➤ Pouvoirs :
Son pouvoir est ce qu'il aime nommer...
L'Autre, la Chose, ou la créature. Le reflet de ce loup possède une conscience qui lui est propre, qui mène un semblant de vie parallèlement à la sienne. Bien qu'il possède une intelligence relative, ce reflet n'a qu'une unique envie: absorber l'âme de celui dont il est l'image.
L'Autre est capable de communiquer avec Lukhe. Dans sa tête, sous la forme d'une petite voix qui devient extrêmement pesante. Toujours là, quand il peut le voir, toujours dans son esprit, à ricaner, le menacer, lui chantonner sa mort prochaine et inévitable. Les conversations censées sont peu fréquentes, bien qu'elles existent.
Autrement dit, ce pouvoir se révèle en réalité être un immense fardeau. Les miroirs, les lacs, l'eau en général, la glace, le fer, tout ce qui peut éventuellement renvoyer à Lukhe sa propre image devient une source de stress et de danger. Plus la surface réfléchissante est grande, plus le pouvoir de son reflet est puissant, et plus l'image est nette, plus le reflet a de chances de réussir à agir. De plus, moins la distance qui sépare Luke de cette surface est grande, plus il risque d'y laisser quelques poils. Pour expliquer plus clairement l'action de ce pouvoir, imaginez un portail à la taille variable. Le reflet peut ainsi passer partiellement dans le monde matériel, avec plus ou moins d'aisance. A une certaine distance, il peut espérer saisir sa proie tant convoitée.
Face à l'eau, Lukhe se retrouve ainsi démuni. Il en a développé une certaine phobie, car il est certain qu'une fois dans l'eau, l'Autre parviendra à saisir son âme et la lui arracher. S'il est faible, il a moins de chance de s'en tirer entier. Cela ne l'empêche pas de boire, mais il le fait généralement les yeux fermés.
L'Autre a une fois déjà réussi à attraper le jeune loup. Lorsqu'il y parvient, bien que cela soit rare, il s'empresse de mordre. L'âme de Lukhe s'en retrouve abîmée et de la fumée orangée s'échappe alors des plaies, à l'endroit où son enveloppe est fragilisée et son âme cherche à sortir. Il se fait ainsi croquer morceau par morceau, lentement, à chaque inadvertance.
Ce pouvoir n'est cependant pas complètement inutile à sa vie. S'il se retrouve en danger, et que par chance, son reflet est existant, l'Autre s'attaquera en priorité à son agresseur pour peu qu'il soit proche de la surface réfléchissante. Car son âme, il ne la laissera à nul autre, et lui seul est en droit de tuer Lukhe.
Ce pouvoir sonnera donc davantage comme un don maudit, car Lukhe est ainsi condamné à vivre entre les griffes de cette entité, tout en bénéficiant d'une protection acharnée lorsqu'il en a besoin.
Le pouvoir en lien avec sa saison est pour lui beaucoup plus agréable: il peut faire pousser de petites plantes. Pas réellement très utile, à première vue, mais si vous avez des envies de fleurs, ou de plantes médicinales, il pourra sûrement vous aider. Cela lui prends un minimum d'énergie, autant dire qu'il ne s'amusera pas à faire pousser des baobabs tous les cinq mètres...
➤ Physique :
Lukhe est, malgré l'assurance qu'il dégage, un loup de taille relativement petite. Sa carrure reste cependant agréable à regarder, avec son large poitrail, et ses pattes musclées. Bien qu'elle puisse se révéler être un désavantage contre certains grands loups, il compense par une vitesse et une agilité durement acquises. N'allez pas vous frotter à lui, grands loups vantards, sous peine de perdre quelques touffes de poils.
Il est assez joli à regarder, et à déjà déçu quelques femelles espérantes. Il a étrangement plus de mal à attirer le regard du sexe qui l'intéresse...
Le plus étonnant chez ce loup, ce sont ses poils. Une immense collerette en forme de V remonte de sous son ventre, jusque sur son poitrail, et se divise ensuite en deux de part et d'autre de sa tête. De couleur crémeuse, cette collerette se teinte de blanc, puis de brun sur les deux bouts. Bien qu'elle puisse parfois lui tenir chaud en excès, il est cependant conscient qu'elle peut lui sauver la vie en protégeant son cou fragile.
