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Mais ne t'inquiètes pas : ils sont civilisés et ne te mordront pas au moindre mouvement ! (encore que...)
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A très bientôt !
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Enfance et Réminiscence [PV Aydahven]
L'Aveugle
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Mar 17 Nov 2015 - 20:58


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven





Au bord d'une falaise, se tenait une petite cabane, l'air piteuse. Ses murs dégradés et son toits branlants lui donnaient l'air d'une simple baraque, mais il s'y dégageait quelque chose de rassurant, de protecteur, comme les bras d'une mère.

Malgré sa cécité, l'Aveugle n'était pas insensible aux charmes du lieu. En s'en approchant, une forte odeur d'humidité se dégagea, et quelques planches craquèrent comme en signe de bienvenue. Le chien-loup s'arrêta aux portes des lieux, hésitant. Il avait déjà entendu parler de cet endroit, mais c'était la première fois qu'il s'en approchait. Il avait une curieuse impression, comme s'il s'apprêtait à fouler un lieu sacré, encore pur de toute présence canine. C'était pourtant faux, mais l'Aveugle avait l'intime conviction qu'aucun sang n'avait été versé ici...Ou alors, pas depuis très longtemps.

Le mâle gris renifla profondément. Cette odeur de renfermé lui rappelait de très anciens souvenirs d'humains, de vagues formes bipèdes qui se mouvaient derrière le rideau de son aveuglement. Mais elle lui rappelait également quelque chose de bien plus doux, de bien plus rassurant, de bien moins amer. Il ne pouvait pas mettre une griffe dessus, c'était bien trop lointain, mais cela lui faisait du bien de sentir ce souvenir rassurant dissimulé derrière les souvenirs de meurtres, de souffrances, et de haine.

"Je n'aurais pas cru avoir de tel souvenirs..." songea-t-il.

L'Aveugle entra finalement dans la maison. La pierre couverte de mousse lui chatouilla les coussinets et humidifia ses pattes. L'Aveugle fut pris d'un frisson, détestant sentir son pelage sale. Cependant, il resta immobile, écoutant et se laissant imprégner de l'atmosphère de l'ancien refuge.

"J'aime cet endroit..." songea-t-il. "Si j'avais été solitaire, j'y aurais établi ma tanière."

Il sourit. Un sourire sincère, différent de ses sourires cruels ou froids habituels. Pris de surprise devant ses propres émotions, l'Aveugle fit volte face et écouta les bruits des alentours afin d'être sûr que personne n'ose l'observer dans un moment si intime.

Une très discrète odeur de louveteau se faufila jusqu'à lui.

L'Aveugle se raidit tout entier. La fureur et la confusion qui l'avaient initialement saisies semblaient hésiter au vue de la jeunesse du loup probablement présent. Un louveteau ? Cela faisait belle lurette que l'Aveugle n'en avait pas vu. Il renifla avec hésitation. Il ne voulait pas être dérangé, mais malgré son caractère belliqueux, le chien-loup avait suffisamment d'honneur pour savoir que s'attaquer à un louveteau, même pour le faire fuir, était déplorable.

"Peut-être lui ferais-je peur, tout simplement..." espéra-t-il en son for intérieur.

Il fit glisser son regard aveugle sur les falaises qu'il ne pouvait pas voir, puis s'écria :

-Des falaises aussi pentues, c'est dangereux pour un louveteau...Non ?
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Mer 18 Nov 2015 - 1:46


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Il était déjà venu, et il connaissait le meilleur chemin à prendre pour éviter les sentinelles. Encore une fois, comme la première fois, et les autres fois d’après, il s’étonnait de pouvoir si facilement quitter son territoire sans que qui que ce soit ne s’en rende compte. En même temps, il était un printanier, alors pourquoi quelqu’un essaierait-il de lui chercher noise? Très honnêtement, il n’en avait rien à faire, tant qu’il pouvait se promener à sa guise. Il lui avait fallu avouer, à Sasayaki… Sa nounou-mâle était devenu beaucoup trop suspicieux et avait commencé à le faire surveiller, alors il avait avoué voir de temps en temps un guerrier du clan de l’été pour apprendre à se battre. Était-ce réellement mal? Le printanier aveugle avait insisté pour qu’il soit accompagné, mais il avait rapidement abandonné l’idée. Aydahven trouvait toujours le moyen de semer son « protecteur ».

Pour le réconforter, quand même, il avait promis de demander à Darios de venir le chercher à la frontière, quand ils avaient une leçon. Bien entendu, il l’avait fait, Darios avait accepté, Sasayaki était venu s’assurer quelques fois que son fils adoptif ne lui avait pas menti, et ce dernier en tirait maintenant profit. Car il avait dit aller rejoindre l’estival, mais au fond il s’en allait tout simplement seul, parce qu’il avait besoin d’un peu de solitude. Le guerrier à la queue de fer n’était pas là, sa nounou n’avait pas pris le temps de le faire suivre jusqu’à la frontière car il était occupé à donner un cours. Parfait. Il pouvait partir librement et vagabonder. Aujourd’hui, escalade, agilité, exploration. Il fouillerait la zone du mieux qu’il pouvait, ce serait son entraînement de la journée.

Il prit le temps de se demander si son vrai père allait accepter, quand la nounou lui dirait enfin. Il fallait dire qu’ils ne s’étaient pas vu depuis un bon moment, et la dernière fois qu’il avait vu son père, Sasayaki n’avait pas eu le temps de lui en parler. Le louveteau avait quand même peur que son père ne se fâche et le gronde… il était imposant, et… et Aydahven l’aimait. Il appréciait le petit instructeur, oui, mais de là l’aimer? Il ne pouvait pas vraiment en dire autant. Mais son père, oui, et il ne voulait pas que ce dernier s’inquiète. Et puis le grand aveugle faisait peur. Le louveteau ne pouvait pas le semer, ni se cacher, ni quoi que ce soit! Son géniteur savait toujours où il était, ce qu’il faisait et même ce qu’il pensait! Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il apprenne pour les excursions de son fils, et ce dernier allait en profiter autant qu’il le pouvait! De toute façon, aux falaises il n’y avait presque que des estivaux, et les estivaux étaient des alliés.

Arrivé sur les lieux il commença donc son exploration. Il n’était jamais monté en haut, en fait, et donc il décida que c’était ce qu’il ferait, point final! Tout de même prudemment, et en prenant le temps de chercher des sentiers pas trop risqués, il monta donc jusqu’en haut de la falaise. C’était intéressant, demandant physiquement, et il pouvait se défouler, écouler sa rage. La même rage que d’habitude. Le même désir de reconnaissance. Cette même haine envers le sort que lui faisait subir encore et encore sa sœur! Motivé, déterminé, il monta et monta sans même regarder en bas. Il se sentait bien quand il s’entraînait, quand il se dépensait, et aucune sensation n’était plus douce pour lui que le halètement et la fatigue musculaire après une séance intense physiquement. Il s’en donna donc à cœur joie sur ces pentes.

Au point où il en oublia même son désir d’exploration. Atteindre le sommet devint plus important que découvrir les lieux, et il se dit que de toute façon il pourrait le faire plus tard. Quand il arriva au sommet, donc, il s’allongea près du bord et pris le temps d’observer d’en haut, quelques minutes pour souffler. Il s’était trouvé en bas le jour de sa rencontre avec l’esprit de la guerre qu’incarnait Darios. Il pouvait voir l’endroit, même, de là. Le pauvre estival dont le métal chauffait à la chaleur et qui se baignait pour se refroidir… et Aydahven qui l’espionnait de l’ombre, dans son désir de solitude. Ce même désir qu’il avait ce jour-là et bien des jours en fait…

En se relevant, quand il eut assez récupéré, il s’éloigna du bord et commença à vagabonder un peu au hasard. L’exploration commençait! Et il se sentait excité par tout, curieux de découvrir quelque chose de nouveau. Il ne fallut pas trop longtemps (autant qu’on puisse dire qu’une heure n’est pas longue) pour trouver quelque chose qui lui était si nouveau qu’il se figea, incrédule. C’était une sorte de… de tanière? Elle était faite en bois, et elle était très, très bizarre. Attiré par sa découverte, il s’approcha, mais se figea de nouveau quand il vit du mouvement. Il y avait quelque chose à l’intérieur! Il renifla un peu les alentours. Estival. Un estival. Un allié. Détendu et confiant que ce qu’il allait trouver ne lui ferait pas de mal, il s’avança jusqu’au seuil.

Du moins essaya, car un loup sorti. Un loup gris qui avait un air sévère suffisant à faire s’arrêter et se pencher le louveteau, prêt à bondir. Mais il n’en fit rien. Le loup regarda autour de lui… passa son regard sur Aydahven, qui était pourtant bien à découvert, sans même sembler l’apercevoir. La suite confirma les pensées du petit quand il entendit la voix s’élever en un cri, comme s’il était loin!

« Des falaises aussi pentues, c’est dangereux pour un louveteau… non? »

Les oreilles du petit se rabaissèrent sur son crâne et il fit une grimace. Il avait ASSEZ côtoyé d’aveugles pour savoir que ce loup en était un! Ce qui expliquait qu’il n’ait pas pu le localiser avec ses yeux. Il savait aussi que de lui faire remarquer qu’il n’était pas si loin était inutile et ne pourrais que très certainement l’enrager. Il n’avait qu’à parler d’un ton calme et ce loup le localiserait et saurait qu’il était proche de lui. De toute façon, le printemps et l’été étaient alliés, alors il n’y avait de raison de se lancer des piques inutiles. Et puis ce n’était pas mérité, la méchanceté gratuite ce n’était pas le genre du petit. Il se contenta donc d’un haussement d’épaules et il déclara comme si c’était la chose la plus normale du monde :

« Pas plus que pour un aveugle. »

S’approchant un peu, il essaya de jeter un coup d’œil à l’intérieur de l’étrange tanière. Il ne parvenait pas à voir, parce que le corps gris de l’estival bloquait la porte. Sur un ton curieux, mais toujours calme, il se mis donc en quête d’agrandir son savoir.

« C’est quoi ce truc? C’est une tanière? J’en ai jamais vue des comme ça. À qui elle appartient? »

Certainement pas à l’aveugle. C’était un estival, et ils étaient en territoires neutres. En attendant la réponse à ses questions, il s’assit et plongea son regard direct dans celui de l’adulte. Il avait l’habitude du regard d’un aveugle, limite il trouvait ça réconfortant. Il émit un sourire, même s’il savait qu’il ne pourrait pas le voir. C’était dommage… Pour les rares fois que son visage trahissait une émotion! En fait… les seules fois qu’il était vraiment expressif, c’était toujours en présence d’aveugle, maintenant qu’il y pensait.

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Mer 18 Nov 2015 - 14:08


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven





L'Aveugle, à défaut de faire peur à l'enfant, s'attendait au moins à voir celui-ci le saluer. Cependant, aucun bruit le lui parvint dans un premier temps, puis une voix plutôt profonde et nonchalante pour un louveteau s'éleva, étonnamment proche.

-Pas plus que pour un aveugle .

Plus que ses paroles, ce fut la proximité du gamin qui l'étonna. Comment avait-il fait pour ne pas le sentir ? Il était là, à quelques mètres, sous son nez. Etait-ce l'odeur de louveteau à laquelle il n'était pas habituée, ou l'enfant était-il juste particulièrement discret ? Dans tous les cas, l'Aveugle se sentit vexé par sa méprise, et l'exclamation du nouveau venu n'avait rien de rassérénant.

Il se tendit, agacé, puis étudia rapidement de ses sens actifs le gamin. C'était un jeune printanier, probablement pas âgé de plus d'une année. Il avait l'air calme, posé, réfléchi, bien loin des boules d'énergie que sont habituellement les louveteaux. Son souffle était légèrement haletant, comme s'il avait peiné pour venir, ou tout simplement avait couru. Dans tous les cas, rien dans son odeur ou dans ses mouvements n'indiquait une quelconque peur, au contraire, le louveteau semblait détendu. La cécité de l'estival ne semblait en rien l'étonner, au contraire, il semblait même en être familier. Cela surprit davantage l'Aveugle. Le petit connaissait-il d'autres aveugles ? Il haussa intérieurement les épaules.

"Et même si c'était le cas, quelle importance ?" songea-t-il.

Il réprima alors violemment sa confusion et son incompréhensible espoir.

Le chien-loup eut une expression de déplaisir . Il n'avait pas envie d'être dérangé par un mioche se pensant plus malin que lui, et jouant avec sa cécité. Dans un coin de sa tête, il se dit que même si le Printemps était allié à l'Eté, ils n'en restaient pas moins deux clans différents, et un conflit serait si vite arrivé...

"C'est un enfant, voyons !" se sermonna-t-il. "Seuls les lâches attaquent les enfants..."

Pendant que l'Aveugle réfléchissait d'un air glacial, le petit printanier s'approcha de lui. L'Aveugle se raidit davantage, ignorant comment réagir. Il n'aimait pas la proximité du gamin, qui le rendait mal à l'aise. Il se sentait prisonnier de son honneur l'empêchant de faire quoique ce soit au petit, mais il refusait également que celui-ci vienne le déranger dans son intimité.

-Même si je suis aveugle, je n'en reste pas moins un adulte ! répliqua finalement l'Aveugle. Personne ne me recherchera s'il m'arrive malheur, contrairement à toi gamin.

Son ton était agressif, mais différemment de son ton glacial habituel, bien plus retenu. Mais à peine avait-il achevé sa phrase que déjà l'autre continuait :

-C'est quoi ce truc ? C'est une tanière ? J'en ai jamais vu des comme ça. A qui elle appartient ?

L'Aveugle comprit dans le ton du printanier que celui-ci était intrigué par la cabane. Il s'écarta légèrement et se tourna à nouveau vers le bâtiment. A nouveau, l'atmosphère des lieux le frappa, mais cette fois, elle fut accompagnée de l'image d'un humain d'autrefois.

-Ce truc...? répéta-t-il entre ses dents.

Il fronça le museau et son regard s'enflamma. Une rage ancienne, le pus encore présent d'une plaie profonde, jaillit de son cœur. D'un ton sombre, il répondit :

-Avant, cet endroit appartenait aux humains, des êtres mauvais, perfides et cruels. De eux, il ne reste que ces tanières délabrées, juste des carcasses de leurs passés, encore suintantes de leur noire présence.

L'Aveugle avait l'impression que chacun de ses mots ravivaient sa haine d'antan, liée à sa propre enfance. Il revit derrière le rideau obscur de son regard l'image d'un homme habillé tout en blanc, s'approchant de lui en le regardant droit dans les yeux, puis la douleur teinta le souvenir. Aucune couleur n'avait plus percé les yeux de l'Aveugle, le si bien nommé, depuis lors. Il s'ébroua pour chasser ces mauvais souvenirs, et s'obligea à reprendre son masque inexpressif habituel. Sa rage recula doucement. L'Aveugle jeta alors son regard mort sur l'enfant, espérant qu'il n'aurait pas trop remarqué l'amertume de ses propos précédents. Il songea alors que le louveteau serait sans doute trop intrigué par la cabane que par ses paroles, et d'un air indifférent lâcha alors au louveteau :

-Elle n'est plus habitée, désormais. Cependant, je te déconseille de t'y aventurer. Cet endroit est vieux, il pourrait très bien s'écrouler sur toi...

L'Aveugle songea que si cela arrivait, il ne serait même pas responsable, mais son odeur sur les lieux ferait de lui le parfait coupable. Quelle ironie se serait ! Enfin, pour le moment tout allait bien, mais le chien-loup ne voulait pas prendre le risque d'être accusé du meurtre d'un gosse. Un minimum d'honneur, voyons !
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Jeu 19 Nov 2015 - 16:18


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Bien qu’il eut entendu le commentaire de son interlocuteur aveugle, il l’ignora. L’adulte était un adulte. Bah… euh… oui, il l’avait remarqué. Et alors, ça changeait quoi? Parce qu’il était un adulte, il était automatiquement moins en danger? Moins empoter? Moins peu-importe-quoi? Ce n’avait pas de lien, l’âge, le fait d’être aveugle le mettait quand même à risque! La fin de la déclaration laissait le petit un peu confus, par contre. « Personne ne me cherchera, moi, alors que toi si. » C’était une menace? Ça avait un peu le ton d’une menace, en fait… Mais il préféra l’ignorer. C’était peut-être une façon de prouver son point? Un truc du style : oui je suis à risque mais ce n’est pas grave parce que je ne manquerai à personne, alors que toi si tu te tues ça aura des conséquences? Eh bah, si c’était de l’auto apitoiement, jamais Aydahven n’en avait entendu d’aussi étrange! Un ou l’autre, il se dit que le mieux était d’éviter le sujet, et donc poser ses questions avait été sa façon de réorienter la discussion.

