Nouveaux lieux, nouveaux clans et nouvelles espèces. A vous de vivre ... Ou de survivre !

Ce matin-là, ce n'était pas un rayon de soleil qui avait réveillé Adagio. Non, il s'était réveillé tout doucement, tranquillement, et c'est une fois qu'il était sorti de la grotte qu'il avait réalisé : l'Hiver était là, les premiers flocons tombaient ! Ils étaient encore petits, c'est vrai, mais quand même, c'était symbolique l'arrivée de la neige chez eux ! Du coup, le loup gris en eut du baume au coeur, la journée s'annonçait belle pour les hivernaux, particulièrement pour lui qui ne ressentait pas le froid !

Quel était le programme de la journée ? Il était déjà allé chasser récemment et les réserves étaient encore suffisantes pour qu'il puisse être tranquille aujourd'hui, donc il n'avait plus qu'à trouver une petite occupation sympathique. Un entraînement ? Mof, pourquoi pas, mais ça ne lui faisait pas spécialement envie en ce beau matin... Non, mais par contre, il pouvait aller voir son jeune apprenti, pour l'entraîner lui ! Comme ça, il en profiterait pour voir sa mère aussi, Ambre si chère à son coeur... D'une pierre deux coups !

Le chasseur se mit en route de bon train. En y repensant, c'était incroyable la vitesse à laquelle ses enfants grandissaient... Rien qu'en l'espace de deux leçons de chasse, Answer prenait quelques centimètres ! Il devenait déjà ado, effrayant de voir comme ça pousse vite à cet âge-là... Tout en marchant, Adagio réfléchissait, et repensait au jour où il les avait vu naître, ce qui lui fit penser par association d'idées à Jason, son double hivernal. Voilà un long moment qu'il ne l'avait pas vu, c'était inquiétant, même pour les chasses collectives on ne le voyait pas... Si possible il lui faudrait tirer ce point au clair !

Alors qu'Adagio passait par l'Abîme Profonde pour retrouver Ambre, il aperçut une silhouette au pelage doré un peu plus loin... C'était trop beau ! Elle était juste là ! Tout heureux, il courut vers elle, comme revigoré, et l'approcha tout sourire.

- Ambre ! J'étais en route pour aller te voir ! Comment vas tu ??

Il vint à son côté et lui fit une lèche sur la joue. Son coeur se serra en la voyant moins pétillante que d'habitude, et ses yeux gris se firent plus inquiets.

- Quelque chose ne va pas ?

Si un jour on lui avait dit qu'elle pleurerait autant, elle aurait ri au nez de la personne. Cela fais quelques semaines que tout va mal. Elle se sent dériver de plus en plus, elle sent bien que si personne ne la retient, elle va sombrer. Elle sombre déjà, petit à petit. Elle a perdue Aralion, elle ne sait pas ou il se trouve, elle s'inquiète. Est-il mort, lui aussi ? Elle ne voit plus Aÿka. Elle sait qu'elle n'est pas loin. Elle croit la voir, des fois, courir après un lapin. Surement devient-elle folle. Et Answer. Answer... Lui, elle le voit, c'est le seul qu'elle voit encore. Il a tellement grandis en peu de temps. Elle avait été tellement fière de son fils quand il lui a dit que c'était leur tonton de coeur qui l’entraîner. Mais maintenant, elle ne le voyait presque plus. Il était trop pris dans son projet de devenir le meilleur chasseur du clan. Ambre était désormais seule. Plus seule qu'elle ne l'avait jamais été. Dans son coeur comme dans sa tête. Elle était fatiguée d'être aussi seule. Seule à en mourir. Parce qu'il fallait le dire, elle n'avait plus le gout de vivre. C'était comme si on lui avait enlever cette partie d'elle-même, comme si on venait se rire d'elle, comme si la mort l’accueillez à bras ouvert. C'était donc avec un grand soupir de désespoir et les yeux fermés qu'elle s'était dirigée bers l’abîme profonde.
Ambre se rappelle de comment elle a rencontrer Jason la première fois. Il était tard, elle était encore qu'une ado' rebelle, et elle voulait voir du monde. Ç'n'a pas louper, elle a rencontrée l'amour de sa vie. La louve dorée revient soudainement dans le présent et elle sent son coeur se serrer. La vie est-elle si cruelle ? Pourquoi lui avoir enlever Jason ? Le seul être cher à son coeur. Quoique qu'il y avait Adagio, et ses loupiots. Mais ce n'était pas comme Jason. Ils avaient traversés tant de choses ensemble, contournés tant d'obstacles, vécus tant de joie et de pur bonheur. Elle ne pouvait pas vivre sans lui, elle n'avait plus le gout. Plus l'envie...