Lukhe arbore une fourrure de couleur chocolat, plus sombre sur son dos, et sa queue. Une touffe de poils inexpliquée entre ses épaules arbore une teinte encore légèrement plus foncée, et il maudit cette partie de son anatomie qui le rends si facile à attraper en traitre.
Des arcs plus clairs, puis plus foncés sur ses flancs le décorent élégamment. Ses pattes sont de couleur crème, et ses doigts immaculés.
Son visage est également décoré: une région claire sur son museau entoure son oeil et crée un marquage à effet de muselière sur sa gueule, qui elle même est plus foncée que le reste de son corps. Deux stries sombres partent sous ses yeux, et un point plus foncé surmonte ces derniers. Ces marques offrent un beau contraste avec ses yeux d'un charmant gris argenté.
Il possède une magnifique crête, qui pousse bien droite, et qui nait juste après ses épaules. Elle retombe devant son visage sans pour autant gêner sa vision, et bien que l'Autre le compare parfois à un coq, Lukhe voudra bien admettre qu'il aime beaucoup l'effet que cette coupe lui donne. Plus sombre que le poil, ces mèches également défient toutes lois de la physique en restant ainsi dressées en permanence.
Le plus intéressant reste à venir: son corps est constellé de marquages orangés. Souvent des croix, entourés de points, elles ont cependant quelques variantes que ce soit sous son oeil ou sur ses côtes. Elles pullulent le long de ses pattes avants, mais sont absentes de celles arrières, qui elles sont simplement rayées sommairement.
L'une des marque se distingue des autres: juste au dessus des omoplates, des stries oranges sont, lorsque l'on regarde de plus près, les marques d'une griffure qui n'est clairement pas canine. Une légère fumée s'en échappe. C'est l'endroit où l'Autre à percé l'enveloppe de son âme lorsqu'il est parvenu à l'attraper, et c'est elle qui cherche à s'échapper sans y parvenir.
Le dernier point à aborder sera celui de ses accessoire. Il n'en possède pas à outrance, et ils sont d'une même gamme: des bijoux d'améthystes, entourant sa patte droite, sa queue, et décorant son oreille. Tous du coté droit, ils ne sont présent que dans le but de chasser les esprits. Quelqu'un avait un jour dit cette propriété de la pierre, et Lukhe a voulu essayer pour éliminer l'Autre. Cela n'a bien sûr pas marché, et ces breloques n'ont aujourd'hui qu'un but purement esthétique.
- Référence :
➤ Caractère :
Son caractère n'est pas toujours très facile. Il peut être relativement grossier quand l'envie lui en prends, et c'est de manière courante qu'il envoie des réponses sèches et cinglantes au museau de personnes qui l'irrite depuis cinq bonnes secondes. Il n'est pas un mauvais bougre, mais son cercle d'amis est assez limité pour qu'on puisse le qualifier de capricieux. Les connaissances, il est bien d'accord pour en avoir des centaines, mais les loups proches de lui, il les trie soigneusement. Quand il parle, selon son humeur du moment, il oublie qu'il peut articuler et une simple phrase peut se changer en un merveilleux : "J't'attends près d'ruisseau..." Il peut être éloquent, mais réellement en dernier recours. Il préférera laisser quelqu'un d'autre discourir à sa place, quitte à paraître légèrement en retrait. Pour cette raison, certains loups sont assez surpris lorsque lui vient l'envie de la parole et du monologue.
Bien qu'assez acariâtre en apparence, il est largement abordable par n'importe quel loup qui voudrait lui parler. Il se donne des airs de grand dur, ce qu'il est en quelques sortes, mais intérieurement il possède un petit coeur d'or. Il grogne souvent, mais ne mords que très peu. Si sourire ne fait pas parti des choses qu'il fait naturellement, ce n'est pas pour autant une légende urbaine que de le voir s'esclaffer, ou relever les babines avec malice. De plus, et bien qu'il ne voudra jamais l'admettre, il apprécierait d'avoir quelqu'un sur qui pouvoir se reposer de temps en temps, une personne qui lui dirait que tout va bien, tout simplement.
Naïf? Oh oui, il peut l'être. Pas pour tout, pas avec n'importe qui, mais il devient imprudent lorsque l'on aborde le sujet d'un quelconque esprit à chasser. Il n'ira pas se jeter d'une falaise si vous lui annoncez que ça marche, mais peut aisément gober toutes sortes d'histoires pour peu que vous soyez convaincants.
