Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

La fatigue faisait faire bien des erreurs à l'érudit hermaphrodite. Enfin, c'était plutôt un cocktail détonant entre fatigue, douleur et faim. L'albinos n'avait toujours pas quitté les terres hivernales, depuis la fin encore toute récente de la bataille contre les Librelunes. Il était toujours caché dans la grotte qu'il avait trouvé avec Asha en trimbalant le corps de Nachtgewalt. Etaient-ils encore avec lui, d'ailleurs ? Dur de le savoir. Lui même ne nous l'aurait pas dit. Ou alors, il aurait menti.

Qu'ils soient encore avec lui ou pas, le fait était toujours le même : il était le seul à pouvoir sortir chasser quelque chose pour se remplir l'estomac. Viehrs, quand on y pense, semblait le moins loup de tous les loups de Four seasons : il n'était pas guerrier, il était à peine guérisseur, il était piètre chasseur. On sentait, en l'observant un peu, qu'il avait été bien entretenu par sa famille, si bien qu'il n'avait jamais eu à se soucier de ce genre de choses. Néanmoins, ce n'était guère un incapable ! Il était sorti dans la neige. Son pelage était de nouveau immaculé, ses blessures nettoyées. Sa chevelure définitivement trop longue retenue en une simple queue de cheval ( il n'avait guère le loisir de jouer à la coiffeuse, pas en ce moment.), lui tombait dans le visage par endroits. L'hermaphrodite, trop pressé, n'avait même pas prit tout son harnais et tenait simplement dans sa gueule un unique poignard.

Viehrs aurait dû se méfier des potentiels loups qui pourraient le traquer, mais il n'avait écouté que son estomac et ce dernier n'était pas du tout habitué à être affamé. Dissimulé dans la poudreuse, il était impossible de le voir. Après plusieurs tentatives infructueuses, l'albinos avait finalement réussi à attraper un lapin, qui pendait accroché à la lame de son couteau.

C'est ainsi que, trop occupé à saliver sur son futur repas, il ne remarqua absolument pas le bourreau du printemps, postée au loin. C'est qu'il n'était pas habitué à être un fugitif ! Brusquement, il se figea, ses yeux écarquillés derrière ses lunettes rondes. Viehrs voulut faire demi-tour, mais il ne pouvait retourner dans la grotte sans dévoiler à la printanière sa cachette. Un frisson de colère hérissa son pelage tout entier. Toutes ces femelles commençaient à l'emmerder sérieusement, au point qu'il en perde toute politesse.

Quand il se tapit au sol, le tintement de la chaîne en argent autour de son cou lui procura une vague de courage. Si la situation dégénérait, après tout, il pouvait toujours tirer la carte du Corbeau. Le fier hermaphrodite se convint alors qu'il maîtrisait parfaitement la situation. Bandant ses muscles et laissant tomber au sol sa proie, il resserra sa prise sur le manche du poignard dans sa gueule et s'élança sur la louve grise, sans aucun préambule ni salutations, pour lui planter sa lame meurtrière dans l'épaule.

D'un geste vicieux, comme il en avait le secret, l'hermaphrodite enfonça sa lame dans la chair de la printanière jusqu'au manche et fit un vif mouvement de la tête pour léser les chairs et laisser une entaille profonde. Il n'avait pas visé un point vital volontairement, car le cadavre de la printanière grise aurait indiqué trop facilement sa position. Viehrs voulait la dissuader définitivement de le laisser en paix. Quoiqu'il espéra qu'elle n'était pas aussi tenace que la solitaire à la chevelure rouge...

 

Le sang du bourreau du printemps éclaboussa le pelage clair du traître, déclenchant chez lui une petite moue de mépris. Son offensive avait réussi et fait bien des dégâts, ce qui aurait dû le faire triompher de joie ! En réalité, il n'éprouvait aucune satisfaction a faire couler le sang de celle qui avait été sa camarde; mais il n'éprouvait non plus aucun remord : tout ce qui lui importait était de garantir sa survie. Cependant, en plantant son poignard dans l'épaule de la louve grise, il s'était assez rapprochée d'elle pour lui permettre d'engager le combat, ce que Viehrs voulait éviter. Si Viehrs a l'air plus efficace en combat rapproché, il n'est en rien en réalité : il est efficace pour porter des coups forts et uniques, mais c'est tout. L'albinos évite le plus possible le combat, car pour lui cela veut dire qu'il va devoir attendre que la nature le soigne et ne pourra guère solliciter le pouvoir des guérisseurs. Il fait un grand geste pour échapper aux pattes de la louve mais trop tard ! Celle-ci l'attrape et l'enserre entre ses membres, le forçant à rester immobile.