Alors que le gris s’écartait, donc, le bleu nuit s’avança pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. L’odeur… l’odeur était très désagréable. Ça sentait moisi! Et poussiéreux. Il éternua en arrivant sur le seuil, qu’il ne franchit pas. Il pouvait pas mal tout voir de là, et si c’était très étrange et qu’il ne comprenait pas du tout à quoi pouvait bien servir tout ce qu’il voyait, il doutait fort que de les toucher n’augmente sa compréhension, vu l’état des lieux. Après tout, il n’était pas aveugle. L’ironie et la méchanceté de sa propre réflexion le fit figer toute activité mentale d’exploration pour se concentrer là-dessus. Une bonne chance qu’il n’ait pas dit ça à voix haute! L’aveugle semblait déjà assez gonflé à bloc, d’ailleurs. Sa voix exprimait la haine, le dégoût, le mépris, toutes sortes d’émotions négatives. Des humains? C’était quoi ça ce truc? Un animal? Ça y ressemblait, de la façon qu’il en parlait. Et ce lieu avait l’air maléfique. Pourquoi alors y était-il? Pourquoi avait-il été à l’intérieur?

Surtout que la suite des propos n’aidait pas du tout le petit à comprendre ce que l’adulte avait bien pu faire dans cette étrange tanière! Il lui disait carrément que le tout allait s’écrouler sur lui s’il y entrait! De toute façon, Ayd’ le voyait bien, ça! Mais l’aveugle ne pouvait pas voir… était-il entré pour s’assurer que l’endroit soit sécuritaire, pour ensuite ressortir en comprenant que non? Ça ressemblait pas mal à ça. Il semblait aussi y avoir plein de mauvais souvenir relié à ces… humains… alors le louveteau décida de ne pas commencer à enquêter sur qui ils pouvaient bien être. Il n’était quand même pas stupide. Il garda aussi un ton calme pour ne pas le mettre encore plus en colère. Il ne lui voulait aucun mal et il voulait que le grand gris le comprenne. En se reculant, il dit donc simplement :

« Je n’y entrerai pas, dans ce cas. De toute façon je doute de pouvoir apprendre grand-chose, tant les objets à l’intérieur sont abimés. »

Il se mit ensuite à réfléchir pour trouver un sujet qui pourrait un peu désamorcer l’humeur de l’estival. Parce que franchement, avoir un loup grognon qui crie pour aucune raison, ce n’était pas vraiment plaisant. Il ne craignait pas qu’on lui fasse de mal, mais quand même, il ne voulait pas pousser sa chance non plus.

« Mes deux papas sont aveugles, eux aussi, et j’ai appris à ne pas remettre en question leurs découvertes. Ils semblent toujours « voir » plus de choses que je n’en suis capable avec mes yeux. Je me demande comment ils font… »

Il avait parlé de Shaman et Sasayaki pour deux raisons. La première, tenter de rassurer l’estival quant à sa compréhension de son état. Il ne désirait pas l’insulter, pour lui c’était simplement normal de parler avec un aveugle. Enfin, la deuxième, c’était pour « calmer sa rage » en lui donnant raison. Lui montrer qu’il se soumettait, et ne désirait pas l’affronter. Et puis qui sait, s’il pouvait lui parler de comment ils faisaient, tous ces aveugles, pour en savoir autant, ce serait instructif.

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Ven 20 Nov 2015 - 17:17


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




Comme l'Aveugle s'y attendait, l'enfant semblait plus intrigué par la cabane que par ses propos emplis de haine.  En effet, le louveteau s'approcha du refuge puis sembla observer l'intérieur, sans répondre ou réagir aux propos de l'adulte. Il éternua, puis après un court instant finit par reculer, peu enchanté. L'Aveugle l'avait écouté faire avec attention. Il ne nota aucun changement de comportement chez le louveteau. Celui-ci était très calme, très posé, comme à son arrivée, et ne témoignait aucune peur envers le chien-loup. Ce dernier ne put s'empêcher d'en être surpris. En effet, il aurait pu croire que les menaces sous-jacentes de ses propos, ou encore sa posture imposante, auraient pu faire peur au printanier, mais au contraire, celui-ci semblait rester confiant. L'Aveugle se demanda si c'était parce qu'il était jeune, mais il songea qu'il avait rarement vu un louveteau aussi réfléchi, aussi placide. Bon, certes, il n'avait pas non plus rencontré un grand nombre de louveteaux, mais il avait souvenir toutefois qu'ils étaient sensés être irréfléchis et extrêmement vifs.

Ou alors...Le louveteau était-il simplement innocent ? L'Aveugle avait du mal avec cette notion. Lui aussi avait été un enfant, autrefois, mais il était déjà destiné à être une bête de massacre. Il n'avait pas connu son père, avait entrevu sa mère, puis avait été formé à tuer. Il n'avait, en somme, jamais été véritablement innocent. C'est pourquoi voir dans cette boule de poil un être qu'il n'avait jamais été le dérangeait autant que cela l'adoucissait.

Soudain, le printanier déclara :

-Je n'y entrerai pas, dans ce cas. De toute façon, je doute de pouvoir apprendre grand chose, tant les objets à l'intérieur sont abîmés.

Il avait pris un ton qui sembla à l'Aveugle plus doux, un peu moins sec que précédemment. L'Aveugle se détendit et eut un infime sourire. Bien. Au moins, l'enfant n'était pas imprudent et écoutait ses conseils. Ce n'était donc pas un simple insolent, comme le chien-loup l'avait pensé dans un premier temps.

Le louveteau ajouta :

-Mes deux papas sont aveugles, eux aussi, et j'ai appris à ne pas remettre en question leurs découvertes. Ils semblent toujours "voir" plus de chose que je n'en suis capable avec mes yeux. Je me demande comment ils font...

Il avait un ton tout aussi doux, quoique pensif.

L'Aveugle arqua un sourcil. Il était satisfait de voir le printanier faire preuve de clairvoyance, mais il tiquait sur ses paroles pour deux raisons. La première était les mots "Mes deux papas aveugles." Le chien-loup ne s'était donc pas trompé, le petit avait déjà connaissance d'aveugles, mais il n'aurait jamais soupçonné que ces aveugles en question étaient ses pères. Le petit loup était-il également aveugle, ou simplement malvoyant ? Non, probablement pas, l'Aveugle l'aurait perçu, et cela n'était pas cohérent en vue de ses paroles. Il se sentait confus de savoir que d'autres loups partageaient comme lui sa malédiction. Il eut envie de lui demander où ils se trouvaient, mais se ravisa. Cela n'avait pas d'intérêt, que leur dirait-il ? Qu'il était lui aussi aveugle ? Qu'il partageait  leurs souffrances ? Ce serait non seulement faux, mais également pathétique : l'Aveugle était depuis bien longtemps habitué à sa cécité, et ne la considérait plus comme une souffrance, plutôt comme une partie de lui.

La deuxième raison était la façon dont le louveteau avait dit cette phrase. On avait l'impression qu'il regrettait de posséder la vue. L'Aveugle fronça le museau, irrité. Comment, en possédant deux yeux parfaitement fonctionnels, pouvait-on implicitement dire que voir sans yeux était préférable à voir avec ? Surtout lorsque ses parents sont aveugles ! C'était froissant, humiliant pour le chien-loup.

Cette fois, il refusait de mettre cela sur le coup de l'innocence, malgré toute la bienveillance apparente du louveteau.

L'Aveugle siffla alors :

-Tu ignores ce que tu dis. "Voir" sans ses yeux, ça s'apprend, c'est la conséquence directe d'une malédiction. C'est vrai, je pourrais dire avec certitude si tu mens ou pas en faisant attention à tes battements de cœur, là où les loups bien-voyants n'entendraient rien. C'est vrai, je peux sentir dans l'odeur des loups leurs sentiments, et leurs pensées inavouées. Cependant, je ne pourrais jamais m'extasier devant un paysage, je ne pourrais jamais observer à nouveau les couleurs. Si tu me regarde en me souriant actuellement, je n'ai aucun moyen de le savoir. J'ignore la couleur de tes yeux, celle de ton pelage, et à vrai dire, j'ignore à quoi je ressemble moi-même.

Il ajouta, amer :

-Les aveugles sont capables de choses incroyables grâce à leur cécité, mais n'oublie pas qu'à cause d'elle, ils sont privés de nombreux bienfaits.

Il se tut, assombri. Une pointe de regret, qu'il n'avait pas ressentie depuis belles lurettes, venait soudainement le titiller. Il se demanda à quoi il ressemblait, à présent. Il avait une vague idée de sa propre couleur, le gris, mais elle se mêlait à présent à l'obscurité de sa vision. Serait-il seulement capable à présent de différencier le gris du blanc, le bleu du rouge, comme il avait pu le faire il y a bien, bien longtemps ? Souvent, l'Aveugle songeait que c'était ça, le pire fardeau de sa cécité :

Avoir été capable de voir un jour.
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Sam 21 Nov 2015 - 2:17


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Il vit la tension se propager dans le corps de l’aveugle. Qu’avait-il dit qui soit mal? Était-ce la question cachée de ses propos qui le rendait ainsi? Le petit était curieux, et il se demandait comment ses papas faisaient pour toujours savoir ce qu’il y avait autour. Bien entendu il aurait pu leur en parler tout simplement, mais pour être tout à fait honnête il n’osait pas, pour ne pas se faire sermonner. Et il avait l’impression qu’un sermon s’en venait. Sasayaki se raidissait d’une façon similaire quand il voulait les gronder. En général, le petit n’écoutait pas et se contentait de ruminer dans son coin en attendant que ce soit fini, mais cette fois il n’osa pas. Il garda plutôt son regard où brillait l’agacement dans celui de l’aveugle, et il attendit que le sermon injustifié (parce qu’il serait très certainement injustifié!) ne vienne.

« Tu ignores ce que tu dis. "Voir" sans ses yeux, ça s'apprend, c'est la conséquence directe d'une malédiction. C'est vrai, je pourrais dire avec certitude si tu mens ou pas en faisant attention à tes battements de cœur, là où les loups bien-voyants n'entendraient rien. C'est vrai, je peux sentir dans l'odeur des loups leurs sentiments, et leurs pensées inavouées. Cependant, je ne pourrais jamais m'extasier devant un paysage, je ne pourrais jamais observer à nouveau les couleurs. Si tu me regarde en me souriant actuellement, je n'ai aucun moyen de le savoir. J'ignore la couleur de tes yeux, celle de ton pelage, et à vrai dire, j'ignore à quoi je ressemble moi-même. »

En plein ce qu’il pensait! Injustifié! Il n’avait jamais dit vouloir être aveugle! Il était juste curieux! Il voulait juste savoir comment ils font! Il voulait juste comprendre! Il n’était quand même pas stupide! Il savait très bien ce dont les aveugles sont capable ou pas, d’ailleurs! IL NE COMPRENAIT SIMPLEMENT PAS COMMENT! Il avait juste demandé COMMENT! Pourquoi il fallait toujours que tout le monde paranoïe et invente des choses qu’il n’avait MÊME PAS DITES!? Sur le coup, il était bien content que le gris ne le voit pas, parce que là il commençait à être en colère! Et si physiquement il était encore parfaitement calme, il savait très bien que la lueur dans ses yeux le trahissait.

« Les aveugles sont capables de choses incroyables grâce à leur cécité, mais n'oublie pas qu'à cause d'elle, ils sont privés de nombreux bienfaits. »

Parce qu’en plus il le croyait stupide au point de devoir répéter? OK! Ayd’ était un louveteau! Mais ça ne voulait pas dire non plus qu’il était débile! Ou méchant! Cet aveugle ne le connaissait peut-être pas, mais il sautait beaucoup trop vite aux conclusions. D’ailleurs le petit ne masqua pas le froid de la colère dans sa voix quand il prit la parole. Cette colère calme, qu’il avait, elle glaçait le sang de la plupart des autres louveteaux, ils se mettaient à pleurer… mais là c’était un adulte, alors il ne fit même pas l’effort d’essayer de se contrôler.

« Est-ce que j’ai dit que je t’enviais!? Je suis pas con, quand même! J’ai deux papas aveugles, je le sais bien que ça a des mauvais côtés! Mon activité préférée avec mon père, c’est de lui décrire des choses dans les moindres détails jusqu’à ce qu’il soit capable de se l’imaginer! Et j’essaie avec ma nounou-mâle-d’aveugle-de-naissance aussi, même s’il comprend rien! J’ai JAMAIS dit que je voulais perdre la vue! J’ai juste dit que je me demandais comment vous faite! « COMMENT VOUS FAITES »! Pas « qu’est-ce que ça fait »! »

Il n’avait pas crié, même si son ton avait monté, et il respirait un peu plus fort. Il savait bien que ce n’était pas une bonne idée de se mettre en colère contre un adulte. Les adultes ils pensent qu’ils ont toujours raison, et si on se met en colère contre eux, ils nous punissent! Mais eux, ils ont le droit d’être en colère autant qu’ils veulent contre les petits. CE N’ÉTAIT PAS JUSTE! Et Aydahven n’en avait rien à cirer que cet adulte là il soit aveugle. Les aveugles ils sont comme tout le monde! Et on a pas à les traiter différemment juste parce qu’ils voient pas! Et en ce moment, le petit débordait de colère. D’ailleurs, sa dernière phrase il la lança en criant.

« JE TE LES PRÊTERAIS MOI MES YEUX SI JE LE POUVAIS! »

Il n’y avait pas vraiment de lien, mais il avait eu besoin de le dire. Parce que c’était injuste. Injuste que cet aveugle pense qu’il ne compatissait pas à son sort. Il le faisait! Il ne l’enviait pas et il l’aurait aidé s’il avait pu! Mais il ne pouvait pas! Restant immobile, mais tremblant tout de même légèrement, il laissa l’écho de sa voix disparaître, puis ce fut trop, et il se mit à pleurer. Pleurer de rage et d’impuissance. Ce ne fut que deux larmes, une dans chaque œil, mais il pleura. Il n’avait jamais pleuré avant, c’était la première fois, et il se sentait confus. Il toucha même sa joue pour en sentir l’humidité laissée par l’unique larme qui l’avait traversée.

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Sam 21 Nov 2015 - 20:17

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Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




Pendant son sermon, l'Aveugle avait senti le louveteau se tendre et les fibres de son corps s'embraser. La posture de l'enfant témoigna d'abord d'un agacement profond, puis d'une impuissance grandissante. Impuissance ou colère ? Difficile à dire.  Ca ressemblait à une colère froide, puissante d'avoir murie, une accumulation de différentes irritations. Lorsqu'il eut fini ses derniers mots, le chien-loup put sentir le printanier atteindre un point de rupture.

-Est-ce que j’ai dit que je t’enviais!? Je suis pas con, quand même! J’ai deux papas aveugles, je le sais bien que ça a des mauvais côtés! Mon activité préférée avec mon père, c’est de lui décrire des choses dans les moindres détails jusqu’à ce qu’il soit capable de se l’imaginer! Et j’essaie avec ma nounou-mâle-d’aveugle-de-naissance aussi, même s’il comprend rien! J’ai JAMAIS dit que je voulais perdre la vue! J’ai juste dit que je me demandais comment vous faite! « COMMENT VOUS FAITES »! Pas « qu’est-ce que ça fait »!

Il n'avait même pas crié, mais son ton s'était haussé et chargé d'une colère glaciale. L'Aveugle l'écouta faire, bouche bée. S'il avait été question d'un adulte, il aurait probablement été agacé par ce brusque haussement de ton, et son instinct belliqueux aurait rugi, mais là...C'était juste un gosse dont il était question, un gosse qui lui reprochait - avec surement raison - d'aller trop vite aux conclusions et de détourner ses propos. Pourtant, d'ordinaire, le mâle gris était plutôt clairvoyant, mais en présence du louveteau, il avait du mal à réagir de manière correcte et juste.

Confus, l'Aveugle ferma la gueule comme un enfant pris en faute. Quelle ironie ! Il se faisait sermonner par un louveteau et s'en sentait fautif.

Le printanier cria soudain, toujours plein de colère et de frustration :

-JE TE LES PRÊTERAIS MOI MES YEUX SI JE LE POUVAIS!

Cette fois, il ne s'était pas contenté de hausser le ton. Tout son être avait hurlé l'injustice dont il se sentait teint. L'Aveugle fronça les sourcils. Il avait senti un léger tremblement dans la voix du petit, quelque chose qu'il n'avait pas ressenti d'ici là. Le louveteau avait pour l'instant toujours été calme et maitre de lui, mais là, il semblait ne plus pouvoir se contenir. Ses mots étaient emplis d'une force incroyable, qui toucha le chien-loup droit au cœur.

