Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Une brise estivale soufflait, rappelant que trop bien ce vaste territoire à l'ancien veilleur. Il était là, près sur le territoire autrefois le sien. Pourquoi revenait-il ? Il avait à faire ... Il devait annoncer son départ à sa plus grande amie, Tayla. Il espérait, regardant le ciel, adressant des prières à ses dieux pour qu'elle vienne. Il voulait tant la revoir, une dernière fois. Sans doute se reverront-ils prochainement mais, l'avenir était si futile et facilement friable, notamment en ces temps troublés par la guerre qui criait à pleine voix, entrainant blessures et semant la mort ... Lâche était le mot qui qualifiait le canin au pelage beige ... Il décidais de s'en aller à cet instant. Il s'en allait loin de cette guerre qu'il jugeait de ne plus être la sienne. Est-ce pour cela qu'il s'en allait ? Non, ça raison était bien plus sombre. Ses ténèbres et sa folie s'avançaient dans son âme, dévorant petit à petit sa raison. Il devait fuir ces terres, partir loin, là où il ne fera plus de mal, là, où il sera seul pour ces derniers instants.

La brise changea, passant d'un souffle d'est à un souffle venant de l'ouest. Changement radical, ce qui en étonna étrangement Lucian, bien que son visage restait toujours aussi neutre et froid. Il baissa les oreilles en reconnaissant l'odeur qui lui parvenait. Les dieux l'avertissaient de Sa présence en changeant le souffle du vent sur ces terres, qu'il gardait autrefois. Il se leva, quittant cette position d'inconfort qu'il avait gardé durant toute la journée, attendant sans relâche. Il s'avança vers l'odeur, les oreilles assez basse. Plus il avançait, plus il sentait un fardeau s'abattre sur ses épaules. Il voulait fuir, détalé comme un lièvre voyant son prédateur. Partir loin ... Mais, il ne fit rien de tel, avançant dans un silence semblable à son mutisme habituel. Il aperçu plus loin la silhouette tant attendue. Devait-il la saluer ? devait-il attendre qu'elle l'entende et qu'elle se retourne ?

Avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, le vent changeait de nouveau de direction, apportant son odeur vers la truffe noire de la louve. Cette dernière se retourna. La surprise et un bafouillement incompréhensible se fit entendre ... Etait-ce bon signe ? Les sentiments de sa louve passait dans son regard, se troublant encore et encore si bien que le pauvre canin beige ne put deviner sur quelle patte danser avec elle en cet instant qu'il avait choisi pour Le lui annoncer.

Bonjour, Tayla.

C'était Lucian qui lui parlait. Sa voix était claire, quelque peu rauque mais étonnamment envoutante et sensuelle.

- Je vais être bref, le temps me manque ... Il parlait sérieusement et avec une certaine note de tragique qui venait briser sa voix si belle qu'il laissait taire d'ordinaire.
Il souffla et posa son regard droit dans celui de la louve au pelage d'ébène.

- Tayla, je m'en vais. Je ne quitte pas les terres de Four Seasons mais, je quitte les Estivaux. Je ne serais plus le veilleur, je ne serais plus un membre de cette famille et ... Il s'interrompit un instant puis il reprit. Nous nous verrons plus. Enfin, je pense que je reviendrais de temps en temps mais, je ne serais plus le bienvenu.

Il pesait chacun de ses mots, voulant faire comprendre à la louve que sa décision était prise, qu'il n'y reviendrait pas dessus.

- Tu me parlais de ta folie ... Mais, je suis moi-même fou. J'aime voir le sang et je sens que cette folie dégénère en moi ... J'ai tué trop de loups, anéantis des clans qui m’accueillaient ... Je ne veux pas que cela se reproduise.

Il laissa ses longues oreilles retomber. Il était peiné de son choix, mais, l'avait-il réellement, cette notion de choix ? Non. Il faisait pour les sauver de lui-même. Il n'était pas égoïste, enfin, quand de rare occasion ...