Un point important, et assez original, c'est qu'il a une grande peur de toute surface réfléchissante. Pas une phobie ingérable, mais une angoisse sourde. Il évite un maximum tout ce qui invite un reflet, et s'il s'approche désormais de l'eau sans problème, il sera bien le dernier à aller s'y mouiller les pattes.
En raison de ce stress provoqué par la vision de son reflet, il ne regarde jamais un autre loup dans les yeux. Ce qui peut être pris pour de la timidité ou de la soumission est en réalité un simple moyen d'éviter de voir son cauchemar en face. Cependant, s'il est forcé de fixer la personne, alors vous le verrez non pas vous regarder vous, mais ce qui danse dans vos prunelles...
Sûrement vous demandez vous ce qu'il peut bien y avoir de si terrifiant dans cette image de lui même... Son reflet bouge seul. Et vous pouvez le constater par vous même. S'il est assis au bord de l'eau, vous aurez beau fixer la surface, vous ne verrez rien. Ou plutôt si, mais deux mètres plus loin, en train de mimer des convulsions d'agonie, ou au contraire, collé au bord, à chercher comment attraper sa proie adorée. Vous pouvez donc comprendre pourquoi Lukhe a horreur de se voir, et généralement, un malaise prendra aussi les loups qui comprendront que s'il reste assis, là, sans bouger, depuis dix minutes, c'est parce que la créature est pendue à sa patte en hurlant et cherche à l'entraîner avec elle.
Lukhe sera aussi souvent vu en train de marmonner apparemment seul, face à l'eau, ou un miroir. En réalité, il tient une conversation en général très peu fertile avec l'Autre. N'hésitez pas à aller le déranger dans cette situation, car il se révélera être extrêmement soulagé d'avoir quelque chose sur quoi se fixer, en dehors de cette petite voix irritante dans sa tête.
En dehors de ces liens étranges avec son image, Lukhe est un loup au naturel déconcertant. Il dit ce qu'il pense, lorsqu'il le pense, bien qu'il sache pertinemment quoi dire à quel moment. Ce genre de langue déliée peut être assez déroutante lorsqu'il vous sort un merveilleux "Ton pelage est magnifique" au détour d'une conversation. Certains petits coeurs mous penseront à de la drague, mais il n'en est rien. Il a simplement un franc parler hallucinant. Il sait mentir, mais ça le répugne, alors il préfère ne rien garder pour lui. Jamais on ne pourra lire en lui comme dans un livre ouvert, mais on peut être certain qu'il n'y aura rien de compromettant qu'il ira cacher.
➤ Histoire :
Une louve était calmement couchée sur le flanc, sur une pierre plate chauffée par le soleil. Ses petits, de sûrement un peu moins de trois mois, courraient de part et d'autre de leur terrain de jeu. L'un d'eux, plus petit, couché sur le dos, se contentait de regarder bouger une branche. Lui ne voulait pas s'épuiser. Il faisait si chaud, et la terre contre son dos paraissait le brûler au travers de sa fourrure. Pourtant, il ne bougeait pas, ses prunelles d'argent rivées sur les feuilles. Il ne remarqua même pas le mouvement qui se fit auprès de lui, ses frères et sœurs réunis aux pattes de son père.
-
Lukhe! Viens par là. La voix grave du mâle lui fit relever la tête. Ah. Il se releva mollement, presque endormi, et les rejoignit en trottinant. Ses deux sœurs qui piaillaient, et son frère encore pire qu'elles suffirent cependant à le réveiller, et sa queue se mît à frétiller joyeusement. Il comprit rapidement qu'ils iraient tous s'amuser au ruisseau pour combattre la canicule. Une énergie soudaine pris possession de son corps de louveteau, et il devança son père et sa famille pour courir ventre à terre vers cette source de fraîcheur tant attendue. Mais alors que la louve s'apprêtait, souriante, à reprendre sa sieste interrompue, un hurlement glacial la frappa de plein fouet.
Son pouvoir ainsi découvert, le louveteau ne parvenait plus à approcher de l'eau sans trembler. Il l'avait vu.
Lui.
Lui qui hurlait, riait, se collait au bord en tendant vers lui des pattes semblables à des mains crochues, et qui tentait de l'attraper et l'entraîner avec lui. Personne n'avait compris pourquoi il hurlait ainsi, une patte dans l'eau, larmoyant, horrifié, jusqu'à ce que son père jette un regard dans l'eau et qu'il y voit
l'Autre. Il avait alors repêché son fils, catastrophé.