L'Aveugle écouta alors attentivement le petit, et il le sentit trembler doucement. Une expression d'incompréhension et de confusion s'afficha alors sur son visage, une expression qu'il avait rarement. Est-ce qu'il...Pleurait ? Non, impossible, le chien-loup ne l'entendait pas renifler. Pourtant, une furtive odeur de larmes lui parvint, tellement fine qu'elle était presque inexistante.

L'Aveugle garda le silence. Que pouvait-il dire ? Il n'en avait pas la moindre idée. Il savait pertinemment comment faire souffrir un loup, il savait avec certitude comment tuer de manière rapide et efficace, mais réconforter un louveteau ? Il n'avait jamais été dans cette situation. Il était un reclus, tout le monde l'évitait, à commencer par les enfants. Il ignorait comment se comporter avec eux, et c'était source de confusion pour lui.

Néanmoins, il pouvait comprendre les raisons de pleurer du louveteau. Ce n'était pas des larmes de chagrin, mais réellement d'impuissance et de rage. Ces larmes, l'Aveugle les avait provoquées sans même avoir fait couler le sang. Ces larmes, l'Aveugle se souvenait les avoir senti le long de ses joues, il y a bien longtemps. Il connaissait ces sentiments. Il connaissait leur amertume.

Une émotion étrange s'épanouit alors dans sa poitrine. Maladroitement, l'Aveugle s'approcha du louveteau, et dans un souffle apaisant il murmura :

-Je...Je suis désolé. Je n'avais pas compris le sens de tes paroles.

Il hésita. Son regard aveugle brillait d'une myriade d'émotions contradictoires. Il sourit toutefois, d'un sourire hésitant et timide de sa rareté. Jamais encore l'Aveugle n'avait eu un tel sourire, et sur son visage balafré, il avait l'apparence d'un nouveau né.

-Garde tes yeux, petit. Ne t'inquiète pas pour moi, j'ai...j'ai l'habitude tu sais...Tu es quelqu'un de bien, et...Et de bien plus clairvoyant que je ne le serais jamais.

Il respira profondément. Ses paroles roulaient sur sa langue avec un goût étranger, un goût que curieusement il appréciait. Elles n'avaient pas l'amertume de la méchanceté ou le piment de l'ironie.

Elles étaient douces.

Un mot étrange dévala alors sa gorge. L'Aveugle, doucement, très doucement, d'un geste hésitant, tendit la tête vers le louveteau, et murmura :

-Merci...

Et il lui donna un minuscule coup de museau, un geste anodin pour certains, mais c'était l'acte le plus affectueux que l'Aveugle avait réalisé depuis fort, fort longtemps.

Et alors...

Alors il se passa quelque chose.

Quelque chose de flou vibra juste derrière le rideau d'obscurité de son regard. Quelque chose de flou, qui n'était pas...Noir. Quelque chose qui n'était pas fait de ténèbres.

L'Aveugle entendit les sons autour de lui diminuer, et les odeurs devenir moins intenses...Il perdit ses repères, seul, devant la tâche floue de son regard. Terrifié, il aurait voulu crier, mais il ne cria pas. La tâche floue...Pourquoi...Pourquoi était-elle si familière...Pourquoi était-elle si belle ?

Immobile, l'Aveugle observa la tâche s'étendre, se modifier, prendre de l'ampleur. Les sons devinrent de plus en plus étouffés, mais la tâche, elle, devint plus claire.

Et alors...

Et alors...

L'Aveugle vit.

Comme un dessin d'enfant, tout était brouillon. Les couleurs, les magnifiques couleurs, si ternes pour un loup lambda, mais si chatoyantes pour lui, semblaient instables tant elles étaient volatiles dans les souvenirs de l'Aveugle. Elles dansaient autour de lui, pleines de promesses et de douceur. Elles lui faisaient mal, tant elles lui avaient été longtemps étrangères, et pourtant, pourtant cette douleur lui faisait du bien.

Il vit des silhouettes immenses autour de lui, de deux couleurs différentes. Après les avoir longuement observées, l'Aveugle eut un éclat de souvenir qui le traversa. Des arbres. Il y avait des arbres, autour de lui. Avaient-ils toujours été ainsi ? Si grands ? Si verts ? Et la terre ! Cette couleur sombre décorée de quelques brins d'herbes lumineux, avait-elle toujours été si belle ? Son odeur était si âcre en comparaison...

Emerveillé, l'Aveugle regarda autour de lui. Là-bas, il vit le sol étinceler. Le soleil se reflétait sur lui. Le soleil !? Il lui faisait mal. Pourquoi était-il si lumineux ? Rien n'était lumineux d'habitude. Tout était noir...Si noir...

L'Aveugle se dirigea vers la surface étincelante. Il marchait d'une manière calme et souple, un pas qui n'était pas le sien mais qu'il ressentait tel quel. Les odeurs et les sons étaient toujours autant étouffés.

Arrivé près de la surface étincelante, l'Aveugle s'assit. Il observa pensivement les lieux. Pourquoi...Pourquoi ressentait-il le fait d'observer le paysage si...Si normal ? Pourquoi ne s'en inquiétait-il pas...?

Nihima... Nihima ? Qui était Nihima...? Ah oui ! Sa sœur ! Non, son frère...Les deux ? Il avait une sœur...? Oui...C'est vrai...Une sœur...

Il était triste. Nihima l'avait encore battu puis s'était moquée de lui. Il était venu ici pour s'apaiser. Observer le lac lui faisait du bien. Oui...C'était un lac...Cette immense surface étincelante parsemée de feuilles tombées, c'était de l'eau. L'odeur était si faible contrairement à d'habitude...Non, elle était normale en fait. Apaisante. Douce. En accord avec ce que lui offrait sa vision. Etrange qu'elle le rassérène alors qu'il n'aime pas l'eau.

L'Aveugle respira profondément, essayant de se calmer. Le ciel était d'une couleur pâle, peu en accord avec ses sentiments. Cette couleur...C'était...Du bleu...Non ? Oui...Il appelait cela du bleu lorsqu'il était bébé. Une couleur plus douce que le rouge...Ou alors était-ce du jaune...? Les couleurs changeaient sous le regard de l'Aveugle, sans perdre leur harmonie, mais il ne s'en étonnait pas. Il était juste triste.

Etrange.

Un bruit de pas derrière lui, accompagné d'une odeur familière, lui parvint. Il ne se retourna pas. Son odorat amoindri identifia l'odeur, mais aucun nom ne lui vint en mémoire.

"Tu es toujours triste, quand je te trouve ici. Qu'est-ce qu'il y a cette fois ?"

La voix était chaude et grave. C'était une voix qui lui donnait confiance, une voix rassurante, sur laquelle flottait un nom que l'Aveugle ne reconnaissait pas. Toujours le regard fixé sur le "lac", il sentit alors le corps d'un loup se poser contre le sien, puis une patte rassurante se refermer sur lui. Elle sentait bon. Elle était chaude. Le poil lui caressait doucement le pelage, si familier.

"Shaman..." lui murmura une voix dans sa tête, comme en réponse à l'identité du loup.

L'Aveugle se retourna et fixa le loup. Ses yeux le brûlèrent. Trop de détails. Trop de choses oubliées. Il ne distinguait du loup que son immense masse...Blanche...Noire...Les deux...C'était très brouillon, sans harmonie. Mais deux perles l'observaient, sur ce qui devait être sa tête, la tête d'un loup. C'était deux perles  noires et blanches, emplies de sentiments positifs que l'Aveugle ne reconnaissait pas. Il ne les avait jamais vu auparavant...Il ne pouvait pas les nommer, pourtant, ils lui étaient familiers.

"Rien..." souffla alors l'Aveugle d'un ton peu convaincu.

Il se blottit alors contre le loup. Il était chaud. L'Aveugle pouvait sentir son petit corps s'aligner contre celui immense du loup. Il se détendit. Il était en sécurité, et il le savait. Contre cette masse, rien ne pourrait jamais lui arriver. Jamais.

Le loup, sans rien ajouter, lui lécha alors la joue, puis reposa sa tête sur celle de l'Aveugle. Celui-ci se sentait bien. Il n'avait jamais été aussi bien. Il ne s'était jamais senti autant aimé.

Doucement, l'Aveugle leva les yeux vers le ciel. Là, dans cette couleur infinie qu'il ne reconnaissait toujours pas bien, il vit passer des masses d'une autre couleur. Etaient-ce des loups ? Il aimait les voir passer. C'était apaisant.

Si...

...Apaisant.


...

L'Aveugle suffoquait. Tous ces sentiments, toutes ces sensations qui n'étaient pas les siennes...Et surtout...

Ces couleurs...

Ces formes...

L'Aveugle n'avait pas bougé. Il était toujours près du louveteau. Pourtant, il s'était figé, et dans les ténèbres si noires, si épaisses de son esprit et de sa vision, un souvenir l'avait traversé.

Un souvenir qui n'était pas le sien.
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Dim 22 Nov 2015 - 15:40


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


« Je… Je suis désolé. Je n’avais pas compris le sens de tes paroles. »

Le louveteau sursauta. Il s’était tellement perdu dans ses pensées qu’il avait oublié, l’espace d’un instant, la présence du loup gris. En plus, ces paroles ne l’aidait pas vraiment. Il savait bien qu’il n’avait pas compris comme il faut! L’admettre c’était le minimum! De toute façon c’est de pas de ça qu’il avait besoin. C’était de réconfort. Parce que c’était tellement injuste! Tout étaitsi injuste! Pourquoi il pouvait jamais rien faire? Pourquoi il devait toujours être celui qui perd? Pourquoi il devait TOUJOURS être impuissant? C’était tellement injuste! INJUSTE! Le sourire, cependant le calma. Le sourire de quelqu’un qui sourit jamais. Un sourire maladroit, comme celui de Shaman au début. Mais un sourire. C’était mieux que rien…

« Gardes tes yeux, petit. Ne t'inquiète pas pour moi, j'ai...j'ai l'habitude tu sais...Tu es quelqu'un de bien, et...Et de bien plus clairvoyant que je ne le serais jamais. »

Cette dernière affirmation était clairement un mensonge. Il fallait pas non plus être ridicule… Ayd’ n’était qu’un louveteau, il le savait bien. Mais cet aveugle mentait pour lui remonter le moral. C’était l’intention qui était la plus importante, non…? De toute façon, le printanier le savait bien qu’il avait l’habitude. Shaman et Sasayaki aussi ils avaient l’habitude. Il voulait quand même leur prêter ses yeux! C’était pas juste qu’on puisse pas guérir ça. C’était pas juste! De tous les pouvoirs qui existait, il y en avait donc aucun qui permettait de rendre la vue? S’il avait un pouvoir… s’il devait pouvoir choisir un seul de ses pouvoirs, en tous cas, il choisirait de pouvoir prêter ses yeux! Quand le gris s’approcha, il refoula l’envie furieuse de se blottit contre lui, dans son cou. Comme il l’avait fait avec Shaman, si souvent. Comme chaque fois qu’il s’était isolé après que Nihima l’ait battu, et que son père était venu le chercher.

« Merci… »

Le museau entra en contact avec son épaule, et le temps se figea. Comme dans un rêve, il se revit au bord de l’eau. Mais quelque chose clochait. Les couleurs… Les couleurs! Elles étaient si ternes! Tout était gris teinté d’un peu de vert, un peu de bleu. Tout était si sombre! Mais c’était bien son souvenir, celui auquel il pensait, et il le voyait en détails. Le lac, la voix de son père, la patte, la fourrure chaude. Il ressentait même le contact, les odeurs, tout! Comme s’il revivait son souvenir, qui redevenait lointain une fraction de seconde après avoir été si vivant…

Surpris, effrayé, le louveteau resta parfaitement silencieux en regardant l’aveugle se figer, les yeux grands ouverts de la même surprise. Il avait vu… Il avait vu! IL AVAIT VU LE SOUVENIR D’AYD’! Trop ébahi, il en oublia complètement d’être en colère qu’on viole ainsi son intimité mémorielle et qu’on assiste à un souvenir qui n’appartenait qu’à lui. Aussi, son ton n’était pas accusateur quand il parla, juste confus, étonné, plein d’espoir.

« Tu as vu! C’est pour ça que les couleurs étaient étranges! Tu as vu! Tu as vu le moment auquel je pensais! Je t’ai prêté mes yeux! »

Est-ce que ça venait vraiment de lui? Ou alors c’était le pouvoir de ce loup? Pouvoir voler les yeux des autres? Si c’était le cas, c’était quand même plus grave… Le petit printanier eut un mouvement de recul, et il se referma sur lui-même, redevenant calme instantanément. Méfiant, il demanda d’un ton qui laissait flotter un peu de reproche :

« C’est toi qui a fait ça? C’est ton pouvoir, d’espionner les souvenirs des gens? »

Il se sentit tout de suite ridicule. Pourquoi l’estival aurait-il été si surpris si c’était lui? Mais alors à qui était-ce la faute? Il n’y comprenait plus rien! C’était tellement compliqué! Il avait l’impression que ça venait de lui… mais n’était-ce pas seulement qu’il VOULAIT que ça vienne de lui? Cet aveugle lui jouait-il un mauvais tour? Ou venait-il de découvrir son pouvoir? En même temps, il était si vieux! C’était plus plausible que ce soit Ayd’, non? Sans cacher sa confusion, il murmura :

« Je suis si perdu… qu’est-ce qui se passe…? »

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Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




Il faisait affreusement sombre. L'Aveugle se sentait nappé dans une obscurité épaisse et étouffante. Pourtant, cette noirceur lui était familière, alors pourquoi avait-il cette étrange impression ?

Lorsqu'il était louveteau, il avait peur du noir. Quand l'homme en blanc éteignait les lumières, l'Aveugle se recroquevillait en frissonnant. Lorsqu'on l'avait privé de sa vue, cela l'avait contraint à surpasser sa peur, et les ténèbres avaient ainsi fait partie de lui, sans qu'il ne s'inquiète d'elle. Mais là, il avait l'impression d'être redevenu le louveteau d'autrefois, celui qui sanglotait dans le noir. L'obscurité lui semblait anormale, hostile, tout en apaisant la myriade d'émotions en son cœur. Il ne comprenait pas. Il avait...Vu ? Comme...Avant ? C'était impossible.

Impossible.

Et pourtant, l'image du loup restait gravée dans sa mémoire. Déjà, les couleurs s'estompaient de ses souvenirs pour ne redevenir qu'une vague tâche floue, mais le loup et ses deux yeux...Il lui avait laissé un sentiment de sécurité.

L'Aveugle s'aperçut qu'il avait cessé de respirer. Il prit une profonde inspiration et laissa ses sens restant prendre le dessus. Il s'aperçut alors que le printanier avait bougé et qu'il s'adressait à lui d'une voix confuse et pleine d'espoir.

-...que les couleurs étaient étranges! Tu as vu! Tu as vu le moment auquel je pensais! Je t’ai prêté mes yeux!

L'Aveugle était toujours plié en position de réconfort pour l'enfant. Il se redressa, toujours sans rien dire, assimilant les informations. Il était trop confus pour s'agacer de l'incompréhension qui l'envahissait. Le souvenir qu'il avait eu...C'était celui du petit ? Ce n'était évidemment pas l'un des siens, jamais l'Aveugle n'avait eu d'aussi beaux souvenirs, aussi loin qu'il s'en souvienne.
Il ignorait comment réagir. Devait-il être furieux de cette intrusion dans son esprit ? De lui avoir rappelé la douleur de sa cécité ? Ou au contraire, ravi qu'on lui ait donné une chance de revoir ? Son cœur était gonflé d'un sentiment qu'il ne connaissait pas.

Trop d'informations lui parvenaient en même temps.

Comme en écho, le printanier eut un mouvement de recul. Soudainement, il afficha une posture de méfiance et de doute, et lâcha :

-C’est toi qui a fait ça? C’est ton pouvoir, d’espionner les souvenirs des gens?

Dans d'autres circonstances, l'Aveugle eût ricané. S'il avait eu un tel pouvoir, il n'aurait pas essayé de toucher le gamin, prenant ainsi le risque de se rappeler la beauté du monde de la vision. Ou au contraire, il l'aurait fait sans cesse, avec tout le monde, par pure nostalgie. Mais il ne dit rien. En vérité, il était si confus qu'il n'écoutait qu'à moitié l'enfant. Son cœur lui faisait mal. Dans sa tête, il revoyait sans cesse les images des souvenirs du louveteau.