Il regardait la louve. Ses sanglots si purs déstabilisèrent le canin. Elle pleurait et, c'était sa faute. Son coeur se serrait et pour la première fois depuis la mort de ses parents et de la sombre vérité entourant ce décès, il sentit les larmes se frayer un chemin. Son coeur de glace fondait avec ces gouttes si immaculés d'innocence. Il voulait se montrer fort face à elle et pourtant, ses faiblesses venaient à la charge, ne l'aidant guère dans cette annonce sonnant comme un adieu plus tôt qu'à un au revoir.

Il écoutait et s'abreuvait ce ses douces paroles. Il aimait écouté Tayla et, même Hikari se fit entendre, ce qui arracha un doux sourire des babines du canin beige. Ils ne prenaient guère que trop bien son départ bien qu'il soit accueilli dans des sanglots. La louve au pelage d'ébène se colla à lui. Il l'écoutait, comprenant malgré les sanglots étouffés dans son pelage qui s'humidifiait un peu plus. Il l'attrapa doucement contre lui, la serrant contre son poitrail. Il entoura sa queue autour d'elle. Il lui faisait un câlin ... Lucian savait que la tueuse n'aimait que très peu les contacts de ce genre et pourtant, il lui en faisait un, bravant l'interdit qu'elle lui avait mis. Il avait besoin de l'avoir contre lui, de la sentir contre lui et de mettre son museau dans ce pelage si noir.

- Je reviendrais Tayla ... Ce ne sont pas des adieux mais des aux revoir. Je serais toujours là pour veiller sur toi ...

Il ferma les yeux et s'adressa à la présence qui s'était tue :

- Hikari ... Veilles sur Tayla quand je ne le pourrais pas. Je te l'ordonne pas, mais te le demande en tant qu'ami.

Un sourire franc fleurissait sur ses babines, cachés par les poils d'ébène.

- Merci pour tes conseils, je tacherai de m'en souvenir autant que possible ... De me rappeler nos moments ...

Il eut une pensée pour Aglaée, mais, il n'était plus rien pour elle alors, qu'était devenu ces beaux souvenirs ? Que de sombres pensées que sa mémoire commençait à rogner, laisser libre de son maitre Lucian, qui ne réfutait pas cette option choisie.

- Et, tu viendras me voir ?

La savoir à ses côtés rassurait le coeur fébrile du canin beige. Il s'apprêtait à retourner à sa vie de solitude et d'errance mais, il avait un point d'attache, de ralliement en cas de besoin : il pourrait compter sur l'aide de Tayla. Il la serra un peu plus contre lui et esquiva un plus grand sourire lorsqu'elle affirma qu'elle le trouverait ... Les terres inoccupées étaient vastes, sans doute plus que celles estivales et pourtant, elle le retrouverait à chaque fois, du moins, c'est ce qu'elle espérait.

Le loup beige leva la truffe vers le ciel et fermant les yeux, il laissa le vent s'accrocher et caresser davantage son museau. Lucian priait. Il priait le dieu des Cieux, Amenominakanushi de faire en sorte qu'elle le trouve à chaque fois et priait la belle Naljubuites, déesse de l'espoir, du savoir et du futur. Il lui demandait de faire en sorte que leur destin ne cesse de se croiser dans de bonnes circonstances. Prières, soyez entendu des dieux ... se répétait le jeune mâle dans sa tête, comme si sa vie en dépendait. Rouvrant les yeux, il les posa sur la belle au pelage de jais. Doucement, il la repoussa et la regarda.

De sa patte, il lui caressa la joue avec une tendresse qu'aurait un amant avec sa dulcinée. Ses yeux pétillaient et sa patte quitta la joue de Tayla et s'approcha de sa longue oreille droite où des bijoux pendouillaient, l'air badasse. De ses griffes recourbées, ou plus tôt d'une seule, il défia une boucle se prolongeant d'un fil doré où au bout, reposait un cristal d'or taillé et une émeraude qui brillait plus que le matériaux jaune. Lucian tendit cet objet à la tueuse.

- Je serais toujours là. Ce bijou te permettra de me retrouver. Il est béni de mes dieux et ils t'aideront à me retrouver, quelque soit la distance qui nous sépare.

