Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Quoi de mieux qu’une belle journée pluvieuse, typique de la saison des feuilles tombantes, pour aller se balader en Automne ? Voici, là, la question que s’était posée Kileiyn en cette humide matinée. À ce moment, il avait été réveillé par une fuite provenant du plafond de sa tanière. Une goutte d’eau lui était tombée sur le bout de la truffe.
Grommelant, il avait remué la tête, cligné des yeux, puis s’était hissé sur ses pattes, s’étirant. Là, il avait jeté un regard sur l’entrée de son abri. La fine pluie, qui avait commencé à tomber le soir précédent, s’était densifiée durant la nuit. Désormais devenue averse, sa douce senteur se faufilait agréablement dans ses narines. Kileiyn avait donc décidé de varier ses plaisirs en allant ‘rendre visite’ aux amis automnaux.
C’était qu’il en avait marre, le mâle, d’espionner le Solstice sans jamais rien trouver à se mettre sous le croc.
"Peut-être trouverai-je quelques informations croustillantes en allant voir ce qui se trame chez Daeron." avait-il pensé avant de commencer son travail.

Brouillage de pistes, sens à l’affût des moindres bruits, délicatesse de pas, faufilement dans les feuillages et esquives des flaques d’eau ; tout était appliqué à la perfection.
C’est qu’il était doué dans son métier, le beigeâtre. Et plus encore à ce moment où… Zut. Un veilleur le repéra.

Le mâle, le visage alors dissimulé derrière les buissons, afficha une mine exaspérée. Il sentait le regard de l’automnal insistant. L’espion se redressa, prenant un air surpris. Naïf. Le veilleur, grand mâle doré, le toisa. Kileiyn se mit à plat ventre, oreilles rasant sa nuque, couinant, la queue entre ses jambes. Son faciès prit un air de chien battu. Il tremblait soudain et parla de la truffe* :

« N-Ne me faites bas de bal ! Je ne suis qu’un humble voyageur solitai’e, je ne veux bas d’ennuis.. »

Le doré, qui, comme le voulait plus ou moins la coutume quand un intrus pénétrait sur un territoire qui n’était pas le sien, grondait alors sourdement, afficha une mine déstabilisée puis rieuse. Kileiyn avait clos ses paupières, plissant le museau ; on aurait dit qu’il attendait que l’automnal abatte  ses crocs sur lui en guise de punition.
« Allons, jeune loup, le peuple automnal n’est pas aussi rustre que tu as l’air de le croire. Je ne compte pas te mordre mais simplement comprendre pourquoi tu es là. » avait-il lâché sur un ton tout aussi emplit d’incompréhension que d’amusement.

Kileiyn ouvrit les yeux. Il profita de sa position tête-basse pour, de bas en haut, étudier la carrure de celui qui se tenait debout en face de lui : svelte, oui, mais modérément musclé. Le mâle aux couleurs d’or arborait un collier d’os ainsi qu’une longue chevelure blanche se basant de sa tête jusqu’au milieu de son dos dans laquelle étaient piégées de multiples feuilles mortes. Sa queue n’était que peau. Aucuns poils ne la protégeaient et, à son bout, se situaient deux bagues ; l’une d’or, l’autre de bronze. Le veilleur semblait âgé ; sa fourrure grisonnait déjà légèrement par endroits.
Il devait être expérimenté.
Après avoir fait ses observations, Kileiyn reprit :

« Eh bien, je devais be ‘end’e au saule pleu’eu’ bais la bluie a b’ouillé mon odo’a. Je suis un beu... en’hubé. » en disant cela, il avait baissé les yeux, reniflant.

Le mâture automnal afficha un air moqueur :
« Humpf ! » pouffa-t-il « Tu es un bien étrange énergumène, toi. »
Il s’approcha et renfila le beigeâtre.
« Je vois que l’Automne n’a pas été la seule terre à t’avoir fait te fourvoyer. Tu as certainement dû traîner du côté du Solstice et du Printemps. Tu ferais mieux de faire un peu attention à où tu vas. » Il marqua une pause avant de reprendre sur un ton plus ferme. « Allez, le saule pleureur, c’est par là. Déguerpis avant que ma clémence s’atténue, imbécile. » Le doré pointa la direction de sa truffe.