Encore et encore.

Cela avait été si beau...Si intense...? Y avait-il vraiment un monde semblable tout autour de lui, pas uniquement fait de bruits et d'odeurs...? Là-bas, en bas de la falaise, il y avait de l'eau, comme dans le souvenir. Etait-elle étincelante elle-aussi ? Couverte de feuilles de couleurs variées ?

Quelque chose d'humide coula le long de sa joue. L'Aveugle eut un sursaut et sortit de ses pensées. Il lécha sa commissure des lèvre, surpris, et sentit un goût salé. Il fronça les sourcils sans comprendre. Il pleuvait ? Non.

Il avait versé une larme.

Son cœur était gonflé de regrets et d'espoirs brisés. Cela lui faisait mal.

Il était à nouveau le louveteau qui se recroquevillait dans le noir.

Face à lui, l'enfant murmura :

-Je suis si perdu...Qu'est-ce qui se passe...?

L'Aveugle aurait tant voulu répondre, mais il ne pouvait déjà pas répondre au chaos de son cœur. Il ouvrit la gueule pour répondre, puis la referma. Que pouvait-il dire ? Que voulait-il dire ?

Le louveteau était aussi perdu que lui, mais l'Aveugle cette fois ne tenta pas de le réconforter. Il craignait un nouveau contact physique, autant qu'il le souhaitait. Il ferma les yeux, au proie à une vive incompréhension.

Puis il les rouvrit.

-J'ai...J'ai vu.

Dire cette affirmation à voix haute lui fit  du bien. Un sourire étira ses lèvres et son cœur lui fit un peu moins mal.

-J'ai vu ! répéta-t-il d'un ton presque joyeux.

Il avait vu. Se mettre en colère, pleurer, ne changeait rien. Autant se réjouir : le gamin devant lui avait ouvert les portes des couleurs au mâle gris, alors à quoi bon se lamenter ?

L'Aveugle rit. C'était un rire rauque, sincère, purement joyeux.

-Oh petit ! lâcha-t-il. Tu m'as prêté tes yeux ! Je devrais te remercier, non...? Bien sûr ! Quel malotrus je suis...Merci ! Merci mille fois !

Il nota alors que le louveteau était perdu, lui aussi. Il ajouta alors :

-Tu as un don pour nous autres aveugles, petit. Tes pères sont comme moi, non ? Te rends-tu compte de l'opportunité que tu leur offres ?

Il rit à nouveau, puis prit d'un instinct étrange, il lécha la joue de l'enfant. C'était l'exact même geste que le dénommé Shaman avait effectué dans le souvenir, et cela lui était venu naturellement.

Cette fois, rien ne se passa. Peut-être le pouvoir ne se déclenchait-il pas toujours ? Etrange.

L'Aveugle lui jeta un regard doux.  Il n'avait jamais été ainsi avec quelqu'un. Jamais.

-Petit...Tu sais...J'ai moi aussi un pouvoir. Je peux emprunter celui de quelqu'un, et l'utiliser. Veux-tu, qu'en échange de ton souvenir, je te montre l'un des miens...?

Il hésita. C'était quelque chose d'intime qu'il lui proposait, mais il avait tant de gratitude que cela lui importait peu.

Il ajouta doucement :

-...Le souvenir d'un vieil aveugle comme moi...?
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Sam 28 Nov 2015 - 3:37


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Le louveteau regardait, confus, son interlocuteur. Il vit tout un tas d’émotions passer dans le regard vide qu’il arborait. Des émotions qu’un autre n’aurait peut-être pas vues. Mais lui il savait les voir. Il côtoyait régulièrement deux aveugles, quand même! Bon, Sasayaki ne comptait pas, il était toujours si expressif! C’était hallucinant de voir comment un aveugle de naissance pouvait montrer autant ses émotions! Enfin bref, là n’était pas la question. Il voyait ces émotions. Il voyait la colère, le doute, la peur, l’espoir, la confusion, la joie. Tout ça. Quand les yeux se fermèrent, il hésita. Devait-il partir maintenant… avant de faire trop de mal…? Avant de s’attirer des ennuis? Mais avant qu’il n’ait pris sa décision, ils se rouvrirent.

« J’ai… j’ai vu. »

L’émotion était difficile à lire sur son visage. Était-ce la confusion, l’espoir ou la surprise qui prédominait? Il n’arrivait pas à déterminer ce que l’aveugle ressentait. Il ne pouvait pas savoir si c’était bon ou mauvais signe. Et pour être tout à fait honnête, en fait, il commençait à avoir peur. Il tremblait un peu, et il attendait la suite, tendu.

« J’ai vu! »

Cette fois, le ton était joyeux. Les yeux d’Aydahven se fermèrent et il poussa un long soupire en se détendant. Il avait eu peur pour rien… le grand gris semblait heureux… c’était une bonne chose. Et puis… le petit n’avait quand même pas fait exprès de donner son souvenir…! En plus, s’il avait pu choisir, il n’aurait pas donné celui-là! C’était personnel! C’était intime, ça! Personne… PERSONNE n’avait jamais su ça! Excepté Shaman, bien sûr… C’était… c’était son souvenir à lui… son moment à lui! Y’a que son père qui l’avait jamais aussi bien compris… qui lui avait donné cette sécurité, ce réconfort… et maintenant… maintenant un autre le savait!

Le petit printanier n’était pas en colère. Il n’avait pas fait exprès. Et puis il aimait bien cet aveugle… il était grognon, mais gentil. Et il avait voulu le réconforter. Juste que… il aurait aimé que ce ne soit pas ce souvenir-là… mais ce qui était fait était fait, et le louveteau pouvait être heureux aussi! Il avait prêté ses yeux! Il pouvait prêter ses yeux! Permettre à son père de voir à nouveau! Ce n’était pas rien! Ça pouvait bien valoir un souvenir… après tout… ce n’était qu’un souvenir… Le rire l’aida aussi à aller un peu mieux.

« Oh petit! Tu m'as prêté tes yeux! Je devrais te remercier, non...? Bien sûr! Quel malotru je suis...Merci! Merci mille fois! »

Ça aussi, ça l’aidait à aller mieux. De la reconnaissance… pas qu’il l’attendait, l’avait espérée, mais ça faisait quand même pas mal de bien de l’entendre. C’était… attendrissant… Aydahven avait l’impression d’avoir fait comme une fissure sur ce cœur de pierre qu’avait été l’estival. Une fissure qui lui serait bénéfique… peut-être… mais en tous cas agréable pour le petit louveteau qu’était le printanier.

« Tu as un don pour nous autres aveugles, petit. Tes pères sont comme moi, non? Te rends-tu compte de l'opportunité que tu leur offres? »

Bien entendu qu’il se rendait compte! Il avait tellement hâte de leur dire! Non… non, il ne leur dirait pas tout de suite. Il allait se perfectionner d’abord. Apprendre à le contrôler. Ensuite, seulement, il leur montrerait. Il leur ferait la surprise… Peut-être… peut-être que le grand aveugle voudrait bien l’aider? S’ils se voyaient de temps en temps, pour qu’il puisse se pratiquer? Le coup de langue le surpris. Il resta figé. La langue l’avait caressée… comme dans son souvenir… la même chose… Mais il ne se mit pas en colère. Au contraire, il lui fut reconnaissant, de montrer qu’il s’intéressait à lui, et essayait de l’aider comme il le pouvait. Un sourire étira ses babines quand il vit le regard que lui faisait l’aveugle. Un regard tendre, protecteur… rassurant…

« Petit...Tu sais...J'ai moi aussi un pouvoir. Je peux emprunter celui de quelqu'un, et l'utiliser. Veux-tu, qu'en échange de ton souvenir, je te montre l'un des miens...? »

… … … Quoi? Il… il… il lui proposait de lui montrer un de ses souvenirs? Il… il proposait de… d’échanger…? Déjà, le fait qu’il lui révèle son pouvoir était énorme! Et embarrassant… parce que ça voulait que ça venait vraiment du petit… Mais… mais en plus il… il voulait lui montrer quelque chose? Il n’avait pas à le faire! C’était un accident! Ce n’était pas sa faute s’il avait en quelque sorte violé l’intimité du printanier! Il n’avait pas besoin de se racheter!

« ...Le souvenir d'un vieil aveugle comme moi...? »

Les oreilles d’Aydahven se baissèrent. Le souvenir d’un vieil aveugle? Un… un souvenir aveugle? Un souvenir qui pourrait… qui pourrait lui montrer comment les aveugles faisaient pour bien se débrouiller même sans la vue? Un souvenir où il révélerait, en quelque sorte, un secret? En même temps… Ayd’ aussi lui avait montré un secret. Un très gros secret! Il n’avait pas fait exprès… mais c’était tout à fait juste d’en voir un aussi en échange… et… et il voulait tellement savoir comme ils faisaient, ces aveugles!! Il hocha la tête. Puis il se souvint que l’autre ne pouvait pas le voir.

« Oui… je… je veux bien que tu me fasse vivre l’un de tes souvenirs, aussi… si tu le veux bien… »

Tant qu’à être lancé… aussi bien aller jusqu’au bout de ses pensées.

« Et puis… dis… on pourra se revoir, de temps en temps? Si… si ça vient vraiment de moi, je veux me pratiquer. Je veux mieux le contrôler. Je veux pouvoir montrer des choses à mes papas… Et puis en fait… tu es sympa… je t’aime bien et comme tu es aveugle… eh bien ce sera plus pertinent. Qu’en dis-tu? »

Oh, et puis, il était déjà si bien lancé. Encore une dernière petite chose. Une dernière petite chose quand même importante, en plus!

« En passant… je m’appelle Aydahven. Je sais pas si mon souvenir te l’as dit, alors… Et toi… comment est-ce que tu t’appelles? »

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L'Aveugle
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Jeu 7 Jan 2016 - 21:19


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




L'Aveugle jeta un regard à Aydahven. Son exaltation retombait doucement, remplacé par une sereine réflexion. Il appréciait l'enthousiasme empli de timidité du louveteau, qui semblait vibrer au rythme de son propre cœur. L'Aveugle pencha la tête sur le côté et déclara doucement :

-Mon nom ? On m'appelle l'Aveugle.

Un souvenir lui remonta en mémoire, et il songea que c'était celui-ci qu'il voulait partager. Un sourire chaud et amer à la fois, comme des larmes. Oui, rares étaient les souvenirs agréables que possédaient l'Aveugle, outre ceux de mort et de violence. Mais celui-ci était différent. Il dépassait la démence qui détruisait chaque jour un peu plus le loup gris, il était porteur de quelque chose dont l'Aveugle ne connaissait plus le sens.

"Oui..." se dit-il. "Celui-là est parfait."

Il reporta son attention sur Aydahven.

-En fait...Je vais te confier mon vraie nom, l'unique nom qui ne se rapporte pas à ma cécité, l'unique nom que j'ai pu un jour accepter.

Il toucha de sa truffe brûlante le louveteau.

-Laisse-moi te montrer, petit clairvoyant.

Immédiatement, l'Aveugle sentit le pouvoir d'Aydahven circuler dans ses veines et envahir son esprit.
Et puis celui-ci s'encombra d'autre chose...

"Je n'en pouvais plus. Mes pattes peinaient à me porter tant j'étais fatigué, et mon corps était meurtri. J'haletai si fortement que mes poumons me semblaient brûlant. La douleur ou la fatigue, j'ignorais lequel me pesait le plus. Je finis par me laisser tomber sur le sol dur, poussant un petit gémissement.

La voix de 463 retentit près de moi.

-Allez, debout 634. On est presque arrivé. L'alpha blanc sera content de toi, tu as bien progressé.
Je laissai échapper un grognement, et tentai de tourner les yeux vers lui, mais seule l'horrible obscurité de mon regard m'apparut.

-Peu m'importe qu'il soit content...sifflai-je. Je le hais ce maudit humain...Je le hais tellement...

Comme une bête furieuse, je sentis la haine s'agiter en mon cœur endolori, et la sentir ainsi gesticuler me donna la réconfortante sensation d'être encore vivant.

463 soupira.

-Change de rengaine, frangin.  T'es pire qu'un vieux : tu râle tout le temps !

Il eut son petit rire caractéristique qui m'agaçait tant. Je grognai plus fort.

-Tu n'es pas aveugle toi ! On ne t'a pas crever les yeux avec un morceau de métal ! Tu ne peux pas sentir, entendre, te faire agresser par le monde comme moi.

Amer, j'ajoutai :

-Et puis, tu n'es pas mon frère.

Je me tus et il fit de même. Quelques secondes passèrent, pendant lesquelles toutes les odeurs et les sons m'agressèrent. Le grattement lointain de chiens contre les cages, la voix étouffée de l'alpha blanc, la respiration de 463 et son odeur de sueur et de sang...Bon sang...J'aurais tout donné pour pouvoir voir une fois, une toute dernière fois les couleurs. J'avais l'impression de ne pas avoir pu leur dire au revoir...

...Comme un être bien aimé disparu à jamais.

Mes récentes cicatrices aux yeux me brûlèrent et la peau encore sensible à leur emplacement me parut bien chaude. Je me recroquevillai.

463 lâcha alors :

-Non...Tu as raison...Je ne suis pas ton frère...

Il se colla alors brusquement contre moi qui poussai un glapissement de surprise. Sa fourrure tondue me gratta le nez et m'emplit de son odeur. Il me lécha le museau et ajouta malicieusement :

-Je suis ta seule et unique meute, crétin aveugle !

Il me donna un léger coup de truffe, comme pour me punir. J'eus un ricanement, mais ne dis rien. Je n'étais pas tactile, pourtant j'appréciais de le sentir là, près de moi. Je m'aperçus avec surprise que j'entendais son cœur battre. J'ignorais que j'en étais capable, mais j'aimais ce son tonique et doux à la fois. Il calmait les sons ambiant, et me donnait une impression d'omnipotence. Le noir éternel de mes yeux semblait vibrer harmonieusement avec ce son.

La sérénité de ces ténèbres me parut alors douce et tendre. Je me surpris à sourire.
463 eut l'air de réfléchir, et lâcha alors :

-Ca te va bien comme nom, crétin aveugle, non ? Oh non ! J'ai mieux ! Cré...Veug. Créveug ! Créveug, t'en penses quoi ?!

-C'est nul...grommelai-je, un sourire en coin.

-Créveug, Créveug, Créveug !!! chantonna-t-il en gloussant.

Il s'éloigna de moi et se mit à sautiller en hurlant joyeusement ce nom débile. Je me relevai et essayai de l'attraper. Son battement de cœur m'attira vers lui au moment où il allait sauter et je lui mordillai la queue. Il poussa un cri de surprise et se mit à rire.

-Eh bien ! Pourquoi te plaints-tu de ta cécité, Créveug ? Tu es bien plus vif sans !

Il éclata de rire tandis que je me mettais à le poursuivre, un sourire sur les babines.

Jamais un monde d'obscurité ne m'avait semblé aussi lumineux.

Et ça n'a plus jamais été le cas."

L'Aveugle sentit le chagrin, la haine et la rancune lui dévorer le cœur tandis que le souvenir défilait dans sa mémoire. Lorsque celui-ci fut terminé, il s'empressa de rendre son pouvoir à Aydahven avant qu'un autre souvenir ne lui revienne en mémoire : un souvenir empli de sang, de larmes, de folie et de cris, où le cadavre d'un ancien frère reposait sous celui d'un humain vêtu de blanc. Il espéra que le louveteau ne l'avait pas perçu, ce souvenir. Il y avait des choses qui devaient demeurer secrètes, surtout aux yeux d'un enfant comme lui.

Il fit un pas en arrière, laissant Aydahven récupérer ses esprits.

-Créveug...lâcha-t-il alors.

Ce nom roula comme un goût familier sur sa langue, un met qu'il n'aurait pas dégusté depuis très, très longtemps.

-Appelle-moi ainsi la prochaine fois que nous nous verrons, Aydahven. Ce nom, je te le confie. Prends-en soin, tu en es le seul utilisateur. Ce sera notre promesse : celle de se revoir.

L'Aveugle sourit, ce sourire si étrange tant il lui était étranger. Au fond de son esprit malade, il sentit une voix mauvaise murmurer des promesses de souffrance et de mort, mais il la repoussa : il ne voulait actuellement ni sang, ni douleur, juste savoir qu'il existait un être en ce monde qui l'appréciait et qui usait d'un autre nom pour l'appeler.