Il tapota les trois autres semblables qui lui restaient.

- Et ils me guideront à toi. Nous sommes lié désormais, Tayla.

Il souriait et doucement, il passa la boucle d'oreille à celle de la louve ébène. Le bijou doré ressortait dans ce pelage de jais. Il la contempla, bouche bée, quelques instants.

- Tu étais ravissante et là, il t'embellit davantage ... Tu ressembles à une déesse !

Des étoiles pétillaient dans ses yeux tandis qu'il ne la quittait pas du regard. Il s'avança vers elle et  lui fit une lèche dans le cou.

- Je reviendrai toujours vers toi, Tayla ... murmura-t-il, annonçant que son départ n'était que trop proche. Il devait s'en aller avant que des veilleurs viennent. Il n'était plus qu'un parjure, un canin abandonnant son clan dans un instant critique ...

Des feuilles, au loin, se crispaient sous le poids de canins, sans doute. Les oreilles de Lucian se dressait, et il tournait vers la direction de ce bruit sec. Pour le moment, aucunes silhouettes ne se laissaient voir, aucunes odeurs ne se laissaient sentir. Les veilleurs estivaux devaient être encore assez éloignés d'eux. Le loup beige regarda de nouveau Tayla. Elle était heureuse, sans doute par la promesse qu'ils se reverraient. Voir ce sourire réchauffait le coeur de glace du déserteur. Il lui fit une lèche sur la joue, lui souriant davantage qu'autrefois.

- Je n'en parle que peu ... Les autres loups se fichent de cette religion ... Après tout, seuls les membres de ma Tribu la connaissent.

Il gardait son sourire bien qu'une pincée de tristesse enveloppait sa voix si douce et si claire.

- Je t'en parlerais. Après tout, tu portes désormais un objet qui me fut offert par eux.

Il souriait, se rappelant son avancée, petit et recouvert de blessure, noble et ignorant des autres, vers le grand autel fait d'os de ses ancêtres. Les siens le regardaient avec mépris et pourtant, il s'avançait encore et encore, se rapprochant de l'édifice sacré. Lorsqu'il fut devant, son père, ne le regardant guère, entama la récitation de la prière accordée aux dieux lorsqu'un jeune loup était pour recevoir son prénom. Avant cette cérémonie, les louveteaux n'étaient pas nommés, ils étaient appelés " Hé ! Petit ! " ou quelque chose s'en rapprochant. Cette cérémonie faisait un lien entre l'enfant et les dieux qui, lui offraient prénom et objets. Lucian avait touché l'autel avant l'heure, et, sous le regard choqué des autres, une fumée verte était apparue. Il avait sombré et pourtant, lorsqu'il se réveilla près de l'autel, l'éternité pour lui était que quelques secondes dans ce monde. Le canin beige se relevait sous les yeux ébahis des siens : ses cheveux violets avaient incroyablement poussés, attachés dans une natte parfaite terminée par de magnifiques perles précieuses. premier présent de la longue liste : de belles boucles pendouillaient de ses longues oreilles touffues. Son père, Erkus, compta court à cette admiration, lui demandant toujours aussi froidement :

- Quel est ton nom ?
- Lucian, lui répondit solennellement le petit qui venait de recevoir son prénom.

La surprise se fit voir. Lucian, écrit dans son langage Lu'Cian, signifiait " Béni des Dieux ". C'était la première fois que ce nom voyait le jour et, après cette cérémonie, le jeune loup ne fut guère persécuté jusqu'à ce que cet acte calomnieux revit le jour.

Secouant la tête, le mâle revenait à lui, laissant ce souvenir glorieux s'éloigner, reposant son attention sur la louve. Les pas s'étaient approchés.

- Je suis désolé Tayla, je dois m'en aller ...

Il n'attendit guère sa réponse qu'il lui fit une lèche sur le museau, tendre, et s'en allait, s'éloignant de cette amie si précieuse. Plus il s'aventurait loin d'elle, plus son coeur redevenait glacé et son expression joyeuse laissait place à sa froideur habituelle et au sourire sonnant creux.