Ambre ouvrit les yeux. Elle venait d'arriver à l'endroit ou elle avait planifier de mourir. Était-ce vraiment le moment ? Était-elle prête à tout abandonner pour lui ? Sa vie, ses enfants, Adagio... Parce qu'au fond, c'était tout ce qui lui restait. Elle n'avait plus personne sur qui compter. Elle ne voyait Adagio que très rarement. Et très rarement, ce n'était pas suffisant pour apaiser ses souffrances. Elle soupira de nouveaux et s'avança d'un pas vers le trou béant que formais l'abîme. Mais alors qu'elle allait se laisser aller, une voix l’appela. Adagio. Elle ferma les yeux et resta debout face à l'abîme. Dés qu'elle l'aurait remballer, elle pourrait en finir rapidement. Mais ce n'était pas si simple que cela. Ambre ne pouvait renvoyer Adagio comme-ça, il se douterait de quelque choses. D'ailleurs...


- Quelque chose ne va pas ?

Non, en réalité, rien n'allait. Elle se tourna vivement vers son ami, ouvrit les yeux et laissa ce qu'elle retenait depuis longtemps dans son coeur passer la barrière de ses lèvres. Elle soupira longuement. Elle planta son regard dans celui d'Adagio. Ses yeux gris lui rappelait tellement ceux de Jason. Jason, Jason, Jason. Toujours ce prénom. Elle avait envie de se l'arracher du coeur. Elle se mordit la lèvre :

« Rien ne va en ce moment... »

Elle ne sait pas pourquoi, elle s'énerva tout un coup. Elle se mise debout et se mise à marcher dangereusement au bord de l'abîme. Elle se retourna vers Adagio et commença à se lâcher :

« Aralion a disparu, je sais pas où il est ! Aÿka et Answer s'en foute de leurs mère, c'est comme si elle n'existait plus ! Jason est partit ! Tu te rend compte un peu ? Après tout, mes enfants, ce n'est pas si important ! »

Elle avait les larmes aux bords des yeux.

« Je comprend qu'eux ils partent, ils sont si grands maintenant ! Mais Jason ! JASON ! Comment peux-t-il laisser tomber ? Comment ? Je lui voue un amour inconditionnel ! IL OSE M'ABANDONNER ! Je n'en peux plus, Ada'. C'est comme si on me disais de vivre sans coeur... Impossible. Impossible. »

Elle se laissa aller pour la première fois depuis le départ de Jason. Enfin, toute sa douleur s'échappe. Elle s’effondre. Elle baisse la tête, pleure encore et encore. Sanglote fortement. Elle murmure.

« Je ne veux plus vivre... Je n'ai plus la force... C'est impossible sans lui... »

Les yeux d'Adagio scrutaient sa chère, sa tendre amie, qui semblait réellement au bord de l'abîme, autant physiquement que moralement. Et si il était arrivé quelques instants plus tard ?? Sa gorge se nouait à l'idée de ce qu'aurait pu faire Ambre, il en aurait presque eu les larmes aux yeux. Comment avait-il pu la laisser sombrer, se perdre aussi profondément dans la tristesse ?? Quel ami était-il pour l'avoir oubliée, ne pas avoir fait assez attention à elle ? Il s'en voulait terriblement, et sentait sa respiration se couper en repensant à ce qu'il avait empêché. Ambre aurait-elle réellement sauté ? Aurait-elle laissé tous ceux qu'elle aime derrière elle ? Pourquoi ?

« Rien ne va en ce moment... »

Le chasseur se sentit bouleversé par la profonde tristesse qu'il pouvait voir en son amie, dans ses yeux, son expression, son âme ! Même sa voix laissait filtrer le chagrin et une profonde lassitude. Mais tout à coup ce fut la colère qui s'empara d'elle, et la louve au pelage d'or se mit à marcher au bord du gouffre, tandis qu'Adagio serrait fort les mâchoires, crispé, muet, horrifié. Il eut un bref souvenir pour Meneldil, et espérait pouvoir tirer son Ambre des ténèbres de même...

« Aralion a disparu, je sais pas où il est ! Aÿka et Answer s'en foute de leurs mère, c'est comme si elle n'existait plus ! Jason est partit ! Tu te rend compte un peu ? Après tout, mes enfants, ce n'est pas si important ! »

Le chasseur se sentit blessé, honteux surtout de n'avoir pas vu toute cette peine que son amie supportait, de ne pas l'avoir plus choyée. Jason, parti ?? Comment ça ? Il avait réellement disparu... ? C'était donc ce qu'il craignait, en n'osant pas trop y croire. Il aurait dû, il aurait dû s'en douter plus tôt et être auprès de sa chère amie, pour l'aider à affronter tout ça... Il la voyait, éperdument triste, les larmes aux yeux, et se sentait lui aussi le coeur à l'envers, encore incapable de prononcer le moindre mot.

