Le vent soufflait dans les poils épais du mâle roux, qui peinait à progresser dans la neige épaisse. Ah il était beau le territoire hivernal, empli de surprises dont notre canin se serait bien passées. Combien de fois avait-il failli tomber dans un trou astucieusement dissimulé sous un paquet de neige ? Avec ses terres immaculées qui s’étendaient à perte de vue, sans aucune végétation, il ne fallait pas s’attendre à pouvoir progresser rapidement. Finalement, on pouvait parfaitement affirmer que le territoire hivernal était à l’image de ses habitants : fourbe et discret à la fois. Après avoir parcouru disons, vingt mètres, l’automnal était à bout de souffle. L’épaisse couche de flocons lui montait jusqu’à la moitié du radius, faire un pas pour lui, c’était comme soulever à chaque reprise un de ses apprentis. Et ce n’était pas pour dire mais, après avoir imité le French Cancan durant tout le trajet, il n’avait qu’une envie, c’était de se laisser tomber dans la neige.
La saison sœur de la sienne, en plus de lui avoir apporté une tanière humide à nettoyer chaque jour lui avait aussi par la même occasion rapportée une maladie. Franchement, c’était trop aimable. Diamonds avait été intransigeante avec lui : Interdiction d’exercer son rôle d’Instructeur, ni même de Bêta, au risque d’aller infecter les pauvres gosses et l’Alpha. On lui avait gentiment dit d’aller se reposer et de s’éloigner de tout être vivant. Car, la maladie, à défaut de ne pas être grave était très contagieuse. N’ayant d’autre choix que de se plier à l’autorité de la guérisseuse, le rouquin s’était donc éclipsé pendant plusieurs jours dans une tanière qu’il avait emménagé non loin de ses camardes. Mais après plusieurs nuits blanches à transpirer comme un
porc à cause de la fièvre, il avait décidé de prendre lui-même les choses en main. En adulte mature qu’il était, il s’était dit que, pour faire baisser sa température corporelle, pourquoi ne pas aller dans le froid ? De plus cela lui permettait d’aller affronter en face la saison qui avait déclaré la guerre à son système immunitaire !
Mais oui, ça c’était une très bonne idée. Digne de Legolas. Il s’était donc mis en route vers les terres neigeuses, se promenant sans vraiment se soucier de ou il allait. Revenons donc à l’instant présent, il semblerait que notre Bêta ait un peu surestimé sa saison préférée. Le cœur battant à tout rompre par l’effort, il tentait tant bien que mal de gagner quelques mètres de plus. Alors qu’il y a quelques minutes, il marchait tranquillement sur une fine couche de neige, il avait été gagné par l’orgueil en apercevant un Lac qui se trouvait à une soixantaine de mètres d’ici. Pensant qu’il s’appelait Hercule, il n’avait pas hésité une seconde à se diriger vers l’étang gelé. Il avait dévalé une énorme pente et s’était retrouvé avec de la neige lui montant jusqu’à la moitié des pattes. Ah, il était bien dans la mouise là, le Hercule.
L’automnal venait de lâcher un énorme soupire. Le Lac était encore loin. Il avait chaud, encore plus chaud que tout à l’heure et éprouvait en envie irrésistible de dormir. A cet instant là, il était en train de se maudire comme pas possible. Enfin bon, il ne lâcherait pas son objectif. La neige devenait de moins en moins épaisse à mesure qu’on s’approchait du Lac. Il allait donc y aller, se reposer et trouver un moyen pour rentrer chez lui sans se transformer en bonhomme de neige. Il eut un regard de défi, bien que teinté de fatigue, à l’adresse de l’étang qui se dessinait au loin. Prépare toi, trou d’eau glacée à Dae-hercule le grand enrhumé !
. . .
ENFIN, IL Y ÉTAIT ARRIVÉ…ARGHHH… L’énorme mâle aux teintes acajou était à la limite de cracher ses poumons. Par tous les Dieux, qu’est ce ça avait été difficile ! Mais il y était.