Viehrs se demande d'où va venir l'offensive et tente de ne pas laisser voir sa panique. Avec une telle proximité, un coup de croc vicieux était bien facile à placer et si l'albinos se tournait mal, il aurait laissé à la grise un libre accès à sa gorge. Le pragmatique préféra ne pas se débattre et attendre de voir d'où viendrait l'attaque, n'étant pas assez idiot pour donner des coups de griffes à l'aveugle. Cependant, au final, peut-être aurait-il préféré se prendre un coup de croc que de voir sortir d'entre les dreadlocks du bourreau, une petite araignée noire. Les marques évoquant des arachnides sur le corps d'Herrade n'étaient donc pas sans signification ! Viehrs n'eut guère le temps de contempler cette réalisation. La petite bête n'était pas très grosse, mais la manière dont elle se mouvait sur ses longues pattes légèrement velues était particulièrement terrifiante. Ses yeux se plissèrent puis s'écarquillèrent simultanément lorsque la petite bête sauta sur son museau.

La diva se sentit défaillir. Les insectes ne le terrifiaient pas, mais il savait reconnaître un animal qui possédait du venin. Son attention se défit immédiatement du bourreau. L'araignée se meut trop vite dans son pelage pour que l'albinos eut le temps de l'intercepter. Impuissant, il la vit disparaître dans sa fourrure et sentit une première brûlure le faire tressaillir, puis une seconde, et encore une troisième. C'était infernal. Ni une, ni deux, Viehrs tordit son corps hyper souple et s'en alla chasser l'araignée de son pelage. Il ignorait l'étendue du poison de l'arachnide. Ce qu'il savait, c'est que son corps allait le démanger et le brûler, l'irriter. Pourtant, étrangement, son expression faciale resta relativement placide, il n'était pas fou de rage ou de douleur, cela l'agaçait, certes, néanmoins pas au point de perdre sa noblesse d'esprit.

Regardant au dessus de ses lunettes, l'hermaphrodite aperçut enfin la saleté d'araignée et, d'un geste précis, la faucha avec son museau et l'envoya au sol. Malgré son calme, une lueur de colère illumia ses iris et avant que le bourreau ait eu le temps de récupérer sa petite alliée, Viehrs l'écrasa entre ses griffes, la tuant froidement.

Il s'ébroua. Cela n'aidait guère la sensation de brûlure qui semble le prendre de toutes part. Viehrs se redressa vers Herrade, ressaisissant son poignard entre ses crocs. Il était plus concentré, en dépit de la douleur infligée par l'arachnide. Maintenant qu'il s'était débarrassé de la sale bête, son attention revint immédiatement au bourreau. Herrade n'était pas moins fourbe que lui, lorsqu'il s'agissait d’exécuter sa proie. De sorte que, avant que l'albinos n'ait eu le temps de se remettre de son offensive, elle tenta de faucher les pattes arrières de Viehrs pour l'envoyer au sol.

Heureusement pour lui, le traître la vit et se déroba brusquement, faisant un large bond en avant pour se placer hors de portée du bourreau. Il n'était pas très fort, mais agile, ça il l'était ! Et elle ne l'aurait pas si facilement !  Depuis le début de cette courte rencontre, ils ne s'étaient pas même adressés un mot. Viehrs, féru de politesse, ne pouvait fuir avec aussi peu de classe ! Insolent et sarcastique, le manipulateur dessina une courte révérence. Puis, sans demander son reste, il tourna le dos à la louve grise et donna un grand coup avec ses pattes arrières pour soulever un grand manteau de neige volatile. Après tout, puisqu'il était "coincé" sur le territoire hivernal, il comptait bien user le plus possible du camouflage offert par la poudreuse, dans toutes les situations possibles.

Viehrs prit son élan et s'élança, à grandes foulées, pour fuir la louve blessée dont il doutait qu'elle pourrait le poursuivre facilement. Détalant sans aucune honte ni honneur, le traître du printemps échappa sans difficultés à Herrade et disparut dans la neige hivernale. Il espérait, bien que sachant cette prière trop facile, qu'il ne recroiserait pas le bourreau d'aussi tôt. Car après tout, jouer avec la chance ne fonctionne jamais sur le long terme.

[ RP TRAQUE N°1 - TERMINÉ. ]