Le verdict était ainsi tombé, Lukhe devrait cohabiter avec sa propre image, durant toutes les années qui aillaient venir. Il ne voulait plus jouer. Il avait peur. Il l'avait vu, lui, qui montrait les crocs dans les prunelles de sa mère. Il le voyait partout. Il l'entendait. Il restait désormais en marge de sa famille, et plus jamais sa mère ne vit ses grands yeux gris de face.
Il grandit ainsi, jour après jour, redoutant chaque fois un peu plus d'aller boire. Pourtant, alors qu'il prenait en taille et en poids, il sentait que l'Autre ne pouvait plus l'entraîner aussi facilement. Lui qui buvait en compagnie d'un de ses parents pour le tirer d'une mauvaise passe, il finit par comprendre qu'il était en mesure de se défendre seul. Sa crainte s'apaisa un peu. S'il réussissait à rester sur la berge, il n'avait plus rien à craindre... Alors qu'il buvait, yeux fermés, sentant une main accrochée à sa patte et entendant une voix qui s'égosillait dans sa tête, un mouvement lui fit relever la tête. Il devait avoir un an maintenant, et une immense collerette de poils s'étaient développée sur son cou. C'était un beau mâle, bien qu'encore très jeune et immature. Les traits de l'enfance se lisaient sur son museau et ses pattes encore courtes. Tiens. Il la connaissait, cette loupiote mauve. Elle était un peu plus âgée que lui, et il n'avait jamais eu une once de communication avec elle auparavant.
-
Tu es vraiment hanté? Demanda-t-elle sans détour, et sans s'embarrasser de salutations.
Il grogna, doucement, l'espace d'une seconde, et coucha les oreilles avec irritation. Il arracha sa patte aux griffes de l'Autre, se reculant quelque peu. Il vit la créature, courir dans l'eau avant de disparaître, maintenant qu'il n'était plus penché sur l'eau.
-
En quelques sortes... Grinça-T-il à contre coeur, le regard tourné vers un buisson subitement devenu intéressant.
-
Je peux voir? S'enthousiasma la mauve, se rapprochant d'une démarche sautillante.
Le brun se crispa, secouant la tête, et s'empressa de reculer davantage en la voyant s'approcher. La femelle fit la moue, comprenant qu'elle n'obtiendrait certainement pas ce qu'elle désirait. Ses fesses heurtèrent le sol sans classe, alors qu'elle penchait la tête.
-
Bon. D'accord. Mais puisque je suis là, autant qu'on devienne amis, non? Comme ça un jour, tu me le montreras. Annonça-t-elle avec un naturel surprenant.
Lukhe ouvrit la gueule pour décliner cette invitation qui sonnait dans la bouche de la louve comme une obligation, mais la loupiote leva une patte pour le faire taire.
-
Tut. Ce n'était pas vraiment une question. Tu te souviens de mon nom, au moins? Devant le visage du mâle, elle leva les yeux au ciel avant de continuer:
Magnolia. Ce n'est pas si compliqué pourtant. Ah les mâles, tous les même...Elle avait mis tant de culot dans sa voix qu'il ne put s'empêcher de rire doucement. Elle lui avait forcé la patte, mais peut être pourraient-ils bien s'entendre...
Ils étaient toujours fourrés ensembles. Ce n'était pas plus mal, finalement. Lukhe n'osait guère la regarder dans les yeux, mais elle était loin de s'en offenser. Elle avait enfin satisfait sa curiosité en voyant le reflet étrange, mais alors que Lukhe pensait qu'elle allait partir, la louve violette resta à ses côtés, toujours aussi gaie, toujours aussi enthousiaste et bourrue.
Ils marchaient côte à côte le long de la rive, elle près de l'eau, lui longeant les herbes. Elle bondissait plus qu'elle ne marchait, un sourire large aux lèvres. Le mâle, pensif, regardait les herbes chatouiller ses pattes blanches. Sa mère avait été si heureuse de le voir se faire une amie telle qu'elle, mais il savait que secrètement, elle espérait qu'ils finiraient leurs jours ensemble. Cependant, cela n'arriverai jamais. Il le savait, et elle aussi. Disons qu'ils chassaient le même gibier, et Magnolia n'en manquait pas une pour se moquer gentiment de lui. "Eh, regarde moi ce beau mâle, t'en dis quoi Lulu?" Entre autre, chose qui le faisait doucement sourire.