« Je comprend qu'eux ils partent, ils sont si grands maintenant ! Mais Jason ! JASON ! Comment peux-t-il laisser tomber ? Comment ? Je lui voue un amour inconditionnel ! IL OSE M'ABANDONNER ! Je n'en peux plus, Ada'. C'est comme si on me disais de vivre sans coeur... Impossible. Impossible. »

Doucement, il s'approche, puis se précipite quand elle s'effondre, vient se placer à côté d'elle, tout contre elle, tandis qu'elle sanglote.

« Je ne veux plus vivre... Je n'ai plus la force... C'est impossible sans lui... »

Ses larmes déchirent son âme, tordent son coeur, et il sent lui aussi une larme rouler sur sa joue. Il n'avait encore jamais ressenti une émotion aussi forte, surtout pour quelqu'un d'autre que lui-même, mais pour Ambre c'était différent, il l'avait compris dès qu'il avait senti toute son affection pour elle... Et la voir dans cet état, ne réaliser que maintenant sa détresse, c'était le pire des supplices. Il appuya sa tête contre la sienne, laissant échapper un petit soupir tremblant. Il se sentait une fois de plus inutile malgré tous ses efforts, il savait qu'il ne pourrait pas remplacer Jason, mais il ferait de son mieux quand même !

- Aÿka et Answer ne s'en foutent pas de toi, Ambre, tu ne peux pas dire ça... Ils ont seulement grandi, et c'est normal à leur âge de prendre de la distance, ils doivent trouver leurs marques, vivre un peu en autonome... Et tu les reverras, sois en sûre. Aralion... Tu le retrouveras aussi, un jour. Quand il sera prêt, peut-être.

Il est vrai que le troisième de la portée avait toujours été plus distant que son frère et sa soeur, sans qu'Adagio sache vraiment pourquoi. Mais il pouvait se débrouiller et se trouver une place, ça il en était convaincu. Restait à traiter la question épineuse de Jason... Prononcer son nom lui faisait bizarre, comme une sensation amère dans la bouche...

- Je sais ce que c'est la perte d'un être cher, je le sais même si je ne l'ai jamais ressentie... Mais quand je vois ta souffrance je comprends que ça doit être dur... Mais s'il te plaît Ambre, ne prends pas la décision de laisser tomber ! Ça ne te ressemble pas, et tu ne laisserais que la souffrance derrière toi...

Il releva la tête et lui fit une lèche tendre sur la joue, écrasant les larmes qui perlaient dessus. Il se sentait dévasté, à l'idée d'avoir perdu un ami, mais aussi qu'Ambre ait perdu son coeur, et qu'il risque lui aussi de la perdre...

- Je peux comprendre que tu aies mal, mais s'il te plaît, pour tes enfants... p-pour moi, il faut que tu vives... que tu réapprennes à vivre... Je sais que si tu le veux tu peux en avoir la force, je t'ai toujours vue te battre pour surmonter les épreuves, tu y es toujours parvenue... Et même si tu crois que ta vie ne vaut plus la peine d'être vécue, regarde bien, il reste des personnes pour qui tu comptes énormément, pour qui tu pourrais rester... Il te reste tant de choses à vivre !

Et c'était vrai, il pensait à sa nouvelle vie en Hiver, il voulait qu'elle soit là, près de lui, qu'ils vieillissent ensemble, qu'ils restent toujours aussi bons amis. Il ne la laisserait plus jamais sombrer dans une telle tristesse, il veillerait toujours à son bonheur, au bonheur de tous ceux qu'il aime ! Doucement, le chasseur reposa sa tête à côté de celle de sa douce amie, restant tout contre elle pour la réconforter.

- Tu es vraiment une amie formidable, quelqu'un comme je n'en avais jamais rencontré, si je te perdais, je perdrais tout moi aussi...

Couchée sur le sol froid de l'hiver, Ambre se sentait défaillir de plus en plus. Les paroles de son ami la toucher plus qu'elle ne l'aurait cru. Elle se sentait tellement vulnérable. Vulnérable... Tout ça par sa faute, par la faute de Jason. La souffrance et la douleur se fit plus vive dans son coeur et elle s'échappa des pattes de D'gio. Non pas que son contact ne lui plaise, mais elle se sentait trop en tendue et triste pour être prise dans ses pattes. Les larmes sortaient de ses yeux comme elles le voulaient, elle ne contrôler plus ses émotions. Pour lui. Adagio voulait qu'elle reste, pour lui. Pour lui. Était-il égoïste à ce point ? Ambre se mise à sangloter un peu plus fort et elle secoua la tête. Elle se débattait avec toutes les émotions qu'elle ressentait en ce moment même. Elle se sentait faible, tellement faible. Sa gorge était déchirée sous ses cris, ses yeux la piquaient plus que jamais et son crâne lui faisait atrocement mal. Non, elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas vivre sans Jason. C'était plus qu'impossible. Elle se sentait tellement faible sens lui... Tellement... Elle avait perdue son âme soeur. Adagio savait-il ce que cela faisait ? Regarder dans l'état dans lequel elle était ! Ambre est perdue, elle a mal, elle souffre.

