Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Qui part à la chasse...

Il était encore tôt, et une fine pluie se déversait sur les terres automnales. Daphné n'aimait pas particulièrement prendre l'eau pendant ses rondes, mais il avait fait tellement chaud ces derniers temps, même sous les arbres d'Automne, que la belle appréciait ce petit rafraîchissement. Tant qu'il ne se transformait pas en pluie diluvienne, du moins. La Sentinelle balança la longue tresse bleue faite à la va-vite avant de partir sur son dos, afin que ses cheveux ne s'empoissent pas de boue et de brindilles. Seules quelques mèches s'échappaient et venaient encadrer son visage, formant des boucles sous l'effet de l'humidité.


Ooooh quelle rabat-joie ! Il est vrai que la conscience de l'automnale n'appréciait pas les temps pluvieux, mais de là à incriminer tous les effets d'une petite bruine... Il ne fallait pas exagérer. Pour sa part, Daphné appréciait ce petit voile de fraîcheur qui commençait à la recouvrir doucement, faisant glisser çà et là des gouttes sur son pelage. Pour une fois, elle était de plutôt bonne humeur, et comptait apprécier cette journée envers et contre tout !

C'était sans compter sur une vilaine flaque de boue, dissimulée sous des feuilles mortes, qui happa ses pattes dès qu'elle marcha dessus. La voilà qui était à présent engluée dans une espèce de bouillasse peu ragoûtante, causée par la forte humidité de la Rivière de Beauté, coulant à proximité. Daphné suivait son cours depuis un petit moment, et elle avait oublié ces charmants cadeaux qui se formaient parfois dans les environs. Et dire qu'elle voulait passer une belle journée ! Cette pluie qu'elle pensait fine et agréable avait finalement ruiné son moral.

Maugréant, la belle s'extirpa de sa prison de boue, et remonta un peu le sentier qu'elle suivait pour déboucher sur la rivière elle-même. Là, dans un espace dégagé, elle pourrait rincer son pelage taché ! Aussitôt dit, aussitôt fait, la belle s'avança dans l'eau, faisant tremper ses fines pattes. Heureusement, grâce à sa tresse, ses cheveux n'avaient pas été atteints...


Toute à son occupation esthétique, la Sentinelle n'avait accordé aux environs qu'un vague regard. La remarque d'Irina la glaça sur place, et elle fit lentement un tour sur elle-même pour repérer le fameux quelqu'un. Intérieurement, elle priait pour qu'il s'agisse d'un membre de son clan, ce qui lui éviterait une belle part de boulot.

Mais il s'avérait que non. Le loup sur lequel ses prunelles jaune se posèrent n'avait rien d'un automnal, elle ne l'avait jamais vu. Aux couleurs de son pelage, il aurait pu être estival, mais ne pouvant sentir son odeur, elle ne l'aurait pas affirmé. S'il était hivernal, elle pouvait s'en sortir pacifiquement... Un frisson lui parcourut l'échine. Ce loup ne lui inspirait rien qui vaille, et elle en eut un mauvais pressentiment. Il était là, comme s'il attendait qu'elle arrive... Cette idée la glaça un peu plus, mais elle n'en montra rien, fronçant les sourcils et affichant une mine sévère.

- Qui es-tu, et que fais-tu ici ??

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Qui part à la chasse...

Non, décidément, l'allure de ce loup ne lui disait rien qui vaille. Il avait tout du fauteur de troubles : un sourire en coin, des yeux perçants, une assurance sans bornes... Celui-ci allait lui donner du fil à retordre, et la Sentinelle ne pouvait qu'appréhender l'affrontement, tant verbal que physique, qui risquait de suivre. Elle avait vraiment eu une bonne idée en tressant ses cheveux, ils seraient un peu moins encombrants si elle en venait à se battre... Mais autant ne pas ruminer de sombres idées comme celle-là, peut-être n'en arriveraient-ils pas à une telle extrémité !

- Je suis probablement quelqu'un qui n'a rien à faire ici et je sillonne le territoire automnale à la recherche de proie...

Contrairement à elle, il semblait trouver la situation présente particulièrement amusante. Il allait certainement l'ennuyer pour se divertir... La Sentinelle serra les dents, son visage se fermant un peu plus. La guigne, elle ne supportait pas les loups de cette espèce, et cet intrus semblait particulièrement gratiné... Elle n'aimait pas sa voix, son sourire ni sa manière de la regarder. Comme si elle était elle-même la proie qu'il était venu chercher... Une fois de plus, un frisson parcourut son échine. Cette idée ne lui plaisait pas du tout.