Curieusement, cette pensée voleta près de lui comme le souvenir d'un frère d'antan.
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Dim 10 Jan 2016 - 19:22


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Il avait mal aux pattes. Il avait mal aux poumons, qui lui brûlaient à chacune de ses inspirations. Il avait mal à ses yeux, terriblement mal à ses yeux, mais ce n’était pas ce qui retint son attention. Noir. Il faisait si noir. Même le noir de la nuit, même le noir total des grottes n’était pas aussi noir que ce noir qui l’entourait. Un noir de mort, qui détruisait de façon définitive la lumière. Il était fatigué, si fatigué, si lourd, et même sa respiration haletante ne faisait rien que d’empirer sa douleur. Trébucha-t-il ou se laissa-t-il simplement tomber? En tous cas il fut au sol, gémissant, tandis que la voix d’un louveteau lui parvenait.

« Allez, debout 634. On est presque arrivé. L'alpha blanc sera content de toi, tu as bien progressé. »

Un grognement lui échappa. 634. Il n’était qu’un numéro. Mais l’autre aussi. 463. Les mêmes chiffres, mais pas le même ordre. Ironique? La vie aimait l’ironie. Quand il tourna les yeux vers son interlocuteur, rien que ce noir terrible ne lui apparut, aspirant l’image de cet être qui lui adressait la parole. Puis un son lui parvint. Un son différent, sa propre voix.

«
Peu m'importe qu'il soit content... Je le hais ce maudit humain...Je le hais tellement... »

Humain. Un concept se grava dans l’esprit du loup, qui bien qu’il ne vit pas mentalement ce concept, le compris. Et ce concept inspira la haine dans le cœur du louveteau. Une haine qui repoussait les ténèbres morbides qui l’enveloppaient, qui faisait briller son être d’une vie délectable. Cette haine était délicieuse. Réconfortante.

« Change de rengaine, frangin. T'es pire qu'un vieux : tu râle tout le temps ! »

Le soupire qui précéda, le rire qui suivit, l’implication, tout était agaçant dans cette phrase, et un grognement menaçant y répondit, avant que la voix, qui provenait de lui mais pourtant ne semblait pas lui appartenir, ne lance d’un ton mauvais :

«
Tu n'es pas aveugle toi ! On ne t'a pas crevé les yeux avec un morceau de métal ! Tu ne peux pas sentir, entendre, te faire agresser par le monde comme moi. Et puis, tu n'es pas mon frère. »

Le silence s’installa. Un silence oppressant par sa diversité de bruits. Le son des chiens qui grattaient contre les cages, le son de la voix incompréhensible de l’Alpha blanc, de l’humain, et celui de la respiration, si bruyante, de 463. Et ensuite, l’odeur. Celle de la sueur, celle du sang. Une odeur répugnante. Mais dans tout ce bruit, dans toute cette stimulation excessive, aucune couleur. Aucune de ces alliés auxquelles le louveteau n’avait jamais pu se préparer à renoncer. La mort d’un être cher ne lui aurait pas été plus douloureuse. Ni la chaleur et la douleur qui s’empara de ses yeux et le força à se recroqueviller alors que l’autre daignait enfin reprendre la parole.

« Non...Tu as raison...Je ne suis pas ton frère... »

Un glapissement surpris sortit de la gorge du louveteau quand le corps chaud, rugueux, à la fourrure tondue se colla à lui sans délicatesse, enfonçant son odeur dégoutante au creux des naseaux de l’aveugle, lui donnant presque envie d’éternuer. Puis une langue, pourtant douce, lui lécha le museau.

« Je suis ta seule et unique meute, crétin aveugle! »

Le jeune aveugle sentit la truffe de 463 le frapper, doucement, et il en eu un petit rire qui fut sa seule réponse. Il n’aimait pas qu’on le touche, qu’on se colle ainsi à lui. Pourtant, il était content de sentir ce contact, le corps de l’autre louveteau, sa chaleur, le battement de son cœur qui résonnait à ses oreilles. Tiens, c’était nouveau ça! Il entendait les cœurs des autres, maintenant! C’était un son… si doux, si rassurant… les Ténèbres elles-mêmes semblaient hésitantes, frémissantes, comme si elles le craignaient. Non, faux, elles semblaient plutôt se bercer à son rythme, devenir plus chaleureuses, plus agréables. Serein, l’aveugle sourit sans s’en rendre compte, tandis que son « frangin » réfléchissait.

« Ça te va bien comme nom, crétin aveugle, non? Oh non! J'ai mieux! Cré...Veug. Créveug! Créveug, t'en penses quoi?! »

Un sourire difficile à réprimer illumina le coin de sa gueule alors qu’il répondait, sincèrement mais pourtant sans y accorder foi :

«
C’est nul… »

Ce qui ne sembla que donner une idée horrible et cruelle à l’autre louveteau qui se mit à chantonner, comme si sa voix n’était pas déjà assez horrible comme ça :

« Créveug, Créveug, Créveug!!! »

Gloussant et récitant cette immonde chansonnette encore et encore, il s’éloigna en sautillant, mais le louveteau aveugle, se guidant au son de ce cœur qui battait dans la poitrine de 463, le rattrapa sans peine et planta ses crocs dans la queue de sa proie, la mordillant d’un air joueur. Le cri de surprise, rapidement remplacé par un rire, céda à son tour à la parole.

« Eh bien! Pourquoi te plaints-tu de ta cécité, Créveug? Tu es bien plus vif sans! »

Un sourire sur les babines, l’aveugle se lança à la poursuite du petit crétin rigolant. Il se sentait bien. Pour la première fois de sa vie, les Ténèbres étaient douces, et amicales.


Haletant, Aydahven fixait l’Aveugle. Il avait l’impression que ses yeux le brûlaient tant les couleurs étaient vives. En même temps, il avait l’impression d’avoir perdu quelque chose. Où était le battement du cœur du grand mâle, pourtant puissant, devant lui? Pourquoi n’entendait-il plus le souffle de sa respiration? Il se sentait… handicapé… Il se sentait triste, pour l’Aveugle. Il se sentait curieux, aussi. Il n’avait jamais entendu parler d’humains, et il comprenait maintenant ce que c’était, mais n’arrivait pas à se l’imaginer. Il avait aussi ressenti cette étrange rage, cette haine, au fond de lui, et ça lui faisait peur, car jamais il n’avait ressenti de telles émotions de cette façon. Il se sentait confus, un peu perdu, et il avait du mal à croire qu’il soit lui, qu’il soit Aydahven et non Créveug. Ça avait été… si réaliste… Et pourtant c’était déjà lointain. Le souvenir d’un souvenir. Il ne pouvait déjà plus ressentir cette haine, ne pouvait même plus décrire ces ténèbres. C’était déstabilisant.

En silence, il recula d’un pas et s’assit. Il comprenait très bien à quel point le souvenir que lui avait confié Créveug était important, tout comme celui qu’il lui avait involontairement volé. Le louveteau se sentait coupable de lui avoir forcé, en quelque sorte, à le révéler. Il se sentait un peu mal à l’aise aussi car, si le mâle aveugle avait pu lui montrer, c’était en volant son pouvoir, en lui empruntant. C’était donc bel et bien lui qui pouvait faire ça. C’était une bonne chose, mais si le loup s’était montré mal intentionné? Si c’était le cas, il l’aurait déjà tué. Car maintenant, Aydahven ne pouvait plus en douter, ce loup était une formidable machine à tuer. Ça aussi, il l’avait vu. Au contraire de lui faire peur, ça le rassura. Car il était encore en vie.

« Créveug… »

Le Printanier senti le plaisir qu’avait le solitaire à prononcer ce nom, perdu dans son passé, et qui refaisait surface. Pour le louveteau, ça sonnait étrange, péjoratif, même. Ce nom voulait dire « Crétin aveugle » et pourtant… il avait senti l’amour qu’avait le loup pour ce nom. Un nom qui lui venait de sa seule famille. Le seul nom qu’il avait pu choisir et qu’il avait pu aimer.

« Appelle-moi ainsi la prochaine fois que nous nous verrons, Aydahven. Ce nom, je te le confie. Prends-en soin, tu en es le seul utilisateur. Ce sera notre promesse : celle de se revoir. »

Sur le coup, il secoua la tête. Non. Ce nom était trop important, trop intime. Il ne pouvait pas se permettre de se servir de ce que lui avait montré Créveug de cette façon. En même temps, il le lui avait montré volontairement, il avait choisi de lui montrer. Et c’était lui qui lui demandait de l’utiliser. De toute façon, constata-t-il, il pensait déjà au grand aveugle comme étant Créveug… c’était lui, c’était ce qu’il était… Et si c’était une promesse de se revoir… il voulait le revoir, s’entraîner avec lui. Il avait l’étrange impression qu’ils étaient amis, alors qu’ils n’avaient pas beaucoup échangés sur eux. Aydahven ne pouvait nier qu’il ressentait une certaine affection pour Créveug. Il n’était pas indifférent, comme avec tous les autres, à ce qui pouvait lui arrivé. C’était troublant, ça aussi. Il n’y avait toujours eu que sa famille pour qui il ressente ce sentiment... Et à voir le sourire de son ami… c’était réciproque…

Au fond… ils se ressemblaient beaucoup, tous les deux… ils se comprenaient sûrement mieux qu’ils comprenaient les autres, même si Créveug avait plus d’expérience et qu’il comprenait sûrement mieux les gens qu’Aydahven. Il était différent de ce côté, le louveteau l’avait bien senti, mais… sur bien d’autres, ils étaient très semblables. L’échange de ces deux souvenirs le montraient bien, et même s’il n’aurait jamais pu mettre de mots sur ce qu’il avait ressenti qui lui permettait de le dire, eh bien il le savait. Son ton était neutre quand il parla, mais il savait que l’aveugle avait perçu son trouble et qu’il le sentirait dans cette voix froide et dénuée d’émotions.

« J’en prendrai soin, et je ne l’oublierai pas, Créveug. »

Il ne savait pas quoi faire, quoi dire de plus. Il se sentait très mal à l’aise. Ça lui arrivait si peu d’être ainsi coincé, et pourtant si souvent quand on en venait aux émotions. Si seulement il arrivait à les comprendre…

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Dim 31 Jan 2016 - 20:21


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven





L'Aveugle resta tendu quelques instants. Il cherchai à identifier la myriade d'émotions du louveteau. Stupéfaction, embarras, compréhension, joie, peur...Aydahven ne semblait pas savoir quoi penser, et il s'accordait ainsi avec son ainé. L'Aveugle se retrouvait en lui : un loup plutôt solitaire, impassible mais curieux, doté d'un courage froid et prudent. Mais il retrouvait également des sentiments qu'il ne possédait pas, tels que l'espoir, l'affection et la bonté. Enfin, du moins l'Aveugle ne se croyait pas capable de les posséder, mais peut-être se trompait-il en fin de compte.

Il l'aimait bien. C'était un sentiment chaud dans sa poitrine. Lui confier son nom avait été un pas énorme en avant, une bouffée d'air frais dans un monde empoisonné, quelque chose que l'enfant ne pourrait probablement pas comprendre avant quelques années. L'Aveugle savait que ce sentiment était réciproque : quelle autre chose aurait retenu Aydahven lorsque celui-ci s'était rendu compte de la vraie nature du chien-loup ? Un loup lambda aurait déguerpi, mais pas ce printanier, non. Lui, il voyait au-delà des âmes, au-delà des ténèbres de la cécité.

Lui, il avait le droit d'appeler l'Aveugle "Créveug".

Aydahven prit la parole. Sa voix était ferme, mais quelque chose dans ses battements de cœur et dans sa façon d'articuler laissa passer un trouble presque imperceptible.

-J'en prendrai soin, et je ne l'oublierai pas, Créveug.

L'Aveugle sentit son cœur rater un battement en entendant ce nom dans la gueule d'un autre loup que lui. Un instinct bestial se mit à grogner au fond de sa tête, comme furieux de se sentir si déstabilisé, mais l'Aveugle n'écouta pas cet appel sanguinaire. Il avait vu à travers Aydahven et Aydahven avait vu à travers lui. Il n'avait rien à craindre.

Aucun ennemi ne se trouvait en ces lieux.

Il sourit, découvrant des dents plus habituées au combat qu'aux démonstrations d'affection.

-Je n'en doute pas, Aydahven, répondit-il doucement.

De son regard aveugle, il perçut les dernières couleurs de son souvenir disparaitre, et en même temps, il commença à se recomposer un masque d'impassibilité. Son sourire fondit comme neige au soleil, et ses yeux se teintèrent d'un voile glacial. Il se redressa, reprenant son attitude impénétrable habituelle. Son corps fut presque soulagé de reprendre cette attitude familière, mais une partie de lui rechignait. Malheureusement, le monde ne s'appelait pas Aydahven, et si l'Aveugle avait ouvert son âme à un loup, il n'était pas près à le faire aux autres. Un cadeau si précieux ne se déballe qu'une fois.

Remarquant qu'un silence indisposant s'était installé, il s'avança et quitta les alentours de la maison. Quelque chose d'étrange lui pinça le cœur, comme un questionnement.

L'odeur de renfermé disparut progressivement, et l'ambiance agréable avec elle. L'Aveugle se tourna vers le printanier, et déclara d'une voix sans intonations :

-J'ai hâte de te revoir, Aydahven. Je n'aime pas les au revoir, alors considère que ça n'en est pas un.

Un sourire infime éclaira son regard. Un autre aurait pu croire que l'Aveugle était redevenu le loup glacial qu'il était avant cette rencontre, mais pas Aydahven, il en était certain.

L'Aveugle avança une patte, puis une autre, et bientôt son pas se fit régulier. Pourtant, il sentait ses pattes trainer sous lui, comme si son corps lui interdisait de partir. A quelques mètres, il finit par s'arrêter. Sa tête se tourna vers Aydhaven et il l'observa sans le voir.

"Tu n'as pas envie de partir." annonça une voix en lui.

C'était la voix qu'il entendait souvent, mais en moins mauvaise, en plus raisonnée.

"Il me voit différemment. Je n'ai pas l'habitude d'être vu ainsi."


"Ne te voile pas la face, mon petit monstre..." ricana la voix. "Tu t'aveugles davantage pour te dissimuler le fait que tu ais peur d'être en train de changer en sa compagnie."

L'Aveugle réprima un grognement. Il se demanda ce qu'Aydahven pensait de lui, à partir comme cela, comme un voleur. Le voyait-il comme un lâche ?

En était-il un ?

"Je me pose tant de questions sur moi-même en sa compagnie..." songea-t-il.

"Oh mais tu t'en poses sans cesse. Une de plus, une de moins, qu'est-ce que ça change ? Avec lui au moins, tu peux être Créveug, le loup blessé, et pas l'Aveugle, le meurtrier. "

L'Aveugle remua nerveusement la queue. Un vent froid passa sur sa fourrure, et l'Aveugle se sentit bien. Revigoré. La présence du louveteau le rendait serein, et déjà séparé de lui de quelques mètres, il se sentait redevenir un monstre. Sur son museau, il pouvait presque sentir le masque glacial d'impassibilité qu'il avait revêtis, et il songea qu'il pouvait s'en séparer quelques temps.

Juste quelques temps.

-Tu as raison...murmura-t-il dans le vent.

Il releva la tête qu'il avait imperceptiblement baissée, et d'un seul coup laissa son masque retomber. Ce n'était pas facile, mais l'Aveugle ne voulait pas partir.

Pas maintenant.

-Qu'attends-tu, petit printanier ? s'écria-t-il alors d'une voix forte.

Il avait pris la posture de celui qui avait joué un mauvais tour, une posture de défi que son regard soudainement ardent confirmait. Un sourire doucement moqueur lui monta aux babines.

-N'est-ce pas toi qui souhaitait comprendre le monde des aveugles ?

Il fit claquer ses mâchoires en un geste encourageant.

-Suis-moi. Tu as beaucoup à apprendre.

Et sans un mot, comme un gamin, il s'élança en courant.


HRP : Désolée pour le temps de réponse Maeya-chan :\\
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Ven 1 Avr 2016 - 15:00


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Bien que le sourire soit plutôt effrayant, le petit loup du printemps ne s’en rendit même pas compte. Il comprenait ce que ce sourire signifiait, et il comprenait pourquoi il était si imparfait. Il avait quand même été dans la tête de Créveug, après tout. Ce n’était pas la même époque, mais… étrangement, Aydahven comprenait mieux l’aveugle du présent, malgré qu’il ait changé depuis son passé. C’était l’une des bases qui l’avaient formé, et au travers de tout ça, les deux loups s’étaient rendu compte qu’ils se ressemblaient beaucoup.