- Tu es vraiment une amie formidable, quelqu'un comme je n'en avais jamais rencontré, si je te perdais, je perdrais tout moi aussi...

Ambre ferma les yeux violemment, se bouchant les oreilles mentalement. Elle était de plus en plus prêt du bord. Ce bord qui l’appelait. Elle ne voulait plus vivre, ne comprenait-il pas ? Si, justement, il ne l'avait surement jamais vu aussi prêt du gouffre. Elle se mise à pleurer un peu plus. Elle ne pouvait pas parler normalement, elle devait crier. Crier fort, jusqu'à alerter les autres s'il le fallait, mais il fallait que ça sorte.

« Non Adagio ! Non ! Je n'peux pas ! C'comme si tu ... Comme si t'me demander de vivre pour souffrir, de reste sur cette putain de terre pour ne plus vivre ! »

Elle ne pouvait plus s'arrêter. Quitte à prononcer les mots les plus blessant, elle le ferait, pour qu'elle meurt seule.

« Toi ? Mes enfants ? Je m'en contre fou, je m'en fou, putain ! C'est de Jason qu'on parle ! Tu ne peux pas savoir ce que ça fais de perdre un être cher ! SON ÂME-SOEUR ! MON PUTAIN D'ÂME-SOEUR ! Est-ce que tu comprend ? Tu ne peux pas savoir ce que cela fait ! C'est comme si on m'avais arracher cette putain de vie ! »

Elle secoua la tête, sa rage, sa souffrance, sa tristesse. Elle ne se rendait pas compte qu'elle criait sur celui qui avait toujours était là pour elle. Elle devenait folle. Elle se mise face au gouffre, inspira profondément, renifla. C'était comme une évidence. Il fallait qu'elle en finisse. Là, maintenant. Tant qu'il en était tant. Elle se tourna vers Adagio, le regarda comme si c'était la dernière fois qu'elle le voyait, essuyant ses larmes. Elle se tourna alors vers l'abîme. Elle se détendit. Elle allait enfin rejoindre Jason. Enfin, il était tant. Mais au moins, était-il mort ? Elle soupira longuement. Adagio. Elle allait laisser Adagio seul. Seul au monde. Elle savait que cela pouvait paraître égoïste, mais elle ne penser maintenant plus qu'à son bonheur. Son putain de bonheur à elle. Elle avait toujours contribuer à ceux des autres. Il était tant qu'elle s'occupe un peu de sa pomme, aussi. Elle se mise un peu plus prêt, sentant presque le vide sous elle. Elle savait qu'Adagio la regarder faire. Tant pis, c'était son problème. Il voulait rester là, ok, très bien. Qu'il voit ce qu'elle avait réellement dans le ventre. Qu'il voit se réelle appel au secours qu'elle lançait. C'était bel et bien l fin. La fin d'une vie. D'une voix douce mais remplies de sanglots, Ambre soupira :

« Je t'aime, Adagio. Mais jamais tu ne pourra comprendre que je suis détruite. - Elle disait ce qu'elle ressentait. C'est vrai, elle avait toujours aimée Adagio un peu plus (juste un peu, riquiqui, vraiment, tout ça à cause de se bisous) qu'un ami. »[/i]

Ambre se tourna vers Adagio. Et secoua la tête en murmurant, "tu ne peux pas savoir". 

La situation lui échappait, indéniablement. Lorsqu’Ambre se releva, hors d'elle, presque enragée de douleur, Adagio sentit un morceau de son coeur s'arracher et s'envoler avec elle ; il avait presque l'impression de le voir tourbillonner autour de la tête de son amie, mélangé aux flocons qui continuaient inlassablement de tomber. Si seulement il était un flocon lui aussi... Il n'aurait pas à subir ce terrible spectacle qui déchirait son âme, cette louve qu'il aimait tant si près du gouffre, et sérieusement prête à se jeter dedans ; il ne se sentirait pas torturé entre la culpabilité d'être le pire des égoïstes et de vouloir la garder avec lui, et la terreur indicible de la laisser partir. Il serait froid, glacé, blanc, magnifique et éphémère, source de joie et de mélancolie. Et au moins il n'aurait pas la conscience de sa pauvre existence.