En un bond il fut auprès d'elle, lui tournant autour, jouant une fois de plus sur cette image du prédateur, dans le but certain de l'intimider ou la pousser à bout. Il avait l'art et la manière de s'y prendre, elle ne supportait pas de le voir s'approcher d'elle et l'encercler, d'autant qu'elle ressentait une impression de danger qui avait tendance à l'oppresser.

- Et toi, jeune louve ? Qui est-tu et que viens-tu faire ici ?

La belle poussa un grognement bref et sourd, agacée par cette question stupide. Elle dut inspirer et expirer à fond pour retrouver un semblant de calme et conserver son sang-froid ; si elle entrait dans son jeu, elle était grillée. Quoi qu'il arrive, ce loup était plus grand qu'elle et sûrement plus musclé, et elle ne savait rien de son pouvoir. Au moins pouvait-elle à présent, malgré la pluie, percevoir son odeur : un printanier. Voilà qui n'arrangeait rien...

Le gris lui tournait inlassablement autour, et elle le suivait des yeux, méfiante, tendue. La langue lui démangeait de lui rétorquer quelques gentillesses, mais si elle lui faisait se plaisir, elle serait perdue. Elle ne voyait pas trop quelle stratégie adopter pour se débarrasser de lui, mais pour l'instant, rester calme lui semblait la meilleure option...

- Je vois que j'ai affaire à un esprit supérieur... Elle se redressa et leva le menton en le suivant des yeux, affichant une fierté et une assurance qu'elle n'éprouvait pas vraiment... Les terres Automnales ne sont pas friandes de printaniers, affamés ou non. Je croyais que c'était l'Hiver qui souffrait de gibier infecté, tu n'as donc rien à béqueter chez toi ?

La belle était moins que certaine de l'effet de ses paroles sur son interlocuteur. Il avait plutôt l'air d'être de ceux qui, une fois qu'ils ont une idée en tête, n'en démordent pas... Mais elle aussi pouvait se montrer têtue, et bien qu'inquiétant, elle se devait de faire face à l'intrus et lui faire quitter les lieux.

- Il n'y a rien pour toi ici. Va-t'en.

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Qui part à la chasse...

Pour toute réponse à sa réplique, le printanier se posta devant Daphné, arborant un sourire d'effronté qu'elle aurait aimé lui arracher à coup de crocs. Elle haïssait sa manière de la regarder, de lui sourire, de la dévorer de ses yeux cruels... La sentinelle n'aimait personne, de base. Mais c'était la première fois qu'elle en venait si vite à mépriser un loup. Dans un sens, elle devait lui reconnaître un certain talent pour ennuyer son monde, mais il était fort regrettable qu'elle en soit la cible. Elle sentait qu'elle se souviendrait toute sa vie de cette rencontre, et pas en d'agréables termes.

- J'ai déjà fait le tour de mon territoire ; le gibier printanier je commence à m'en lasser... Mais visiblement celui des terres automnales semblent bien plus intéressant.

Soufflée par cette allusion, la belle redressa vivement la tête, clignant stupidement des yeux. Elle qui s'exhortait à ne pas céder au jeu de son ennemi, voilà précisément qu'elle lui donnait ce qu'il attendait... Il faisait exprès de la provoquer à travers ses propos déplacés, et il était clair qu'elle n'appréciait pas du tout la position dans laquelle il la plaçait. Ses babines se retroussèrent sur des crocs brillants tandis qu'elle plissait ses yeux jaunes sur la silhouette grise. Tout son mépris pour l'intrus était ancré dans ce regard. Elle ne devait pas lui montrer la panique qui se creusait au fond de son estomac, il fallait qu'elle soit forte, plus forte que lui ! Le problème, c'est qu'elle savait pertinemment qu'elle ne l'était pas... Elle le croyait, quand il s'agissait de chasser des idiots qui s'en allaient sans trop rouspéter, mais face à un ennemi d'une telle envergue... C'était autre chose, et elle n'aimait pas du tout sentir son avenir proche menacé. Sa colère enfla cependant alors qu'elle ne trouvait rien à répondre au printanier pour lui rabattre son caquet, mais son sang se glaça bien vite lorsqu'il se mit à rire.

Elle se sentit humiliée, et par-dessus ça, l'impression désagréable qu'elle perdait le contrôle de la situation la hantait, glissant des lames glacées dans sa moelle épinière. L'automnale devait sérieusement commencer à réfléchir à un plan B, sous peu, la situation allait déraper, elle en avait la certitude.

- Voyons, jeune louve. Cette manière de l'appeler était des plus agaçantes, mais la belle tâcha d'ignorer. Pourquoi te montrer aussi indifférente ? Nous ne sommes pas sur les terres de la saison la plus froide et pourtant ta voix siffle comme le vent glacial de l'hiver... Je n'ai même pas entendu un "bonjour". Rien. Aurais-tu oublié les règles de courtoisie ?

