Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Notre mâle à la parure acajou était au comble de l’excitation. A vrai dire, il avait tâché de ne pas trop se faire d’idées lorsqu’il avait formulé cette hypothèse. Il ne s’était pas vraiment attendu à ce que les Dieux exaucent son vœu. Mais aujourd’hui il devait se rendre à l’évidence ; il était à la lisière de la plus grande forêt qu’il n’avait jamais vu. Un sourire franc vint se dessiner ses lèvres, tandis  qu’il s’engouffrait peu à peu dans les bois.

L’éclat doux d’émeraude rencontra ses prunelles flamboyantes, alors qu’il n’avait esquissé que quelques pas.  Des arbres de toute sorte peuplaient cette forêt,  chênes, hêtres, sapins… Daeron fut forcé d’admettre que sa Forêt Orientale, à côté, faisait pâle figure. Cette terre là, qu’il était le premier à découvrir, se devait d’appartenir aux automnaux. Les multiples effluves de proies qui se dégageaient étaient non négligeables et consistaient un atout considérable pour les siens. Il trottinait rapidement entre les herbes et les champignons, imprégnant déjà la forêt de son odeur. Il était hors de question de laisser passer une occasion pareille, il allait revendiquer ce territoire comme celui des Automnaux et les siens auront intérêt à le suivre !  Ils avaient tout à y gagner. Quand bien même les estivaux étaient prioritaires, il était prêt à se montrer intransigeant sur cette partie du territoire. L’été n’avait rien à y gagner ici, ses membres chassaient et vivaient dans des forêts tropicales ; celle-ci n’avait rien à voir avec ce qu’ils connaissaient. De même pour les hivernaux et leurs fourrures pâles qui ne passeraient pas inaperçus dans un décor pareil. Le seul Clan qui était susceptible de réclamer cette forêt pour de bonnes raisons était le Printemps. Mais il était hors de question qu’il cède une parcelle de ce paradis automnal à ces pâquerettes déchues. Après le départ de Myosotis et de ses héritiers, Jayden avait prit la relève pour au final abandonner les siens. Une petite louve apparemment nommée Seira avait pris la relève, mais Daeron était loin de porter ce Clan haut dans son estime. Peu de personnes à part Shura et sa fratrie étaient au courant concernant l’assassinat de son père en ces terres mêmes et c’est plus ou moins pour ces raisons qu’il ne pouvait s’empêcher de les mépriser un peu plus.

Avisant une source d’eau non loin de lui, l’automnal se dirigea vers elle et lapa le liquide quelques secondes, le temps de chasser les mauvaises pensées loin de son esprit. Il devait se concentrer sur cette forêt et la stratégie qu’ils devraient établir avec les siens pour pouvoir la garder. Il s’ébroua et chassa les dernières gouttelettes qui pendaient à sa crinière avant de se remettre en marche. Ses larges pattes noires surmontées d’ambre foulaient la terre avec une douceur inhabituelle. Le cœur de Daeron semblait s’être intimement lié à cette terre pourtant à peine découverte. En l’observant, il se sentait nostalgique et ne pouvait s’empêcher de faire des comparaisons avec certains lieux de son territoire.  Les colonnes et les pans de murs qu’il croisait à plusieurs reprises lui faisaient penser au Temple Bandî. Peut-être était-ce un signe ? Toutes ces similitudes entre ses terres et cette forêt  le confortaient de plus en plus dans l’idée qu’elle devait lui revenir.

Les extrémités dorées et poilues remuèrent en même temps que ses oreilles lorsqu’un frottement se fit entendre. Le mâle se retourna brusquement, dardant ses prunelles de fauves sur l’individu qui s’approchait. Son odeur familière lui emplit rapidement les narines et ses muscles se détendirent. Un grand sourire vint couronner ses babines face au mâle qui s’avançait vers lui.