Alors que là, il était dans sa pauvre carcasse de loup, bêtement étalé sur la neige là où sa tendre amie l'avait laissé, et il ne pouvait que la regarder de ses yeux gris remplis d'effroi. L'écho des paroles d'Ambre, sa voix, tout résonnait dans sa tête sans qu'il parvienne seulement à formuler une réponse cohérente dans son cerveau. Il se sentait vide, comme sur un fil, avec un choix horrible qui lui pesait sur le coeur. Si elle vivait malheureuse, regretterait-il de la garder prisonnière dans une existence qu'elle ne souhaitait pas ? Si elle mourrait heureuse, regretterait-il de l'avoir laissée tomber ? Actuellement, qu'était-il sensé faire ?

« Toi ? Mes enfants ? Je m'en contre-fous, je m'en fous, putain ! C'est de Jason qu'on parle ! Tu ne peux pas savoir ce que ça fait de perdre un être cher ! SON ÂME-SOEUR ! MA PUTAIN D'ÂME-SOEUR ! Est-ce que tu comprends ? Tu ne peux pas savoir ce que cela fait ! C'est comme si on m'avait arraché cette putain de vie ! »

Les mâchoires serrées, Adagio regardait son soleil qui se rapprochait toujours plus du bord. Ces paroles faisaient mal, tellement mal, il se sentait cruellement rejeté au fond de lui même, mais les battements de son coeur tambourinaient contre sa poitrine pour l'intimer au mouvement, à l'action. Il devait réagir... Elle s'approchait encore... Ne serait-ce qu'ouvrir la bouche, dire quelque chose...

« Je t'aime, Adagio. Mais jamais tu ne pourras comprendre que je suis détruite. »

Adagio, il est temps, bouge, remue-toi ! Elle va vraiment sauter, tu le vois dans ses yeux, qu'elle se sent vide, dévastée ! Tu l'as déjà vu ce vide, chez Meneldil, mais là c'est plus qu'un gouffre, c'est un trou noir de désespoir qui viens t'arracher cette louve merveilleuse que tu aimes tant, ta première et véritable amie ! Elle est tellement malheureuse... Vas-tu la laisser s'enfuir ?

En un grand bond, le loup gris était de nouveau à côté d'elle. Il était dressé, le poil hérissé, les yeux dardés sur Ambre, leur couleur d'acier plus perçante que jamais. Du coin de ces yeux, deux larmes s'échappèrent, qui glissèrent rapidement sur ses joues et vinrent tomber à ses pattes. Son expression affichait clairement ce qu'il ressentait de manière bien plus puissante en lui : sa terreur de perdre la louve dorée, de la voir franchir le pas.

- Es-tu sûre de ce que tu vas faire ?

Le loup laissa échapper un gros soupir, baissant un instant la tête, avant de replonger ses yeux dans ceux d'Ambre. Sa voix était grave, ferme, mais pourtant chaude et animée. Il sentait l'urgence du moment, le choix décisif qu'il devait faire de ses mots, tandis que le vent se levait et venait balayer leurs poils.

- Question idiote... Tu es déterminée comme tu l'as toujours été. Sûre de tes choix. Mais cette fois-ci, c'est différent... Ce choix-là implique un peu plus que d'aller se promener en territoire hivernal quand on est une ancienne estivale. Tu es entre la vie et la mort... Je sais que tu en es consciente et je sais de quoi tu as envie. Je voudrais juste te demander une dernière fois si tu as vraiment considéré tout ce que tu laisses derrière toi...

Il avait envie de soupirer, de hurler, de lui sauter dessus pour l'emporter loin de ce danger. Mais il ne pouvait pas, il n'avait pas le droit. C'était son choix à elle, lui ne pouvait que lui rappeler ce qui était en jeu, mais la finalité lui revenait. Et de toute façon, essayer de lui faire changer d'avis par la force, ce serait comme se jeter contre une falaise, il l'avait bien compris - et vu la taille de son amie, ça se devinait facilement.

- Je ne connais pas ta douleur, c'est vrai, je peux seulement l'imaginer, même si je reste loin de la réalité... Pour en saisir l'horreur, le mieux que je puisse faire, c'est de me mettre à ta place, inverser les rôles... Ce n'est pas la même chose que perdre une âme soeur, j'en suis conscient, mais le simple fait d'imaginer te perdre toi est déjà monstrueusement éprouvant. Et d'imaginer que tu vis quelque chose d'encore pire et que tu en souffres est une véritable torture...

Peut-être qu'il parlait pour les flocons, qu'elle ne l'entendait déjà plus, que dans sa tête le vide s'était déjà fait pour accepter la chute qui surviendrait... Qu'importe, il terminerait son discours, il était capable de lui parler pendant une semaine, ne serait-ce que pour retenir le moment fatal ou même, encore mieux, la faire changer d'avis. Était-il un égoïste, ou agissait-il pour la bonne cause ? Il ne savait pas. Il s'en foutait. S'il était un égoïste, il l'assumait. Il ne la tiendrait pas captive. Il se fit la promesse intérieure de lui dire ce qu'il avait à dire, et de la laisser seule maîtresse de son choix. Et il en assumerait toutes les conséquences.