-
Arrête de sauter, tu vas tomber... Soupira le brun, tout en suivant des yeux son amie.
Elle s'était mise en tête de traverser la rivière, sur des pierres, dansant sur une patte puis sur l'autre. Lui ne s'approchait pas. Il suivait simplement des yeux le trajet de la mauve, légèrement nerveux. C'était profond, sûrement froid, il préférait qu'elle ne tombe pas.
-
Et toi arrête de râler, il peut rien m'arriver! Se moqua Magnolia, en équilibre sur une pierre minuscule.
-
Tu parles... Il s'approcha finalement, lentement, s'asseyant au bord pour la regarder faire. Son reflet s'accrocha directement à sa patte, mais il n'y fit pas réellement attention. Il la regarda faire le pitre un bon moment, et du finalement admettre que ça n'avait pas l'air si dangereux que ça. Il ne sentit pas que l'Autre l'avait lâché. En revanche, il le comprit lorsque la femelle s'effondra dans l'eau en lâchant un cri de surprise retentissant.
-
Magnolia?! Il écarquilla les yeux, se relevant en un bond, le pelage hérissé. Il sondait l'eau de la rivière avec nervosité. Oh non... Il était tant en panique qu'il n'eût pas l'idée de reculer pour que son image se dissipe. Au contraire, alors qu'il la voyait se débattre sous l'eau, il plongea à son tour pour espérer l'aider. Le requin qui hantait ses eaux eut un rire si cruel qu'il sentit son sang se glacer, et sûrement pas à cause de la température de l'eau. La femelle remonta à la surface en toussant, se hissant sur une roche, la première qui passait à sa portée, le poil collé à la peau. Lukhe en revanche, ne remontait pas, et elle eut beau hurler son nom, elle n'eut aucune réponse.
Il se débattait avec l'énergie du désespoir. Il sentait sa gueule s'emplir d'eau, l'autre tirer sur ses poils, mordre ses pattes, essayant de passer au travers du pelage et de la peau. La panique faisait battre son coeur douloureusement, il sentait le sang gonfler ses veines et ses poumons le brûler. Pourtant... Il respirait. Il avait l'impression d'être sous l'eau, mais il respirait, à grand peine.
-
Je vais te manger, te manger, donne moi ton âme... Ton... Âme... Ronronnait l'Autre.
Il comprit avec effroi que la créature s'amusait de la situation. Ses mouvements doublèrent d'intensité. Il hurla de douleur en sentant des crocs puissant perforer sa peau, au dessus de ses omoplates. L'Autre poussa un son de joie qui lui irrita l'oreille.
-
Lâche moi!Il supplia, cria, se roula, frappa, mais rien n'y fit. Il était complètement à la merci de son reflet qui, cruel, le relâcha en gloussant, le dos voûté, les yeux écarquillés, noyés de sang.
-
Cours, cours petit lapin, le jeu ne sera que plus drôle... Lukhe ne se fit pas prier une seconde. Il se mît à courir, si vite, si désespérément qu'il s'en fit mal aux pattes. Encore une fois, cette impression de courir sous l'eau qui l'alourdissait. Les sons se déformaient, terrifiants, et il courait. Il ne savait guère où il allait. Mais il le sentait,
lui, qui filait derrière à une vitesse ahurissante, le frôlait. Pourtant le brun fonçait, forçait sur ses pattes, les oreilles plaquées aux crâne, le souffle court. Il vit une lumière droit devant lui. Alors il redoubla d'efforts, sentant ses griffes râper douloureusement le sol, l'eau, peut importe sur quoi il courrait. Il allait mourir... Il ne voulait pas mourir! Ses yeux s'agrandirent de frayeur. L'Autre se mît soudain à hurler, encore et encore. Le mâle se sentit perdre pied, entrant dans la lueur blanche. Il roula, violemment, heurtant le sol. Il eut un instant l'impression de s'être brisé les crocs en vue de la violence avec laquelle sa mâchoire s'était refermée en frappant le sol. Il haletait, étendu, ne parvenant plus à bouger. Son pelage était trempé, dégoulinait. Il sentait un soleil doux sur sa nuque. Du sang coulait au sol, le long de ses épaules. Une étrange fumée orangée s'échappait de la plaie. Il ne l'entendait plus. Il ne savait pas où il était. Il n'entendait pas son amie... Il perdit connaissance, tout simplement.
