Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

- O-oui c'est moi, désolée... Modame...

Myosotis retint un sourire satisfait. Elle comprenait les Instructeurs qui aimaient leur travail. C'est presque jouissif de voir la petite chose se redresser pour avoir l'air obéissante. Quoique, en fait, non, la patate ne se redressait pas... Elle... s'affaissait ? L'Alpha ouvrit de grands yeux : le comportement de la chose était tout l'inverse du sien quand elle avait le même âge. Myosotis se serait relevée et aurait essayé de discuter, tandis que Shirley s'affaissait comme un soufflé et baissait les oreilles. Cela irrita un peu l'Alpha. Elle n'avait pas besoin de lavettes dans ses troupes, qui baissaient les yeux à la moindre faute !
Alors qu'elle s'apprêtait à faire des remontrances à la jeune louveteau, cette dernière leva ses yeux rose-violet vers Myosotis. L'Alpha haussa un sourcil. Peut-être que la petite avait plus de cran qu'elle ne le montrait. Ses jolis yeux avaient une lueur d'innocence. Ses oreilles se dressèrent soudain, comme si quelque chose de particulièrement intéressant s'était posé sur le nez de Myosotis. Cette dernière en vint même à se demander si elle avait un morceau de viande coincé entre les crocs. Le visage de Shirley exprimait maintenant une sorte d'extase, elle était à la fois adorable et parfaitement idiote. Myosotis commença à prendre peur lorsque la jeune loupiote se mit à bondir un peu partout, chantonnant des propos incohérents.

- Faut faire quoi quand on est Alphaaaaa ?

Elle aurait dû s'en douter. Elle aurait dû s'en douter ! Rien que ses yeux roses auraient dû lui mettre la puce à l'oreille. Une personne seine d'esprit ne peut pas avoir des yeux roses. Son soupçon se confirma lorsque la loupiote lui sauta littéralement dessus, escaladant son arrière train pour se mettre à cheval sur son dos. Heureusement que la période des chaleurs était terminée, sinon Myosotis aurait eu la désagréable impression de se faire courtiser par une louve deux fois plus jeune qu'elle au moins, expérience tout à fait inédite. Alors qu'elle s'apprêtait à rabrouer l'impudente, une tête ébouriffée apparut devant ses yeux.

- Oooh je vois le monde à l'envers ! C'est quoi ton secret ? Genre t'es faite avec du coton et on t'a cousue, mais comment tu fais pour vivre ? Parce que les peluches, même si elles sont géantes elles sont pas vivantes... Ou alors j'avais raison, les peluches ça parle ! Tout le monde me dis que je suis foll... WATYAAAAAA !

Incapable de se contenir, Myosotis s'ébroua violemment pour faire tomber Shirley. Peu lui importait désormais que la petite se blesse ou non, elle ne pouvait plus supporter cette limace. Cependant, cela sembla correspondre à l'instant où Shirley se décidait à sauter. Cela agaça un peu plus l'Alpha. Avec ça, elle n'aurait même pas le privilège de déloger l'effrontée ! Elle se força à respirer calmement. Elle ne devait pas hurler sur une enfant. Même si ça leur aurait certainement fait beaucoup de bien à toutes les deux...

- Écoute, Shirley, il y a plusieurs choses que tu vas devoir rapidement apprendre. La première, c'est que je suis ton Alpha. Je dirige plus d'une trentaine de Printaniers. Elle fit une pose un instant, cherchant des mots simples et justes que Shirley pourrait comprendre. Tu ne peux pas jouer avec moi comme avec n'importe quelle nourrice. Tu dois me montrer du respect, ajouta-t-elle sur une note plus acide.

L'Alpha soupira. Elle n'avait jamais su s'y prendre avec les gamins. Enfant déjà, elle trouvait que la plupart des petits réfléchissaient au ralenti, sans se rendre compte que c'était elle qui réfléchissait plus vite. Malgré tout, la petite Shirley semblait plus dégourdie que ses camarades.

- Et d'ailleurs, tu devrais apprendre à me regarder dans les yeux quand je te parle. Dès que tu oses faire ça, tu prends un peu plus confiance en toi. Allez, regarde moi ! dit-elle en souriant.

Elle entraîna la petite vers un ruisseau qui coulait non loin de là.