- Tu peux m'appeler égoïste, tu peux t'en foutre de moi, je le conçois... Ça fait mal, mais je peux le comprendre. Tu es libre de prendre tes propres décisions. D'être libre, de laisser ceux qui t'aiment encore derrière toi. Ce n'est pas un reproche... Si tu pars... Ou quand tu seras partie... J'expliquerai à tes enfants ton choix. Je ferai de mon mieux pour qu'ils ne manquent de rien, même si ils sont déjà grands. Je tâcherai de retrouver Aralion et de m'assurer qu'il va bien.

Voilà que de nouvelles larmes venaient de s'échapper de ses yeux, qui eux restaient fermement fixés sur Ambre. Il sentait sa gorge se serrer mais persistait, il devait aller jusqu'au bout, lui ouvrir entièrement son coeur.

- Je ne m'opposerai pas physiquement à ton choix. Je te demande juste une dernière fois d'y réfléchir... Une dernière fois j'ose te demander, s'il te plaît, de rester... Adagio laissa échapper un soupir bref, et poursuivit dans un murmure étouffé. Quoi qu'il arrive tu vivras toujours dans mon coeur.

Le loup gris demeurait debout, imperturbable ; ses yeux d'acier, doux et tristes, restaient inlassablement posés sur Ambre. Il attendait, comme un terrible verdict, la réaction de son soleil, et la crainte qu'il s'éteigne était plus forte que jamais. Que dirait-il à Answer, Aÿka, et Aralion s'il le trouvait ? Que leur mère les avait quitté parce qu'elle n'avait plus aucune raison de vivre ? Et comment se sentiraient-ils, eux ? Rejetés, incapables d'avoir pu apporter le soutien dont Ambre avait besoin ? Un peu comme lui... Il ne la blâmait pas pour ça, il avait compris en voyant sa véhémence que la perte de l'amour unique était une peine inconsolable, mais il ne pouvait empêcher son coeur de tremper dans l'amertume des laissés pour compte...

La balle était dans son camp. Si elle ne sautait pas, jamais il n'aurait été si heureux, mais craignait de penser cela ; le moindre espoir lui causerait une cruelle douleur s'il était déçu. Si elle sautait... Il devrait se montrer fort. Lui qui avait déjà tâché de redresser les autres devrait apprendre à rebâtir sa vie, lui-même, et soutenir aussi les enfants de son amie. C'était une option qu'il redoutait fortement, et le sang battait dans ses oreilles, tambourinait dans sa poitrine, courait dans ses veines, prêt à se figer à la moindre réaction.

Jamais l'attente ne lui avait paru aussi terrible, et pour la première fois de sa vie, il sentit un froid mordant lui glacer le coeur...

- Es-tu sûre de ce que tu vas faire ?