« Je n’en doute pas, Aydahven. »

Le printanier hocha simplement la tête. L’estival avait été dans sa tête, aussi, il savait un peu comment était le petit, lui aussi. Et le petit ne trahirait jamais son secret, pour rien au monde. Pour la première fois de sa vie, il pouvait appeler quelqu’un « son ami », il n’allait pas tout gâcher ça! Il fut d’ailleurs attristé un peu quand son ami s’éloigna de lui. Il savait ce que ça voulait dire, et en fait il aurait sûrement fait la même chose, en temps normal. Mais justement… ce moment était tout sauf normal, et il n’avait pas envie qu’il prenne fin. Il ne regardait pas quand Créveug se retourna pour lui parler.

« J'ai hâte de te revoir, Aydahven. Je n'aime pas les au revoir, alors considère que ça n'en est pas un. »

Alors il s’en allait vraiment… Le cœur d’Aydahven se pinça. Lui qui n’avait pas l’habitude de ressentir toutes ces émotions… la dernière qu’il allait ressentir avant de tomber dans son état de pierre émotionnelle devait être du chagrin? De l’abandon? C’était injuste! Il ne voulait pas, lui, que son ami parte! Alors pourquoi ne lui disait-il pas? Il n’arrivait pas à lui dire… Il n’arrivait pas à l’arrêter. Depuis quand est-ce qu’il était incapable de faire une chose comme ça? Depuis quand se souciait-il de l’autre assez pour se faire du mal à lui-même? C’était ça, les émotions? C’était ça, être gentil comme son papa adoptif? Se faire du mal? C’était nul! Si c’était comme ça, il ne voulait plus en ressentir! Pourtant… il ne pouvait pas s’empêcher de le vouloir, en fait. De rester plus longtemps avec le loup aveugle. D’apprendre d’autres émotions. Il allait attendre que son ami soit parti avant de s’en aller à son tour. Il n’y avait pas beaucoup de chemins par où passer, il ne voulait pas le croiser et que Créveug le soupçonne de le suivre ou de l’espionner.

« Qu’attends-tu, petit printanier? »

La voix le fit se retourner, pour voir le loup en posture de jeu. Après tout ce sérieux, après toute sa sévérité, c’en était presque ridicule! En tous cas, c’était rassurant, d’un côté. Il ne comprenait simplement pas ce que voulait dire l’estival. Qu’attendait-il pour partir? Qu’attendait-il pour le suivre comme il en avait envie? Comment est-ce qu’il pouvait le savoir, comment le printanier se sentait? C’était lui qui était parti et l’Avait abandonné d’un coup! Non, pas encore… il n’était pas encore tout à fait parti… Avait-il donc changé d’idée?

« N’est-ce pas toi qui souhaitait comprendre le monde des aveugles? »

Il avait donc bel et bien changé d’avis. Avait-il perçu la tristesse de son petit ami? Peut-être… En tous cas, Aydahven essuya la larme qui coulait sur sa joue et fit bien attention à reprendre un air neutre avant de se lever. D’un côté, il en voulait un peu à l’aveugle de lui avoir fait subir ce calvaire émotionnel… mais en même temps… n’était-ce pas pour cela qu’ils s’étaient rapprochés? Parce que tous deux étaient maladroits et incapable de se faire des amis correctement? Il ne pouvait pas lui en vouloir d’être… d’être comme lui…

« Suis-moi. Tu as beaucoup à apprendre. »

La suite fit descendre un peu les oreilles du printanier. Après lui avoir fait ça, il agissait comme si de rien était! Et s’enfuyait en courant. Premièrement, comment espérait-il seulement qu’Aydahven puisse le suivre alors qu’il n’était qu’un louveteau et Créveug un adulte? Et ensuite, le petit n’avait pas du tout envie de jouer, ni de courir. Il se sentait encore déprimé. Oh, oui, il voulait apprendre à connaître le monde de son seul ami… mais son seul ami lui avait fait du mal, et il avait de la difficulté à s’en remettre…

Avec un soupir, il se mit néanmoins en route, dans la direction qu'avait pris Créveug. Pas question de courir, cependant, il y alla en marchant. Son ami verrait bien... non... ressentirait bien, plutôt, l'absence du louveteau, et reviendrait sans doute sur ses pas. Aydahven serait resté sur place à l'attendre, mais il avait peur que ça ne le vexe... Mais pourquoi s'en faisait-il? Il avait bien été vexé, lui, qu'on le plante là! Mais non... le gros aveugle était comme lui, il ne devait pas l'oublier... c'était donc ça qu'il faisait aux autres? C'était comme ça qu'il les faisait se sentir? Pas étonnant que personne ne l'apprécie, au fond...

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Sam 14 Mai 2016 - 15:35


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




L'Aveugle ignorait quoi ressentir. Il se sentait idiot d'avoir réagi ainsi, d'avoir souhaité partir puis être revenu sur sa décision comme un gamin aurait changé d'avis. Il ignorait s'il regrettait de ne pas être vraiment parti, loin de ces soucis qui lui étaient étrangers, ou de ne pas être resté en premier lieu, avec le louveteau qu'il appréciait. Apprécier...Quel mot étrange dans la gueule d'un loup aussi haineux que l'Aveugle.

Après avoir couru quelques mètres, l'Aveugle s'arrêta et écouta pour savoir si Aydahven le suivait. Le chien-loup n'aimait pas courir, en réalité, car ses sens lui étaient alors étouffés. Il entendit alors plus loin un pas las le suivre, puis sentit la fine odeur de la tristesse. L'Aveugle fronça le museau, sans comprendre. Aydahven était triste ? Encore ? L'Aveugle l'avait-il blessé ?

Interloqué, le chien-loup entendit alors son petit compagnon s'arrêter plus loin. L'Aveugle le fixa de son regard aveugle, une moue d'incompréhension sur le museau. Il attendit un instant, pensant que l'autre allait le rejoindre, mais se rendit compte qu'Aydahven semblait déterminé à rester là. Il fronça les sourcils.

"Tu as dû le froisser, pauvre imbécile..." ricana une voix mauvaise en lui. "Décidemment, les sentiments ne sont pas pour toi. Tu devrais partir."

Mais l'Aveugle réprima cet instinct en se souvenant du souvenir du printanier, et l'image voilée des couleurs dans son ténébreux esprit lui allégea le cœur. Il se rapprocha du louveteau d'un pas presque méfiant, et il pencha la tête sur le côté une fois à sa hauteur.

-Eh bien ? Ca ne va pas ?

Son sourire doucement moqueur remonta sur ses babines.

-Ne me dis pas que tu as réellement cru que j'allai partir d'un coup sans prévenir ?

Ce mensonge lui arracha presque la gorge lorsqu'il le prononça. Bien sûr qu'il allait partir sans prévenir. C'était sa manière d'être : l'estival ne savait pas jongler avec ses sentiments et ceux des autres, en dehors de la cruauté peut-être. Mais mieux que quiconque, Aydahven devrait le savoir : tout comme l'Aveugle, il n'était pas un sentimental, et il avait vu le souvenir du chien-loup.
Légèrement irrité pendant quelques instants, l'Aveugle finit pas se laisser aller à son incompréhension face au mal-être du printanier. Pendant quelques instants, on aurait même pu penser qu'il se sentait coupable...Mais ce sentiment n'était pas familier du chien-loup. Maladroitement, il s'assit face à Aydahven et resta silencieux quelques secondes. Ses yeux aveugles le fixaient avec une intensité effrayante, du moins pour ceux qui n'étaient pas habitués aux aveugles.

Une brise salée venue de la mer vint souffler sur les deux loups, brisant le silence. L'estival releva alors la tête et renifla.

-Tu sens ça ? demanda-t-il.

Il avait changé de sujet avec une facilité déconcertante. L'Aveugle maniait bien les mots, à défaut de manier les sentiments.

-J'ai entendu une histoire un jour qui disait que l'océan avait été formé à partir des larmes d'une louve morte de n'avoir pu aimer. J'aime bien cette histoire.

L'estival ne dévoila pas le fait qu'il avait appris cette légende lors d'une énième rixe. Il se sentait plus calme. Il ferma les yeux un instant puis les rouvrit. Son sourire avait disparu au profit d'une expression à la fois sérieuse et adoucie.

-Je ne sais pas ce que c'est de voir, mais je sais qu'en sentant et en écoutant, je perçois des histoires que d'autres ne peuvent pas percevoir. Des secrets, des beautés dissimulés. Je peux n'y accorder que peu d'attention...Mais cela ne leur retire pas leur importance à mes yeux.

L'Aveugle tourna à nouveau son attention vers Aydahven. Il espérait que celui-ci comprendrait le message qu'il cherchait à exprimer derrières ses mots.

Qu'il comprendrait à quel point le cœur du chien-loup était lourd.

-Première leçon sur le monde des aveugles, Aydahven, s'écria-t-il enfin. Ecoute, sens, puis dis-moi...Quelle histoire mes sentiments te racontent-ils ?
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Ven 24 Juin 2016 - 15:32


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Le petit s’était arrêté. Il n’était plus du tout certain de vouloir continuer, en fait. Si Créveug avait voulu partir, alors pourquoi devait-il le retenir? À cause d’émotions qu’il ne comprenait même pas? Non, mieux valait le laisser partir, tout compte fait. Le grand estival comprendrait certainement que le petit n’avait pas eu le cœur à le suivre. C’était sa façon de faire à lui aussi après tout, non? Son regard se perdit dans le vide. Il en avait marre, des émotions, tout compte fait. Il allait tout simplement tout oublier de ce qu’il avait vécu. Au fond, il n’était pas fait pour avoir des amis, et il le savait bien. Ç’avait été sympa de croiser ce grand chien-loup et jamais il ne trahirait son secret, mais… peut-être valait-il mieux que ça se finisse maintenant. Il ne remarqua pas que son ami… enfin… que Créveug revenait vers lui. Il le vit uniquement quand ce dernier était de nouveau en face de lui.

« Eh bien? Ça ne va pas? »

Le petit allait répondre. En fait, il se demanda même ce qui lui avait pris de prendre au sérieux le grand aveugle. Pourquoi ce dernier se sourirait-il des émotions du petit qui n’est même pas supposé en avoir? Il fut sur le coup surpris d’entendre la suite, mais au fond, pas si surpris que ça.

« Ne me dis pas que tu as réellement cru que j'allai partir d'un coup sans prévenir? »

Bien sûr que si, il l’avait cru. Les yeux du printanier fixèrent l’aveugle comme pour dire « Tu veux vraiment me faire croire que ce n’était pas le cas? » Une chance que l’aveugle ne pouvait pas voir les yeux, car il aurait pu s’en sentir blessé. Et puis après? Il avait blessé le petit, lui, il n’avait pas à se plaindre que ce dernier lui rende la pareille. Il retint cependant sa langue, chose qu’il n’aurait pas faite en temps normal. Mais Créveug n’était pas normal, alors le louveteau allait se forcer à être patient, pour lui. Cependant, du coup, il ne savait pas du tout quoi dire. Il se sentait un peu mal à l’aise, mais il réfléchissait pour trouver quelque chose à dire.

« Tu sens ça? »

Il fut soulagé que l’estival change de sujet. Il fut aussi soulagé qu’ils puissent tous deux mettre de côté leurs émotions et se concentrer sur quelque chose d’autre. Oubliant momentanément que son interlocuteur ne pouvait pas le voir, il hocha la tête pour signifier qu’il pouvait sentir la brise, l’air marin.

« J'ai entendu une histoire un jour qui disait que l'océan avait été formé à partir des larmes d'une louve morte de n'avoir pu aimer. J'aime bien cette histoire. »

Cette fois, cependant, il répondit.

« Moi aussi, j’aime les histoires. C’est bien la seule chose de mon père adoptif que j’aime et que je ne voudrais pas qui change. Il raconte bien les histoires. »

Perdu dans ses pensées, sans doute, Créveug ne réagit pas à ce que lui disait le printanier. Il n’en fit pas de cas. Il se demanda cependant à quoi pouvait bien réfléchir le loup. Avait-il trouvé quelque chose d’important à lui dire et il cherchait le meilleur moyen de le lui transmettre?

« Je ne sais pas ce que c'est de voir, mais je sais qu'en sentant et en écoutant, je perçois des histoires que d'autres ne peuvent pas percevoir. Des secrets, des beautés dissimulées. Je peux n'y accorder que peu d'attention...Mais cela ne leur retire pas leur importance à mes yeux. »

D’une pierre deux coups. Si Aydahven n’avait pas été plus intelligent que la moyenne, il n’aurait sûrement pas compris l’un de ces deux sens. Tout d’abord, son ami le renseignant davantage sur le monde des aveugles. Oui, les aveugles pouvaient percevoir des choses, Shaman et Sasayaki le démontraient assez souvent. D’une autre part, il indiquait qu’il avait ressenti les émotions du petit et qu’il ne savait simplement pas comment gérer. *Ouais, bah, bienvenu au club, mon grand…*

« Première leçon sur le monde des aveugles, Aydahven, s'écria-t-il enfin. Écoute, sens, puis dis-moi...Quelle histoire mes sentiments te racontent-ils? »

Ses sentiments? Il n’était pas aveugle, lui! Il ne percevait pas ces choses! Mais en même temps, il était content que son ami essaie de faire part de son monde avec lui. Et puis, qui sait, peut-être que s’il essayait, il pourrait vraiment y parvenir? En tous cas, il voulait bien se prêter au jeu. Il ferma donc doucement les yeux et écouta, inspira, se concentra. Une odeur lui parvint, un son, mais pour être honnête, il ne ressentait rien de particulier…

« Je suis désolé, Créveug… Je ne ressens rien de particulier… »

Il avait fait l’effort, mais il n’y était pas parvenu. Sûrement qu’il n’y parviendrait pas, de toute façon. Une idée, cependant, lui vint.

« Peut-être que… que tu pourrais partager un souvenir avec moi, pour me montrer comment faire? Je t’en partagerai un aussi en échange. Ça m’aidera à m’entraîner. »

Il n’était pas certain que son idée était la bonne, mais il espérait vraiment que son ami accepterait. Il avait besoin de cet entraînement et il voulait vraiment comprendre.

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Ven 8 Juil 2016 - 21:18


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




L'Aveugle était soulagé. Son jeune ami semblait plus calme que précedemment, et le chien-loup avait l'intuition qu'il avait compris le sens de ses paroles. L'Aveugle grogna intérieurement. Décidemment, ces histoires de sentiments étaient extrêmement difficiles à gérer, et l'estival en venait à se réjouir d'avoir réussi à les réprimer toutes ces années. Ou bien à regretter de n'avoir jamais appris à les gérer. Difficile à dire entre les deux.

"Les sentiments rendent faibles, tu le sais bien pourtant..." soupira une voix mauvaise au fond de sa tête. "Tu te souviens de ce couple que tu as tué à la Cascade de Nienor ? S'ils avaient été moins dégoulinants d'un pitoyable amour, ils auraient peut-être pu t'échapper. Peut-être."

"La ferme !" siffla l'Aveugle en plissant les yeux.

Il avait presque prononcé ces mots et se retint à temps. La voix se tut, et l'estival battit des oreilles d'un air songeur. La voix d'Aydahven vint mettre fin à sa réflexion.

-Je suis désolé, Créveug… Je ne ressens rien de particulier…

Cette aparté avec lui-même avait presque fait oublié à l'Aveugle sa question précédente. Il se reprit, laissant le calme l'envahir à nouveau. Son regard aveugle se posa à nouveau sur le petit printanier. Ce dernier semblait concentré et légèrement gêné de ne pas parvenir à trouver ce que ressentait son ami estival. Le chien-loup haussa les épaules, l'air réconfortant. De toute manière, lui-même peinait à comprendre ce qu'il ressentait, et ses émotions semblaient changer à chaque instant.

-Ce n'est pas grave, Aydahven. Je t'apprendrais à...

-Peut-être que…continua le printanier, l'interrompant...Que tu pourrais partager un souvenir avec moi, pour me montrer comment faire? Je t’en partagerai un aussi en échange. Ça m’aidera à m’entraîner.

Aydahven semblait déterminé à ressentir ce que l'Aveugle avait signifié quelques instants plutôt. Ou bien à s'entrainer. Ou les deux. L'estival le fixa de son regard mort, confus. Il ne dit rien quelques instants, cherchant dans sa mémoire un souvenir approprié qui ne soit pas choquant pour l'enfant, mais peinait à en trouver un. De plus, il se sentait réticent à partager ses souvenirs avec le louveteau, car il avait l'impression de livrer des parts de lui-même, et cela n'était pas dans sa nature. Mais l'attrait de "voir" un souvenir d'Aydahven, de revoir ces chères couleurs, faisait vibrer le cœur du vieux loups gris. En un sens, l'Aveugle était très égoïste, car il préférait prendre le souvenir d'Aydahven que de partager les siens. Mais peut-on reprocher cela à un loup ayant toujours vécu seul comme lui ?

