait clairement et sans possibilité d'appel, que le temps n'était plus à l'admiration de ses courbes mais à celle de la politique du clan. Un soupir de regrets lui échappa mais il ne tenta pas de retenir Seira lorsque celle-ci se redressa pour s'éloigner de lui. Viehrs roula sur le dos pour s'étirer et retrouver une part de lucidité indispensable pour pouvoir reprendre le "travail". Après de longues minutes, l'hermaphrodite se redressa enfin à son tour pour s'asseoir contre une des parois de la tanière, toujours un peu affalé, plié dans une position souple mais étrange, son regard embrumé par sa satisfaction. Il faisait toujours un peu la moue comme une diva boudeuse, bien qu'il eût conscience qu'il était le seul à bénéficier de ce genre de réunions plus plaisantes que celles habituelles. D'ailleurs, il commençait malgré lui à se remettre car il écoutait Seira parler sans même plus la regarder avec le désir qui l'habitait quelques moments plutôt; chacun avait obtenu sa part du marché et s'en retournait vaquer à ses occupations sans s'encombrer d'émotions futiles. Et ce genre de marché là convenait parfaitement à Viehrs.

Il écoutait l'Alpha l'informer de ses nouveaux tourments ( enfin, pas si nouveaux que cela mais ils avaient dernièrement pris une place beaucoup plus proéminente dans les affaires du clan.), tandis qu'il s'appliquait à allumer un bâton d'encens dont il respira aussitôt l'odeur salvatrice. Son regard se posa sur l'Alpha lorsque celle-ci eût fini de parler, la colère manifeste dans sa voix. Le stress de Seira lui parvenait par vagues, et pourtant Viehrs savait qu'elle était là plus détendue qu'elle ne l'était habituellement. Le Conseiller eût un sourire compatissant pour la louve blonde. Il lui répondit presque aussitôt, entre deux bouffées de fumée odorante, sa voix était revenue à sa tonalité normale, calme et contrôlée.


« Si tu le tuais maintenant, cela ne t'apporterait que plus de tourments encore. »


Il la croisa du regard et précisa, un sourire en coin maquillant son beau visage.

« Ne vas pas croire que le l'apprécie plus que toi, bien au contraire, j'aurais préféré qu'il ne réapparaisse jamais. Les héritiers déchus qui ont l'audace de venir réclamer leur dû quand cela les arrange, j'ai cela en horreur. »

Et ils compliquent mes plans. Ajouta t-il dans ses pensées, sans rien en dire à voix haute. Machinalement, dans un mouvement toujours empreint de flegme, l'hermaphrodite entreprit de démêler sa volumineuse chevelure. La cause de R'hllor lui aurait peu importé, s'il n'avait pas été si proche de Seira. De fait, les membres lambdas pouvaient bien n'en avoir que faire des querelles pour le trône, tant que leur vie quotidienne n'en était pas entachée; mais pour les hauts-rangs, si la tête tombait, eux aussi risquaient de tomber avec elle. Et Viehrs n'avait aucunement l'intention de tomber. Il continua de prodiguer ses conseils, toujours sur le même ton posé.


« Aurait-il le malheur de mourir aujourd'hui, on relierait automatiquement son décès à un assassinat organisé par ta propre patte et tu risquerais de perdre la confiance des printaniers. Pire, si sa mort venait à se savoir à l'extérieur, la méfiance envers le printemps grandirait d'une part mais en plus, les autres clans seraient informés de nos problèmes internes et pourraient tenter de profiter de cette instabilité manifeste. »

Viehrs secoua la tête avec un dramatisme voulu. Non, le printemps n'avait définitivement pas besoin d'une source de chaos supplémentaire. Le printanier se désintéressa de sa chevelure et vint poser sa tête sur l'épaule de Seira, dans un geste d'affection machinal et désintéressé, et vint y appliquer quelques lèches pour manifester son réconfort. Poussant un soupir, il ajouta :

« Il nous faut travailler à le décrédibiliser aux yeux de notre clan et des autres, afin que toi seule apparaisse comme digne de régner sur le printemps; profiter que son autorité n'ait eût le temps de s'installer pour l'étouffer dans l’œuf. »