Le temps s'arrêta subitement. Était-elle sûr qu'elle voulait mourir ? Était-elle sûr qu'elle voulait tous les quitter ? Ne plus jamais les revoir ? Leurs faire du mal, parce qu'elle n'avait penser qu'à elle ? Être égoïste jusqu'au bout ? Au fond d'elle, elle était mitigée. Mitigée entre l'envie de se jeter par dessus bord pour en finir avec toute cette douleur et l'envie de serrer Adagio dans ses bras et de lui dire qu'il avait raison, qu'en réalité, elle voulait rester avec eux pour le restant de ses jours. Que faire ? Son coeur se partageait en deux et elle sentait qu'elle n'allait pas tenir longtemps comme-ça. Elle sentait les flocons de neige tomber doucement sur la terre des Hivernaux. Alors ça y ai ? Il se mettait enfin à neiger ? Il était temps. Elle perdue de vue les beaux yeux gris de son ami et eu une envie soudaine de sauter. Alors lui aussi, il l'abandonner ? Le vent souffla sur leurs pelages et elle frissonna. Elle regarda le vide. Elle ne savait pas quoi dire. C'est comme si elle était paralysée par la question d'Adagio. Devait-elle sauter ? L'animosité et la chaleur qu'il avait mit dedans l'avait désarçonnée. Sauter ou ne pas sauter. Cruelle dilemme.  Elle chercha des yeux son ami, qu'elle retrouva. Elle vit ses lèvres bougeait mais ne fit aucun effort pour les comprendre. Elle ferma les yeux quelques instant, profitant du calme qui se faisait soudainement dans sa tête. Quelques brides lui parvinrent quand même et elle rouvrit les yeux. "Tu es déterminée comme tu l'as toujours été". Oui, c'était vrai, elle avait toujours su ce qu'elle voulait, jusqu'à aujourd'hui, alors pourquoi hésitait-elle autant à sauter ? Un soupir s'échappa de sa bouche. Elle n'arrivait toujours pas à bouger. Seul le vent faisait voler son long toupet orange. "Tu es entre la vie et la mort...". C'était comme un murmure, doux aux oreilles d'Ambre, violent aux oreilles de son ami. Entre la vie. Elle n'avait plus de vie. Entre la mort. Elle ne l'était pas encore. Il avait parfaitement choisis la phrase. Entre les deux. Seule elle pouvait décider de basculer vers l'un ou vers l'autre. Elle fit un pas en arrière, bougeant soudainement. Elle sentait son coeur battre la chamade plus vite que jamais. Que ferait-il, si elle mourrait ? Que dirait-il à ses enfants ? Serait-il seulement triste ?
Ambre tourna la tête vers Adagio. Elle ne s'était pas rendue compte qu'il avait atterrit à ses côtés. Peut-être voulait-il être là pour la voir se fracasser violemment contre la parois glacer ? Un sourire vient orner son beau visage pendant moins d'un dixième de seconde. Était-il si méchant ? Elle se frappa mentalement. Bien-sûr que non, il ne voulait pas la voir mourir. C'était sa meilleure amie après tout. Une autre bride de ses paroles lui arrivèrent aux oreilles. Plus froide, plus triste. "Ce n'est pas la même chose que perdre une âme soeur, j'en suis conscient, mais le simple fait d'imaginer te perdre toi est déjà monstrueusement éprouvant." Elle se sentit fondre comme neige au soleil. Il tenait alors autant à elle ? Elle ferma les yeux, empêchant de nouvelle larme de couleur. Comment pouvait-il être si cruel avec elle et lui dire des choses pareils ? La considérait-il comme une âme-soeur ? Jamais Ambre n'avait penser à cette perspective. Parce qu'une âme-soeur n'était pas seulement votre amoureux. Une âme-soeur est quelqu'un de plus important que votre propre vie. Vous tenez à elle comme si c'était... Votre soeur. Une autre bride arriva, plus violente que les autres. "Tu peux m'appeler égoïste, tu peux t'en foutre de moi, je le conçois...". Non. Non elle ne s'en foutait pas de lui ! Elle lui avait dit que ce n'était pas de sa faute mais qu'il ne pouvait pas comprendre la douleur ! Elle n'avait jamais dis qu'elle s'en foutait. Elle tourna vivement la tête vers Adagio et une larme rebelle coula sur sa joue. Elle baissa les oreilles et se mise face à lui. Elle grogna méchamment. Puis elle comprit son petit manège. Il voulait qu'elle réagisse à ses paroles ! Il continua sur sa lancer. "Ce n'est pas un reproche... Si tu pars... Ou quand tu seras partie... J'expliquerai à tes enfants ton choix." Ce n'était à lui de faire cela, normalement. Ce n'était à lui de s'occuper de ses enfants. S'aurait du être à Jason. Mais Jason n'était plus là. S'il avait été là, rien de tout cela ne serait arriver. Rien ne serait comme maintenant. Elle ne s'apprêterais pas à sauter d'une falaise et elle ne ferait pas pleurée son meilleur ami. Sa pensée s'arrêta soudainement.

« Adagio »

Ce n'avait été qu'un murmure. Surement pas suffisant pour qu'il l'entende. Elle sentit son coeur se serrait quand elle vit les deux gouttelettes d'eau perlaient aux yeux de son ami. Elle lui faisait du mal. Elle était entrain de le briser et elle ne pensait qu'à elle ! Mais qu'est ce qu'elle était égoïste. Elle baissa les oreilles et ses yeux se mirent à pleurer. Voir son ami dans un tel état venait de la réveiller. Mais qu'avait-elle fait ? " Une dernière fois j'ose te demander, s'il te plaît, de rester... Quoi qu'il arrive tu vivras toujours dans mon coeur." Tout s’effondra autour de la louve doré. De gros sanglots s'échappèrent de sa gorge et elle s’effondra sur le sol froid de l'hiver. Il avait réussi. Il avait réussi à la toucher plus que nécessaire. Elle ne pouvait plus se relever ni dire quoique se soit. Son coeur avait explosée, ainsi que ses émotions. Elle resta donc par terre, n'ayant plus la force de se relever. Les sanglots étaient forts et puissant et les larmes ne cessait de couleur. Mentalement et physiquement, elle était épuisée. Épuisée, mais saine et sauve.

Alors?:

Le temps continuait-il sa course, ou bien s'était-il arrêté ? Adagio n'en avait aucune idée, la seule notion qui lui parvenait, c'était les flocons qui tombaient lentement autour d'eux dans le silence de l'Hiver, avec seulement leur petit chuchotement lorsqu'ils atteignaient le sol. S'il avait levé ses prunelles grises de la silhouette d'Ambre, il aurait certainement souri devant la beauté du paysage ; après tout, c'était la chute des premières neiges... Mais son coeur n'était pas aux réjouissances. Il était pour le moment transpercé de pics de glace, et sa gorge serrée le faisait déglutir avec peine. Le chasseur avait l'impression d'être sur un fil, prêt à tomber d'un côté ou d'un autre, mais quoi qu'il arrive la chute était inévitable. Jamais encore il ne s'était senti dans un tel état de détresse, c'est dire à quel point il avait pu changer depuis son arrivée en Hiver, et tout ça en partie grâce à sa tendre amie au poil doré...