Lukhe n'en avait alors pas conscience, mais l'Autre avait commis une effroyable erreur. En l'emportant avec lui, dans sa dimension, il avait fait la faute de le relâcher. Luke s'était enfuis, et était parvenu à retourner dans le monde matériel. Le mauvais. Il avait posé les pattes dans un Clan encore étranger, sur une terre étrangère, dans un monde complètement different... Cette chance ne se reproduirait pas.
L'Autre, fulminant alors que son image se dissipait dans l'eau, fit la promesse de le dévorer sans aucune chance de salut, la prochaine fois qu'il en aurait l'occasion.
-
Tu penses qu'il est mort...?-
Tu as déjà vu un cadavre respirer?Il releva une oreille. Sa tête le lançait, son cou également, et il avait l'impression de peser le poids d'un sac de plomb. Il toussota l'espace de une seconde, ouvrant douloureusement les paupières, le regard embué. Il aurait pu être encore sous l'eau, il aurait certainement eu la même sensation. Mais en un sens, souffrir le réconfortait: il était vivant.
-
Il bouge!Cette fois ci, il grogna. Une petite voix, aigu, qu'il ne connaissait pas, et qui vrillait ses tympans... Il exagérait un peu, sûrement, mais il n'était guère d'humeur.
-
Oui je bouge, jusqu'à preuve du contraire... Souffla-t-il.
Il poussa bien fort sur ses pattes arrières, se relevant en chancelant. Devant lui, une loupiote. Il ne savait son nom, ne la connaissait ni d'Eve ni d'Adam, et l'adulte derrière elle le fixait comme s'il venait de découvrir un moucheron écrasé sous son coussinet.
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Que fais-tu par ici, étranger? Tu es sur nos terres.Lukhe contint un immense bâillement. Il était encore trempé, sentait le chien mouillé, et ne comprenait rien à ce que lui racontait l'inconnu. Ses terres? Leurs terres? Pourtant... Il eut soudainement une légère illumination et releva la tête, regardant autour de lui. Qu'est ce que...? Ça se confirmait. Cet endroit... Il ne le connaissait pas. Aucun brin d'herbe. Aucune fleur.
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À vrai dire... J'ignore même où je suis. Soupira-t-il, accablé par son impuissance.
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Oooh... Sur les terres du printemps! Du printemps! Glapissait la petite, avant que la patte de l'adulte ne lui ferme le museau.
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Du... Printemps...?Comment ça du printemps? Ils étaient siphonnés ces deux là. Terres du printemps. Pourquoi pas d'été, d'hiver ou d'automne tant qu'ils y étaient... Comme si une saison pouvait élire domicile quelque part. Lukhe les regarda avec un air perplexe, les oreilles couchées. Le mâle qui lui faisait face pencha légèrement la tête. Le brun se maudit un instant d'être petit en voyant le poitrail large face à lui, et se dit que le pelage en pétard, l'air d'être sorti d'une tornade, il devait avoir l'air ridicule.
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Tu es perdu, en quelques sortes... Gronda le mâle, lui faisant découvrir les crocs l'espace d'un instant.
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On le prends avec nous dit? On le prends?! Comme ça on sera tellement beaucoup que les automnaux ils vont mouriiiir! Couina la femelle, en se roulant presque par terre.
Peut être était-ce sa mine patibulaire, ou le fait que le Printemps battait son plein, mais les deux loups daignèrent l'emporter avec eux. Au sens propre, il eut l'impression d'être considéré comme un petit animal intéressant, surtout face aux gros yeux de la petite. Lui ne savait guère quoi faire. Il était perdu, avec des étrangers bizarres, sur un territoire qui puait la fleur... Et le loup. Il écarquilla les yeux. Ainsi donc... Oh oui. Des loups. Beaucoup. Partout. Qui le fixaient eux aussi comme une mouche. Il déglutit difficilement, rendu nerveux par toute cette attention pas forcément chaleureuse.
Au départ, il ne devait que rester quelques jours le temps de se remettre sur pattes. Myosa... Myo... Il apprit plus tard, enfin, qu'elle était Myosotis, bien que pas réellement enthousiaste, accepta qu'il puisse rester sur leurs terres. Le problème étant qu'il s'est si bien intégré, en quelques temps seulement, qu'il donnait l'impression d'avoir toujours vécu dans les environs. Les loups l'oublièrent, même si certains le toiseront toute sa vie. Il reste un étranger... Mais son petit pouvoir printanier s'est développé, à son grand bonheur. Les soupçons se sont dissipés, et il vit sa vie de moucheron retrouvé sous une patte, mais maintenant printanier.