Assis ainsi l'un contre l'autre dans une intimité tranquille, planifiant l'élimination d'un ennemi au pouvoir avec autant de nonchalance qu'ils l'auraient fait s'agissant d'une chasse ou d'organiser des patrouilles; cela avait quelque chose d'à la fois sombre et comique, qui ne manquait pas de faire sourire l'hermaphrodite du printemps. Du coin de l'oeil, il vit son amante passer ses pattes entre ses longues mèches blanches et la laissa faire sans bouger. Viehrs, ça ne le dérangeait jamais, du fait qu'il fut très tactile et lui-même très prompt à toucher les autres sans s'en sentir embarrassé. Il avait gardé sa tête posée sur l'épaule de Seira et l'écoutait parler d'un regard qui semblait perdu dans le vague, malgré qu'il fut attentif. En fait, il contemplait la crainte de Seira et se demandait s'il s'en sentait lui aussi affecté. Etant son conseiller, il eut été tout naturel que ses préoccupations soient aussi les siennes ( et c'était souvent le cas). Mais s'il éprouvait une certaine irritation à l'égard de R'hllor, mais ça n'était pas une haine viscérale empreinte de peur de cet être dont le retour était conté comme une légende. Non, l'agacement qu'il éprouvait envers R'hllor était du même genre que celui qu'il éprouvait envers les guêpes, lorsque celle-ci bourdonnaient un peu trop près de ses oreilles : s'il ne prenait pas garde, elles le piqueraient méchamment, mais il pouvait toujours les écraser d'un vif coup de patte. Oui, voilà, R'hllor était autant un nuisible que le sont les guêpes et les serpents : dangereux, mais pas invulnérable.
Il pensa, en se léchant machinalement les babines, qu'il serait bien vite disparu et oublié, qu'il le fasse de lui-même ou qu'on l'y force.
Seira le questionna :

« Es-tu certains que ce serait une si mauvaise idée que cela de le tuer maintenant ? Il suffirait de bien choisir son assassin. Seva par exemple, elle me déteste. »

Il prit le temps de débattre la question dans sa tête. Le printemps était doté de tueurs impitoyables, rapides, efficaces et silencieux. De parfaits assassins. Cependant, lorsqu'il pensait aux tueurs, Viehrs ne pensait guère à Seva, qu'il connaissait peu parce que la louve l'appréciait d'autant moins qu'il travaillait pour sa soeur, mais plutôt à Vice. Il se demanda s'il pouvait lui faire plus confiance qu'à Seva, mais même s'il appréciait déjà plus le jeune loup noir, cela ne le rendait pas plus apte à cette tâche difficile. Il imaginait déjà le poids qui devrait peser sur les épaules du printanier qui aurait à tuer un de ses propres congénères, qui plus est un Prince, et ce pour des querelles de pouvoir dont il se fichait éperdument. Cela le fit grincer des crocs et il grimaça pour lui-même. Les printaniers n'avaient pas besoin de plus de raisons de déliter l'unité du Clan.

Sortant de ses machinations, bien que seulement à moitié, et vint frotter affectueusement sa joue contre celle de Seira, poussant un petit soupir de béatitude. La regardant, il s'exprima, toujours avec la sagesse du philosophe et le pragmatisme d'un despote :

« Il me semble à fortiori que non. Nonobstant la haine de Seva à ton égard comme au sien; il serait trop dangereux de confier un tel assassinat à un printanier, fut-il le meilleur des tueurs. » Il s'arrêta pour lui sourire avec un sarcasme certain. « Aussi sûre que soit ma confiance envers les printaniers, je ne suis pas certain qu'aucun d'eux soit capable de mener à bien ce meurtre, encore moins d'en garder le secret. Et pour une telle tâche, si on est pas certains, c'est l'échec assuré. »

Comme pour illustrer dramatiquement son propos, il fit claquer doucement sa mâchoire, dans un bruit évoquant une nuque qui se brise.
Il laissa retomber le silence un moment, comme s'il était pris dans une longue réflexion, avant de s'exclamer bruyamment, comme si la solution lui était venue d'un seul coup.

« Ah ! » Il resta en suspens, la gueule entrouverte, cherchant ses mots et questionnant sa propre idée, puis se décida à en faire part à l'Alpha, avec une conviction mesurée car il savait lui même sa proposition bancale.« Et si nous trouvions un moyen de l'exiler au Solstice pour un moment ? En demandant bien sûr aux chefs du Solstice de garder un oeil sur lui. Nous pourrions trouver un moyen de l'y "emprisonner", avec l'ordre aux solstiens de le faire rentrer dans les rangs. Nous prétendrons aux printaniers que, dans une volonté de négocier avec lui, nous l'avons laisser en rôle "d'ambassadeur" au Solstice. A l'usure, les printaniers l'oublieront un peu et alors quand le moment sera le plus propice... »Il passa délicatement sa griffe sous la gorge de Seira, mimant un geste éloquent. Toujours avec une jovialité détachée de toute gravité. « On se débarrassera de lui et il tombera dans l'oubli. »

Il haussa les épaules, puis ajouta enfin, en soufflant un peu avec un désespoir de diva :

« Sinon, au fil du temps, s'il reste campé sur sa volonté de nous prendre le pouvoir, il va falloir négocier et...Faire des concessions. »