Les yeux du loup gris restaient posés sur elle, sur son soleil, qui semblait percevoir quelques unes de ses paroles puisque plusieurs expressions défilèrent sur son beau visage. Lui restait dans l'attente de la décision finale, immobile, tendu, des petits paquets de neige commençant à se déposer sur son dos et dans sa mèche. Qu'importe, il ne sentirait pas leur froid mordant, son coeur était déjà gelé, et il suffisait d'un geste d'Ambre pour qu'il se réchauffe ou qu'il explose.

Leurs prunelles se croisèrent, mais il lui était impossible de décrypter les pensées de son amie, tout lui semblait confus et il avait bien trop peur de se tromper, d'interpréter une lueur d'espoir là où il n'y avait que tristesse. Il se contenta donc d'attendre, sagement, imperturbable, droit comme une statue.

Et finalement, elle tomba.

Elle s'effondra sur place, secouée de sanglots, les larmes roulant toujours plus nombreuses sur ses joues. Sa chute fut comme un électrochoc pour le chasseur, qui prit une soudaine inspiration, s'apercevant qu'il retenait son souffle depuis quelques minutes. Il eut à peine quelques secondes d'hésitation pour se ressaisir et réaliser qu'Ambre était toujours là, en vie, puis il s'approcha d'elle, doucement. Il aurait aimé bondir et la serrer dans ses pattes, mais ne voulait pas l'envahir, l'étouffer. Elle avait peut-être besoin de pleurer un bon coup. Adagio s'assit à côté d'elle, se pencha pour déposer un baiser sur le front de son amie, et glissa une patte à côté de la sienne. Puis il la regarda, se souvint de leur première rencontre, et sourit. Sourit devant tout le chemin qu'ils avaient déjà parcouru, et devant celui qui continuait devant eux. Ce n'était pas un sourire éclatant, mais un sourire simple, plein de joie pure, discret.

Était-il égoïste de sourire devant la tristesse d'Ambre ? L'avait-il sauvée pour finalement ignorer son malheur ? Non, bien sûr que non, il n'en avait aucunement l'intention. Mais c'était plus fort que lui, puisqu'elle était toujours là, elle avait fait le choix de rester parmi eux, et c'était sans aucun doute la meilleure nouvelle qu'il ait jamais eut l'occasion de vivre. Elle restait. Elle vivait. Quelle joie, quel soulagement...

Mais il savait que tout n'était pas fait. Les temps à venir seraient plus durs, et il devrait se montrer présent pour Ambre, pour la soutenir, si elle acceptait son aide. Il ne voulait en aucun cas se montrer collant et l'étouffer. En tant que son meilleur ami, il ne voulait que son bonheur, la voir heureuse, la voir rire et sourire. La voir encore parmi les vivants, sur la terre de Four Seasons. Était-ce de l'amour ? Un amour profond et vrai ? Il l'ignorait. Il ne s'en souciait pas vraiment. Tout ce qui importait, c'était le bien-être de ceux qui comptaient pour lui, quelle que soit la force de son affection pour eux.

Assis à côté d'Ambre, il s'aperçut qu'il pleurait aussi, à nouveau, et cligna des yeux. Levant alors ses prunelles grises, il regarda les flocons qui tombaient doucement autour d'eux, dans leur chuchotement tranquille, seulement entrecoupé des sanglots de la louve au pelage doré. C'était un beau paysage. Du haut de la falaise, on voyait le territoire hivernal qui revêtait son costume blanc, pour la première fois de l'année. Adagio réalisa qu'il était réellement heureux, ici, maintenant, dans ces terres, avec les loups qu'il côtoyait. Et il ne donnerait sa place pour rien au monde.

Son regard plongea de nouveau vers son amie, et il se rapprocha un peu d'elle. Il n'aimait pas la voir pleurer et souffrir. Il se jura de toujours faire en sorte que ses pleurs ne coulent pas, dorénavant. Qu'elle soit heureuse, malgré la perte de Jason. Il l'aiderait autant que possible à se relever, à re-goûter à la vie, au bonheur. C'était son rôle, non ?

Immobile dans la neige qui tombait lentement, ses yeux gris couvant Ambre, il murmura, tout doucement, laissant les mots sortir directement de son coeur.

- Je serai toujours là pour toi. Tu pourras toujours compter sur moi. Je te le promets.