-Très bien...dit-il finalement. Je crois que j'ai un souvenir qui devrait t'aider.

Il se rapprocha du printanier de son pas lourd, puis après quelques hésitations le toucha de son museau.

Et il se souvint.




"Je te propose une nouvelle vie, l'Aveugle. Au nom de l'alpha, tu peux rejoindre le clan de l'Eté."

Je fixai mon regard mort dans celui du sous-chef. Un sourire froid teinta mes babines, mais ce fut avant d'entendre les paroles suivantes :

"...Néanmoins, ne pense pas que nous pardonnons tes crimes. Nous connaissons tes torts en Four Seasons, et c'est pourquoi tu ne peux rester au sein même de notre meute. Tu seras un reclus."

Alors je sentis l'odeur du sentiment qui trainait dans l'air. Insidieuse. Pestilentielle. Quelque chose qui poissait le sol et pimentait l'air.

Une odeur de haine et de peur.

Je compris que j'avais un clan, mais que je n'y serais jamais accepté. Mes yeux se plissèrent. Malgré moi, cela me désolait et me rendait furieux, pourtant c'était justifié.

"Je..."

Mes paroles peinèrent soudain à sortir. Quelque chose clochait.

"Euh...Je..."
"



Le souvenir changea brusquement sans que l'Aveugle ne puisse faire quoique ce soit. Il poussa un cri muet devant le nouveau souvenir qui se profilait. Non...Pas celui-là...



"Pouvons-nous vous aider, reclus ?"

Le mâle avait prononcé ces mots avec un mélange de méfiance et de douceur. Dans sa voix, je sentais le léger tremblement et la chaleur caractéristique de la fièvre. D'après son odeur, l'estival était un croisement entre un chien et un loup comme moi, mais ajouté à cela il avait l'odeur puante et acide de la maladie, et le souffle haletant d'une fièvre maligne. Il était adossé contre sa femelle, une estivale elle-aussi, qui se comportait comme un pilier pour lui. Ce tableau mental me fit sourire.

"M'aider ? Allons donc. Comment peux-tu m'aider quand tu ne peux pas t'aider toi-même ?"

Le mâle battit de la queue avec mécontentement, et il claqua des mâchoires. Je pouvais sentir son regard ainsi que celui de sa femelle sur moi. J'étais d'humeur joueuse, ce jour-là. Pauvre de eux. Espérons qu'ils aient un minimum de combattivité, j'avais envie d'un petit combat.

"Laisse tomber Demon. Ca n'en vaut pas la peine !" murmura l'estivale à l'oreille de son compagnon.

Elle s'était adressée à lui avec une voix très douce, pleine d'amour. J'eus un rictus moqueur.

"Mais oui Demon, ça n'en vaut pas la peine !" me moquai-je avec un grand rire, imitant la voix de la femelle. "Reste à ta place enfin ! Il est amusant de constater que face à une femelle, n'importe quel mâle est soumis ! Je me demande soudain qui est l'oméga dans l'histoire..."

Demon grogna vers ma direction, mais je n'eus qu'à faire un pas en avant pour l'entendre sursauter. Cette faiblesse d'esprit me fit ricaner. La femelle gronda.

"Si tu ne viens que pour semer la discorde, reclus, tu peux repartir. Tu n'es pas le bienvenue. On sait qui tu es et nous connaissons ton passé."

"Et cela te fait-il peur, petite garde-malade ?" grondai-je sourdement.

Je ressentais un grand sentiment de délectation devant la peur que je sentais croitre en eux. Je me sentais puissant. J'aimais sentir leurs émotions ramper au sol comme un serpent abyssal, les entourer de ses anneaux mortels, et leur murmurer de sifflantes menaces à l'oreille.

"Silence ! Ne t'adresse pas à Albane de cette manière !" hurla le malade en s'élançant vers moi.

J'arquai un sourcil, peu impressionné. Le loup était si faible que ça en était ridicule. Lorsqu'il bondit en avant, j'entendis l'air siffler et l'odeur de sa maladie se porter jusqu'à moi. J'esquivai sans grand mal et lui rentrai dedans d'un brusque mouvement, épaule en avant. Il couina en heurtant sur le sol. Je m'avançai vers lui d'un pas prédateur, mais j'entendis la femelle se dresser entre lui et moi. Elle grogna en ma direction, et je pus sentir une colère immense dans chaque fibre de son corps. Je m'arrêtai et la fixai de mon regard aveugle.

"Ne le touche pas, pauvre dément !" siffla-t-elle avec violence. "Ton absence de vue t'empêche-t-elle de voir sa maladie ? Ou es-tu trop lâche pour t'en prendre à un bien-portant ?"

Touché au vif dans mon honneur, je grognai en sa direction et me jetai sur elle. Le sang emplit ma gueule quand mes crocs percèrent sa nuque, et agrippant sa colonne vertébrale, je l'envoyai rouler plus loin. Le bruit de la cascade fut troublé par un gémissement, et j'entendis les griffes d'Albane crisser contre la roche. Demon hurla son nom et se relevant il s'élança vers elle. Je me léchai les babines et me rapprochai nonchalamment. Le chant de la cascade devint si fort que mon ouïe fut troublée, mais j'entendis quelques échos des paroles du mâle à sa femelle, des paroles de réconfort. J'entendis quelques cailloux tomber en contrebas, ainsi qu'une immense odeur de désespoir, et je compris que la femelle était sur le point de tomber. J'eus un petit rire.

"Un ennui, les tourtereaux ?" souris-je cruellement.

Le sentiment de toute-puissance que je ressentais me rendait presque ivre. J'aimais sentir mon corps résonner en écho aux sentiments de mes victimes. Je me sentais pleinement moi.

"Laisse...Nous..." lâcha entre ses crocs serrés le mâle.

"Demon..." souffla la femelle, la voix pleine de douleur.

Je m'arrêtai, surpris. Quelque chose de bien plus fort que la peur ou la colère emplissait l'air. Je reniflai, tendu. C'était une odeur étrange, quelque chose qui se ressent plus que cela ne se sent.

C'était un amour puissant et immortel entre les deux êtres.

J'ignore pourquoi, mais cette constatation me blessa. La voix mauvaise au fond de ma tête hurla, m'ordonnant mille mises à mort, mais je me contentai de les observer sans les voir pendant quelques instants. Maintenant que j'avais compris le sentiment, je pouvais le retrouver partout : entre les crocs serrés du mâle sur la patte de sa femelle pour l'empêcher de tomber, dans la respiration haletante d'Albane, dans les membres tendus de Demon. Mes yeux se plissèrent, et une rage inexpliquée m'envahit.

"Fort bien...Je laisse tomber..." susurrai-je d'une voix étonnamment calme.

Et sans le moindre regret, je poussai le mâle.

J'entendis le vent siffler tandis que les deux loups tombaient vers une mort certaine, puis plus rien. Juste un murmure que le vent porta jusqu'à moi : "Hurricane..."

Mon cœur était étrangement douloureux. Grognant, je me détournai, et m'étonnai de ne pas retrouver ma délectation précédente.

Le goût du sang se trouva être soudain amer, pourtant, je n'éprouvai aucun remord pour le meurtre que je venais de commettre. Mais je ne pouvais me départir de l'odeur des deux compagnons.
Comme si leur amour ne quitterait jamais les lieux.

Je compris alors que je faisais face à un sentiment que jamais je n'avais ressenti, et que jamais je ne ressentirais. Et je compris que je regrettais d'y avoir mis fin.

Pourtant, sans un mot, je fis volte face et m'éloignai de la cascade.

Me demandant simplement ce qu'était ce "Hurricane"."



Le souvenir prit fin d'un coup, et l'Aveugle se retrouva à nouveau raide, le souffle coupé. Il recula, s'éloignant du petit printanier, mais il détourna la tête silencieusement de lui, préférant prendre ses distances pour reprendre son souffle. Il avait un début de migraine, mais faisait mine de ne rien ressentir. Ce n'était pas cela qui le préoccupait.

-Je ne voulais pas te montrer ce souvenir...finit-il par dire.

Il se tut à nouveau, puis ajouta :

-C'était il y a longtemps. J'ai changé.

Puis il n'eut plus rien à ajouter.
Parce qu'il n'y avait rien à dire.
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Lun 18 Juil 2016 - 15:45


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Le corps du petit tremblait, un tourbillon envahissant son esprit. Il avait déjà du mal à se souvenir de ce qu’il avait vu et pourtant… la haine… le plaisir de la violence… l’envie de tuer… le goût du sang dans sa gueule… C’était si intense, c’était si contre-nature que son cœur se leva. Un goût amer lui remplis la gueule et, se courbant, il vomit sur le sol. Des larmes perlèrent à ses yeux sous l’effort. Shaman, son père, lui disait toujours que la vie est sacrée… que chacune des vies se doit d’être sauvée si on le peut… que vouloir du mal à un autre est une chose qu’on ne devrait jamais se permettre… Combattre pour défendre ceux que l’on aime ou alors les innocents, ça c’était acceptable, mais… mais tuer… pour le plaisir… Encore tremblant, le louveteau se força à ouvrir les yeux pour le poser sur son… comment pouvait-il penser ami après ça?

« Je ne voulais pas te montrer ce souvenir... C'était il y a longtemps. J'ai changé. »

C’était il y a longtemps? Il avait changé? Vraiment? Peut-on vraiment changer à ce point? Pourrait-il vraiment dire sérieusement qu’il ne ressentait plus ce plaisir de faire du mal aux autres? D’un coup, le petit Printanier se demanda s’il ne devrait pas plutôt s’enfuir en courant. Si jamais l’Aveugle essayait de l’attaquer, comment pourrait-il se défendre? Mais il ne l’avait pas fait. Depuis le début de cette rencontre l’Estival aurait pu le tuer et ne l’avait pas fait. Alors peut-être qu’il avait vraiment changé. Après tout, il n’avait pas eu la vie facile. Parfois, la torture, l’enfance, ça laisse des traces. Et puis… Aydahven avait promis de lui montrer un souvenir en échange, il n’allait pas se défiler. Surtout qu’il avait peur que Créveug ne l’attaque s’il disait ne plus en avoir envie. Cependant… il ne pouvait pas vraiment se décider à le faire, non plus… Il tenta donc au mieux de contrôler sa voix, mais toujours parcourut de légers tremblements, elle chancela.

« Pourquoi…? Comment peut-on haïr à ce point? Comment peut-on changer après avoir commis des actes de ce genre? Tu les as tués… tous les deux… tu les as tués… »

Le petit ne voulait pas mettre en colère le grand. Mais il avait peur, il ne comprenait pas. Il sentait qu’il y avait quelque chose derrière tout ça, il voulait comprendre. Il ne voulait pas juger trop rapidement son interlocuteur. Une autre leçon de son père : toujours chercher à voir ce qu’il y a au-delà. Toujours chercher à comprendre, pour ne pas faire une erreur en interprétant mal.

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Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




Un jour, alors que l'Aveugle avait rejoint depuis peu l'Eté, il tomba nez à nez avec un solitaire venu chasser quelques proies sur le territoire estival. L'Aveugle l'avait évidemment attaqué, plus par instinct que pour défendre son territoire, mais le solitaire était fort et l'avait gravement blessé au niveau de la cuisse gauche. La blessure s'était infectée, et l'Aveugle refusant d'aller quérir un guérisseur, avait passé une longue semaine fiévreux et diminué dans sa tanière, loin des regards. La fièvre lui faisait perdre toutes notions de réalité et il avait comaté pendant longtemps, frôlant la mort de si près qu'il eut pu sentir son souffle. Mais ce dont le chien-loup se rappelait, c'était surtout le froid qui l'envahissait, la brûlure de sa blessure, et surtout l'immense vide en son cœur.

C'était exactement ce qu'il ressentait actuellement.

Il pouvait sentir la peur et l'incompréhension d'Aydahven, et cela le blessait aussi profondément que la cicatrice qu'il portait à présent à la cuisse. Il comprenait la réaction de l'enfant, mais cela ne la rendait pas moins douloureuse. L'Aveugle se rembrunit brutalement, cherchant à se protéger avant toute chose. Il ne voulait pas que le printanier voit la douleur dans ses yeux ou bien la faiblesse qui le cernait à présent. Il avait l'impression que ses pattes étaient cotonneuses.

"Ce doit être le contrecoup de l'utilisation de mon pouvoir..." essaya-t-il de se convaincre sans grande conviction.

L'odeur de la peur l'écœura. Il ne voulait pas la sentir. Pas celle de l'enfant.

-Pourquoi…? Comment peut-on haïr à ce point? Comment peut-on changer après avoir commis des actes de ce genre? Tu les as tués… tous les deux… tu les as tués…

Aydahven s'était exprimé d'une voix tremblante, essayant de dissimuler sa peur, sans grand succès. L'estival se rembrunit davantage, mais se détourna pour éviter à l'enfant de se confronter à la froideur soudaine de son regard. Si lui-même ne pouvait pas voir les expressions du printanier, l'inverse n'était pas vrai.

Plus que le regret d'avoir montré sans le vouloir ce souvenir, plus que la peine de voir Aydahven avoir peur de lui, c'était le dégoût qui se voyait sur son museau. Ce dégoût immonde et rampant qui le saisissait parfois quand il tuait, quand il combattait. Ce dégoût de savoir qu'il était devenu l'être que les humains voulaient qu'ils soient.

L'Aveugle ne répondit rien quelques instants, écoutant le vent porteur du sel de la mer se coller contre lui. Il songea qu'il aurait dû partir quand il l'avait décidé. Il songea qu'il n'aurait jamais dû venir ici. Il songea qu'il n'aurait jamais dû rencontrer ce printanier.

-L'affection est une faiblesse. L'amour est une plaie. Seule la haine maintient en vie.

L'estival s'aperçut qu'il avait prononcé ces mots à voix hautes. Cela le surprit et il se ressaisit.

-Je n'ai aucune justification, pas de beaux discours devant mes actes. Certains disent que je suis un monstre...Et ils auront raison. Je vis dans la haine. Je suis un être de haine. C'est ainsi que l'on m'a élevé.

L'Aveugle se tourna à nouveau vers le printanier et le fixa de son regard aveugle.

-Je ne m'attend pas à ce que tu comprennes...continua-t-il. J'ai vu ton souvenir. Tu es un enfant de l'amour, tu as été élevé dans cette optique, dans le respect de la vie. Ce que je t'ai montré, tu ne peux pas le comprendre, c'est au delà de tes forces, comme c'est au delà des miennes de surmonter ma haine. Pourtant, je sais que celle-ci n'est pas aussi forte qu'elle l'a été autrefois. Je suis à présent capable d'autre chose que de haïr.

Il baissa les yeux et rabattit les oreilles.

-Je n'attend pas à ce que tu comprennes...répéta le chien-loup. Si tu veux partir, pars. Je ne te retiens pas. Je peux sentir ta peur tout autour de moi. Si tu as si peur, tu peux partir. Moi, je ne veux pas de cette peur.

Et comme un enfant, il répéta une dernière fois, le regard extrêmement glacial, mais la voix pleine d'amertume :

-Je ne m'attend pas à ce que tu comprenne.

"Parce que tu ne comprendras pas..." songea-t-il douloureusement. "Quant bien même tu en sais déjà plus sur moi que n'importe qui sur ces terres."

L'Aveugle se demanda s'il serait capable de confier un jour à quelqu'un d'autre son nom, "Créveug".

Il savait que non.
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Jeu 25 Aoû 2016 - 17:47


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle



HRP :
Le petit constata assez rapidement que ses paroles avaient déplu au grand aveugle. Mais pourquoi? Il voulait essayer de comprendre… il voulait lui donner sa chance de s’expliquer. Quand le silence s’installa, le louveteau décida de ne rien faire. Il se concentrait surtout à éradiquer sa peur. Créveug lui avait dit qu’il pouvait sentir les sentiments, alors Aydahven faisait de son mieux pour ne plus avoir peur. Il essayait de se convaincre, entre autres, que si le grand loup avait voulu lui faire du mal, il l’aurait déjà fait, non? C’est alors qu’un long discours pris place.

