La lassitude. Ce sentiment d'ennui et de désespoir qui m'envahit dès que je ferme les yeux, laissant mon esprit se perdre nonchalamment dans les terres sauvages. J'aurais échoué, toute ma vie n'aura été qu'un grand et majestueux échec. Décider de quitter mon clan pour elle, la plus belle des preuves d'amour que je pouvais lui donner, mais me voir refuser l'accès à son clan par son père. Moi qui ne rêvait que de rejoindre les hivernaux. Je pourrais le faire désormais, Menendil ne s'y opposerait probablement pas trop et puis j'y retrouverais mon fils. Malgré les apparences, je sais qu'il est revenu, je les sus au moment même où j'ai senti à nouveau son esprit frôler le mien. J'aurais choisi de l'observer de loin pour veiller sur lui, restant dans l'ombre pour ne pas l'influencer. Il aura réussit là où j'ai échoué, là où je n'aurais été qu'un minable incapable.
J'ai marché sans vraiment savoir où j'allais, laissant mes pas me guider là où mon coeur le voulait. J'aurai cru atterrir en terre hivernale, là où j'avais réussi l'espace d'une seconde à me sentir entier. En ouvrant les yeux, c'est plutôt un paysage, quoique enneigé, mais tout à fait familier qui s'offre à mes yeux. Je revois en pensées les fleurs odorantes qui couvrent les bords du lac en plein milieu de l'été, l'arbre immense qui apporte une ombre réconfortante et le parterre de lys bleu qui garde ma mère. Mon regard se pose sur l'endroit où je suis né, cette simple caverne à l'abris du vent qui nous aura vu naître avant de nous enlever notre mère. En plongeant dans mon esprit, je sais que je n'ai jamais accepté sa mort, même sans l'avoir connue. L'impression d'avoir été trahie, abandonné seul contre tous sans pouvoir bénéficier de sa protection et de son amour maternel. Bien entendu, Canaan aura toujours été là pour moi, me poussant à choisir à ma voie et à écouter mon coeur. Elle aussi me manque.
La mort. Son aura qui emplit toute ma vie. Trop de morts inutiles. Ma mère. Ma nourrice. Ma compagne. Toutes les femmes de ma vie qui partent pour l'au-delà en me laissant seul pour affronter le monde. Cette force de caractère qui me caractérise et que tous reconnaisse, cette fierté qui m'amène à toujours prouver ma valeur, cette autorité qui m'amène le respect des autres. Rien de tout cela n'est qui je suis entièrement. La vie m'a blessée un jour à la fois, m'empêchant d'accéder à mes rêves. Je n'en aurais accompli qu'un seul, la rendre heureuse jusqu'à la vie. Mais elle sera parti trop vite, avant même que j'ai pu tenter quoique ce soit pour la retenir auprès de moi. Elle ne vivait que pour la liberté, comme un oiseau fier et libre qui rêve de toucher le soleil. J'aurai été le loup le plus heureux du monde d'avoir droit à une partie de son âme.
Je ferme les yeux, laissant mes pensées s'évaporer les unes après les autres. Je ne veux pas oublier, mais chasser mes peurs. J'aurais aimé être quelqu'un d'autre, être là pour mon jeune frère insécure, pour ma soeur, pour ma compagne, pour mes petits, mais je n'aurai réussi qu'à être faible quand il s'agissait d'eux. J'inspire profondément, emplissant mon corps de l'odeur délicate des fleurs qui me rappelle mon enfance, avant de lever le nez vers le ciel pour pousser un dernier hurlement. Ma plainte à la vie, à mes petits et à tous ceux que je laisse lâchement derrière moi. J'ai en assez de me battre pour ce monde, il est temps que d'autres prennent la relève. Un dernier regard sur le monde avant de me mettre en marche vers le nord, je sera mon dernier voyage. Je ne reviendrais pas.
Puisse mon amour vous protéger à travers le temps et l'espace.
Cette unique pensée pour mes proches que je laisse ici, poussant mon don à l'extrême pour qu'ils le perçoivent où qu'ils soient. Leurs esprits qui enfleurent le mien un instant avant de s'évanouir dans le néant.
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