L’espion, toujours la queue entre les pattes, s’empressa de suivre le chemin indiqué. Une fois assez éloigné pour que le veilleur ne puisse plus le repérer, Kileiyn reprit tranquillement sa mission, un rictus fier et assuré étirant ses babines. "Quelle naïveté." pensa-t-il quand un bruit interrompit sa route. Il se tapis rapidement, faisant preuve d’une discrétion à hors paire. Silencieux et aux aguets comme jamais, il attendit un autre signe de quelconque sorte. Un rictus malin demeurait sur son faciès. "Encore ce vieil os ? Je sens que je ne vais pas me priver de lui faire bouffer des mes os, à celui-là..."

*parla du nez

Un bruit de pas vif et, en un éclair, Kileiyn se retrouva écrasé sur le sol.
Là, une voix féminine mais des plus agressive teinta à ses oreilles puis il se retrouva sur le dos, face à une belle louve au pelage bicolor et à la longue mèche de cendrée. Celle-ci venait, des plus subtilement, de lui faire comprendre qu'elle avait cerné le fait qu'il n'était pas simplement de passage par ici. Le mâle afficha une mine des plus lasse au moment où, tout en écrasant son torse de sa patte, elle lui demanda qui il était. Il soupira :

« Classique. »

Kileiyn, sans un geste brusque, parla calmement tandis qu'il ramenait ses antérieures contre son propre torse ainsi que sa queue contre son propre ventre en signe de non-agressivité :

« Je me prénomme Kelios, enchanté. »

C'était le premier prénom qui lui était venu à l'esprit. Il allait falloir ne pas l'oublier, ...ce qui n'était, à vrai dire, pas un problème compte tenu de sa bonne mémoire.
Le but de la manœuvre allait être de rester vague et placide. L'agressivité était, pour l'instant, à proscrire. L'espion allait la jouer fine ; mentir sur son identité, tourner la conversation en sa faveur et étudier l'individu pour, par la suite, mieux manipuler.

« Et vous ? » dit-il sans laisser à la louve -à la carrure visiblement délicate- le temps de répondre quoique ce soit.

La stratégie était en place : Kileiyn n'avait plus qu'à observer la réaction de la jolie petite automnale.

Après que la femelle eut réalisé une dernière pression sur la gorge du beige et se soit retirée, il put enfin se relever. Dignement, il se hissa sur ses quatre pattes avant de simplement s’asseoir sur le sol trempé. Calme, impassible, presque même légèrement souriant, il ne tarda pas à tenter de cerner l’attitude de son interlocutrice tandis que cette dernière lui répondait froidement.

« Ça n’te regarde pas, Kelios. »

Les oreilles de la louve étaient plaquées contre son crâne et Kileiyn ne pu ne pas remarquer ses deux mouvements de queue rapides. Mouvements qui pourraient probablement lui donner quelques informations sur les pensées et intentions de la jolie brunette. Il garda ce renseignement dans un coin de sa tête puis repris son observation tout en lui répondant tranquillement ; oreilles et queue au repos, regard placide et ton de voix amical :

« Veuillez m’excuser, je ne voulais pas paraître indiscret. »

Kileiyn esquissa même un léger rictus, dévoilant volontairement une sincérité tout à fait vraisemblable. À l’inverse, il pouvait constater que l’automnale grimaçait, méfiante.

Il fit rapidement le lien. La position allongée de ses oreilles trahissait chez elle une sorte de malaise. La brune n’était pas simplement méfiante. Il semblait qu’elle sentait que quelque chose ne collait pas. Aurait-elle croisé le veilleur que Kileiyn avait lui-même rencontré peu de temps auparavant ? Qui sait ? Dans tous les cas, il était clair qu’il ne pouvait pas encore en avoir le coeur net. De plus, il devait trouver un moyen d’apaiser les apréhensions de la femelle sans pour autant être trop avenant : défi complexe mais réalisable.

Ainsi, faisant d’une pierre deux coups, il tenta une approche, ne laissant d’ailleurs pas le temps à l’automnale de répondre à ses excuses.

« Comment m’avez-vous trouvé ? Contrairement à vous, je n’ai été trahi par aucune branche capricieuse. Et puis, la pluie n’est pas une aide à la traque, haha. »

Oui, le mâle lâcha un petit rire amusé et bienveillant. Tout dans son attitude semblait si naturel. Il possédait un sang-froid à toute épreuve et ne se gardait pas d’en faire servir son propre intérêt.

Son interlocutrice n’était visiblement pas dupe et semblait bien caractérielle, certes. Pourtant, il y avait peu de chances qu’elle reste aussi désagréable et autant sur ses gardes au vu du comportement semblant si amical et détendu du gentlman à la chevelure ébouriffée et au pelage mouillé.