Le Lac pouvait aller se le faire enfoncer bien profond. Cette belle phrase en italique et très raffinée résumait la pensée globale de Daeron. Sa température corporelle était très élevée et c’était presque si on ne voyait pas une légère aura orangée autour de lui. L’enfant du feu qui vivait en lui semblait avoir atteint ses limites. Il se redressa de toute sa hauteur, les cheveux au vent et toisant l’étendue d’eau figée, une lueur victorieuse dans le regard. Prend sa dans ta tronche, territoire hivernal. Il s’assit doucement non loin du lac, profitant du calme et de la froideur du lieu pour se reposer. Alors que ses paupières se fermaient doucement, quelque chose de gris se forma dans son champ de vision. Il braqua son regard brûlant sur la chose qui marchait vers le Lac. Celle-ci avait la tête légèrement baissée. Le grand mâle s’ébroua, faisant gonfler sa crinière et porta ses prunelles dorées sur la silhouette qui se découpait dans le territoire immaculé. Une femelle et hivernale en plus. Tiens, cela faisait longtemps qu’il n’avait pas engagé la conversation avec quelqu’un…Au Clan ses rapports sociaux se limitaient qu’à « Salut – A toute – Bougez vos fesses sales gosses ! – A vos odres Ypso ». C’était triste, tout de même. Pour une fois qu’il avait du temps libre, peut être pouvait-il en profiter ? Même si c’était pour se recevoir des insultes, il avait envie de pouvoir dire autre chose que les 4 phrases citées au dessus. Il se releva, quittant avec une pointe de regret sa place toute chaude pour aller trottiner discrètement derrière l’individu. C’était fou à quel point elle ne l’avait pas remarqué. Il commençait à presque la coller quand tout d’un coup il se prit son arrière train dans les pattes. Plutôt sympa comme premier contact physique hein ! Puis la louve se retourna brusquement, ne s’attendant surement pas à ce que son cher fessier rencontre les pattes épaisses d’un automnal. Ses grands yeux bleus frappèrent immédiatement le jeune Bêta. Bon dieu, il ne pensait pas qu’elle était si jeune que ça ! Il y avait tant d’innocence et de pureté dans son regard ! Lui qui s’attendait à se trouver en face d’une louve adulte au regard courroucé et perçant, le voilà qu’il était face à une adolescente. Elle arborait un beau pelage gris et soyeux, tacheté des tâches qui ressemblaient fort à celles d’un léopard. De longs cheveux gris partaient en crinière sur son échine, un peu à la manière de sa sœur, Diane. Daeron la fixait avec de grands yeux tandis que celle-ci se relevait en titubant un peu. Allez, c’était le moment de la réflexion du genre « Qu’est ce que tu fiches ici ! » . Le jeune automnal se préparait mentalement à trouver un mensonge à balancer.
«
Excusez-moi, j'espère que je ne vous ai pas fait mal. »
Alors là, il s’était attendu à tout sauf à ça. Il la fixa, une expression de surprise sur le visage. Bon sang, c’était vraiment trop….trop adorable. Cette manière de baisser les oreilles là et son air sincèrement désolé, ça venait de l’achever. Que répondre face à ça ? Sérieusement ? Il aurait presque préféré qu’elle l’engueule comme du poisson pourri. Parce que là, il se sentait tellement coupable de l’avoir suivie et surprise qu’il ne savait plus quoi dire. Puis il fallait qu’elle arrête avec ses grands yeux bleus et son air candide. Il se sentait terriblement gêné ! Attendez, il était sur son territoire et c’est elle qui s’excusait ! Le Bêta se racla un peu la gorge, essayant de gagner du temps avant de prendre le risque de dire une connerie.
«
Non-non, c’est bon, vous êtes tellement légère que je n’ai rien senti, enfin, sincèrement, tout va bien, je ne suis pas blessé. » Puis il éternua tout d’un coup, prenant le soin de tourner la tête, bien évidemment. ( Non parce que s’il lui avait éternué en face, il se serait surement suicidé devant tant de gêne occasionnée ).
Que dire d’autre ? Il s’incrustait sur son territoire, il n’était pas censé être là.
«
J’espère que vous n’avez rien en tout cas, si c’est le cas, vous m’en voyez désolé…Je n’ai rien à faire ici, donc je..je m'en vais. Excusez-moi pour le dérangement occasionné. »
Musique correspondant au moment merdouilleux ~ Il ne comptait pas faire demi-tour, vu que la voie qu’il avait empruntée était bien trop difficile, alors il prit le risque de s’engager sur le Lac gelé. Bien évidemment, il était loin d’être rassuré mais il fit semblant de rien devant la louve. Il se retourna pour lui jeter un rapide coup d’œil mais quand il la vit, le regarder comme ça en se demandant surement ce qu’il était en train de foutre, il se sentit prit d’une telle gêne qu’il invoqua sans le vouloir ses feu-follet au complet, dans une minuscule explosion de flammes. Cependant celles-ci n’eurent même pas le temps de prononcer quoi que ce soit car la glace sur lequel tenait Daeron ne résista pas longtemps. Plouf ! Bye-bye Dae-hercule !
Il sentit tout son être s’électrifier lorsque l’eau glacé rentra en contact avec sa peau. Il vociférait intérieurement et il valait mieux pour vous que je taise ses pensées car ce n’était pas très beau à entendre. Heureusement, il n’était pas très loin du bord, en même pas une foulée il avait rejoint la berge. Il s’y accrocha et se souleva de toutes ses forces. Bon. La prochaine fois on évitera le Lac, hein ?