Le sang de Daphné était tour à tour glacé d'effroi et bouillonnant de colère. Ses sourcils se froncèrent un peu plus, mais elle resta muette face aux provocations du mâle. Il cherchait à la faire sortir de ses gonds, et pour le décontenancer - si tant est qu'il était possible de le décontenancer un chouïa - elle devait rester de marbre, laisser les insultes et autres outrages glisser sur elle comme des gouttes de pluie. C'est ça, les propos du printanier ne l'atteignaient pas, comme les perles d'eau qui se déversaient actuellement sur eux roulaient sur son poil avant de chuter à ses pattes. Mais viendrait forcément un moment où, glissement ou non, elle serait humide, puis mouillée.

- Non, bien sûr que non. Une louve avec autant de grâce ne peut avoir oublié les principes de la politesse sans une bonne raison.

Siffle donc, beau merle, ton blabla ne m'atteint plus. Ce ne sont que des mots, et je vois clair dans ton jeu, je vois bien ce que tu manigances... Parole de sentinelle, elle n'y céderait pas de si-tôt. Droite sous la pluie, Daphné gardait ses prunelles jaunes rivées sur le printanier, lui exprimant muettement tout le mépris et la colère qu'il lui inspirait. Il fallait encore qu'elle se calme et qu'elle recouvre son sang-froid, et alors elle pourrait lui jeter dessus un glacial mépris, teinté d'indifférence... On verrait s'il se faisait toujours aussi souriant et beau parleur. Peut-être que cela jouerait en la défaveur de la belle, mais c'était son seul plan valable pour le moment.

Aussi sournois qu'un serpent, l'ennemi se remit en chasse, tournant à nouveau autour d'elle, ce qui lui arracha un soupir irrité. Elle ne s'attendait cependant pas à ce qu'il s'approche autant, et frémit face à la proximité du gris. Ses prunelles cruelles et vicieuses plongèrent sur elle, semblèrent l'examiner jusqu'à l'âme, et le sentiment d'inconfort était tel que l'automnale recula automatiquement, à peine consciente qu'elle pataugeait dans la rivière jusqu'à mi-pattes. Cet individu était dangereux et fou. Elle qui abhorrait le contact, la voilà qui était plus répugnée que jamais de sa personne...

- Serais-tu effrayée par quelque chose ?

Ce loup savait clairement mener son jeu, et Daphné en déduisit que la torture d'être inférieurs comme elle devait être son passe-temps quotidien. Elle était révulsée de ses manières et de son ton doucereux, écœurée de son sourire et son regard malsain. C'est maintenant qu'elle devait réagir, se ressaisir, avant que l'autre ne soit persuadé d'avoir le contrôle total sur elle.

Inspirant profondément, la sentinelle libéra lentement son souffle pour faire le vide et retrouver tous ses esprits. Ne pas céder à la panique, montrer son sang-froid et son professionnalisme, c'est quelque chose qu'elle savait faire en temps normal ! Cette situation ne devait changer en rien ses habitudes, et il lui fallait se persuader que ce détestable printanier était un intrus comme les autres, tout aussi insupportable, mais elle pouvait s'en débarrasser.

- Nullement.

Un mensonge, mais au moins sa voix n'en trahit rien, résonnant clairement et fermement par-dessus le clapotis incessant de la rivière et le glouglou des gouttes de pluie, de plus en plus épaisses - voilà qui n'arrangeait pas son affaire, d'ailleurs, la météo n'était pas de son côté. La belle posa un regard apaisé et distant sur le gris, sa contenance retrouvée grâce à la distance qui les séparait à nouveau - même si sa marche de manœuvre était réduite, dans le cours d'eau. C'était à elle de reprendre les rênes, à présent. D'un geste théâtral, elle balança à nouveau sa longue tresse sur ses épaules, lui évitant de peser trop lourd en s'imbibant de flotte. Ses yeux ne quittèrent plus le printanier.

- Pour la dernière fois, ravale tes belles paroles et quitte ces terres.

Le but de la manœuvre n'était bien évidemment pas de provoquer ouvertement le mâle, ni le mettre au défi. Daphné devait seulement garder son calme et se montrer indifférente, intouchable, inatteignable quoi qu'il dise. En plus de ça, elle priait avec ferveur pour que l'autre ne lui saute pas dessus. Debout, toute droite, les pattes dans l'eau, elle le regardait, tâchant de chasser la haine de son regard, le rendant aussi froid et dur que les roches hivernales. Il n'a aucun pouvoir sur moi, je ne suis pas aussi faible qu'il le croit.

Dans le doute, elle employa un coin de son cerveau pour se concentrer sur son pouvoir ; ainsi, en cas de menace, elle serait prête à réagir en une fraction de seconde...

Code © FieryAmaryllis