- Dean, ne trouves-tu pas cette forêt magnifique ? lança t-il en lui désignant les alentours d’un geste de tête. Il reprit « L’obtenir et la revendiquer en tant que terre de l’automne  nous permettrait de résister à n’importe quelle famine. Je n’ai sûrement pas encore  vu tout ce qu’elle nous réservait, mais je suis déterminé à garder, quoi qu’il en coûte. » Ses dernières paroles étaient pleine de détermination, tandis qu’il relevait le museau vers la douce lumière de jade qui perçait entre les arbres.

« C’est bien vrai ! C’est comme si nous étions déjà chez nous… Non. En tous cas, je serai comme toujours à tes côtés pour la garder. Tu peux évidemment compter sur moi ! Mais peut-être pourrions nous visiter un peu plus  tous les deux en tant qu’éclaireur. Nous pourrons alors poster nos effectifs de façon la plus efficace pour nous approprier ce lieu.On ne peut pas rêver meilleure journée pour explorer n’est-ce pas ? »

L’enthousiasme dont faisait preuve  Dean lui réchauffait le cœur. Il était content, au final, de ne pas être le seul à avoir rêvé de conquête et d’aventures.  Il avait eu peur de se ridiculiser face à lui, avec son air de gamin surexcité qui se laissait guider par des fantasmes puérils. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas eu un tel comportement, depuis qu’il était devenu Instructeur il s’était imposé un certain self-control, de manière à faire bonne figure à ses camarades. En repensant à cette époque il ne put s’empêcher d’émettre un petit gloussement de satisfaction. La plupart l’avaient considéré comme bon à rien, un enfant sans avenir, destiné à devenir oméga, sans savoir qu’une année plus tard ils seraient tous là, en train  de lui jurer fidélité… Qui aurait cru que le gamin hyperactif et turbulent de l’estropié allait un jour régner sur ce Clan ?

Le mâle ferma quelques instants les yeux, un sourire  sur ses lèvres dont seul lui en connaissait la raison avant de les rouvrir pour se tourner vers son ami.  Il avait bien fait de le nommer Bêta, il remplissait ses responsabilités à merveille et était d’une loyauté sans faille. Il peinait encore à croire  que des loups comme lui et Shura étaient devenus ses amis, il avait parfois l’impression de ne pas les mériter. Il soupira pour lui même, avant de répondre à  Dean tout en zigzaguant entre les bouts de colonnes et les morceaux de roches.

«  Tu as raison, je crois que cette histoire de conquête me monte à la tête, depuis la découverte de ces terres je suis dans un état second… Je n’arrive même plus à penser correctement. » Il lui adressa un grand sourire «  Heureusement que tu es là ! » Il jeta un regard aux alentours avant d’enchaîner: « Je ne pense pas que les estivaux et les hivernaux  auraient intérêt à posséder cette forêt, toutefois je crains l’envahissement des Printaniers. Je me méfie d’eux depuis leurs multiples changements d’Alphas. C’est un Clan instable que la plupart ont tendance à oublier mais avec l’apparition de nouvelles terres je suis certain qu’ils vont chercher à réaffirmer leur suprématie d’antan….si tu vois ce que je veux dire. » Il avait perdu son sourire, son visage essayait d’adopter une expression neutre mais c’était peine perdue. Contrairement à une certaine louve immaculée au couvre chef carmin, il garder son masque de fer ne faisait pas parti de ses habitudes.  Ce dernier avait tendance à fondre  lorsque des émotions aussi puissantes que le mépris le prenaient. Il darda ses prunelles incendiaires dans celles de Dean : «  Penses-tu qu’un combat serait  envisageable s’ils ne respectaient pas les lieux que nous avions marqués ? » . Bien évidemment il ne souhaitait pas engager son Clan dans une guerre contre les Printaniers,  mais une petite altercation pour les remettre à leur place –si besoin-  serait la bienvenue. Après tout, premier arrivé premier servi. Jusqu’à présent, aucun autre Clan ne s’était fait remarquer sur les terres automnales déjà conquises.