➤ RP d'exemple :
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Je vais te manger, je vais te manger... Chantonnait une petite voix dans sa tête depuis qu'il avait posé les pattes sur la rive.
Lukhe lâcha un son d'agacement, et ses babines se relevèrent de quelques millimètres avant de retomber à leur place. Il ne servait à rien de s'énerver avec cette créature, il l'avait depuis bien longtemps compris. La seule fois où il avait tenté de lui clouer le bec, elle avait poussé un hurlement si tonitruant, si affreux, qu'il s'était promis de ne plus jamais essayer. Il évita de regarder l'eau, tandis qu'il traversait sur des pierres cette rivière où dansait son reflet.
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Regarde moi, je sais que tu en meurs d'envie... Regarde moi! Eh!
Il serra les dents, continua de bondir d'une pierre à l'autre en maudissant la largeur du cours d'eau. Il glissa un instant, son coussinet dérapant sur la roche lisse, et sa patte frappa l'eau. Il la retira précipitamment et senti des mains crochues effleurer ses poils. Comme un requin, l'autre s'était déjà jeté sur lui.
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Tu n'es pas drôle... Laisse moi te manger! Geignit l'Autre, dépité, tandis qu'il déboîtait sa mâchoire pour la replacer ensuite dans un craquement sonore.
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Mais tu vas la fermer, bon sang? Grogna le loup tout en ralentissant la cadence.
Il était si dur de se concentrer qu'il en aurait eu des sueurs froides. L'eau ne l'inquiétait pas, c'était le prédateur qui nageait dedans qui faisait monter l'angoisse au point de serrer son estomac. Rien ne l'aidait, et surtout pas les divers sons que poussait l'Autre en gémissant au désespoir. Il sentit une main se refermer à l'endroit où il se tenait une seconde auparavant. Ah. Tiens. Il devrait se dépêcher, la chose commençait à s'impatienter visiblement. Il se mît à bondir comme un faon, et compris aux sons qu'il entendait derrière lui qu'il ferait bien de conserver ce rythme effréné jusqu'au bout.
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Tombe! Tombe! Scandait l'Autre d'une voix de crécelle, rendu hystérique par ses échecs.
Lukhe sentit un instant un vertige, et retint un gémissement profond. Cela ne cesserait donc jamais. Il se reprit vite, à sa grande chance, et heurta enfin la berge de ses quatre pattes. Jamais il n'avait regardé l'eau. De nouveau, les hurlements catastrophés emplirent ses oreilles, et l'Autre lâcha des râles qui pouvaient s'apparenter à ceux d'un agonisant. Sa victoire ne viendrait pas aujourd'hui. Le petit loup brun s'approcha de l'eau. Une fois les coussinets bien à terre, sa peur diminuait un peu. Il pourrait toujours se dégager d'une manière ou d'une autre, alors que coincé au milieu des pierres, il suffisait à sa pire hantise de lui tirer une patte pour le faire tomber. Il se pencha calmement pour boire, la gorge devenue sèche.
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Enfin tu viens à moi! Tombe! Tombe! Ronronna l'être qui se collait au bord, à s'en écraser.
Le mâle manqua de s'étouffer en voyant des yeux exorbités à quelques millimètres de son museau. Il préféra fermer les siens. Il ne s'habituerai jamais à cela. Qui le pourrait? Voir ce genre d'image sans cesse. Il contint une grimace lorsque des serres se refermèrent sur sa patte droite, tirant de toutes leurs forces. Il ne broncha pas. Il n'était pas assez faible pour se laisser entraîner et s'arc bouda en retour pour parvenir à se dégager. Il avait fini de boire, maintenant il voulait récupérer sa patte. Il lutta cinq belles secondes, tirant, grognant, creusant des sillons dans la terre de ses pattes arrières. C'est que l'Autre était en forme, ce jour ci... Il tira plus fort, et parti violemment en arrière, s'effondrant sur le dos. Il resta un moment ainsi, attendant que le reflet se dissipe maintenant qu'il n'était plus là pour l'alimenter. Le silence revint, et un profond souffle de soulagement échappa à sa gueule entrouverte. Oh que non, il ne s'habituerai jamais...
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