« L'affection est une faiblesse. L'amour est une plaie. Seule la haine maintient en vie. Je n'ai aucune justification, pas de beaux discours devant mes actes. Certains disent que je suis un monstre...Et ils auront raison. Je vis dans la haine. Je suis un être de haine. C'est ainsi que l'on m'a élevé. Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes...continua-t-il. J'ai vu ton souvenir. Tu es un enfant de l'amour, tu as été élevé dans cette optique, dans le respect de la vie. Ce que je t'ai montré, tu ne peux pas le comprendre, c'est au-delà de tes forces, comme c'est au-delà des miennes de surmonter ma haine. Pourtant, je sais que celle-ci n'est pas aussi forte qu'elle l'a été autrefois. Je suis à présent capable d'autre chose que de haïr. Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes...répéta le chien-loup. Si tu veux partir, pars. Je ne te retiens pas. Je peux sentir ta peur tout autour de moi. Si tu as si peur, tu peux partir. Moi, je ne veux pas de cette peur. Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes. »

Tout au long de ce long monologue, le printanier se calma, lentement. Il essayait de remettre les pièces en place pour comprendre. Il en oublia même la première phrase de l’estival qui l’avait un peu choqué. Reconstruisant le casse-tête, ou du moins ce qu’il en possédait, il mit un moment avant de répondre. Quand il le fit, sa voix était redevenue calme, neutre. Sa peut avait disparue, car il comprenait que le loup ne l’attaquerait pas.

« Non, je ne comprends pas. Je ne peux peut-être pas comprendre. Mais je suis capable de faire des efforts, d’essayer. Je n’ai pas besoin qu’on me traite comme un enfant. J’ai en effet été élevé en me faisant dire par mes deux pères qu’il fallait respecter toute vie, quelle qu’elle soit. Cela veut aussi dire la tienne. Je ne sais pas si tu as peur que je te déteste, parce que je ne sens pas les émotions comme toi. C’est vrai, je ne comprends pas pourquoi on peut vouloir faire du mal comme ça et ça me fait un peu peur d’avoir vu comment tu as pu être méchant dans le passé. Je ne l’approuve pas, mais je sais aussi que je n’ai pas mon mot à dire là-dessus. Tu dis que c’est au-delà de tes forces de surmonter ta haine, mais que tu as changé. Pour moi, ça n’a aucun sens, car c’est une contradiction. Mais ce que je sais… c’est que tu ne m’as fait aucun mal jusqu’à maintenant. Tu as partagé des choses avec moi. Et si je n’aime pas ce que j’ai vu, le fait que tu aies partagé des morceaux de ta vie avec moi signifie quelque chose que je ne peux pas ignorer. Oui, j’ai peur un peu. Tu es beaucoup plus fort que moi et tu m’as montré que tu pouvais t’en prendre à quelqu’un sans te soucier d’honneur et de loyauté. Peux-tu m’en vouloir d’avoir peur que tu t’en prennes à moi? Je ne pourrais rien faire pour me défendre! Mais ce n’est pas pour autant que je te laisserai tomber. Tu m’as montré que tu pouvais aussi être autre chose en te souciant de moi. Pourquoi n’es-tu pas parti? Pourquoi es-tu revenu? Tu as quelque chose en toi qui s’oppose… Et au contraire de toi, je crois que tu peux faire pencher la balance du bon côté, si tu le veux réellement. Le Créveug que tu m’as montré ne mérite pas d’être mon ami. Mais le Créveug qui se tient devant moi et qui a essayé de m’aider à comprendre son monde, lui, si. Alors tant que tu seras ce Créveug-là avec moi, je ne te fuirai pas. Parce que je sais ce que c’est d’être différent. Et je sais que parfois il faut qu’on s’accroche à notre bon côté pour nous aider. Et je veux t’aider. »

C’était un très long discours… Aydahven se demandait si cela pouvait aider son ami (car il fallait bien qu’il se le dise, aussi étrange que c’était en ce moment, Créveug était bel et bien son seul ami) à se calmer un peu, le rassurer. Peut-être que sa façon de s’exprimer était un peu trop « fait d’amour » pour lui et que ça le dégoûterait, mais il devait bien y avoir une raison pour laquelle l’estival ne lui avait pas fait de mal et s’était confié à lui! Il y avait quelque chose en lui qui attirait le bon de Créveug et le louveteau misait tout là-dessus pour essayer de se rattraper de son attitude précédente. Car il était vrai qu’il ne comprenait pas. Mais il voulait comprendre! Il voulait comprendre et aider son ami!

Le petit se risqua alors à faire quelque chose de plus. Pour prouver à l’aveugle qu’il était sincère. Malgré la légère hésitation qui l’habitait à faire cela, le printanier s’avança vers l’estival et, avec autant de douceur qu’il le pouvait, il fit une toute petite lèche sur la patte avant de ce dernier, aussi haut que sa petite taille d’enfant le lui permettait. Il fit ensuite un pas pour s’écarter de lui afin de ne pas trop l’envahir non plus, ayant bien compris que la proximité n’était pas son truc.

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L'Aveugle
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Mer 31 Aoû 2016 - 14:03


Enfance et Réminiscence

PV Aydahven




L'Aveugle s'attendait sincèrement à ce que Aydahven s'en aille, effrayé par la nature de son interlocuteur. Après tout, comment pourrait-il lui en vouloir ? Lui même se serait fuit s'il avait pu.

-Non, je ne comprends pas.

L'Aveugle releva les yeux et fixa Aydahven sans le voir, surpris, non pas par ses paroles mais par son ton. Aydahven semblait moins terrifié, moins horrifié qu'auparavant.

-Non, je ne comprends pas. Je ne peux peut-être pas comprendre. Mais je suis capable de faire des efforts, d’essayer. Je n’ai pas besoin qu’on me traite comme un enfant. J’ai en effet été élevé en me faisant dire par mes deux pères qu’il fallait respecter toute vie, quelle qu’elle soit. Cela veut aussi dire la tienne. Je ne sais pas si tu as peur que je te déteste, parce que je ne sens pas les émotions comme toi. C’est vrai, je ne comprends pas pourquoi on peut vouloir faire du mal comme ça et ça me fait un peu peur d’avoir vu comment tu as pu être méchant dans le passé. Je ne l’approuve pas, mais je sais aussi que je n’ai pas mon mot à dire là-dessus. Tu dis que c’est au-delà de tes forces de surmonter ta haine, mais que tu as changé. Pour moi, ça n’a aucun sens, car c’est une contradiction. Mais ce que je sais… c’est que tu ne m’as fait aucun mal jusqu’à maintenant. Tu as partagé des choses avec moi. Et si je n’aime pas ce que j’ai vu, le fait que tu aies partagé des morceaux de ta vie avec moi signifie quelque chose que je ne peux pas ignorer. Oui, j’ai peur un peu. Tu es beaucoup plus fort que moi et tu m’as montré que tu pouvais t’en prendre à quelqu’un sans te soucier d’honneur et de loyauté. Peux-tu m’en vouloir d’avoir peur que tu t’en prennes à moi? Je ne pourrais rien faire pour me défendre! Mais ce n’est pas pour autant que je te laisserai tomber. Tu m’as montré que tu pouvais aussi être autre chose en te souciant de moi. Pourquoi n’es-tu pas parti? Pourquoi es-tu revenu? Tu as quelque chose en toi qui s’oppose… Et au contraire de toi, je crois que tu peux faire pencher la balance du bon côté, si tu le veux réellement. Le Créveug que tu m’as montré ne mérite pas d’être mon ami. Mais le Créveug qui se tient devant moi et qui a essayé de m’aider à comprendre son monde, lui, si. Alors tant que tu seras ce Créveug-là avec moi, je ne te fuirai pas. Parce que je sais ce que c’est d’être différent. Et je sais que parfois il faut qu’on s’accroche à notre bon côté pour nous aider. Et je veux t’aider.

L'Aveugle ne l'avait pas interrompu durant sa longue tirade, trop surpris qu'il était. Bouche bée, il avait écouté le petit printanier sans comprendre le sens de ses paroles. C'était...Si...Inattendu.
Personne n'avait parlé ainsi à l'Aveugle auparavant. Personne n'avait mis de côté sa crainte pour lui parler, ne lui avait ouvert son cœur et l'avait accepté.

Ne lui avait proposé son aide. Personne ne l'avait jamais aidé.

C'était donc ça, l'amitié.

Avant que l'estival n'ait eu le temps de se remettre de ses émotions, Aydahven s'approcha de lui prudemment, comme s'il craignait que le mâle gris n'ait peur, et il lui lécha doucement la patte avant en un signe d'affection, comme pour lui adresser en un geste tout ce qu'il venait de dire en mots. Cela fit chaud au cœur de l'Aveugle, malgré le fait qu'il ne soit pas friand des contacts physiques. Il se sentait infiniment soulagé, et ses propres émotions le surprenaient incroyablement. Une partie de lui voulait en vouloir à Aydahven, le réprimander pour ainsi se jouer des pauvres et rachitiques sentiments du chien-loup, mais cette partie de lui était celle violente que le printanier semblait craindre, là où il semblait apprécier le loup perdu face à lui.

En un sens, les deux loups étaient semblables : peu à l'aise avec les émotions, mais désireux de s'améliorer pour le bien d'une amitié naissante. Cette attitude incitait à la franchise, si bien que malgré le discours d'Aydahven, si différent de celui qu'entretenait l'estival, ce dernier avait envie d'y croire. Lui, l'amoureux de la haine, avait envie de mettre celle-ci de côté, tout comme il avait déposé son armure en montrant ses souvenirs au printanier. Cela était sans doute responsable du fait qu'il ait montré par inadvertance un souvenir de meurtres...Car, après tout, l'affection rend faible.
Mais pour le printanier, celle-ci semblait être une force.

Toutes ces pensées avaient traversé l'Aveugle sans qu'il ne tique, ses yeux s'étant simplement écarquillés. Il était resté immobile, le regard indéchiffrable. D'ordinaire, devant de telles paroles dégoulinantes d'espoirs et d'amour, l'Aveugle aurait ri au nez de son interlocuteur avant de se moquer de lui allègrement. Mais le fait que ces paroles viennent d'un enfant, tenant un discours construit issu de l'expérience et non de vains rêves, et destinés à l'estival avant tout, cela avait quelque chose de douloureux pour le chien-loup, une douleur lancinante qu'il ne pouvait expliquer. Ce n'était plus la brûlure qu'il avait ressenti plus tôt, ni même ce sentiment de désorientation qui l'avait saisi lorsqu'il avait "vu". Non. C'était quelque chose qu'il ne pouvait nommer, car on ne lui avait pas appris à ressentir de telles choses. Il ignorait ces sentiments, et comment réagir devant lui.

Alors, l'Aveugle choisit la solution la plus simple. Il se détourna, pour éviter qu'Aydahven ne voit son expression se teinter de cet étrange sentiment. C'était lâche, mais l'honneur n'était soudain plus si important pour le mâle gris. Il leva les yeux vers la mer, bien qu'il ne puisse l'observer, puis il tenta de se calmer, sans succès. Son œil droit le brûla aussi surement que le tisonnier qui l'avait autrefois aveuglé, et il frotta sa tête contre son antérieur. Il sentit alors ses yeux humides, et il les essuya sèchement, espérant que le printanier n'ait pas assisté à ce pitoyable spectacle avant qu'il ne se détourne.

Il n'avait toujours pas prononcé un mot.

Lorsqu'il releva la tête, l'Aveugle avait les yeux qui le piquaient encore plus, et il sentait un nœud douloureux en sa gorge. Pourtant, il ressentait un sentiment chaleureux en sa poitrine, au milieu de ces étranges douleurs.

"Les émotions...Incompréhensibles..."songea-t-il froidement. "Moins elles sont nombreuses, mieux je me porte."

Il ignorait si c'était un mensonge, mais enfin, il prit la parole :

-Personne ne m'avait parlé ainsi avant, ou fait preuve d'une marque d'affection à mon égard.

Chaque mot semblait révéler à quel point cela était important pour l'Aveugle. Sa voix était assurée, bien que son esprit ne soit pas en paix. Néanmoins, son timbre était plus rauque qu'à l'accoutumée, abimé par cette douleur en sa gorge.

-C'est à ton tour maintenant, de me montrer un souvenir, ajouta-t-il avec une nonchalance mal feinte.

Puis plus doucement, tournant sa tête vers le printanier, il ajouta :

-S'il te plait.

L'Aveugle n'était jamais poli, mais ce n'était pas de la politesse. C'était comme une prière non dite, quelque chose que l'Aveugle ne faisait jamais.

Comme un appel de l'obscurité vers la lumière.

L'appel d'un ami.
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Mar 6 Sep 2016 - 16:05


Enfance et réminiscence



Aydahven et l’Aveugle


Un long silence s’installa. Un très long et lourd silence que le printanier n’avait pas la force d’oser briser. Son cœur battait fortement dans sa poitrine et il attendait avec espoir et appréhension la réaction de l’estival. Car ce dernier pouvait tout aussi bien décider que le louveteau le dégoutait et qu’il méritait la mort. Mais ce ne semblait pas être le cas. Si ce l’était, il ne prendrait pas tant de temps à réagir, n’est-ce pas? Quand l’aveugle se détourna, les oreilles de son petit compagnon se baissèrent tristement. Il allait encore partir, alors…? Pour de vrai, cette fois? Il fut plutôt surpris de voir que son ami essuyait son œil. Il pleurait? Ce constat fit encore plus de peine à Aydahven. Il n’avait pas voulu le faire pleurer…

« Personne ne m'avait parlé ainsi avant, ou fait preuve d'une marque d'affection à mon égard. »

Ah bon? Personne? Jamais? Cela expliquait pourquoi c’était si facile pour lui d’avoir recours à la haine… il ne connaissait pas la valeur de l’amour… Il se sentait sûrement même délaissé par elle. Le louveteau avait eu la chance d’avoir un père aimant et un père adoptif qui essayait de l’être aussi bien que possible. Sans cela… il serait certainement devenu comme son ami… alors comment lui en vouloir? En fait, il avait envie d’essayer de le consoler. Il avait envie de lui faire une lèche sur l’oreille et de lui murmurer que tout irait bien. Par contre, il n’osait pas vraiment s’y risquer, vu le caractère du loup estival. Il captait toutefois l’importance qu’avait eue sa réaction pour lui. Au fond, il ne pouvait pas vraiment faire grand-chose de plus en ce moment.

« C'est à ton tour maintenant, de me montrer un souvenir, ajouta-t-il avec une nonchalance mal feinte. »

Le changement de ton soudain le fit sursauter. Créveug parlait comme si rien ne s’était passé. Mais au fond, il y avait quelque chose derrière ça. Le loup acceptait l’amitié et l’aide du petit. Il lui demandait une fois de plus un souvenir afin de pouvoir voir de nouveau, mais aussi ressentir de nouveau le calme et l’affection du petit. C’était sans doute sa façon de dire à Aydahven qu’il avait envie de l’amitié de ce dernier. Le dire directement semblait un peu difficile, pour lui, alors le printanier ne s’en formaliserait pas. Ce fut la suite, les quelques petits mots ajoutés, qui convainquirent le petit de la nature non-naturelle de la demande de l’adulte.

« S’il-te-plait. »

Le ton était neutre, mais les mots, surtout venant de lui, sonnait comme ceux d’un mendiant qui supplie. À sa façon, l’aveugle suppliait le louveteau d’accepter, de lui venir en aide. Ce dernier sombra d’ailleurs dans une profonde réflexion. Devait-il montrer encore à Créveug un souvenir calme et heureux? Ou devait-il lui montrer que lui aussi il avait parfois des moments difficiles, même s’ils ne sont pas aussi terribles que ceux de son ami? Peut-être que ça lui ferait du bien de voir qu’Aydahven n’était pas parfait non plus. Un frisson parcourut le louveteau. Il avait le souvenir parfait.

« D’accord. Je vais partager avec toi un nouveau souvenir. Un souvenir qui te montrera que je ne suis pas uniquement composé d’amour moi non plus. Peut-être cela te réconfortera-t-il de voir que la colère existe en moi aussi? »

Il s’approcha de son ami et tendit la patte, pour le toucher. Quand sa patte entra en contact avec la joue du loup adulte, il ferma les yeux. Il tenta de se concentrer sur son souvenir. De longues secondes passèrent sans qu’il ne se passe quoi que ce soit. Après un moment, commençant à se trouver ridicule, le petit recula d’un pas.

« Je… j’y arrive pas… Je comprends pas… Pourquoi ça a marché tout à l’heure et pas maintenant? »

Il espérait sincèrement que Créveug ne pensait pas qu’il avait fait semblant mais qu’au final il ne voulait pas le partager. Ce n’était pas le cas! Mais pourquoi ça n’avait pas marché, comment il devait faire?

« Je comprends pas comment ça marche… Dis-moi, Créveug… tu fais comment pour utiliser ton pouvoir, toi, et le miens au travers? Parce que je sais pas ce que je dois faire… »

© Twilla

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