- Et regarde moi ces cheveux. En bataille, ni coiffés, ni tressés. Comment peux-tu vivre avec une tignasse pareille ? J'ai beau ne pas être très coquette, je trouve quand même que tu devrais faire plus attention à ton image. Dis mois quelle coiffure te ferait plaisir ?

- Ben je sais pas moi, on m'a toujours dit que l'apparence, on s'en fiche et que ce qui compte c'est d'être qui on est... Mais moi je pense que c'est pas vrai, je pense que c'est toujours plus facile si on se sent bien dans sa peau et qu'on aime se faire belle, non ?

Myosotis retint un petit rire. Shirley ne cessait de l'étonner, finalement. Cette petite faisait-elle exprès de cacher son intelligence sous une couche de folie ? Elle s'allongea aux côtés de la petite louve, laissant le soleil réchauffer son poil rendu long par l'hiver.

- C'est quoi cette fleur là ?

Myosotis rouvrit les yeux et regarda dans la direction que lui indiquait Shirley. Une petite fleur perçait la neige, assoiffée de lumière. L'Alpha s'approcha délicatement et vint humer le parfum de la fleur. L'odeur était très forte pour son odorat très développé. C'était une très belle rose qui pointait vers le ciel, accrochée à son rosier. Elle n'avait jamais vu de rose bleue auparavant.

- C'est une rose. Je n'en avais jamais vu de semblable auparavant. Je ne suis pas sûre qu'elle reste bleue très longtemps. Bientôt, elle deviendra rose, soupira-t-elle.

Elle était presque sûre que recevoir cette fleur en cadeau aurait fait plaisir à Shirley, mais elle ne voulait pas cueillir une aussi jolie fleur ; de plus, elle préférait de loin faire pousser elle-même la plante plutôt que d'en tuer une née naturellement.

- Viens, on va en chercher d'autres. Je connais plein de fleurs bleues, et si tu veux, je t'en ferai pousser.

La plaine aux Cerisiers était pour cela un véritable bonheur. Bien que la présence de fleur ait été diminuée par l'Hiver, il en restait tout de même assez pour trouver ce qu'elles cherchaient. Myosotis avait dans l'idée de trouver à Shirley une fleur unique, remarquable. Elles s'approchèrent du pied d'un cerisier tapissé de petites fleurs roses.

- Regarde comme elles sont jolies, murmura Myosotis. Aussi roses que tes yeux. Est-ce qu'en cueillir une te ferait plaisi...?

La suite de sa phrase s'étrangla dans sa gorge. Attrapant Shirley par la peau du cou, elle recula de plusieurs pas, l'éloignant du tapis de fleurs et du cerisier.

- Colchique, murmura-t-elle avant de reposer doucement Shirley sur le sol. Elle avait rarement eu l'occasion d'en croiser mais sa mère l'avait toujours avertie du danger de ces fleurs. Regarde, reprit-elle à voix haute. Je voulais t'en cueillir une, mais elles sont très toxiques. Si tu en avales ne serait-ce qu'un petit bout, il va gonfler dans ton estomac et dans ta gorge, tu saigneras et tu pourrais finir par en mourir.

Son cœur se serra. Qu'aurait-elle fait si sa mère ne l'avait jamais élevée dans la crainte de certaines fleurs ? Elle se serait approchée, aurait cueilli une plante et l'aurait offerte à Shirley, signant peut-être son arrêt de mort, car avec les enfants, de quoi pouvait-on être sûr ? Et connaissant la petite, elle aurait sans doute essayé de la manger.
Elle soupira et s'assit. Elle avait beau adorer les fleurs, beaucoup étaient toxiques, surtout pour le métabolisme encore fragile d'un louveteau. Finalement, il serait plus sage de lui choisir une fleur basique mais non toxique. Pour le moment du moins, car plus tard, Shirley pourrait porter autant de fleurs toxiques qu'elle voudrait, lorsqu'elle serait en mesure d'en comprendre le danger. Elle pourrait même s'en servir comme arme. Mais pour l'instant, elle devrait se contenter de roses ou de marguerites.

- Bon, je pense qu'on va se contenter d'une rose pour le moment. Quelle sorte de rose voudrais-tu ? Il en existe des milliers. Des blanches, des jaunes, des roses, des rouges...

Au fur et à mesure qu'elle parlait, le sol devant elle se tapissant de centaines de roses. C'était un spectacle magique que Myosotis était fière de montrer. Elle en faisait pousser de toutes tailles, de toutes formes, de toutes couleurs.