Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

L'hiver ne partait jamais de ces lieux. C'était un des rares à ne pas partir de la saison froide. Pourtant quand le blizzard se calmait et que le vent tombait, c'était l'un des plus beaux panoramas de Four Seasons. De mémoire. Car ça faisait très longtemps que Shaman ne voyait plus les panoramas ou même ne les espérait plus. Il se contentait de les vivre avec ses autres sens, son odorat les faisant entrer en lui, sa peau les ressentant, ses oreilles les faisant vibrer. Mais ses yeux s'étaient à jamais éteints. Parfois, ils lui manquaient, ne serait ce que pour contempler autre chose que ce monde noir dans lequel seules les âmes se détachaient. Kyo lui disait, dans ses moments de tendresse, qu'il avait bien du courage de continuer à vivre en sachant le stade de vie de chacun. Le grand Libre Lune s'amusait à lui répondre que c'était vivre avec lui qui méritait du courage. Le fantôme se mettait alors en silencieux et boudait. Mais depuis quelques temps, Kyo n'était plus là. Il ne venait plus la nuit se lover contre ses dreads. Il ne venait plus le taquiner gentiment. Il ne venait tout simplement plus.

La raison était simple. L'amour. Autant de la part de Shaman que de la part de Kyo. Cela faisait quelques temps que le Libre Lune allait chercher du réconfort et de la douceur auprès d'un petit printanier dont le nom sonnait désormais doux à ses oreilles. Mais pour le préserver de la Guilde il n'y allait pas tout le temps, et encore moins régulièrement. Il lui rendait visite quand il passait sur les terres printanières. Ce n'était pas une passion dévorante comme il avait pu connaître. C'était un petit nid de chaleur qu'il logeait bien au fond de ses sentiments. Quelque chose d'agréable et doux. Quand à Kyo... Les premiers temps, Shaman avait fait celui qui ne savait pas, celui qui ne voyait pas. Mais c'était si évident. Et ça lui perçait le coeur. La chose la plus précieuse aux yeux de Shaman étaient ses enfants, et plus particulièrement sa fille, sa murmureuse de vie, sa Chevaucheuse de vent. Depuis sa naissance, Kyo la surveillait. Il l'avait vu devenir une enfant, une adolescente qui se cherche et désormais, une très jeune louve qui s'ouvrait à la vie. Quoi de plus normal les sentiments nés entre eux ? Mais les morts ne devraient pas interagir avec les vivants, et Shaman comprenait maintenant pourquoi il avait fait le choix de ne se servir de son pouvoir qu'à très faible dose. Les blessures qu'il avait inconsciemment infligé à son ex-amant et à sa fille étaient visibles dans ses yeux à lui.

°Tu es tout près Shaman, elle est en haut.° Oropher. Shaman fut tiré de ses réflexions par la voix d'Oropher qui résonna dans sa tête. Il se souvint pourquoi il était venu. Le blizzard s'était levé sur le plateau de la tour, temps idéal pour rester au refuge ou pour aller réfléchir comme l'ancien hivernal aimait le faire. Il était donc parti se promener, son pelage ne craignant pas le moins du monde le froid et ses pattes étant sûres et fortes pour résister à la tempête. Mais alors qu'il était seul, Oropher l'avait contacté. Son ami s'inquiétait, une âme était perdue dans le blizzard et il craignait qu'elle n'arrive pas à rentrer. Shaman était donc parti pour aller la retrouver. Le don d'Oropher était vraiment particulier et heureusement que l'infirme ne s'en servait qu'à bon escient. Ami... Ce mot ne faisait pas toujours sens pour Shaman qui avait très longtemps vécu seul. Mais Oropher lui était très cher et leurs longues conversations au creux de la nuit lui manquaient toujours. Oui, Oropher était un véritable ami. °Merci Shaman !° Shaman rigola. *Tu me remercieras quand je reviendrai. Si d'ici là je suis pas transformé en stalagmite par ta faute.*

Le vent était bien plus fort qu'à l'accoutumée. Ce n'était pas un simple blizzard, c'était une tempête de neige, assez dangereuse qui plus est. En effet, les bourrasques changeaient de direction sans prévenir et de façon totalement aléatoire à cause de la présence de la tour. Le givre et les flocon venaient couper les parties fragiles et le froid tétanisait les muscles. Il abaissa son bandana pour protéger son museau et garder un souffle chaud, que ses poumons ne prennent pas feu et il ouvrit les yeux. Sa lecture de l'environnement était erronée avec le vent, il ne pouvait se servir de ses oreilles aussi facilement. Son nez était sans utilité et le sol s'effaçait parfois sous ses pattes. Mais l'ancien hivernal avait l'instinct de sa saison de naissance et son pouvoir lui permettait de voir les âmes perdues ici. Une petite loupiotte vint lui dire bonjour, morte depuis très longtemps. Elle s'effaça pour lui montrer une crevasse et il l'évita avec soin. Puis il la vit. La lueur de la vie qu'il cherchait.

Elle était contre le mur, en haut de la crête. Il sauta en avant, se trouvant dans une partie des ruines qu'il n'appréciait pas à cause du manque de prise sur le sol. Un coup de vent passa, lui soufflant les hanches. Il planta ses griffes dans la fissure et y fit face, oreilles cachées dans les dreads. Puis il sauta contre la paroi et fini sa petite escalade, tirant sur ses vieux muscles. °Un jour tu te tueras à te croire toujours jeune.° *Et toi c'est étonnant que tu ne sois pas déjà poussière à te croire papy.* Il sentit une nouvelle fois l'esprit d'Oropher se retirer avec un léger rire. Il se mit à l'abri du vent et secoua la tête, chassant la neige. Il enleva son bandana et l'odeur de la louve lui parvint. Asha.

Il avait été là lorsqu'elle avait passé les épreuves, mais il était simplement chargé d'observer. Il s'était prononcé pour son passage au Puits de Lune lorsqu'on lui avait demandé. Mais dans sa mémoire, quand il pensait à Asha, c'était quelqu'un d'autre qu'il voyait. Il voyait un aîné, fort, juste et bon. Un confrère avec qui il avait aimé discuté et qui avait disparu à son retour. Un loup dont il avait appris le passé que trop tard, par le biais d'Oropher. Shaman avait été déçu. Il savait que les Libres Lunes n'étaient pas une meute, encore moins une famille. Mais que tous tournent le dos à Nacht de cette façon. Il avait refusé le Conseil mais plus personne n'avait jamais évoqué cette histoire. Le grand gris était content de savoir qu'Asha était encore en vie et pour le moment plutôt bien portante.

Il s'approcha, faisant cliqueter ses colliers et bracelets.

-"Bonjour Asha. Pour répondre à ta question, ici l'été n'arrive que très rarement."

Il lui offrit un sourire, ses yeux aveugles évitant de se poser sur elle. Il ne voulait pas savoir ce qu'il lui restait à vivre. Il y avait des moments, il était préférable de rester dans l'ignorance...